Jean-Michel Wilmotte : Le projet comporte quatre éléments :
la cathédrale orthodoxe, le centre culturel avec vue sur les
quais, le centre cultuel et une école primaire franco-russe. I1
s'inscrit dans un projet urbain, se situe dans le prolongement
du pont de l'Alma, dans un axe qui va de l'avenue Rapp à la
Seine. Le projet vise aussi à une mise en exergue du Palais de
l'Alma (que personne ne remarquait jusqu'alors) - qui est en
cours de rénovation - et de son manège.
Nous avons souhaité une volumétrie discrète, qui devait tenir
compte de la hauteur de bâtiments des années 30 dans
l'environnement, de la proximité de l'ambassade de Bulgarie;
c'est une chance que la Russie ait pu disposer de cet
emplacement, sur le chemin de nombreux instituts culturels
dont celui du Japon.
L'ensemble se veut simple, non baroque et respecte les canons
de l'orthodoxie ; les cinq bulbes ont en effet des dimensions
très précises qui ont été fixées par le patriarcat de Moscou (le
profil des bulbes, tout est codifié). Le plus haut des cinq
bulbes atteint 17m, croix comprise. On a utilisé un matériau
contemporain, la fibre de verre, pour les réaliser. Chaque
bulbe se compose de 3 pièces, le plus grand de 8 pièces.
Les murs sobres, en pierre de Bourgogne (cette même pierre
dont est constitué le socle de la Tour Eiffel ou encore le
Trocadéro, extraite de la carrière de
Massengis) font ressortir les cinq bulbes. La
pierre est traitée en lits horizontaux - on parle
de « plissage de la pierre » (pierre taillée en
facettes) qui permet de renvoyer la lumière et
de faire varier 1'éclairage selon les heures,
exception faite des parois de la cathédrale.
Le verre, utilisé de façon modérée, est inséré
par strates entre les linéaires de pierre et
permet ainsi de créer l’illusion du feuilletage.
Il allège les angles tout en soulignant le travail
horizontal de la pierre par un jeu d'effets de
plissés. Il apporte un éclairage naturel discret à
l’intérieur de l'édifice. Ce concept de strates
avec une finition adoucie ancre 1'église sur
son socle.
L'écriture sobre de 1'église, déclinée sur les
autres bâtiments, permet à cette dernière de
s'imposer comme 1'élément central.
Revue de I'AMOPA : Vous avez reçu en 2014 un Leaf Awards pour votre scénographie du Rijksmuseum d'Amsterdam;
pouvez-vous nous parler de cette scénographie ?
En quoi était-elle spécifique par comparaison avec d'autres scénographies de musées que vous avez pu réaliser ?
Jean-Michel Wilmotte : Ce qui m'a plu au Rijksmuseum, c'est 1'esprit dans lequel souhaitait travailler le conservateur du
musée, c'est-à-dire de traiter 1'ensemble des espaces comme un vaste cabinet de curiosités. Ce qui permettait cette approche,
c'est la très grande variété des objets à mettre en scène (peintures, sculptures, mobilier, art décoratif, maquettes de bateaux,
armes extraordinaires, cuirasses, grès culinaires, verreries, costumes, instruments …).
Selon les époques, pour créer une identité, nous avons utilisé des dégradés sur les murs : gris foncé pour le Moyen-Âge, gris
clair pour les XVII
ème
, XVIII
ème
, XIX
ème
siècles, blanc pour le XX
ème
siècle. Cette couleur uniforme crée un environnement
neutre qui met en valeur les objets.
Les collections spéciales comme les porcelaines de Delft, les maquettes de bateaux ont été mises sous verre. Une
transparence maximale est recherchée pour une lecture optimale des objets d'art. Enfin l'association entre lumière naturelle
et lumière artificielle renforce encore la mise en relief des collections.
J'ai aimé travailler à partir de la bâtisse du XIX
ème
siècle (construite en 1885), et pouvoir se décharger de la brique (élément
lourd), unifier les espaces; la typologie des vitrines s'adapte à la fois à l'architecture du bâtiment et aux œuvres exposées.
Paris, Centre Spirituel et Culturel Orthodoxe Russe
@ Wilmotte & Associés
Amsterdam, Rijksmuseum, muséographie @ Julien Lanoo