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© Université de Liège - http://culture.ulg.ac.be/ - 20/04/2017
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Philosophie, religion et spiritualité
Il n'y a pas lieu de confondre spiritualité et religion : la spiritualité n'est qu'un aspect de la religion.
Par ailleurs, il existe des spiritualités en dehors de toute religion. Notre monde moderne a vu naître
d'autres formes de recherche de la vérité, d'autres formes de spiritualité.
Philosophie et religion ont réputation de ne pas faire bon ménage. Socrate est condamné au motif principal
qu'il n'honorait pas les dieux de la Cité. Aristote, pour ne pas subir le même sort, sera forcé à l'exil.
Inversement, quand Saint Paul prédiquera devant l'Aréopage d'Athènes, il fera (de son propre aveu) un
« flop » magistral. Et quand l'empereur Justinien ordonne la fermeture de l'Académie en 529, c'est sur
pression de l'Église. Signe des temps, la même année, Saint Benoît fonde le monastère de Mont Cassin.
Ses « Règles de vie » deviendront la base de l'immense tradition monastique sans laquelle il n'y aurait sans
doute pas eu de « civilisation occidentale ».
Mais précisément, ce passage de témoin entre écoles philosophiques et monastères montrent le domaine
où les transferts, les emprunts, mais aussi les concurrences, seront les plus nombreuses entre philosophie
et religion : le domaine de la spiritualité.
Quête de vérité
Commençons par définir la spiritualité : « la recherche, la pratique, l'expérience par lesquelles le sujet opère
sur lui-même les transformations nécessaires pour avoir accès à la vérité ». J'emprunte cette définition à
Michel Foucault, qui ajoute : « l'ensemble des pratiques, recherches et expériences qui peuvent être les
purifications, les ascèses, les renoncements, les conversions du regard, les modifications d'existence, etc.,
qui constituent pour le sujet, le prix à payer pour avoir accès à la vérité1».
Or, il n'y a pas lieu de confondre, comme on le fait habituellement, spiritualité et religion.
D'abord, rappelons que le « fait religieux », comme on dit aujourd'hui, englobe bien d'autres choses que
du « spirituel » : des rituels et des cérémonies, des obligations et des interdits, des institutions impliquant
des rapports de pouvoir et des effets d'autorité, etc. La théologie elle-même, comme réflexion rationnelle
sur Dieu et la Révélation, est indépendante de la spiritualité, et même souvent en conflit avec elle. En
effet, l'objectif de la théologie est de démontrer « l'évidence » de l'existence de Dieu et de sa puissance
créatrice, et donc, dans la foulée, d'affranchir l'accès à la vérité divine de toutes les pratiques ascétiques
et ésotériques qui encombrent cette « évidence ». Le Moyen Âge a été dominé par ce conflit entre
« théologiens » et « spirituels » (c'est un des thèmes collatéraux du Nom de la Rose d'Umberto Eco).