Fin de vie, penser les enjeux, soigner les personnes

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Diane dAudiffret
Pôle de recherche, Collège des Bernardins
Présentation de la note Perspectives & Propositions
Fin de vie, penser les enjeux, soigner les personnes par Dominique Folscheid et Brice de Malherbe,
co-directeurs du département d’Ethique biomédicale, Collège des Bernardins
Pôle de recherche du Collège des Bernardins : enjeux et lancement d’une nouvelle collection
Les notes Perspectives & Propositions
Le Pôle de recherche du Collège des Bernardins est un lieu de réflexion et de dialogue de
chercheurs et praticiens de différentes disciplines avec des théologiens sur les questions de notre
temps concernant l'éducation, l'éthique médicale, l'économie, la démocratie et l’Europe, le
dialogue des religions et la parole de l'art. Cette recherche a pour objectif la production d'idées
nouvelles pour construire l'avenir de l'Homme.
Pour les partager, nous développons notre Collection Humanités par les nouvelles notes
Perspectives & Propositions dont l’objet est de rendre compte de manière synthétique des
propositions originales issues des séminaires et colloques du Pôle de recherche et de ses
partenaires.
Après une première note Perspectives & Propositions : Vers des démocraties personnalistes,
rédigée par Antoine Arjakovsky et Antoine de Romanet parue début décembre, nous vous
présentons un texte sur la fin de vie : Fin de vie, penser les enjeux, soigner les personnes.
Fin de vie, penser les enjeux, soigner les personnes : contexte
En effet, dans un contexte politique et social envisageant une modification de la législation sur la
fin de vie, le Collège des Bernardins, en partenariat avec l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée, a
souhaité susciter et prendre part au débat, et a organisé en février 2013 une journée d’études sur
la fin de vie.
Cet ouvrage de synthèse en reprend les principales analyses et propositions en les actualisant
suite à l’avis 121 du Conseil Consultatif National d’Éthique - afin de permettre à tous ceux qui le
souhaitent de bénéficier des fruits d’une réflexion pluridisciplinaire de qualité alliant vision
juridique, sociologique, philosophique, religieuse, et bien entendu médicale. Des expériences à
l’étranger et dans d’autres contextes culturels ont également enrichi le débat.
Cette note rédigée à l'occasion de discussions pouvant conduire à des décisions législatives, vise
avant tout à contribuer à un débat sur la fin de vie et la mort, débat qui aura toujours lieu d'être.
En ce sens, plutôt que d'enjoindre à des décisions impératives, elle formule des propositions
ouvertes pour une réflexion durable.
Fin de vie, penser les enjeux, soigner les personnes : quelles propositions ?
Les différents apports des intervenants prenant part à la journée organisée au Collège des
Bernardins révèlent que notre société connaît des bouleversements profonds dans son rapport à
la mort, notamment du fait d’avancées technoscientifiques sans précédent, et se trouve
désemparée devant des situations de fin de vie inédites. Cela appelle à repenser le cadre juridique,
éthique et médical des pratiques, ainsi que les conditions du débat devant accompagner la
question essentielle de la fin de vie. De façon concrète, le Collège des Bernardins soumet des
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propositions dans ces différents domaines, tant en ce qui concerne les approches légales et
soignantes que les approches sociologiques, politiques et sociétales.
APPROCHE LEGALE
Préciser les termes du débat et notamment euthanasie et suicide assisté :
o définir l’euthanasie comme « acte délibéré d’un tiers entraînant la mort
d’un malade » ;
o reconnaître la distinction entre le suicide, qui est une latitude et non un
droit, et le suicide assisté qui est instrumentalisation d’un tiers.
Travailler à une plus grande cohérence des différents textes juridiques de
référence.
Former, sensibiliser les professionnels de santé mais également l’opinion
publique à la question de la fin de vie et à la législation en vigueur notamment la
loi Leonetti :
o affirmation double du refus du droit à la mort et du droit au laisser mourir ;
o refus de l’obstination déraisonnable ;
o étude des potentialités des directives anticipées prévues dans la loi.
Mener des études sur quelques zones d’ombre persistantes dans le cadre
juridique : « double effet » ; équivalence entre ne pas entreprendre un traitement
et retirer un traitement ; traitement d’un patient en agonie.
Garder une respiration éthique dans l’exercice subtil d’équilibre entre les valeurs
sur lesquelles repose une société, les évolutions des aspirations et leur
traduction juridique : attention au « tout législatif ».
Penser les lois pour fixer des limites entre le permis et l'interdit et ne pas faire
des lois de circonstances.
A ce propos, toute loi légalisant l'euthanasie et le suicide assisté aura
nécessairement certains effets :
o celui d'inverser la mission constitutive de la médecine, qui est de préserver
les patients de la mort et non de la leur donner ;
o celui d'imposer à des tiers, au nom d’un prétendu « droit de mourir », le
devoir de répondre à la demande ;
o même strictement encadrée, la latitude accordée à la médecine de donner
la mort ferait courir le risque d'inverser l'exception et la règle. une telle loi
sera forcément sensible aux évolutions sociétales, enclines à élargir le
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champ des situations où l'euthanasie s'impose, comme le montre l'exemple
des pays étrangers ;
o une loi ne pourra jamais se substituer aux cisions singulières prises en
situation d'incertitude, quelles que soient les probabilités statistiques.
APPROCHE SOIGNANTE
Explorer la dimension du care : promouvoir l’accompagnement des personnes en
fin de vie dans toutes leurs dimensions : physiques, psychiques, sociales :
o réconcilier l’acte médical et le geste relationnel (réaffirmer la rencontre) et
élaborer des solutions singulières à des situations toujours particulières ;
o stimuler la créativité des soignants en lien avec le rôle de la personne de
confiance, de la famille ;
o former les soignants et les proches à la démarche palliative : développer la
culture palliative dans tous les services de santé, en évitant de la réserver à
des services dédiés.
Mettre en place une éthique de la communication et du dialogue.
o travailler le temps d’accueil en soins palliatifs par l’équipe pluridisciplinaire
pour construire les bases d’une véritable rencontre, d’un pacte de soin
fondé sur la confiance ;
o veiller à laisser une place à la parole du malade et lui parler en vérité au
moment opportun : expliquer les raisons des limitations ou arrêt de
traitement ;
o renforcer la place du « proche » ou de l’ « aidant », l’accompagner par des
temps d’échanges, l’orienter vers des associations, lui offrir des temps et
des moments de répit.
Promouvoir la collégialité pour la prise de décision :
o assurance d’une décision après audition de toutes les personnes impliquées
et concernées ;
o clarification des conditions de la codécision entre le malade et le médecin ;
o prise en compte des directives anticipées tout en reconnaissant leurs
limites (cf disability paradox - on change généralement d'avis à mesure que
la situation évolue) / distinction requise entre patient « conscient » ou «
inconscient » sachant qu’elle peut, en pratique, se révéler ambiguë ;
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o facilitation du recours à un consultant extérieur dans le cadre de la
procédure collégiale ;
o reconnaissance d’un droit à l’erreur des équipes soignantes.
Travailler sur une médecine des limites de la vie et travailler sur les limites de la
médecine
o former les médecins à la complexité des situations de fin de vie et des
enjeux qui les sous-tendent, ainsi qu’à l’élaboration de décisions après
délibération collégiale ;
o favoriser les stages d’étudiants en médecine dans les services de
réanimation, de soins palliatifs, de gériatrie ou de médecine confrontés à la
fin de vie.
Assurer un engagement et une présence permanents auprès de la personne en
fin de vie
o sensibiliser les soignants et promouvoir leurs initiatives ;
o permettre à la famille dans tout service de médecine une présence auprès
de leur proche gravement malade.
Souligner l’exigence éthique du traitement de la douleur : La prise en charge de la
douleur ne se résume pas aux échelles de mesure analogique, ni à la prescription
d’antalgiques. Elle renvoie à la souffrance relevant d’une problématique
existentielle et qui appelle une écoute et un soutien.
Privilégier la qualité de la vie plutôt que sa durée : garder l’énigme de ce temps de
la fin de vie imprévisible qui appartient au malade et à son histoire, et la respecter.
Reconnaître la « sédation pour détresse en phase terminale » comme un acte de
soin : objet d’une délibération, elle s’applique à des situations bien déterminées et
s’appuie sur des recommandations de bonnes pratiques.
Développer des outils d’information auprès des soignants et des familles afin de
clarifier les notions et pratiques.
En néonatologie : prendre acte que l’on est confronté à de grandes incertitudes.
Questionner la réanimation systématique et sensibiliser à la possibilité des soins
palliatifs.
APPROCHE SOCIOLOGIQUE
Mieux analyser les discours et évolutions actuelles relatives à la mort pour mieux
comprendre les enjeux qui sous-tendent le rapport à la mort contemporain, les
aspirations des malades et de leurs proches.
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Mieux appréhender notre finitude commune, ne pas exclure la mort et le
mourant de notre société :
o porter attention à la ritualisation de la fin de vie dans ses formes anciennes
et ses expressions nouvelles : construire avec le défunt tout à la fois un lien
et une séparation ;
o transmettre des récits de la fin de vie au plus près des réalités vécues pour
en montrer toute la complexité.
APPROCHE POLITIQUE et SOCIETALE
S’emparer des lieux du débat démocratique pour traiter des questions de
dépendance et de fin de vie et de leurs conséquences anthropologiques,
sociétales, économiques Une urgence : prendre le temps du débat avant de
légiférer afin de discerner sur la société que nous voulons pour demain : faut-il
nécessairement faire tout ce dont nous sommes capables ?
Exercer un travail de pédagogie au niveau des médias afin d’atteindre l’opinion
publique, organiser des conférences et journées d’études.
Biographie des auteurs
Dominique Folscheid, Professeur émérite de philosophie morale et politique à l’Université Paris-
Est Marne-la-Vallée, co-directeur du département de recherche éthique biomédicale du Collège
des Bernardins.
S'est consacré, pendant plus de quinze ans, à des enseignements de philosophie pratique en éthique
médicale et hospitalière en partenariat avec le Centre de formation du personnel hospitalier de
l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris.
A publié Philosophie, éthique et droit de la médecine (D. Folscheid, B. Feuillet-Le Mintier, J.-F. Mattéi),
PUF « Thémis », 1997, ouvrage couronné par l'Académie des sciences morales et politiques.
Brice de Malherbe, Prêtre du diocèse de Paris, docteur en théologie, professeur à la Faculté Notre-
Dame et à l’École Cathédrale, co-directeur du département de recherche éthique biomédicale du
Collège des Bernardins. Délégué de l'archevêque de Paris auprès des établissements hospitaliers
catholique de 2005 à 2013. A publié Le respect de la vie dans une éthique de communion, Parole et
Silence, 2006, Prix Henri de Lubac.
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