Geneviève GIRARD-GILLET (éd.) Autour du verbe anglais. Construction, lexique, évidentialité, Presses Sorbonne
Nouvelle, 2014, 199 p.
L’ouvrage regroupe des articles issus de communications prononcées au colloque « Autour du verbe /
Around the Verb », organisé en l’honneur de Claude DELMAS par Geneviève GIRARD-GILLET, Eric CORRE, et
Aliyah MORGENSTERN (SeSyLIA, EA 4398 PRISMES) les 21-22 septembre 2012 à la maison de la Recherche
de l’université de Paris 3. Sur les 18 contributions au colloque, toutes citées, 10 figurent ici, traitant de
phénomènes variés sous des angles théoriques différents. A ces articles s’ajoute une substantielle présentation
ainsi qu’une conclusion de Geneviève GIRARD-GILLET, responsable du volume.
Il s’agit d’un volume élégant et très lisible publié dans la collection Sciences du langage et Traduction
des PSN. L’équilibre du volume est appréciable, avec des articles de même longueur (11 à 13 pages pour la
plupart, 2 légèrement plus longs). S’agissant d’actes d’un colloque, il faut bien entendu faire la part d’une
certaine hétérogénéité naturelle des problématiques, d’autant que la diversité des approches n’a pas été refusée,
mais les contributions ont été utilement regroupées en 3 parties thématiques assez solides :
1- Construction - présence / absence : 3 articles sur l’absence du verbe lui-même (« Les procès dans
les énoncés averbaux », Jacqueline GUILLEMIN-FLESCHER), son anaphorisation et son ellipse avec les
constructions de pseudogapping et gapping face à des constructions à verbe plein (do it/this/that et do so)(« Les
compléments orphelins dans les ellipses et anaphores verbales en anglais », Philip MILLER), et l’absence du
sujet et sa récupération grâce au programme sémique du verbe régi dans les complémentations en -ING (« La
complémentation gérondive : étude du schéma V1 - V2+ ING », Alain DESCHAMPS).
2- Lexique - compositionnalité : 4 articles sur la sémantique verbale. Le « débordement » de sens du
verbe go et sa grammaticalisation tout d’abord (« ‘Bang goes the theory’ : le verbe go et ses constructions
multiples », Jean ALBRESPIT), le cadrage réputé « satellitaire » de l’anglais et le rôle de la déixis pour le
déplacement et la manière (« Le français langue à cadrage verbal et l’anglais langue à cadrage satellitaire... ou
non : interrogations à partir d’un court corpus de textes littéraires », Catherine CHAUVIN), la structure
argumentale du verbe give et l’apprentissage (« The blossoming of three-argument verbal constructions in child
language: a study of "give constructions », Aliyah MORGENSTERN & Nancy CHANG), et enfin la complémentarité
du moyen et de la fin dans la théorie atomique (Atom Theory) (« Verb meaning and context: a criticism of
Manner-Result Complementarity », Tova RAPOPORT).
3- Evidentialité - Perception : 3 articles à propos de la place de l’ « individu-locuteur » et de ses
spécificités ou capacités, autour de l’évidentialité, avec le caractère de témoignage que prend le present-perfect
dans ses emplois narratifs, sa « contribution évidentielle » (« Remarques sur le perfect en anglais et dans d’autres
langues », Jacqueline GUERON), avec can et la construction de la connaissance à partir de la vision (« Can avec
les verbes de perception », Lionel DUFAYE), avec les relations d’échange par la gestuelle (« Marqueurs
grammaticaux et marqueurs kinésiques : vers une reconnaissance de la gestualité co-grammaticale », Jean-Rémi
LAPAIRE).
Le lecteur trouvera des informations essentiellement sur l’anglais et le français, avec seulement
quelques notes comparatives dans l’article de J. GUERON sur le parfait (bulgare) et des remarques sur les créoles
par J. ALBRESPIT. Cette concentration est conforme au centrage de l’ouvrage sur le verbe anglais, et garantit la
relative homogénéité de ce groupement d’articles, mais, en pensant à Claude DELMAS, on pourrait regretter à
propos de cette immense question du verbe que la comparaison ne soit pas plus présente et plus étendue. De
même, à la première lecture de la table des matières, le lecteur aura sans doute l’impression d’ouvrir un énième
recueil sur l’anglais, avec des questions aussi peu originales que le parfait, la forme en V-ing, can et la
perception, ou les compléments orphelins, l’ellipse et l’anaphore.
Cependant, la lecture de l’introduction de Geneviève GIRARD-GILLET amène à qualifier rapidement
cette première impression, car les articles y sont bien entendu très bien présentés, mais aussi argumentés selon un
fil d’ariane parfois discret dans les textes mais beaucoup plus net dans leur succession : l’exploration de cette
obsédante « béance » entre les structures formelles et leur fonctionnement effectif, et le besoin de plus en plus
net d’une problématique de la construction du discours plutôt que de son héritage sous forme de langue
saussurienne. De ce point de vue, la diversité des approches théoriques, au lieu d’affaiblir l’ouvrage, renforce sa
pertinence.