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6LUNDI 28 JUILLET 2014 LE POPULAIRE DU CENTRE
Santé
HVI
RECHERCHE Cette société, basée àLimoges, adécouvertune méthode qui permettrait de neutraliser le virus
BCell Design, prêt àvaccinercontre le sida
Sébastien Dubois
sebastien.dubois@centrefrance.com
E
npleine conférence
mondiale sur le Sida,
la possibilité d’un
vaccin préventif estelle en
train de naîtreàLimoges ?
Dans les laboratoires de B
Cell Design, au premier
étage des locaux abritant
l’établissement français du
sang (EFS), àLimoges,Ar
melle Cuvillier,responsa
ble scientifique du projet,
est convaincue de l’origi
nalité et de l’efficacité de
son approche.«Lanature
de l’anticorps et de la ré
ponse induite est différen
te des autres recherches »,
explique cette chercheuse,
secondée par une équipe
scientifique issue exclusi
vement de l’Université de
Limoges.
«Réactionscroisées »
Sesscientifiques ont déjà
«reproduit chezles souris
les anticorps capables de
neutraliser le VIH, expli
quetelle.Onveut can
tonner l’infection aux mu
queuses et utiliser les
armes naturelles de défen
se qui existe àcet en
droit ».
L’aventure, menée en
partenariat avec Sanofi
Pasteur et l’Insermde
Strasbourg, partd’un
constat simple.Laquête
d’un vaccin contreleSida
reste «sur 30 ans
d’échec », souligne Armel
le Cuvillier.Laraison ?Les
scientifiques qui s’atta
quaient jusqu’à présent à
cet Everest médical, le fai
saient de manièreclassi
que,enisolant des élé
ments protéiques àla
surface du virus.«Par
exemple,dissèque la cher
cheuse,pour la grippe,un
composant du virus est
utilisé dans la fabrication
du vaccin. Mais ça ne
marche pas avec le VIH
car les éléments qui sont à
sa surface changent avec
le temps.Ilnous fallait
donc explorer une nouvel
le voie d’attaque
Les scientifiques limou
geauds se basent sur des
travaux de SanofiPasteur
pour étudier une autre
piste :«Ilaété démontré
que des personnes expo
sées régulièrement au vi
rusrésistent àl’infection,
reprend Armelle Cuvillier.
Pourquoi ?Pour répondre
àcette question, les cher
cheurs se sont appuyés
sur le rôle fondamental
que joue la florenaturelle
qui tapisse toutes nos mu
queuses,composée de mi
croorganismes,qui nous
entraînent àélaborer des
systèmes de protection. La
réponse immunitairecon
treces microorganismes
s’est également montrée
très efficace contreleSida.
C’est ce qu’on appelle des
réactions croisées
Applicableaucancer
Toute l’originalité de
l’approche de BCell Desi
gn réside là. «Notrevac
cin n’est pas basé sur un
composant naturel du
VIH, mais apour objectif
d’induireune réaction à
celuici àl’endroit même
où il pénètredans l’orga
nisme :les muqueuses.
C’est là que le virus se ca
che et infecte petit àpetit
l’organisme.Notrevaccin
va permettredemaintenir
une stimulation locale
permanente du système
immunitaire. Il seraainsi
éduqué pour répondreau
VIH. »L’utilisation de ces
anticorps permettrait aus
si de traiter les cancers se
développant dans d’autres
régions muqueuses,com
me le cancer colorectal
par exemple.
«Labonne recett
Pour le Sida, le vaccin
s’est déjà montré efficace
surles rongeurs de petite
taille.Unbrevetaété dé
posé en février.«Ilnous
faut maintenant passer à
la phase préclinique »,
explique la responsable
scientifique.Cette étape
doit notamment permet
tredeparfairelacomposi
tion, le dosage et le choix
de la voie d’administration
du vaccin. «Onchoisit la
bonne recette,simplifie
Armelle Cuvillier,pédago
gue.Elle seraensuite tes
tée sur des rats et des la
pins.Puis viendrala
premièrephase d’expéri
mentation humaine sur
des volontaires sains
BCell Design rejoindrait
alors le cercle très fermé
de la vingtaine d’essais cli
niques déjà en cours dans
le monde.«Cela peut
prendredeux àtrois ans »,
estimetelle.Leprojet de
mande également des
fonds pour permettreàla
société de se structurer
(voir cidessous). La route
est encorelongue,mais
l’espoir est au bout…
Neutraliser le virus du sida
dans les muqueuses.C’est le
pari de la sociétélimou-
geaude BCell Design.Une
découvertemajeure qui a
encore besoin d’être testée
surles animaux, puissur
l’homme.
ARMELLECUVILLIER. Pour la chercheuse limougeaude, «lanaturedel’anticorpsetdelaréponse
induite est différentedes autresrecherches ». PHOTO ÉRIC ROGER
Miracle médicalrecherchefinancement
Pour se structurer en hol-
ding, BCell Design abesoin
de 500.000€.Une étape
importantequi lui permet-
tra ensuite de lever des
fonds nécessaires àses re-
cherches.
Cette société de biotech
nologie,qui emploie six
personnes,n’est pas seule
ment lancée dans la re
cherche de vaccins.Elle
développe également une
activité de fabrication de
molécules et d’anticorps
pour des clients académi
ques ou spécialisés dans le
diagnostic et la pharma
cie.«Onserend compte
que nos deux activités,re
cherches et services,pren
nent suffisamment d’essor
pour êtreisolées dans des
entités indépendantes »,
explique Gaël Champier,
directeur technique de la
société.
Huit àdix millions
nécessaires
La restructuration, qui
doit aboutir àl’automne,
s’appuierait sur la création
d’un holding, qui abrite
rait «les brevets et les li
cences d’exploitation »,
explique le responsable et
deux filiales,une pour la
recherche,l’autrepour
l’activité de services.«La
production de molécules
peut rapporter du chiffre
d’affaires immédiatement,
alors que pour la recher
che,les retours sur inves
tissement sont plus tar
difs », souligne le
directeur.Sur les 500.000 €
nécessaires,ilenmanque
encoreunpeu plus de
200.000 àBCell Design
pour franchir cette pre
mièrtape.Des business
angels et le fond d’amor
çage Limousin participa
tions ont contribué au fi
nancement. Pour la levée
de fonds actuelle,quel
ques investisseurs et le
fonds Dynalim ont déjà
abondé le projet. «Nous
sommes àlarecherche
d’autres business angels »,
explique Gaël Champier.
«Ces fondslà sont im
portants,reprendil. Cela
nous permettrad’attein
drelataille critique pour
intéresser les grands
groupes.»Cesont eux qui,
dans un deuxième temps
financeront le développe
ment de vaccins contrele
Sida ou de thérapies con
trelecancer,l’autreaxe de
recherche de BCD.
Pour arriver aux pre
miers tests sur l’homme,
«entrehuit et dix millions
sont nécessaires », jauge
Armelle Cuvillier.Société
«spin off »del’Université
de Limoges et du CNRS,
créée en décembre2007 et
soutenue par la région Li
mousin et la BPi, BCell
Design a, depuis sa créa
tion, pu investir 3M€en
infectiologie et cancérolo
gie.«Soit nous nous déve
loppons,soit nous dispa
raissons », conclut Gaël
Champier.
ÉQUIPE. BCell Design est une société dérivée de l’Université de Limogesetsoutenue par le CNRS.
Elle emploie actuellement six personnes. PHOTO ÉRIC ROGER
La conférence mondiale
offredenouvellesperspectives
Si une vingtaine d’essais cli-
niquessont actuellement
en courspour trouverun
vaccinauVIH, près de 140
ont déjà aboutiàuchec.
C’est pourquoi le projet
de BCell Design ouvredes
perspectives nouvelles.
Mais il n’est pas le seul.
Alors que la conférence
mondiale sur le Sida se
déroulait du 20 au
25 juillet, àMelbourne,un
rapportdel’OMS, dévoilé
au début du mois,préco
nise que «les hommes
ayant des rapports sexuels
entreeux puissent prendre
àtitrepréventif des anti
rétroviraux ». Cette propo
sition repose sur le princi
pe de la «prévention
combinée », consécutive
au semiéchec de la stra
tégie «tout préservatif »
qui n’empêche pas le ni
veau de contamination de
rester élevé, chezles ho
mosexuels,mais aussi
dans les pays en dévelop
pement.
Un groupe de chercheurs
de l’université de
Washington aestimé, cet
te année,que depuis 1996,
19 millions de vies avaient
été sauvées grâce àlapri
se des antirétroviraux. Cet
te thérapie permet de pro
longer la vie des
personnes infectées,mais
n’offrepas de guérison
complète.Cependant,
l’OMS considèreque leur
prise serait également effi
cace àtitrepréventif.
«Aujourd’hui, on sépare
de moins en moins le vac
cin et le traitement, com
mente Armelle Cuvillier,la
chef scientifique de BCell
Design. Surtout qu’ils re
posent tous les deux sur
l’induction d’une réponse
du système immunitaire. »
«Lathérapie préventive
ne remplacerajamais le
préservatif », notait toute
fois cette semaine,dans Le
Parisien,lePrJeanDaniel
Lelièvre. Après avoir con
nu un pic, en 2005, avec
1,7 million de morts dans
le monde,l’épidémie du
Sida s’est aujourd’hui sta
bilisée entre1,3 et
1,5 million de personnes
décédées.Depuis 1997, le
nombredenouveaux in
fectés décroît au rythme
de 2,7 %par an et oscille
désormais aux alentours
de deux millions de nou
veaux cas annuels.Entre
30 et 35 millions d’êtres
humains sont, en 2014,
porteurs du VIH.
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