L`ostéodistraction maxillaire/P. LEYDER, G. WYCISK, J. QUILICHINI

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L’Orthodontie Bioprogressive - décembre 2012
Introduction
La prise en compte de la dimension transversale s’im-
pose au chirurgien maxillo-facial comme à l’ortho-
dontiste. Si elle est nécessaire pour établir une occlu-
sion de qualité, on ne souligne que trop peu le rôle
essentiel qu’elle joue sur la fonction linguale et ven-
tilatoire, fonction dont la normalité est indispensable
à la stabilité des résultats.
Il nous semble aussi que l’esthétique est trop souvent
oubliée ; l’étroitesse antérieure d’une arcade ou la
présence de corridors buccaux est toujours jugée de
façon négative par les patients, alors qu’un sourire
sur une arcade déployée est positivement perçu.
Les armes à la disposition du chirurgien étaient jus-
qu’à présent au nombre de deux : les corrections
peropératoires imdiates au cours d’une chirur-
gie de Le Fort I dune part, les disjonctions inter-
maxillaires avec distraction ostéogénique, dautre
part.
Ces deux techniques ont toutes les vertus nécessaires
lorsqu’elles sont utilisées à bon escient ; c’est-à-dire
dans leur champ d’application très restrictif.
Malheureusement, l’absence d’autres procédés chi-
rurgicaux a souvent conduit à trop leur demander,
avec pour corollaire des résultats inconstants dès lors
que l’indication était en dehors de leur champ d’ap-
plication.
Les déficits transversaux maxillaires sévères de l’adulte sont traditionnellement trais en deux
étapes lorsqu’ils sont associés à une dysmorphose compte, sagittale et verticale. La correction
transversale a lieu dans un premier temps par ostéodistraction chirurgicalement assistée ; puis
un second temps de correction chirurgicale des autres anomalies spatiales est réalisé.
Les auteurs décrivent une technique permettant de réaliser en un temps une correction trans-
versale par ostéodistraction et une chirurgie complexe maxillaire et mandibulaire.
À cet effet, deux nouveaux outils sont présentés ; des plaques maxillaires à glissière, et un
distracteur modulable, à appui osseux ou dentaire.
Les patients ont tous consolidé, et nous avons corrigé le déficit transversal conformément aux
prévisions sur set-up préopératoire. Les résultats de la distraction sont quantifiés sur modèles
d’étude et/ou sur scanner.
Nous présentons deux patients opérés selon cette nouvelle stratégie.
Il s’agit d’une voie innovante permettant de positionner, dans les trois sens de l’espace, en
un temps opératoire, une dysmorphose maxillo-mandibulaire avec endomaxillie.
L’ostéodistraction maxillaire
transversale associée
à la chirurgie orthognathique :
de nouveaux outils
pour une chirurgie
en un temps
P. LEYDER, G. WYCISK, J. QUILICHINI
Adresse de correspondance :
Patrick Leyder, Service de chirurgie maxillo-faciale et chirurgie plastique, Centre Hospitalier Intercommunal Robert Ballanger,
boulevard Ballanger, 93602 Aulnay-sous-Bois Cedex. E-mail : patrickle[email protected]
Conférence présentée le 15 septembre 2012 à Amiens. 15 juin 2009, à Paris
Leyder P., Wycisk G., Quilichini J.
L’Orthodontie Bioprogressive - Vol. 20 - n° 2
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Les techniques à la disposition
du chirurgien
Les corrections peropératoires
immédiates avec un Le Fort I total
Deux traits paramédians palatins associés à une cor-
ticotomie 11-21 permettent d’anguler les deux hémi-
maxillaires dans un plan horizontal réalisant classi-
quement une ostéotomie bipartie. En arrière, la
résistance à l’ouverture est faible mais ce mouvement
angulaire est de fait limité en avant par une fibro-
muqueuse totalement inextensible dans son tiers
antérieur :
Il est impossible, voire dangereux, de chercher à obte-
nir des écarts postérieurs supérieurs à 4 mm mesurés
au niveau des molaires. Pour cette même raison, tout
écart antérieur inter-incisif supérieur au millimètre
est impossible.
Le gain obtenu est maintenu deux à trois mois par un
dispositif transpalatin dont le plus utili est une
plaque en résine acrylique, confectionnée sur un
modèle à la valeur de la correction souhaitée.
Beaucoup d’auteurs ont aussi souligné le côté récidi-
vant de ces corrections peropératoires la disten-
sion des tissus apparaît comme peu favorable à la
consolidation osseuse transversale.
La disjonction intermaxillaire
chirurgicalement assistée
Il s’agit d’une véritable distraction ostéogénique avec
une croissance pluritissulaire générant en particulier
de la fibromuqueuse et de l’os. Cette technique est
beaucoup plus favorable à la stabilité transversale.
Malheureusement, elle connaît aussi des limites pré-
cises : elle doit être réalisée isolément comme préam-
bule à une chirurgie orthognathique plus complexe,
ce qui oblige les patients à être opérés deux fois1.
L’essence même de cette technique réside dans un Le
Fort I bipartie incomplet. C’est le premier écueil car
il laisse persister des zones corticales postérieures
dont l’affrontement est souvent source de résistance
en cours de distraction, que l’on fasse ou non une dis-
jonction inter-ptérygo maxillaire2-4.
L’autre écueil plus évitable, réside dans l’utilisation
d’un dispositif de distraction palatin à appui dentaire
monté trop antérieurement par rapport à ces mêmes
résistances postérieures.
Pour ces deux raisons essentielles, le résultat obtenu
est caricatural :
Écart inter-incisif important, ouverture généreuse
osseuse antérieure mais beaucoup plus limitée pos-
térieurement, torque des deux mi-maxillaires et
mouvement dentaire peu souhaitables.
Pour la plupart des auteurs, l’ouverture osseuse obte-
nue au niveau des molaires est moins de la moitié du
gain dentaire. Aussi, les études récentes objectivent
des récidives au niveau molaire sur le long terme5.
Depuis quelques années, des dispositifs à appui
osseux ont permis de gommer certains de ces incon-
vénients en particulier l’amincissement de la corticale
vestibulaire dans les effets délétères dentaires ; mais
ils n’ont pas pu apporter la preuve d’une ouverture
osseuse plus généreuse dans la région postérieure.
De surcroît, ces procédés à appui osseux restent d’un
maniement plus complexe avec en particulier un
décollement palatin, qui même limité, ne permet pas
non plus d’envisager une chirurgie plus globale,
maxillaire ou mandibulaire, au cours d’une seule et
même intervention.
Une nouvelle stratégie
Depuis trois ans, nous avons veloppé deux nou-
veaux outils qui autorisent une stratégie chirurgicale
différente en forme de contre-pied. En effet le gain
transversal prédomine en arrière tandis qu’il reste
plus modeste en avant.
Cette stratégie est beaucoup plus adaptée aux cas cli-
niques traités. Elle permet aussi de régler tous les pro-
blèmes sagittaux et transversaux au cours de la même
intervention chirurgicale.
Nous avons conservé le principe d’une distraction
ostéogénique pour la stabilité de ces résultats et pour
l’importance de l’ouverture osseuse, mais nous la vou-
lions aussi plus adaptée à la réalité clinique car les
déficits postérieurs sont le plus souvent prépondé-
rants
.
Ainsi nous avons cherc à éviter tout écart inter-inci-
sif intempestif peu compatible avec une stabilité occlu-
sale qui est toujours immédiatement requise dans ce
type de chirurgie. De la même façon, nous avons
recherché un écart osseux postérieur préférentiel
dans les endomaxillies. Le diastème incisif que l’on va
créer n’est en fait destiné qu’à gérer l’encombrement
dentaire maxillaire ou à augmenter une distance
inter-canine déficitaire voire à changer une forme
d’arcade trop retreinte à sa partie antérieure. Mais
ces situations ne nécessitent qu’un écart antérieur
faible de l’ordre de 2 à 3 mm qui toutefois peut
atteindre 6 à 7 mm dans les grands encombrements.
Les nouveaux outils sont adaptés à ces écarts. En
L’ostéodistraction maxillaire transversale associée à la chirurgie orthognathique : de nouveaux outils pour une chirurgie en un temps
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L’Orthodontie Bioprogressive - décembre 2012
aucun cas, la papille ne doit être dilacérée. Ainsi la
stratégie est bien différente de celle d’une distraction
chirurgicale classique. Grâce à cette technique, on va
créer une ouverture osseuse qui s’accroît d’avant en
arrière de façon homothétique.
Présentation du matériel
> Plaques à glissière pour ostéosynthèse
coulissante
Il s’agit de plaques en titane de 0,8 mm d’épaisseur.
Chaque ostéosynthèse est composée de 2 plaques
référencées droite et gauche. L’unité en forme de T
est synthésée sur l’apophyse montante du maxillaire
et comporte un ergot qui s’emboîte dans la glissière
de la plaque inférieure ; cet ergot pouvant coulisser
durant la distraction.
L’angulation entre la plaque en T et la glissière de la
plaque maxillaire permet la stabilisation des frag-
ments osseux dans le sens antéro-postérieur, mais
autorise l’expansion dans le sens transversal. Deux
versions de glissières sont disponibles : l’une pour une
avancée du maxillaire (décalage antérieur de l’infra-
structure utilisant déjà les premiers millimètres de la
glissière), l’autre pour les impactions isolées, où l’an-
gulation finale débutait dès le premier millimètre.
Les plaques inférieures portant la glissière étaient
positionnées proches du plancher de la fosse nasale
et perpendiculaires au septum. La partie terminale de
la glissière s’incurvait, s’élargissait et diminuait en
épaisseur pour prévenir tout phénomène de blocage
de l’ergot de la partie supérieure de la plaque dont le
dessin à été arrondi dans cette optique.
Une fois les ostéosynthèses réalies au moyen de
ces plaques, le maxillaire, bien qu’entrement
mobilisé, était complétement verrouillé dans sa posi-
tion antéro-postérieure et verticale. La distraction
postopératoire restait cependant possible, les deux
hémi-maxillaires coulissant le long des glissières de
chaque plaque
(fig. 1)
.
> Distracteur modulable
Le distracteur existe en deux versions : à appui den-
taire
(fig. 2)
et à appui osseux
(fig. 3)
.
Dans la version à appui dentaire
Le distracteur est fabriq en acier inoxydable. Il com-
porte deux vérins, l’un antérieur et l’autre postérieur
réunis par les deux corps du dispositif et parés
d’une distance de 7,6 mm. Chaque vérin comporte
deux écrous jouant le rôle de cardant. Plusieurs lon-
gueurs de vérins sont disponibles (16, 20 ou 24 mm)
en fonction de la place disponible dans le palais et de
la quantité de distraction nécessaire (6, 10 ou 16 mm
respectivement).
Les vérins peuvent être remplacés en cours de dis-
traction. Une clavette centrale, assurée à l’aide d’un
fil d’acier 3/10eautour de la vis antérieure, solidarisait
les deux vérins pour éviter tout mouvement sagittal
isod’un hémi-maxillaire. Le dispositif devait être
mon de telle sorte que la clavette se trouve au
milieu du palais parallèlement à son axe sagittal. Le
pas des vis permettait d’obtenir une ouverture de
0,7 mm par tour complet.
Dans cette version, le distracteur comportait de
chaque côté un bras de fixation, soudé à une bague
molaire par le prothésiste.
En cas de distraction angulaire postérieure isolée, une
extension postérieure était ajoutée au bras par le
prothésiste pour rapprocher le centre de poussée de
la partie postérieure voûte palatine.
En cas de distraction mixte, une extension antérieure
de section supérieure à 1,3 mm était ajoutée pour
assurer une bonne répartition des forces.
Figure 1
Ostéosynthèse coulissante sur os sec.
Figure 2
Vue palatine du distracteur à appui dentaire en fin de dis-
traction.
Leyder P., Wycisk G., Quilichini J.
L’Orthodontie Bioprogressive - Vol. 20 - n° 2
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Dans la version à appui osseux
Lancrage anrieur du distracteur est assuré par
deux vis palatines placées entre la canine et la pre-
mière pmolaire où l’épaisseur de l’os est la plus
importante. L’appui postérieur est assupar deux
griffes fichées par un système de compas dans la cor-
ticale palatine après perforation muqueuse. Grace
aux vis palatines, les deux hémi-maxillaires restaient
parfaitement solidaires au cours de la distraction.
Pour éviter de léser les racines palatines des molaires
par les griffes de l’appui postérieur, il était recom-
man de remplacer le distracteur par une barre
transpalatine après le 2emois. L’absence de décolle-
ment de la muqueuse palatine rendait ce distracteur
compatible avec une ostéotomie de Le Fort I com-
plète.
L’utilisation de la version à appui osseux était impé-
rative chez les patients présentant des rhysalyses, en
cas de parodontopathies, en cas de tentative d’ex-
pansion transversale orthodontique préalable, en cas
de traitement orthodontique en technique linguale
en raison de l’encombrement du matériel ou en cas
d’endomaxillies sévères pour éviter des sollicitations
dentaires excessives.
Plusieurs modes de distraction étaient possibles avec
ce dispositif :
– une distraction angulaire pure, lorsque l’expansion
postérieure était recherchée et qu’aucun diastème
inter-incisif n’était nécessaire. Pour permettre une
ouverture postérieure sans création de diastème
inter-incisif, le vérin antérieur devait être activé
moins vite que le rin postérieur pour que le
centre d’angulation des deux maxillaires reste en
regard de la papille inter-incisive ;
– une distraction mixte, quand l’objectif était d’ob-
tenir une expansion postérieure et une expansion
antérieure avec création d’un diastème inter-incisif.
La valeur de l’expansion antérieure, généralement
plus faible que la valeur postérieure, pouvait être
contrôlée lors de la distraction. Dès le 4ejour post-
opératoire, le distracteur était actiselon un mode
parallèle, en tournant les deux vis d’une me
valeur, en général trois quarts de tours par jour, per-
mettant une ouverture postérieure et antérieure.
La distraction se poursuivait en parallèle jusqu’à
obtenir la valeur désirée de diastème inter-incisif.
Enfin, en fonction des besoins cliniques, la distrac-
tion pouvait se terminer en angulaire, pour pour-
suivre l’expansion osseuse postérieure jusqu’à obte-
nir la correction de l’occlusion molaire. Dans ce cas,
la vis antérieure devait être tournée moins vite que
la vis postérieure. Dans tous les cas, la morphologie
des plaques permet une distraction parallèle puis
angulaire, mais pas l’inverse
(fig. 4)
.
Quel que soit le mode de distraction choisi, le dis-
tracteur était actimodérément en peropératoire
Figure 3
Vue palatine du distracteur à appui osseux en fin de dis-
traction.
Figure 4
Représentation schématique d’une distraction parallèle,
puis angulaire.
4.43 : distance entre la berge osseuse et l’axe des cardans
L : entre axe cardan postérieur
l : entre axe cardan antérieur
8.3 : écart osseux antérieur
10 : écart osseux postérieur
4 : distance inter-incisive
l = 8.3 + 4.43 + 4.43 = 17,16
L = 10 + 4.43 + 4.43 = 18.86
L’ostéodistraction maxillaire transversale associée à la chirurgie orthognathique : de nouveaux outils pour une chirurgie en un temps
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L’Orthodontie Bioprogressive - décembre 2012
après réalisation de l’ostéotomie de Le Fort I et de la
disjonction sagittale.
Technique chirurgicale
La technique chirurgicale adoptée est celle d’un Le
Fort I classique, le tracé de l’ostéotomie est conduit au
piézotome ou de façon conventionnelle. Un abaisse-
ment complet du maxillaire est réalisé avec une dis-
tension du ligament sphéno-maxillaire comme pour
une avane de l’infrastructure. La mobili du plateau
doit être totale. Une ostectomie postérieure glée
autour du pédicule grand palatin est systématique-
ment pratiquée, au mieux au piézotome. S’agissant
d’une chirurgie bipartite, il faut compléter l’ostéoto-
mie maxillaire par la réalisation d’un trait médian
inter-incisif préparé avant l’abaissement du plateau. Il
peut être poursuivi de façon strictement médiane ou
encore en U empruntant un double trajet dans le plan-
cher de la fosse nasale si une cadence plus rapide de
distraction est souhaie. Le blocage bimaxillaire étant
réalisé, la mandibule est mise en autorotation avant
de réaliser l’ostéosynthèse coulissante.
Cas cliniques
Cas n° 1
Orthodontie : Dr S. Mercier. Chirurgie : Dr P. Leyder.
Patiente présentant une classe III squelettique, avec
latérognathie gauche, excès vertical antérieur et
endomaxillie avec encombrement. Aucun traitement
orthodontique n’a été lisé en préopératoire au
niveau du maxillaire.
Durant l’intervention, toutes les anomalies squelle-
tiques ont été corrigées en un seul temps chirurgical.
Larcade maxillaire était équipée avec un arc acier
façonné en préopératoire immédiat
(fig. 5 à 7)
.
Figures 5 a à f
Cas n° 1. Occlusion préopératoire (en haut) et à 3 mois postopératoire (en bas).
Figures 6 a et b
Cas n° 1. Vue palatine
de l’arcade maxillaire
(préopératoire à gau-
che, postopératoire à
droite).
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