La#Colère#du#Tigre#:#documentation#
[…] Le genre de la pièce historique à deux personnages est bien balisé. Un argument fourni par
l'histoire, deux rôles de grands hommes taillés sur mesure pour des stars des planches… « La
Colère du Tigre » ne déroge pas à la règle. L'auteur, Philippe Madral, fait se rencontrer en 1923
deux amis fameux au crépuscule de leur vie : Clemenceau (quatre-vingt deux ans) et Monet
(quatre-vingt-trois ans). Le peintre a accepté l'invitation du Tigre, qui normalement vit seul avec
sa domestique, Clotilde, dans sa maison vendéenne, mais qui ces temps-ci reçoit son éditrice,
Marguerite Baldensperger, une belle quadragénaire. Les deux ressorts dramatiques de la pièce
sont simples : l'amitié entre les deux hommes, menacée par le refus de Monet de livrer ses
« Nymphéas » à l'Orangerie (alors qu'elle a été aménagée à grands frais à la demande de
Clemenceau) ; et l'amour fou que ressent le vieux Tigre encore vert pour Marguerite. Philippe
Madral déroule ce fil ténu avec un classicisme assumé, mais son écriture ne manque pas
d'élégance. Bien qu'il se soit livré à un gros travail de documentation, il évite la leçon d'histoire et
le festival des bons mots piqués dans la correspondance des deux grands hommes. Au-delà du
tableau d'époque, il parvient à faire passer un message humaniste revigorant : la volonté des
hommes est une cure de jouvence - jusqu'au bout, on peut défier la vieillesse et la mort. Au final,
Clemenceau et Marguerite tombent dans les bras l'un de l'autre et Monet, vexé de la colère du
Tigre, reprend son pinceau, malgré sa mauvaise vue.
Claude Brasseur [est] bouillant, volontiers bravache […]. La scène où Brasseur-Clemenceau
avoue à son ami son amour pour Marguerite, tout en retenue, est magnifique. […]Sophie
Broustal incarne avec finesse Marguerite, Marie-Christine Danède est une pétulante Clotilde, à la
fois bonne, mère et dragon. La mise en scène de Christophe Lidon est tout en nuances délicates,
à l'image du beau décor « impressionniste » de Catherine Bluwal, qui mixe toile peinte, tulles et
projections. Quand les papys font de la résistance… Cette soirée théâtre a peut-être un côté
« vieux style », mais elle ne manque pas de charme.
Philippe Chevilley, Les Echos, 15 septembre 2014
Philippe Madral, l'auteur, raconte l'histoire peu connue de la rencontre de deux fortes
personnalités, Georges Clemenceau et Claude Monet. Les deux géants ne sont plus jeunes, veufs
tous deux. La pièce se déroule chez Clemenceau. Le texte est habile, bien documenté ; les
répliques font mouche. La présence de la vieillesse, de la solitude et surtout la proximité de la
mort sont bouleversantes. Entre ces deux amis, plus que la question de l'installation des
Nymphéas à l'Orangerie, c'est de cette angoisse-là dont il est question. Claude Brasseur est
exceptionnel dans le rôle du Tigre, surnom attribué à Clemenceau et à son énergie débordante.
[…] Le déclin de formidables énergies incarné par d'immenses acteurs.
Sylviane Bernard-Gresh, 25 septembre 2014