GEA 2e année GMO
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matière ; pour que l’être ne se perde pas, ne s’aliène pas dans les méandres du quotidien ? Vieille question
: aussi vieille que le dualisme d’ailleurs. Qu’elle resurgisse aujourd’hui sous des atours plus modernes
ne change rien à l’affaire : entre le repli sur soi dans le calme monacal et le nécessaire accommodement
avec le réel du Rendez à César ce qui appartient à César l’interrogation managériale moderne n’invente
rien et ne fait que feuilleter avec angoisse les vieilles recettes d’une ontologique aporie.
Nous y avons appris quelque chose pourtant où la systémique peut être de quelque secours : il ne nous
servirait de rien d’entendre l’un ou l’autre terme isolément. C’est en terme de flux, de relation qu’il
faut entendre la question. Mais c’est un peu comme si outre matière, énergie et information, le système
entreprise échangeait aussi du sens avec son environnement. C’est dans ces jointures qu’il faut porter
notre regard ainsi que dans les réservoirs où le système le stocke. Mais c’est déjà répéter le refus résolu
d’une approche technicienne de la question : l’idéologie est de retour – ainsi que le risque des gourous et
coachs de tout poil. Je vois dans le fait même de poser une telle question une superbe boucle de rétroac-
tion où il faut comprendre que ni l’entreprise ni la spiritualité ne demeurent intactes. Où, tant la pensée
complexe que l’histoire des idées qu’encore la philosophie peuvent, ensemble, être des points d’appui car
il ne s’agit pas de dénoncer quelque oxymore ou de redouter quelque instrumentalisation
de l’une par l’autre. Eviter de tels truismes c’est écarter les fausses questions.
II. Evacuerd’embléedeuxfauxproblèmes
1. Celui du comment agir
Dans cette question il y a une apparence : celle d’un oxymore, relevé spontanément ;
mais il y a aussi une réalité, celle de l’évocation, invocation ou utilisation de la spiritualité dans les ré-
flexions sur l’art de gérer. Mais il y a en réalité une constante qui en réalité est double :
Celle du manager qui doit bien pouvoir se donner des principes d’action qui, comme tout principe,
doivent bien être hors jeu – en dehors ; celle de l’homme de foi qui ne peut pas ne pas se demander
comment vivre, c’est-à-dire appliquer sa foi au quotidien. Cette constante c’est celle de la continuité
entre théorie et pratique.
Cette question a une apparence – celle du dehors et du dedans ; d’une extériorité d’où ré-émergent
images, modèles et mythes : de la Caverne à la Traversée du désert ; du Sinaï à l’Aventin et Capitole.
Cette question a en même temps une réalité : celle de la relation entre, non l’être et la pensée mais l’être
et l’action. Mais, pour cette raison fondatrice elle-même, ressemble tellement à celle de la morale et du
politique qu’on pourrait aisément l’évacuer en invoquant au gré César, Luther, Machiavel ou – au mieux
– Kant. Elle se réduit, tourne autour, d’une pratique qui viserait exclusivement un but, élevé, lointain,
pérenne et s’attacherait, au risque de l’impuissance ou de la faute, à garder pur le foyer des intentions.
Bref, une question si simple où, comme toujours, le piège réside dans le et qui fait courir le terrifiant
écueil d’une spiritualité aspirant le management au risque de l’angélisme niais ; ou bien de l’instrumen-
talisation d’une spiritualité cache-sexe d’une mégalomaniaque obsession de la performance.
Non, décidément il faut sans doute oser la provocation en arguant combien d’entre les deux il n’est
ni dilemme, ni paradoxe, ni oxymore mais cette unique continuité fondée sur cette évidence épistémo-
logique : il n’est pas de pratique humaine qui ne s’adosse à une théorie, une représentation du monde
fût-elle spontanée ou quelconque comme l’eût écrit A Comte et s’il est vraie que théorie et pratique
obéissent à des impératifs opposés, il n’empêche qu’elles se nourrissent sempiternellement l’une de
l’autre. Non, décidément, si la question se ramenait à un comment agir, décidément une morale suffirait