Piété filiale et patrie Préférence nationale et ordre dans la charité

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(d’après le « Court précis de la loi naturelle selon la doctrine chrétienne », de Jean Madiran,
diffusion Chiré)
-Un ordre dans la charité
Contrairement à ce que laisse croire le modernisme, la piété à l’égard de la patrie rentre
parfaitement dans l’ordre de la charité. Saint Thomas fait remarquer précisément qu’il y a un
ordre dans la charité. La charité n’abolit pas la loi mais l’accomplit, les dix commandements
ayant pour but les deux préceptes de la charité: l’amour de Dieu et l’amour du prochain.
- La piété filiale
Tandis que les trois premiers commandements énoncent notre dette naturelle à l’égard du
Créateur auquel est réservé de manière exclusive le plus grand Amour (vertu de religion que
comble le don surnaturel de piété), le premier commandement de la seconde table (ou 4éme
commandement: « Tes père et mère honoreras... ») énonce, avant tout autre devoir envers le
prochain, notre dette à l’égard de ceux qui sont les médiateurs naturels de Dieu auprès de nous,
pour nous donner ce qu’il nous donne par eux : la vie physique et la vie morale. Autrement dit,
après Dieu et avec Lui, la charité doit s’adresser à ce qui nous touche au plus près dans
notre vie, à commencer par nos parents et, par extension, les parents de nos parents, les ancêtres,
les anciens, les bienfaiteurs, les maîtres, les grands hommes et les humbles serviteurs de notre
patrie, de notre civilisation et de l’humanité.
- L’amour de la Patrie
Avec les parents, le commandement de la piété filiale touche bien entendu la Patrie. C’est
le « culte de l’homme» bien compris, que la vertu naturelle de piété filiale élève à nos morts, à
ceux qui nous ont transmis la loi naturelle, la foi chrétienne et les humbles honneurs des maisons
paternelles..
C’est le culte des morts, des héros et des saints transmis par nos familles, qui n’est point le
même culte qu’on rend à Dieu, mais qui est aussi un culte proportionné à son objet.
C’est aussi le Culte endu à la Patrie, inférieur mais analogique à celui qu’on doit rendre à
l’Eglise, comme l’explique Léon XIII, au point qu’on peut, et parfois, qu’on lui doit sacrifier sa
vie comme bien commun temporel, fin intermédiaire, par amour du prochain précisément
(comme soi-même), en vue de son salut (temporel et spirituel) : « Si la loi naturelle nous
ordonne d’aimer spécialement et de défendre le pays nous sommes nés et venus au jour, au
point que le bon citoyen n’hésite pas à affronter la mort pour sa patrie, à plus forte raison les
chrétiens doivent-ils toujours être animés de pareils sentiments à l’égard de l’Eglise (...). Il faut
donc aimer la patrie à qui nous devons de jouir de cette vie mortelle; mais il est nécessaire
d’avoir un amour supérieur pour l’Eglise, à qui nous sommes redevables de la vie immortelle de
Piété filiale et patrie
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l’âme, parce qu’il est juste de préférer les biens de l’âme aux biens du corps, et que les devoirs
envers Dieu ont un caractère beaucoup plus sacré que les devoirs envers les hommes. Au reste,
si nous voulons juger selon la vérité, nous comprendrons que l’amour surnaturel de l’Eglise et
l’amour naturel de la patrie sont deux amours issus du même éternel principe, car Dieu est
l’auteur et la cause de l’un et de l’autre. D’où il suit que l’un de ces devoirs ne peut entrer en
conflit avec l’autre. » (Sapientiae christianae, 10 janvier 1890).
-Pas de charité véritable sans respect de la loi naturelle
L’amour du prochain - et par extension l’amour de la patrie, famille de familles dans le
temps et dans l’espace - est le test négatif de l’amour de Dieu : celui qui prétend aimer Dieu
qu’il ne voit pas et qui n’aime pas son frère qu’il voit, celui-là est un menteur. Pareillement, la
justice naturelle, qui est l’objet des dix commandements (rendre à Dieu et au prochain ce qui
leurs sont dû), est le test négatif de la charité surnaturelle. la loi naturelle n’est pas
observée, il n’a pas de charité véritable
Ce culte des ancêtres rendu à plus haut que soi, commun à toutes les civilisations, est la
marque de la reconnaissance (plus ou moins développée) d’une loi naturelle supérieure à
l’homme, d’une transcendance. Il est à l’opposé du culte de l’homme, que l’homme moderne,
impie et anonyme, se rend à lui-même pour lui seul, soit individuellement, soit collectivement.
-Le retour à la barbarie intellectuelle et morale
L’homme impie retourne à la barbarie, qui se définit par l’absence de loi (autre que la
sienne). La barbarie intellectuelle et morale (« l’hérésie du XXéme siècle ») se définit par
l’ignorance ou le mépris de la loi naturelle. Sans doute l’homme impie, héritant avec
ingratitude, indifférence ou gligence du don de la civilisation, peut-il rester un temps civilisé ;
mais, comme une fleur sans racine est appelée à s’étioler. C’est alors un pharisien de la
civilisation, tout comme le moderniste peut demeurer un temps un pharisien de la tradition... A
la manière du fils prodigue, l’homme impie interrompt la transmission du patrimoine national et
religieux : il interrompt la civilisation, il interrompt la tradition.
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(d’après « Politique et morale, éléments de philosophie chrétienne », de Rémi Fontaine, DMM )
- La récupération des Ecritures à des fins partisanes
Pour dénoncer la préférence nationale, certains, au nom de la parabole du bon samaritain,
sont partis en guerre contre la formule célèbre : «J’aime mieux mes filles que mes nièces, mes
nièces que mes cousines, mes cousines que mes voisines». Comme s’il était manifestement anti-
évangélique de mettre un ordre dans la charité, ou du moins cet ordre-là, le chrétien devant
«opérer un renversement des priorités admises habituellement» : aimer mieux ses voisines en
somme!
Plus loin encore, on est allé jusqu’à utiliser l’amour du Christ contre l’amour de la patrie:
«Le Christ ne choisit pas entre les hommes. Il a donné sa vie pour tous. Sa préférence, ce
n’est pas la préférence nationale»
Commentaire de J. Madiran dans Présent du 1er avril 1998:
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«Quelle pitoyable, quelle offensante manière de raisonner « Le Christ ne choisit pas entre
les hommes », alors pas de préférence nationale! Mais alors aussi, mesdames, ne choisissez pas
entre les hommes! Et ainsi de suite! Le Christ ne s’est pas marié, ne vous mariez pas. Il n’a pas
porté des armes, ne soyez pas soldat (avec un léger doute ici, non seulement à cause du
centurion, mais aussi à cause des marchands chassés du Temple à coups de trique…
Le pire est que ces bons apôtres reprochent aux nationaux catholiques ce qu’ils pratiquent
aussi impudemment: «L’utilisation des valeurs religieuses, de l’idée de Dieu, pour étayer des
propositions politiques est une contrefaçon. Une perversion. C’est plus qu’une supercherie, c’est
une escroquerie»
Or, la récupération des Écritures à des fins partisanes, en en falsifiant le sens, est bien leur
fait: ils veulent à partir de la Bible et de l’Evangile, justifier une certaine politique de
l’immigration - jusqu’à la déraison de la préférence étrangère- qui ne s’y trouve pas1!
Invoquer par exemple la parabole du bon Samaritain contre la préférence nationale relève
à la fois d’un sophisme et d’un procès d’intention. Car aimer mieux ses proches ne signifie
nullement, comme le laissent accroire ces évêques, l’indifférence, le mépris, le rejet, voire la
haine du «lointain», de l’étranger, ou des prochains de rencontre « les moins proches »… etc.
- L’amour de préférence : une priorité, pas une exclusivité
Ce n’est pas parce qu’un père préfère naturellement sa famille qu’il ne peut accueillir
l’hôte de passage dans sa maison, comme un frère, ni secourir le voisin ou l’étranger
nécessiteux, comme un bon samaritain.
L’amour de préférence n’empêche pas, au contraire, l’amour de rencontre, tous deux étant
dictés par la Providence. Le sens d’autrui et l’esprit missionnaire commencent même «chez soi»
comme la réforme du monde commence par la réforme intérieure. On est d’autant plus
missionnaire, et ouvert aux autres et à l’humanité, qu’on traite son âme, sa famille, son village,
sa patrie comme les premiers «pays de mission».
Bien sûr, la charité chrétienne, parce qu’elle est participation à l’amour de Dieu, est
universelle. Elle n’exclut personne et on la reconnaît précisément à ce qu’elle sait s’ouvrir au
plus pauvre ou au plus éloigné. Saint Thomas d’Aquin le dit:
«L’amour de Dieu se révèle avec plus de force lorsqu’il dilate le coeur de l’homme vers
des objets plus éloignés, c’est-à-dire jusqu’à l’amour des ennemis; comme la vertu du feu fait
preuve d’une force d’autant plus grande qu’elle rayonne plus loin de sa chaleur» 2
Mais justement le feu et sa chaleur rayonnent à partir d’une origine, d’un foyer. La
préférence familiale, nationale, européenne... n’est pas une exclusivité, mais une priorité. «Si
quelqu’un n’a pas soin des siens et principalement de ceux de sa famille, il a renié la foi et il est
pire qu’un infidèle», écrit saint Paul (I Timothée 5, 8). L’amour de la patrie n’est pas exclusif de
1 Sur ce sujet, on peut se reporter également à Varticle de Guy Rouvrais dans la revue Itinéraires n°IX du
printemps 1992 : «Une pseudo-théologie biblique contre le Front national». ou à la Réponse à «L’extrême-droite et
l’Eglise» de Jean Madiran, Présent 1998.
2 Somme théologique IIa IIae, q. 27, a.7, resp. Voir aussi Compendium theologiae, troisième partie, article 3:
«L’amour des ennemis est-il de la perfection de conseil?»
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l’amour des autres qui n’en sont pas. Il en est le point de départ, comme l’explique Raoul
Follereau (qui pouvait en juger) :
«Aimer son pays n’est pas davantage détester les pays voisins qu’aimer sa maman n’est
haïr toutes les autres mères. Aimer sa famille ne consiste pas à voler, piller, tuer le voisin. Bien
au contraire, l’amour de la famille implique et impose le respect des autres foyers. Qui donc
estime celui qui a renié ses parents ? Ainsi de la patrie. Le vrai patriote aime en chacun l’idée
de la patrie et respecte la patrie de chacun» (De la patrie. Trahison de l’intelligence, 1936).
- L’ordre dans la charité
Ainsi parle le langage du bon sens et du droit naturel, aux antipodes de l’universalisme
désincarné d’un certain mondialisme (qui ne prend racine nulle part), et sans contradiction avec
l’Evangile. Ce que résume saint Augustin
«Comme tu ne peux être utile à tous, tu dois surtout t’occuper de ceux qui, selon les temps
et les lieux ou toutes autres opportunités, te sont plus étroitement unis comme par un certain
sort; par sort, en effet, il faut entendre quiconque t’est lié temporellement et qui adhère à toi, ce
qui fait que tu choisis de l’avantager».
Et saint Thomas précise:
«A chacun il faut plutôt accorder les bienfaits correspondant à l’ordre des choses il
nous est le plus uni, à parler dans l’absolu. Cependant, cela peut se diversifier selon la diversité
des lieux, des temps et des affaires; il est tel cas, celui d’extrême nécessité par exemple, nous
devons venir en aide à un étranger plutôt qu’à un père dont le besoin serait moins urgent»
(S.T IIa, II ae, q. 31, a 3, resp.).
Dans son Compendium theologiae, l’Aquinate développe, par ailleurs, l’ordre qu’il faut
mettre dans la charité - y compris dans la charité politique : «D’où il faut que l’affection de
l’homme soit ainsi ordonnée par la charité que d’abord et principalement il aime Dieu; ensuite
soi-même, enfin le prochain et, parmi les prochains, davantage ceux qui sont plus proches et
plus à même de nous aider. Pour ceux qui sont un obstacle, en tant que tels, on doit les avoir en
aversion quels qu’ils soient...».
- Charité sans mesure, mais pas sans discernement
Assurément, le signe de la vraie charité est qu’elle sait s’ouvrir à tous sans mesure mais
non pas sans discernement. Aimer son ennemi ne signifie pas céder forcément à ses volontés. De
même avec l’étranger. La bienveillance qui doit s’adresser à leur égard ne peut pas toujours se
traduire par une bienfaisance. Par la force des choses : Il est des hommes qu’il nous est
impossible d’atteindre, d’aider, d’aimer autrement que par la prière, sauf vocation
exceptionnelle.4
Accuser un homme politique de xénophobie ou de racisme lorsqu’il dit «J’agis pour les
Français d’abord», est aussi absurde que d’accuser de sexisme un capitaine de bateau en péril
lorsqu’il dit «les femmes et les enfants d’abord» ! Aussi ridicule que d’accuser sainte Jeanne
3 L.I de la Doctrine chrétienne ch. 28. «D’où il ressort, commente saint Thomas dans son Compendium
theologiae (III, 8), qu’en vertu du précepte de la charité, nous ne sommes pas tenus d’être poussés par affection de
dilection ou effectivement, en particulier pour celui qui ne nous est uni par aucun lien, si ce n’est peut-être selon le
temps ou le lieu, parce que nous le voyons en quelque nécessité d’où il ne pourrait être secouru sans nous».
Ce qui s’est présenté pour le bon Samaritain.
4 «Nous sommes tenus cependant par affection et effet de la charité - par quoi nous aimons tous les prochains
et prions pour tous - de ne pas exclure même ceux-là qui ne nous sont unis par aucun lien spécial, comme par
exemple ceux qui habitent des Indes à l’Ethiopie» (saint Thomas, tome 3, article 8).
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d’Arc d’antichristianisme lorsqu’elle disait naturellement, à propos des Anglais : «Je les aime
moins».
Manquer à ces justes discriminations, c’est, pour un chef (de famille, de village, de bateau,
d’Etat...), manquer à la justice générale et à la charité (politique) aussi sûrement que le Lévite de
la parabole a manqué à la charité en passant son chemin sans égard pour le blessé d’infortune.
Car la charité, qu’elle soit morale ou (et) politique, n’est pas abstraite. Et l’Evangile dicte aussi
bien le devoir d’état que le devoir de secours à l’infortuné de rencontre.
Ce n’est pas parce que je défends le principe de la préférence nationale que je ne porterai
pas secours à un homme agressé, gisant dans le fossé, sans m’inquiéter de sa race, de sa
nationalité, de sa religion.5
La civilisation de l’amour se fonde sur «l’inégalité protectrice» à tous les niveaux (pour
reprendre des termes maurassiens), tandis que la culture de mort se fonde sur l’égalité
impossible, utopie criminelle, semence de discorde, de haine et de misère. Depuis Satan - «Vous
serez comme des dieux» - jusqu’à nos révolutions modernes...
UN PELERIN FONDATEUR
5 Car reste vraie moralement et concrètement la consigne d’Edith Stein : « Pour les chrétiens, il n’y a pas d’homme
étranger. C’est chaque fois le prochain que nous avons devant nous et qui a le plus besoin de nous. L’amour du
Christ n’a pas de frontière. »
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