--Alice veut sortir. Elle a peur. Il fait noir. Nous martelons de nos
poings les parois .
Albert paraît un moment sidéré, puis il répète avec moins de violence déjà
:
--Je veux sortir, Alice veut sortir, j'ai peur…. Alice a peur.
Bientôt très calme, il reprend avec nous " : je veux sortir ", mais cette fois
tout à fait au niveau du jeu de l'acteur.
Ceci se passait au moment du travail proprement dit dans l'atelier de
l'école. Quand Alice a été représentée en public, Albert a participé avec
nous, en criant avec nous :
--"je veux sortir" mais de la place d'Alice cette autre fois.
C'est après cette séance de travail que les parents nous ont interpellé sur
ce qui s'était passé avec leur fils.
--Il parle toujours du théâtre et après votre dernière séance, il a
oublié qu'il avait peur du noir. Il est descendu pour la première fois de sa
vie à la cave --.
Acte que seul le père avait l'habitude de faire pour chercher du vin --
Ainsi Albert a accepté de jouer Alice et de jouer de l'intérieur des
conventions du théâtre. A partir d'une mise en scène qui n'a rien avoir
avec le normal et le pathologique, des effets s'inscrivent que l'on appelle
thérapeutiques. Depuis ce jour, Albert, se précipitait au devant des adultes
avec toujours les mêmes mots :
--Il y aura théâtre aujourd'hui ? --je pourrai venir ? C'est sur ?--
.
Ainsi cet adolescent jouant du lieu d'Alice, avec sa peur, commença à la
maîtriser en la déplaçant --ce qui n'est pas sans évoquer la maîtrise
acquise par l'enfant grâce au jeu.
Sur la scène du théâtre :
Albert arrive avec le réel de son symptôme, peur qui se traduit au niveau
de son corps et de sa destruction.
Le groupe accueille cette peur en apportant alors une réponse, à ce réel
manifesté par Albert --c'est à dire en donnant sens ailleurs que dans la
peur ressentie, ceci par un discours qui vient d'ailleurs(la trame du texte
de Caroll en voix off ) et par la reprise hic et nunc, de l'ensemble des
acteurs, telle une improvisation partagée.