Lc 11,1-13 L’enseignement de la prière est marqué de simplicité. Le verbe ‘prier’ (v.1) marque une proximité de Dieu par l’emploi du préfixe ‘auprès de’ (proseuchomai) ; ce n’est toutefois pas exceptionnel, puisque le verbe sans préfixe est bien moins utilisé dans le NT. On peut aussi remarquer que Luc nous présente Jésus « en un certain lieu », alors que le même mot topos sert parfois à désigner le Lieu par excellence, le Temple. On parle souvent alors du « Lieu saint ». Dans la prière de Jésus, il s’agira que le Père soit reconnu comme saint ! A propos du Père, c’est Mt 6,9 qui donne la version d’invocation « Notre Père », qui peut faire plus solennelle, plus liturgique. Lc propose « Père » (v.2), qui parait plus de l’ordre de la relation personnelle, comme l’araméen « Abba » (= papa). Certains interprètent qu’il n’est pas seulement « notre » Père, mais le Père de tous… Il me semble que l’on peut bien sûr penser à ce que Dieu soit reconnu, vénéré par tous, mais la prière peut aussi se comprendre d’abord comme une demande à Dieu de m’aider, de nous aider, à le reconnaitre et à lui donner place dans nos vies. Même chose pour « Que ton règne vienne » (v.2) : tout en priant qu’il s’étende sur la terre entière, il peut être question que je puisse moi-même l’accueillir, en vivre. Que la semence, le levain en croisse en moi, en nous ! S’il s’est approché, s’il est à portée de la main, que je puisse le saisir. C’est la première étape de ce chemin de prière que donne ici Jésus : l’ouverture à la relation à DieuPère, en le reconnaissant, en voulant vivre de son règne, au niveau de profondeur de sa vie. De ce règne, voici une application plus précise, à propos du pain (v.3), en notant que, d’emblée, la phrase est alors en « nous », car un repas se vit dans le partage (le plat étant commun). Ainsi, le pain (artos) rejoint le ‘partage du pain’, essentiel dès les premières communautés chrétiennes, et désigne aussi le repas, la nourriture en général. L’expression « jour par jour » accentue l’accent de confiance. Dans la ligne du partage vient la demande de pardon (v.4) : là où Mt parle des « dettes », Lc évoque les « péchés », les fautes, les erreurs (hamartia, du verbe hamartanô, manquer le but, s’égarer), mais quand il évoque le pardon mutuel, Lc reprend le terme de ‘débiteur’. Il invite donc à distinguer que, par rapport au Père, on rate l’objectif, mais qu’entre nous, il s’agit de quelques manques. La dernière demande traduite maintenant « ne nous laisse pas entrer en tentation » (v.4) est proche de la consigne donnée par Jésus à ses disciples peu avant l’arrestation (22,40.46). Elle peut se comprendre « évite-nous une épreuve », celle-ci pouvant être le choix à opérer (comme par Jésus au désert, Lc 4,2.13) ou la confrontation aux autorités (comme évoquée en Lc 8,13). (Ce type de confrontation n’est-il pas d’ailleurs annoncé un peu plus loin, quand il s’agit du don de l’Esprit Saint (v.13) à ceux qui le demandent ? L’Esprit qui nous donnera de répondre aux tribunaux, selon Lc 12,12 notamment et comme dans Ac 4,8 ; 6,10.) Le fait même que Lc ait une version plus courte que Mt de la prière de Jésus invite à voir dans ces phrases des ‘guides de prière’ plus qu’un texte à ‘dire’ (malgré le verbe « dites » au v.2) (Mt 6,9 a : « vous, priez ainsi »). Christian, le 01.07.2016 Dans la parabole qui suit, méso-nuctios (5) ‘au milieu de la nuit’, est unique en Lc (se retrouve 2 fois en Ac), mais apparait une fois en Mt et en Mc, à propos de la venue surprenante de l’époux, ou du maitre. Le pain, artos (5), avait déjà été demandé au Père (3) et le sera encore (11). A voir la suite de la parabole, on sent bien que ce « pain » recouvre beaucoup plus : ‘tout ce dont il a besoin’ (8). Parégéneto, de para-ginomai est fréquent sous la plume de Luc : Lc/Ac comptent 30 des 39 emplois du verbe dans le NT (être à côté, assister, venir, on pourrait dire : se rendre présent). Para-tithèmi donne une idée de servir, confier (en Lc : 9,16 ; 10,8 ; 12,48 ; 23,46). Par-éché (9 fois sur 16 en Lc-Ac) : donner, procurer (une faveur, des tracas, une garantie…) Le verbe « donner » est ici simplement didômi, très présent dans ce chapitre : 3.7.8.9.11.12.13.13, alors que l’homme se limitait à demander à « prêter » (chrèson, 5). En lien à ce don « demander » (aitéô) vient cinq fois, du v.9 au 13. Les deux verbes de résurrection précèdent le don du pain : anastas (7) et égertheis (8) (se lever, s’éveiller). Christian, le 05.07.2016.