10 – le jeu. ordre et liberté
espagnol du début du xxe siècle (D. Coste), le jeu de rôle chez Vargas Llosa
peut donner à la femme le moyen de s’émanciper (M. M. Gladieu). Quant à
l’image cinématographique de Fabián Bielinsky elle sert la rouerie et mani-
pule le spectateur (A. Gimbert). Le football et la création littéraire dans des
œuvres de Ramírez y Bubo et Bolaño peuvent devenir révolutionnaires s’ils
transgressent les règles (E. Oviedo). Dans un contexte de violence sociale, si
la vie est conçue comme un jeu et les jeux de mots comme un acte véritable-
ment ludique, l’acte de langage d’un personnage de Raúl Guerra Garrido per-
met de survivre à la solitude (M. D. Alonso Rey). Face à la mort, le jeu, dans
les récits de Lezama Lima, devient passeur de frontières et permet de dominer
la Faucheuse (T. Barège), ou alors, au sein du couple chez l’auteur portoricain
Luis Rafael Sanchez, il invite au sacrifice pour que l’autre vive ou à la fourberie
pour qu’aucun des deux ne survive (D. Nouhaud). Enfin, on peut se demander
à quel jeu joue Diego Rivera entre l’image qu’il donne de lui-même et son rap-
port au régime post-révolutionnaire ? (A. C. Hornedo).
Pour certains auteurs, le jeu repose essentiellement sur la stratégie narrative
ou poétique. Soit, il est invitation à résoudre des énigmes et le lecteur de Los
detectives salvajes de Roberto Bolaño devient détective (J. Zárate), soit, pour
l’écrivain uruguayen Mario Levrero il s’emploie à le surprendre pour main-
tenir son attention (F. Idhmand). L’écriture, parce qu’elle joue avec les mots
devient alors désaliénante et le lecteur de Jardiel Poncela invité à jouer avec les
mots, rit de ses propres habitudes de lecture (C. François). Les jeux de mots
aident aussi à démonter les mécanismes de la création littéraire chez Isaac Rosa
(G. Palomar) et prouvent si besoin est, la grande liberté créatrice d’un auteur
à l’instar de Pablo Neruda (B. Santini). Par ses modalités ludiques, l’écriture
invite à la subversion comme dans les récits de bohème littéraire du début du
xxe siècle (X. Escudero) et par le biais de la devinette et de l’énigme poétique,
celle de Nicolás Guillén, José Martí et Nancy Morejón permet la rénovation
des traditions populaires (S. Hernandez).
Enfin et pour clore cette brève présentation on peut se demander si le jeu
ne serait pas une stratégie permettant au « je » de s’affirmer ? Le puzzle auquel
joue l’héroïne du film Rompecabezas l’aiderait à établir un équilibre entre elle-
même et les autres (A. Delgado) ; grâce au jeu, la fiction de Soledad Puérto-
las permettrait à l’auteure de se cacher et de se dévoiler (E. Romón) et chez
Diamela Eltit, les jeux d’enfants, fragiles et éphémères, seraient le reflet de
son propre jeu (C. Pelage). La comedia, lorsque l’auteure est une femme, ne
révèlerait-elle pas son pouvoir démiurgique et du coup la liberté de la femme
(I. Rouane Soupault) ? Quant au théâtre, en tant qu’expérience de travail avec
des étudiants, il permettrait tout simplement de montrer que ne pas vouloir
« jouer le jeu » signifie s’exclure (B. Natanson).