L`ostéodistraction maxillaire/P. LEYDER, G. WYCISK, J. QUILICHINI

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L’ostéodistraction maxillaire
transversale associée
à la chirurgie orthognathique :
de nouveaux outils
pour une chirurgie
en un temps
P. LEYDER, G. WYCISK, J. QUILICHINI
Conférence présentée le 15 septembre 2012 à Amiens. 15 juin 2009, à Paris
Les déficits transversaux maxillaires sévères de l’adulte sont traditionnellement traités en deux
étapes lorsqu’ils sont associés à une dysmorphose complète, sagittale et verticale. La correction
transversale a lieu dans un premier temps par ostéodistraction chirurgicalement assistée ; puis
un second temps de correction chirurgicale des autres anomalies spatiales est réalisé.
Les auteurs décrivent une technique permettant de réaliser en un temps une correction transversale par ostéodistraction et une chirurgie complexe maxillaire et mandibulaire.
À cet effet, deux nouveaux outils sont présentés ; des plaques maxillaires à glissière, et un
distracteur modulable, à appui osseux ou dentaire.
Les patients ont tous consolidé, et nous avons corrigé le déficit transversal conformément aux
prévisions sur set-up préopératoire. Les résultats de la distraction sont quantifiés sur modèles
d’étude et/ou sur scanner.
Nous présentons deux patients opérés selon cette nouvelle stratégie.
Il s’agit d’une voie innovante permettant de positionner, dans les trois sens de l’espace, en
un temps opératoire, une dysmorphose maxillo-mandibulaire avec endomaxillie.
Introduction
La prise en compte de la dimension transversale s’impose au chirurgien maxillo-facial comme à l’orthodontiste. Si elle est nécessaire pour établir une occlusion de qualité, on ne souligne que trop peu le rôle
essentiel qu’elle joue sur la fonction linguale et ventilatoire, fonction dont la normalité est indispensable
à la stabilité des résultats.
Il nous semble aussi que l’esthétique est trop souvent
oubliée ; l’étroitesse antérieure d’une arcade ou la
présence de corridors buccaux est toujours jugée de
façon négative par les patients, alors qu’un sourire
sur une arcade déployée est positivement perçu.
Les armes à la disposition du chirurgien étaient jusqu’à présent au nombre de deux : les corrections
peropératoires immédiates au cours d’une chirurgie de Le Fort I d’une part, les disjonctions intermaxillaires avec distraction ostéogénique, d’autre
part.
Ces deux techniques ont toutes les vertus nécessaires
lorsqu’elles sont utilisées à bon escient ; c’est-à-dire
dans leur champ d’application très restrictif.
Malheureusement, l’absence d’autres procédés chirurgicaux a souvent conduit à trop leur demander,
avec pour corollaire des résultats inconstants dès lors
que l’indication était en dehors de leur champ d’application.
Adresse de correspondance : Patrick Leyder, Service de chirurgie maxillo-faciale et chirurgie plastique, Centre Hospitalier Intercommunal Robert Ballanger,
boulevard Ballanger, 93602 Aulnay-sous-Bois Cedex. E-mail : [email protected]
L’Orthodontie Bioprogressive - décembre 2012
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Leyder P., Wycisk G., Quilichini J.
Les techniques à la disposition
du chirurgien
Les corrections peropératoires
immédiates avec un Le Fort I total
Deux traits paramédians palatins associés à une corticotomie 11-21 permettent d’anguler les deux hémimaxillaires dans un plan horizontal réalisant classiquement une ostéotomie bipartie. En arrière, la
résistance à l’ouverture est faible mais ce mouvement
angulaire est de fait limité en avant par une fibromuqueuse totalement inextensible dans son tiers
antérieur :
Il est impossible, voire dangereux, de chercher à obtenir des écarts postérieurs supérieurs à 4 mm mesurés
au niveau des molaires. Pour cette même raison, tout
écart antérieur inter-incisif supérieur au millimètre
est impossible.
Le gain obtenu est maintenu deux à trois mois par un
dispositif transpalatin dont le plus utilisé est une
plaque en résine acrylique, confectionnée sur un
modèle à la valeur de la correction souhaitée.
Beaucoup d’auteurs ont aussi souligné le côté récidivant de ces corrections peropératoires où la distension des tissus apparaît comme peu favorable à la
consolidation osseuse transversale.
La disjonction intermaxillaire
chirurgicalement assistée
Il s’agit d’une véritable distraction ostéogénique avec
une croissance pluritissulaire générant en particulier
de la fibromuqueuse et de l’os. Cette technique est
beaucoup plus favorable à la stabilité transversale.
Malheureusement, elle connaît aussi des limites précises : elle doit être réalisée isolément comme préambule à une chirurgie orthognathique plus complexe,
ce qui oblige les patients à être opérés deux fois1.
L’essence même de cette technique réside dans un Le
Fort I bipartie incomplet. C’est là le premier écueil car
il laisse persister des zones corticales postérieures
dont l’affrontement est souvent source de résistance
en cours de distraction, que l’on fasse ou non une disjonction inter-ptérygo maxillaire2-4.
L’autre écueil plus évitable, réside dans l’utilisation
d’un dispositif de distraction palatin à appui dentaire
monté trop antérieurement par rapport à ces mêmes
résistances postérieures.
Pour ces deux raisons essentielles, le résultat obtenu
est caricatural :
20
Écart inter-incisif important, ouverture généreuse
osseuse antérieure mais beaucoup plus limitée postérieurement, torque des deux hémi-maxillaires et
mouvement dentaire peu souhaitables.
Pour la plupart des auteurs, l’ouverture osseuse obtenue au niveau des molaires est moins de la moitié du
gain dentaire. Aussi, les études récentes objectivent
des récidives au niveau molaire sur le long terme5.
Depuis quelques années, des dispositifs à appui
osseux ont permis de gommer certains de ces inconvénients en particulier l’amincissement de la corticale
vestibulaire dans les effets délétères dentaires ; mais
ils n’ont pas pu apporter la preuve d’une ouverture
osseuse plus généreuse dans la région postérieure.
De surcroît, ces procédés à appui osseux restent d’un
maniement plus complexe avec en particulier un
décollement palatin, qui même limité, ne permet pas
non plus d’envisager une chirurgie plus globale,
maxillaire ou mandibulaire, au cours d’une seule et
même intervention.
Une nouvelle stratégie
Depuis trois ans, nous avons développé deux nouveaux outils qui autorisent une stratégie chirurgicale
différente en forme de contre-pied. En effet le gain
transversal prédomine en arrière tandis qu’il reste
plus modeste en avant.
Cette stratégie est beaucoup plus adaptée aux cas cliniques traités. Elle permet aussi de régler tous les problèmes sagittaux et transversaux au cours de la même
intervention chirurgicale.
Nous avons conservé le principe d’une distraction
ostéogénique pour la stabilité de ces résultats et pour
l’importance de l’ouverture osseuse, mais nous la voulions aussi plus adaptée à la réalité clinique car les
déficits postérieurs sont le plus souvent prépondérants.
Ainsi nous avons cherché à éviter tout écart inter-incisif intempestif peu compatible avec une stabilité occlusale qui est toujours immédiatement requise dans ce
type de chirurgie. De la même façon, nous avons
recherché un écart osseux postérieur préférentiel
dans les endomaxillies. Le diastème incisif que l’on va
créer n’est en fait destiné qu’à gérer l’encombrement
dentaire maxillaire ou à augmenter une distance
inter-canine déficitaire voire à changer une forme
d’arcade trop retreinte à sa partie antérieure. Mais
ces situations ne nécessitent qu’un écart antérieur
faible de l’ordre de 2 à 3 mm qui toutefois peut
atteindre 6 à 7 mm dans les grands encombrements.
Les nouveaux outils sont adaptés à ces écarts. En
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L’ostéodistraction maxillaire transversale associée à la chirurgie orthognathique : de nouveaux outils pour une chirurgie en un temps
aucun cas, la papille ne doit être dilacérée. Ainsi la
stratégie est bien différente de celle d’une distraction
chirurgicale classique. Grâce à cette technique, on va
créer une ouverture osseuse qui s’accroît d’avant en
arrière de façon homothétique.
Présentation du matériel
> Plaques à glissière pour ostéosynthèse
coulissante
Il s’agit de plaques en titane de 0,8 mm d’épaisseur.
Chaque ostéosynthèse est composée de 2 plaques
référencées droite et gauche. L’unité en forme de T
est synthésée sur l’apophyse montante du maxillaire
et comporte un ergot qui s’emboîte dans la glissière
de la plaque inférieure ; cet ergot pouvant coulisser
durant la distraction.
L’angulation entre la plaque en T et la glissière de la
plaque maxillaire permet la stabilisation des fragments osseux dans le sens antéro-postérieur, mais
autorise l’expansion dans le sens transversal. Deux
versions de glissières sont disponibles : l’une pour une
avancée du maxillaire (décalage antérieur de l’infrastructure utilisant déjà les premiers millimètres de la
glissière), l’autre pour les impactions isolées, où l’angulation finale débutait dès le premier millimètre.
Les plaques inférieures portant la glissière étaient
positionnées proches du plancher de la fosse nasale
et perpendiculaires au septum. La partie terminale de
la glissière s’incurvait, s’élargissait et diminuait en
épaisseur pour prévenir tout phénomène de blocage
de l’ergot de la partie supérieure de la plaque dont le
dessin à été arrondi dans cette optique.
Une fois les ostéosynthèses réalisées au moyen de
ces plaques, le maxillaire, bien qu’entièrement
mobilisé, était complétement verrouillé dans sa position antéro-postérieure et verticale. La distraction
Figure 1
Ostéosynthèse coulissante sur os sec.
L’Orthodontie Bioprogressive - décembre 2012
postopératoire restait cependant possible, les deux
hémi-maxillaires coulissant le long des glissières de
chaque plaque (fig. 1).
> Distracteur modulable
Le distracteur existe en deux versions : à appui dentaire (fig. 2) et à appui osseux (fig. 3).
• Dans la version à appui dentaire
Le distracteur est fabriqué en acier inoxydable. Il comporte deux vérins, l’un antérieur et l’autre postérieur
réunis par les deux corps du dispositif et séparés
d’une distance de 7,6 mm. Chaque vérin comporte
deux écrous jouant le rôle de cardant. Plusieurs longueurs de vérins sont disponibles (16, 20 ou 24 mm)
en fonction de la place disponible dans le palais et de
la quantité de distraction nécessaire (6, 10 ou 16 mm
respectivement).
Les vérins peuvent être remplacés en cours de distraction. Une clavette centrale, assurée à l’aide d’un
fil d’acier 3/10e autour de la vis antérieure, solidarisait
les deux vérins pour éviter tout mouvement sagittal
isolé d’un hémi-maxillaire. Le dispositif devait être
monté de telle sorte que la clavette se trouve au
milieu du palais parallèlement à son axe sagittal. Le
pas des vis permettait d’obtenir une ouverture de
0,7 mm par tour complet.
Dans cette version, le distracteur comportait de
chaque côté un bras de fixation, soudé à une bague
molaire par le prothésiste.
En cas de distraction angulaire postérieure isolée, une
extension postérieure était ajoutée au bras par le
prothésiste pour rapprocher le centre de poussée de
la partie postérieure voûte palatine.
En cas de distraction mixte, une extension antérieure
de section supérieure à 1,3 mm était ajoutée pour
assurer une bonne répartition des forces.
Figure 2
Vue palatine du distracteur à appui dentaire en fin de distraction.
21
Leyder P., Wycisk G., Quilichini J.
• Dans la version à appui osseux
L’ancrage antérieur du distracteur est assuré par
deux vis palatines placées entre la canine et la première prémolaire où l’épaisseur de l’os est la plus
importante. L’appui postérieur est assuré par deux
griffes fichées par un système de compas dans la corticale palatine après perforation muqueuse. Grace
aux vis palatines, les deux hémi-maxillaires restaient
parfaitement solidaires au cours de la distraction.
Pour éviter de léser les racines palatines des molaires
par les griffes de l’appui postérieur, il était recommandé de remplacer le distracteur par une barre
transpalatine après le 2e mois. L’absence de décollement de la muqueuse palatine rendait ce distracteur
compatible avec une ostéotomie de Le Fort I complète.
L’utilisation de la version à appui osseux était impérative chez les patients présentant des rhysalyses, en
cas de parodontopathies, en cas de tentative d’expansion transversale orthodontique préalable, en cas
de traitement orthodontique en technique linguale
en raison de l’encombrement du matériel ou en cas
d’endomaxillies sévères pour éviter des sollicitations
dentaires excessives.
– une distraction mixte, quand l’objectif était d’obtenir une expansion postérieure et une expansion
antérieure avec création d’un diastème inter-incisif.
La valeur de l’expansion antérieure, généralement
plus faible que la valeur postérieure, pouvait être
contrôlée lors de la distraction. Dès le 4e jour postopératoire, le distracteur était activé selon un mode
parallèle, en tournant les deux vis d’une même
valeur, en général trois quarts de tours par jour, permettant une ouverture postérieure et antérieure.
La distraction se poursuivait en parallèle jusqu’à
obtenir la valeur désirée de diastème inter-incisif.
Enfin, en fonction des besoins cliniques, la distraction pouvait se terminer en angulaire, pour poursuivre l’expansion osseuse postérieure jusqu’à obtenir la correction de l’occlusion molaire. Dans ce cas,
la vis antérieure devait être tournée moins vite que
la vis postérieure. Dans tous les cas, la morphologie
des plaques permet une distraction parallèle puis
angulaire, mais pas l’inverse (fig. 4).
Quel que soit le mode de distraction choisi, le distracteur était activé modérément en peropératoire
Plusieurs modes de distraction étaient possibles avec
ce dispositif :
– une distraction angulaire pure, lorsque l’expansion
postérieure était recherchée et qu’aucun diastème
inter-incisif n’était nécessaire. Pour permettre une
ouverture postérieure sans création de diastème
inter-incisif, le vérin antérieur devait être activé
moins vite que le vérin postérieur pour que le
centre d’angulation des deux maxillaires reste en
regard de la papille inter-incisive ;
Figure 4
Représentation schématique d’une distraction parallèle,
puis angulaire.
Figure 3
Vue palatine du distracteur à appui osseux en fin de distraction.
22
4.43 :
L
:
l
:
8.3 :
10 :
4
:
distance entre la berge osseuse et l’axe des cardans
entre axe cardan postérieur
entre axe cardan antérieur
écart osseux antérieur
écart osseux postérieur
distance inter-incisive
l = 8.3 + 4.43 + 4.43 = 17,16
L = 10 + 4.43 + 4.43 = 18.86
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L’ostéodistraction maxillaire transversale associée à la chirurgie orthognathique : de nouveaux outils pour une chirurgie en un temps
après réalisation de l’ostéotomie de Le Fort I et de la
disjonction sagittale.
distraction est souhaitée. Le blocage bimaxillaire étant
réalisé, la mandibule est mise en autorotation avant
de réaliser l’ostéosynthèse coulissante.
Technique chirurgicale
La technique chirurgicale adoptée est celle d’un Le
Fort I classique, le tracé de l’ostéotomie est conduit au
piézotome ou de façon conventionnelle. Un abaissement complet du maxillaire est réalisé avec une distension du ligament sphéno-maxillaire comme pour
une avancée de l’infrastructure. La mobilité du plateau
doit être totale. Une ostectomie postérieure réglée
autour du pédicule grand palatin est systématiquement pratiquée, au mieux au piézotome. S’agissant
d’une chirurgie bipartite, il faut compléter l’ostéotomie maxillaire par la réalisation d’un trait médian
inter-incisif préparé avant l’abaissement du plateau. Il
peut être poursuivi de façon strictement médiane ou
encore en U empruntant un double trajet dans le plancher de la fosse nasale si une cadence plus rapide de
Cas cliniques
Cas n° 1
Orthodontie : Dr S. Mercier. Chirurgie : Dr P. Leyder.
Patiente présentant une classe III squelettique, avec
latérognathie gauche, excès vertical antérieur et
endomaxillie avec encombrement. Aucun traitement
orthodontique n’a été rélisé en préopératoire au
niveau du maxillaire.
Durant l’intervention, toutes les anomalies squelletiques ont été corrigées en un seul temps chirurgical.
L’arcade maxillaire était équipée avec un arc acier
façonné en préopératoire immédiat (fig. 5 à 7).
a
b
c
d
e
f
Figures 5 a à f
Cas n° 1. Occlusion préopératoire (en haut) et à 3 mois postopératoire (en bas).
Figures 6 a et b
Cas n° 1. Vue palatine
de l’arcade maxillaire
(préopératoire à gauche, postopératoire à
droite).
a
b
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a
b
c
d
e
f
Figures 7 a à f
Cas n° 1. Patiente en préopératoire (en haut) et au 7e mois postopératoire.
Cas n° 2
Orthodontie : Dr G. Altounian. Chirurgie : Dr P. Leyder.
Jeune patiente de vingt ans présentant une grande
latérognathie droite avec un dysfonctionnement
temporo-mandibulaire homolatéral. Il fut décidé de
créer une référence mandibulaire avant la chirurgie.
L’appréciation du degré d’endognathie était difficile
en raison de l’encombrement mandibulaire.
24
Des attaches Speed® furent posées à l’arcade mandibulaire et un traitement à minima fut initié
au niveau du maxillaire, sur attaches linguales
Harmony®.
Une seule intervention chirurgicale a permis de réaliser une dérotation mandibulaire et une avancée
hypercorigée du maxillaire suivie de distraction
pour traiter la forme inappropriée et retreinte de
l’arcade ainsi que le déficit postérieur (fig. 8 et 9).
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L’ostéodistraction maxillaire transversale associée à la chirurgie orthognathique : de nouveaux outils pour une chirurgie en un temps
a
b
c
a
b
c
d
e
f
Figures 8 a à c
Cas n° 2. Occlusion en préopératoire (à gauche), au 28e jour postopératoire (milieu), et au 90e jour postopératoire.
Figures 9 a à f
Cas n° 2. Patiente en préopératoire (en haut) et au 3e mois postopératoire.
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Discussion
L’association de ces deux outils innovants, distracteur modulable et plaques d’ostéosynthèse coulissantes, change beaucoup la façon de considérer les
distractions bipartites ostéogéniques. Jusqu’à ce
jour, la distraction parallèle sur vérin Hyrax® ne permettait pas de contrôler la répartition entre le gain
squelettique antérieur et postérieur. Mécaniquement l’outil ne le permettait pas, et les résistances
postérieures élevées en raison du caractère incomplet du Le Fort I empêchaient toute ouverture postérieure importante.
Les vérins éventails qui ont pu être utilisés en distraction angulaire ne permettaient pas de positionner l’axe de la distraction exactement sur l’arcade
avec pour risque une compression antérieure des
alvéoles et un ajustement par rotation axiale des
molaires.
Ce nouveau distracteur, conçu pour une utilisation
chirurgicale, et utilisé avec des ostéosynthèses appropriées, permet de faire tomber plusieurs inconvénients majeurs des distractions conventionnelles :
• il est désormais possible de réaliser dans le même
temps chirurgical, la correction d’un sens transversal très déficitaire et une avancée et/ou une impaction maxillaire ainsi que tous les autres gestes
orthognathiques nécessaires ;
• le point charnière du dispositif peut être déplacé en
modifiant l’axe des ses deux corps. La répartition
des écarts osseux et la gestion des forces sont donc
facilitées et ne sont plus limitées par la position en
bouche du distracteur. L’axe charnière de la distraction peut être choisi en le positionnant sur l’arcade
pour les distractions angulaires ou en avant de l’arcade pour les distractions modulables.
Ainsi en fonction des besoins, la distraction peut être
angulaire, parallèle ou encore mixte parallèle puis
angulaire (jamais l’inverse). Si l’on veut bien réaliser
que la valeur de l’accroissement antérieur et postérieur est reliée par une relation d’homothétie, il est
possible de considérer cette nouvelle approche de distraction comme des distractions ostéogéniques
homothétiques à valeur d’ouverture antérieure et
postérieure choisie. Des courbes de correspondance
permettent, dès lors que l’on fixe l’accroissement de
l’une des deux valeurs, de déterminer la variation de
l’autre et partant les règles de pilotage du distracteur
qui doivent rester précises pour l’obtention de l’effet
escompté.
Ces outils innovants permettent ainsi de s’adapter à
la diversité des situations cliniques rencontrées en
26
chirurgie orthognathique. Il est désormais possible
de faire croître le sens transversal de la valeur nécessaire et suffisante sur chaque secteur de l’arcade.
L’ouverture antérieure des disjonctions classiques,
toujours trop importante lorsqu’elle est référée aux
besoins chiffrés, est remplacée par une ouverture plus
modeste qui permet la gestion de l’encombrement
ou d’une forme d’arcade inappropriée. L’impact social
d’un diastème majeur pendant plusieurs mois n’existe
plus car au deuxième mois il s’est pratiquement spontanément refermé. Les répercussions sur le parodonte
sont aussi moindres. L’impact esthétique au niveau de
la papille inter-incisive en particulier est nul. Le risque
de rhysalyse devrait quant à lui s’en trouver logiquement diminué6.
Ce nouveau distracteur a été conçu pour réaliser une
distraction ostéogénique sur Le Fort I total. Toute utilisation différente en particulier dans le cadre d’une
distraction conventionnelle en l’absence de mobilisation complète du maxillaire expose à obtenir un
résultat voisin de ce qui était classiquement observé,
c’est-à-dire une ouverture osseuse qui décroît d’avant
en arrière. L’ouverture postérieure restera en tout cas
aléatoire quel que soit la position de l’axe charnière
et l’angulation donnée aux corps du distracteur si on
ne travaille pas en basse résistance, avec une poussée
correctement équilibrée et un axe charnière correctement positionné.
En effet, pour pouvoir choisir la forme d’arcade, il
faut des résistances faibles, réparties également en
avant et en arrière ; c’est ce que permet un Le Fort I
total avec au minimum une ostectomie postérieure
extensive. Il convient de réaliser en quelque sorte une
anticipation de toutes les interférences osseuses
potentielles qui seront préventivement levées.
Les nouvelles ostéosynthèses coulissantes ont l’immense intérêt de permettre le travail transversal en
basse résistance, tout en assurant un maintien parfait
de la dimension verticale et sagittale.
Conclusion
Nous prônons un nouveau paradigme dans la chirurgie du sens transversal ; il n’est désormais plus nécessaire d’envisager deux interventions chirurgicales
dans les endomaxillies sévères avec ou sans encombrement. La réalisation en une seule étape chirurgicale d’une distraction modulable permet de bénéficier de la remarquable stabilité apportée par la
distraction ostéogénique tout en traitant la dimension verticale et les anomalies de positionnement
antéro-postérieur des arcades.
L’Orthodontie Bioprogressive - Vol. 20 - n° 2
L’ostéodistraction maxillaire transversale associée à la chirurgie orthognathique : de nouveaux outils pour une chirurgie en un temps
Le travail transversal en basse résistance permet de
générer des écarts osseux majeurs supérieurs à 8 mm
au niveau de la première molaire, mesurés sur les
scanners postopératoires. Jamais de telles valeurs
n’ont été rapportées dans la littérature. Le distracteur modulable permet de choisir un secteur d’arcade préférentiel et d’atteindre les valeurs d’expansion voulues. Sa version à appui osseux est très
appréciée lorsqu’un traitement avec attaches linguales a été initié. Ne nécessitant aucun décollement
de la muqueuse palatine, il est compatible avec une
chirurgie totale.
Nous préférons aussi dans ces conditions ne pas traiter le maxillaire ou le traiter à minima avant la chirurgie ; seule la mandibule est traitée si nécessaire,
pour servir de référence.
Les modifications dentaires sont très rapides en phase
postopératoire grâce aux modifications de la biologie osseuse engendrées par l’ostéotomie totale.
L’impact sur la fonction ventilatoire est aussi considérable.
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L’Orthodontie Bioprogressive - décembre 2012
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