Rogate
Dimanche 29 mai 2011
L’Eglise en Prière
Luc 11.5 à 13
Introduction.
Notre texte veut situer la prière au cœur du monde. Il y a trois parties
bien distinctes:
5 à 8: une parabole qui nous indiquerait quelque chose
comme un chemin de prière
vv 9 et 10 qui semble être une interprétation de l’histoire qui
précède. L’enseignement qu’on peut en tirer: persévérer, insister.
Vv11 à 13: La réponse du Père peut être inattendue, voire
décevante, (le don du Saint-Esprit au lieu de ma demande
spécifique). Mais il faut garder confiance au nom de l’amour
paternel de Dieu
Tout ne pourra pas être abordé dans le détail. Selon le cas on
pourra laisser la lecture des vv 11 à 13
Dans la première partie nous trouvons comme un cheminement. Il
en est de la prière comme d’un enchaînement qui, une fois lancé, se
déroule presque comme une suite logique, voire automatique. Chez
le personnage central de cette histoire il y a une prédisposition à
l’ouverture à l’autre. Il est mobilisé, presque à son insu, grâce à son
ami qui vient le trouver nuitamment. Et la machine se met en route. Il
va à son tour déranger son voisin qui lui oppose une résistance.
Cela ne fera que redoubler ses efforts: La prière affermit l’orant dans
sa détermination à aboutir.
Dans la deuxième partie, on ne peut pas passer sous silence la
répétition et donc l’insistance sur les quatre verbes: demander,
donner, chercher, trouver frapper et ouvrir. A les lire de près on y
découvre un glissement vers un engagement, une responsabilisation
plus affirmée de celui qui demande.
Visée de la prédication: La prière a des effets sur celui qui demande:
renforcement et engagement.
Remarques: Il serait judicieux de mettre le texte, ou du moins les
verset 9 et 10, par écrit pour permettre à l’assemblée de suivre plus
facilement dans la deuxième partie de la prédication. Attention à
choisir une traduction qui respecte le temps et l’ordre des verbes.
(Nouvelle Bible Second). Dans le texte grec, le verbe cité en premier
est toujours celui qui exprime l'engagement de l'homme (Demander,
chercher, frapper). L'action de Dieu, citée en deuxième, est une
réponse à la (re)quête de l'homme. L'homme est appelé à
manifester son désir pour provoquer la réponse de Dieu
Prédication
La prière nous mobilise.
Tout part d'un dérangement. Voilà un ami qui arrive chez un autre.
Est-ce un égaré ? En tout cas quelqu'un qui a des besoins:
hébergement, sustentation, nourriture. Traduit mot à mot, ce visiteur
est «sorti de son chemin », de son cheminement. Au sens large
quelqu'un qui est paumé, un pauvre, un malade, un fou...peut-être...
qui vient déranger un ami.
Ce dernier n'a rien à lui offrir. Il est démuni à son tour. Le voyageur
est-il venu à l’improviste ? Dans ce cas, notre homme manque peut-
être d’organisation. Ou est-il vrai qu'il n'a plus de pain, ou pas assez,
ou ne veut-il pas partager? Alors il manque plutôt de charité, de
générosité. Donc: le voyageur met son ami en mouvement. Celui-ci
va trouver son voisin, avec une simplicité qui semble tombée un peu
en désuétude aujourd'hui.
Si cette parabole veut nous parler de la prière, elle nous indique que
celle-ci naît d'un dérangement. L'homme dérangé est gêné parce
qu'il ne peut répondre à la demande. Il manque soit de pain soit de
charité. Cette gêne sera exprimée plus fortement, de manière plus
argumentée par le voisin dérangé en pleine nuit. C'est que c'est
gênant de voir ou d'assister à des manques criants (quêteurs dans
la rue, malade en souffrance, injustices sociale...) sans pouvoir
aider, en étant mis face à son impuissance. Je suis gêné, voire
embêté tant que je suis réceptif, sensible, à l’écoute de l’autre. Ainsi
la prière commence par une attention à l'autre, une capacité
d'entendre l'interpellation du prochain. Elle naît alors du constat de
notre propre impuissance. La prière n'est pas un dialogue privilégié,
religieux et mystique entre deux personnes, entre Dieu et moi. Mais
elle est ouverture vers l'autre dans le manque et vers Dieu. Ici
l’homme interpellé joue un rôle de médiateur entre ses deux amis,
entre le premier qui est sorti de son chemin et celui qui dort
tranquillement dans sa maison et qu'il faut réveiller, secouer.
Puis vient le moment de la résistance de la part du voisin sollicité:
tu me déranges, tu m'embêtes, tu me donnes du souci
il est trop tard, ce n'est plus le moment.
la porte est fermée
tu vas réveiller mes enfants (appel à la pitié ou au devoir
supérieur)
je ne peux pas, je n'ai pas la force...
je ne veux pas me lever. Ce verbe signifie aussi la
résurrection et laisse sous-entendre que cela demanderait
trop d'effort à mobiliser.
Cette résistance a un effet bénéfique: elle mobilise des énergies.
Mais pas seulement celles de Dieu. Elle va mobiliser des forces
supplémentaires chez le demandeur qui va affiner sa stratégie. Il va
dégager son objectif essentiel, au détriment de toute autre
considération qui viendrait parasiter sa demande. La résistance de
l'ami sollicité l’oblige à se poser la question: qu’est-ce que je veux
vraiment ? Quel est mon désir ? Quel est le résultat à atteindre: avoir
du pain ou ménager mon ami ? La demande devient engageante
avec de la détermination.
Ce n'est pas par amitié dit Jésus, qu'il va obtenir du pain. S’il
cherchait à ménager son voisin, sa demande n’aurait pas la même
force de conviction. Parce qu’il sait ce qu’il veut avant tout, sa
demande va devenir insistante et suivie d'effet dit Jésus. Et il utilise
un mot qu'on peut à la fois traduire par "sans pudeur" ,"sans honte",
"sans retenue", voire "déplacé" et "mal élevé". Notre homme a
choisi: il veut du pain pour son ami, même au détriment de l’amitié
du voisin.
Puis, Jésus donne une interprétation de cette histoire en précisant
sa vision de la demande, de la prière. Il répète deux fois trois
groupes de deux verbes symétriques: demander et recevoir,
chercher et trouver, frapper et ouvrir. Il les conjugue de manière à
nuancer leur sens.
Demandez. C'est un impératif, un verbe actif qui doit nous mettre en
route, nous mobiliser. Il n'y aura pas d'action de Dieu sans une
initiative de l'homme. De ce fait l'homme devient coopérant avec
Dieu et même instigateur, initiateur. En demandant l'homme se met
en accord avec la volonté de Dieu, dans une visée et une action
communes avec Lui. La prière crée une symbiose entre Dieu et le
demandeur et le prochain visé.
Demandez et il vous sera donné. C'est un verbe au futur. Il se
passera quelque chose. Nous aurons une réponse. On se sait pas
quand puisque c’est dans un futur indéterminé: demain dans une
semaine,... dans cinq ans. On ne sait pas comment puisque le futur
le dira. Peut-être que le demandeur ne se retrouve pas tout à fait
dans la réponse. Le futur ménage une ouverture vers des possibles.
Il stimule une attente et peut-être une surprise.
Ce deuxième verbe (il vous sera donné), est conjugué dans une
forme passive. On ne sait pas qui donnera. Ce n’est, en tout cas ,
pas le demandeur. Dans la bible cette indétermination indique
souvent que Dieu qui l’agent, l’opérateur, c'est lui qui agit. Nous,
nous sommes passifs dans ce que nous recevrons. Nous ne
pouvons pas le maîtriser, le corriger, nous ne pouvons qu'accueillir,
que cela nous convienne ou pas. C’est la règle du jeu. Jésus nous
incite à être actifs dans la prière, à l'image de l'ami qui introduit une
demande auprès de son voisin. Mais quant à ce que nous recevons,
cela appartient -heureusement- à Dieu seul. Car il privilégie nos
besoins avant nos envies; et «Il sait ce dont nous avons besoin»
(Matthieu 6/18)
Les deux verbes suivants ne sont pas conjugués comme les
précédents. Cherchez reste un impératif qui s'adresse à nous pour
nous inciter à agir. Ce verbe chercher se traduit par interroger,
méditer, désirer aussi. En cherchant à clarifier ma demande, je
progresse dans la compréhension des phénomènes qui ont
engendré la situation pour laquelle j’intercède. Je m'en préoccupe,
sans m'en remettre entièrement à Dieu, sans me débarrasser à bon
compte du manque de l'autre et de la gène qu'elle occasionne en
moi. Le deuxième verbe n'est pas au passif: Vous, vous trouverez dit
Jésus. (j'insiste sur le vous). C'est à dire que dans ce cas nous
restons acteurs. C’est notre recherche qui sera récompensée. Ce
que nous trouverons sera en rapport avec notre recherche. Nous,
nous trouverons, c’est à dire que nous avancerons dans
l'intelligence et la compréhension des mystères de la vie et de la foi.
Personne ne trouvera pour nous, à notre place.
Frappez à la porte et l'on vous ouvrira. C'est encore un balancement
entre la volonté de l'homme, qui doit frapper pour montrer sa
détermination son désir d'ouverture. La réponse de Dieu est encore
signifiée par un verbe au passif: lui et lui seul ouvre cette porte. Une
porte qui s'ouvre est un avenir qui s’ouvre, un déploiement de
possibilités nouvelles, une promesse.
Ces mêmes verbes sont repris sur un mode plus affirmatif, comme
une suite logique qui nous rappelle qu'il y a toujours une réponse:
qui demande reçoit, qui cherche trouve. Un présent un peu
intemporel, comme pour nous dire, d’une part, que c’est une action
continuelle, jamais terminée une fois pour toutes et d’autre part que
c'est ici et maintenant, dans le présent, lorsque je demande, lorsque
je cherche que je reçois. La prière ne fait pas effet seulement dans
le futur, mais aussi au moment où je prie. Celui qui demande pour
de vrai et qui s'engage, se sent entendu et se sent investi, visité par
l’action divine qui devient agissante en lui et par lui. L'exaucement,
en germe dans la demande, est comme une semence qui produit
son arbre et ses fruits durant une longue période à venir.
Et puis le final: celui qui frappe, on lui ouvrira. Le seul verbe qui reste
au futur passif parmi les six est celui qui désigne l'ouverture de la
porte. Il est au passif parce que c'est Dieu seul qui ouvre vers un
futur. La dernière parole reste à notre Dieu. "J’ai mis devant toi une
porte ouverte, que personne ne peut fermer» lisons-nous dans
l'apocalypse, à la fin de la bible. (3/8) La parole dernière, celle qui
reste à venir est à Dieu, et non à la science, ni à la finance, ni aux
grands de ce monde... et c'est rassurant.
Demandez, il vous sera donné, cherchez et vous trouverez, frappez
et l’on vous ouvrira. Qui demande reçoit, qui cherche trouve et à qui
frappe il sera ouvert. Énumération qui est une progression, de la
passivité à l’activité avec une fin en apothéose sur l'avenir de Dieu.
Voilà un cheminement qui place la prière au cœur du monde. Elle
commence par une exigence de disponibilité à l’autre: se laisser
déranger pour entendre le besoin du proche, de l'ami. Un
dérangement qui nous oblige à surmonter les résistances et les
refus pour viser, désirer, en serviteur opiniâtre et zélé, le salut
auquel Dieu nous destine. Non seulement notre salut, mais celui du
monde. Ce n’est que dans un souci de l’autre, du collectif que nous y
parviendrons. Si le prochain n’est pas présent dans la prière que
nous adressons à Dieu, nous nous trouvons à côté du projet de
Dieu. La prière, si elle est vraie, va nous transformer pour faire de
nous une communauté de collaborateurs actifs de Dieu lui-même. Et
alors heureux serons--nous de découvrir, au cœur même de la
prière, que la parole de Dieu sera dernière.
Propositions de cantiques :
Al 31,28 ou Arc 318
Al 35,09 /1+2
Al 36,29 ou Arc 534
Al 46,08 1+3+4 ou Arc 623 1+3+4
Al 47,16 (pour les vv 11à13)
¼ - Sevice des Lecteurs – SL – 29.05.2011 – Richard GRELL
Prière d’intercession:
Seigneur, apprends-moi à prier !
Apprends-moi à ne pas détourner mon regard lorsque la misère du
monde frappe à ma porte.
Apprends-moi à te faire suffisamment confiance pour pouvoir
écouter ceux qui croisent mon chemin.
Apprends-moi la foi qui me permet de me décharger devant toi des
besoins de mon prochain, sans m’en sentir coupable ni les éviter.
Nous te prions pour tous ceux qui ont perdu espoir, qu’ils découvrent
les vertus que la prière peut exercer sur eux.
Nous te prions pour tous ceux qui sont appelés à exercer un pouvoir
quel qu’il soit. Donne leur suffisamment de sagesse pour ne pas
confondre le pouvoir qui leur est confié et la toute puissance, et
pour reconnaître que le mot dernier prononcé sur cette création ne
sera jamais le leur.
Donne à ton Église et à ses serviteurs de retrouver le cœur de
l’Évangile en s’ouvrant à la prière d’intercession qui décentre de soi-
même pour aller vers l’autre. Qu’elle puisse témoigner d’une foi
sereine, espérante et festive.
Aide chacun d’entre nous à nous souvenir, dans le secret, de tous
ceux qui, un jour, ont dérangé notre quiétude et que nous avons
éconduits pour pour préserver notre confort ou pour d'autres raisons
futiles.
Silence
Merci de prendre sous ton aile tous ceux que nous n’avons pas su
ou pas pu écouter, entendre, accompagner, aider. Ta sollicitude
nous libère du poids de notre impuissance.
Amen
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