i 4* Année.
On s»#ftonn« 4 Parts,
97,
rue IticMisu;
Dans IdVdÉpartemcnts et ï l'étran
gèr.OaOïWun les marchands de
j mngiqtic, les libraires etaui bii
. reâu^des Messageries.
Le Journal parait le dimanche.
Г 31.
REVUE
ВТ
Г Août 1847.
EariB.onaii
•SI"'''
nèpariemetils 39 SO
Stronger . 38" »
Annonces.
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fois.
GAZETTE MUSICALE
SOMMAIRE. Erreurs en musique : Rectifications relatives à la naissance, à la vie.
«I à la mort de JcanBaltiste Pcrgolèse
;
par A; DE LA F
AGE.
—De l'enseigne
ment musical en France (sixième et dernier article); par H. BLANCHARD.
Conservatoire de musique et tie déclamation. Correspondance particulière:
Londres.—Fenilleton : les Sept Notes de In gamme [seconde partie)
;
par PAUL
. SMIT1I. Nouvelles. Annonces.
ERREURS M MUSIQUE.
Ulettiticatìom xtíattves
к
и яцшвд,
к
и m ET it m вой
m зш~$тщ
A voir l'aplomb avec lequel un grand nombre dJécrivains par
lent laujourd'hui de toute chose, il semblerait que
lès.
têtes eriey
clôgéâiqties abondent en notre temps, et que chacun èst prêt,
comme Pic de la Mirandole, à prendre pour sujet de thèse : Sur
tendre que si l'on n'en disait pas plus, Гон eu savait bien davan
tage.
Ainsi rien n'était compromis : la manière dont les opinions
étaient formulées n'introduisait point communément' d'erreurs
dangereuses. Aujourd'hui tout va différemment: on emploie har
diment des termes scientifiques ou artiels que l'on né'comprend
pcls;on avance des faits que l'on n'a nullement vérifiés, et que
souvent l'on ne saurait même vérifier; on bâtit un roman sur un
fait vrai ou faux, mais dans lequel l'auteur met de son propre
fond tout ce qui lui passe par la tête; on commet à chaque in
stant les plus étranges bévues : tel lait mourir un protestant le
chapelet à la main; tel donné une nombreuse progéniture à uu
chanteur qui, par d'excellentes raisons, n'en pouvait avoir; tel
fait composer des messes à un israélile et des opéras: à un char
treux; on parle d'un auteur de chansonnettes comme d'un grand
harmoniste; un coutrepoinliste profond devient, sous la: plume
de ces messieurs, arrangeur de contredanses. On n'en finirait
pas s'il fallait énumérer toutes leurs aberrations. Elles auraient
peu d'inconvénients si elles n'étaient partagées par la partie de
ce bon publics! honnête, qu'on la dirait leuue, sous peine d'a
mende ou d'une garde hors de tour, à recevoir du journal ou du
roman qu'elle lit toutes les idées qui lui manquent Bonnes
gens,
ils prennent cela pour des vérités, comme s'il y avait
quelque chose de vrai aujourd'hui
1
N'étendons pas et ne rem
brattissons; pas tr*p .celriste tableau; allons plutôt au fait,e
ïà^tiârquë•"éïlël ififcsïci£niî.st serg^an^,,;à;:se |i|fie>dé§ compi
lationset des journaux faits par les littérateurs, dont ïïûflaeû*ç,e
musicale a presque toujours été malheureuse.
En voici uu exemple, que je prends à dessein hors dePrance.
Un auteur qui s'était fait connaître en Italie par des romans
dont je n'ai pas à examiner ici le mérite , a publié depuis une
Histoire universelle qui a obtenu du succès chez les partisans
SECONDE PAETIE.
CHAPITRE VI*.
(Suite.)
Chez la Colonna.
La conférence ne fut pas longne, mais elle fut vive. De la salle a manger,
on entendait les éclats d'une voix rauque et criarde auxquels répondaient ceux
d'une voix plus douce, mais dont le diapason s'élevait par degrés.
On se dispute, dit Carlo.
Et tufime assez fort, reprit Francesco... Dis donc, frère, croistu tou
jours que cette maison est le paradis terrestre, et qu'il n'esiste personne dans
l'univers de plus heureux que notre nellestcur
Que »euxiu î répondit Carlo, les apparences sont souvent trompeuses,,.
Je parlais d'après ce que je.voyais.;.
Et maintenant tu peux juger d'après,
ce'
que tu entends.
Le bruit cessa tout a coup, la porte du boudoir se rouvrit ; l'homme à la
voixâlgre en sortit, suivi de la Colonna.
—Puisqu'il en est ainsi, ditil, n'en parlons pins.
O VdiPies numéros si et 52 de l'année 1846, et lé'snumérosl, 3, *, 6, 6,7, 8,
9, M,.12,44,^16, W, 18, 19,20,21, 32,24,25) 26,28,29 et 30 de celle année.
Oui, oui, n'en parlons pins, reprit la Colonna, mais qu'estce que cela
fait, si vous y pensez toujours ï...
Rusée que vous Atea!... vous vous méfiez 1,..
Avec vous, n'estce pas le plus r ï
Vous voudriez des gages ?
Mais vous n'en donnez pas.
Au contraire... Je viendrai demain ici passer la soirée... Vous pouvez le
dire à vos amis.
—Vous ne serez donc pas fâché qu'il y ait du monde?
Moi ! du tout... cela me fera même plaisir.
—Et vous entendrez les deux jeunes gens qne voilà?... Vous serez leur
Mécène ?...
léserai tontee que vous voudrez... Mais, adleu,.je coursa Versailles..
J'ai hâte de savoir comment va lê roi.
Adien, cher ami,lui críala Colonna de la porte,enle regardantdescendre
l'escalier, et à peine eutelle entendu rouler sa voiture qu'éllese mit à bon
dir, à battre âes mains en disant :
Enfin, le voila parti 1... c'est heureuxl... Comprendon cette fantaisie
de venir ici me faire des peurs 1...
Cet
homineTlá,
dit Francesco, à une mfne qui ne me plaît nullement...
Pourquoi recevezvous de pareilles créatures?
Ah! créature est j'olil... Saislu de qui tù parles, mon garçon î...
Je narle de l'homme qui s'en va.
Oui, mais saistu quel est cet homme ?...
Pas.grand'chose, assurément. .
Pas grand'cliose !... Eh oien
!
apprends que c'est tout simplement... tout
uniment... le contrôleurgénéral, l'abbé Terray, le Crésus de l'époque, un
Ï4№
2S0
REVUE
ET GAZETTE. MUSICALE
de certaines idées, desquelles je ne veux pas non pins m'oeenper.
Voici-un passage relatif à la musique du siècle .passé Giaru-
baltista Pergolèse di Jesi studiò la natura e possiede tallii modi,
dalla sublimità religiosa .alla cabola scherzevole,
dallo-Stahat-
(
all'
opera buffa.; inimitàbile per semplicità accoppiata ajjranv i
dezza, elevò l'armonia alla massima eccellenza; e ì difetti
avrebbe emendali se-non moriva di ventisci anni. Vìvo non ot-i
tenne che fischi, appena morto, fu gridato il Raffaello della
musica. »
C'est-â-ôMe : «ÏÏeanriBaplisïe1BergôtèsB'USèsi ^étudiasia ma-
ture el posséda tous lesimodes ouïtoittes lêsmaniêrm, depuisfla
sublimité^eïigieusejusqu'au badriiage
de^la-Gabaletteij
iejrçislle
Stabqt
jusqu'à
l'opéra
Tiuffa; iriimilable parla simplicité unie à
la grandeur, il porta l'harmonie à sa plus baule excellence, et.il
aurait corrigé ses défauts (on ne sail pas trop si<òe sontfeeuxflle
<
sa musique ou de la musique en général) s'ilne'Tût mort'à vingt-
six ans. Durant sa vie il n'eut que des sifflets, après sa mort on
le proclama le Raphaël de la musique. »
Un des rédacteurs de la Gazzetta di Milano, à qui l'on doit plu-
sieurs feuilletons agréables , ayant pris ce passage pour épi-
graphe, la rédaction se crut obligée de relever dans ces quelques
lignes les erreurs qui paraissaient trop saillantes; malheureu-
sement ces rectifications se sont trouvées elles-mêmes erronées,
du moins en partie. Les faits relatifs à Pergolèse sont en effet
pen connus; je vais lâeher de les rétablir d'après les rensei-
gnements fournis par le vieil abbé Speranza, par Tavoeat Sigis-
mondi, par M. le marquis de Villarosa, et surtout d'après les
documents originaux. On verra combien l'on risque en s'expri-
mant comme l'a fait
M.
Canlù. En effet, il se trouve que Pergolèse
•n'a nullement possédé tous les stylés, qu'il n'a pu être habile à
écrire des càbaleltés, puisque en son tempsia cabalette n'existait
pas;
que la simplicité n'est point du tout le caraclère dislinclif
de ses compositions, qu'il n'a pas le moins du monde porté
l'harmonie à sapins haute excellence, enfin que c'est une1 grave
erreur dédire que., durant sa vie, sa musique ait toujours .été
mal accueillie. *"'•* ' """*" *- - - '
',
La Gazette dèJUilan a cru que l'auteur de la Storia universale
avait
eu tort de faire naître Pergolèse à Iesi, et elle affirme.,
d'après M. Félis, qu'il était né à Pergola, dans le duché d'Urbino,
et qu'il se nommait Iesi ; Pergolèse anrail été ainsi un surnom
-pris du pays où il avait vu le jour. Plusieurs aulres écrivains
font naître le compositeur à Casoria, assez gros village situé à
quatre kilomètres de Naplés, sur la roule de Caserta, el dont la
plupart font une
Tillê.
Ces variations proviennent de ce que l'on
n'avait jamais fait jusqu'à ces derniers temps de recherches sur
les lieux mêmes, et que les plus anciennes biographies n'étant
pas d'accord sur ce point, chacun copiait celle qu'il avait sous la
.niaiu. Enfin, un noble Napolitain, M. le marquis de Villarosa,
quetesoBûgilois honorSbles par lui remplis n'ont jamais détourné
des études littéraires el archéologiques, a voulu que les faits à
cet égard fussent enfin bien déterminés, et en conséquente il a
fait examiner les registres paroissiaux de Casoria et d'Iesi;
le résultat obtenu lktd%enaéìde»SoGCuperule ceux:de Pergola.
En effet, les lîvresJbaplisniRuxillesi .trou tiennent l'acte de
naissârosé du i&lèbre.atìteor'fteìla Sema j)iarnVona„«Hìofi ti conste
qu'iMutibaplis£'le 4 jimvier3Ë?S0,ait^u'iLélàît néflamuit précé-
dente, à dix heures; qu'il était fils d'André Pergolèse et d'Anne
Vittoria, et reçut le nom de son parrain, Jean-Baptiste Francio-
lini,
qui,, ainai que sa marraine, Gentilioa Honorai!, apparte-
nait à la noblesse de l'endroit; ceci autorise à croire que
Eergolèaelui-mêmeTie sortait pas d'une classe tout à Tait infé-
rieure. On voit aussi d'après cela qu'il était, non en
1.70.4,
comme le suppose M. Fayolle, non en 1707, comme le croit
M. Fétis, mais en 1710; ce qui donne pleine raison à ceux qui
le fout mourir à l'âge dë vingt-six ans.
Ce fut bien au Conservatoire dà.Poveri di Gesù-Cristo,, et non
à S.-Onofrio, que Pergolèse fit son éducation musicale. Boyer,
le plus ancien de ses biograp'bes, a pu justement l'affirmer, et
l'abbé Berlini, qui (dans son Dizionario degli scrittori di musica)
le fait entrer dans le second Ut ces établissements, ne mérite
pas ici plus de confiance qu'à l'ordinaire. Il faut en effet remar-
quer en passant que Berlini n'a fait en réalité que copier etmu-
Liler le travail de M. Fayolle [qu'il injurie dans sa préface), et
que dans'le peu qu'il a lire de son propre fond il se trouve beau-
coup d'erreurs, même en ce qu'il lui était le plus facile de
vérifier-
On ignore si Pergolèse fut envoyé à Naples pour y étudier .la
musique ou s'il fut amené dans celle ville .par suite de quelque
sêu'\s'pauvres
'(î)
"
sémt
dans la misère. Quoi qu'il en soit, le jeune Pergolèse s'adonna
d'abord à l'élude du violon sous la direction de Dominique De
Matteis. Il paraît qu'en travaillant il ajoutait aux pièces qu'il
exécutait des trails chromatiques el des ornements de forme
nouvelle avec tant d'exactitude et de grâce, queses camarades
(1)
Je donnerai
prochainement.quelques
faits,peu connus relauTsà ces éta-
blissements.
îïbmme
qni
remuelesmiîlions
dans sa caisse comme toi les'h'ards dans ta
poche,...
et
encore
je me trompe, il a plus de millions que tu n'as de liards...
Il
est eu position d'accorder plus de faveurs que tu n'as de
cheveux
sur la lcte,
et
c'est par ce moyen qu'il m'a
prise....
Ahl mais ne va pas l'imaginer qu'il
est
mon amant 1...
Jl est trop vilain.
Be n'est pas une
raison....
Je connais des femmes qui l'aiment éperdu-
ment
parce qu'cllesnele voient qn'à traversées lingots... Moi, c'est différent;
je
le vois
comme
il est...
Laid.
Tu fais l'écho, mais In dis
juste,
.et je le loi déclarai dèsle
premier
jour...
Alors
il me
répondit
que ma franchise l'enchantait et lui inspirait encore pins
d'envfe
de
conquérir
mou amitié, rienquê mon amitié; C'est une de ces choses
qui
ne se refusent jamais, surtout à des
contrôleurs
généraux,
et quand ils se
conduisent
comme le cher ahbéL 3e
crois
qu'un
père n'aurait pu
Taire
mieux
pour
sa tille!.... Tu vas voir..... Un jour que noua causions famih'Èrcment,
que
Je lui racontais comment j'entendais régler te train de ma maison, avec
une
certaine aisance, mais atec économie, il me dit : " Non, peiiie, tout cela
»
ne se peut pas tu fois de beaux projets, mais c'est i'exdculion qui est
"difficile.
Tu es â l'Opéra et tu dois tenir ton rang, c'est derïguenr. Tune
»
veux dépendre de personne que de toi, n'appartenir à personne qu'a toi....
»
TranclionsJe mot, tu ne veux pas te vendre; eh b'ienl je puis seul t'en
u
fournir te
moyen,
et le voici. Tu sais que je jouis d'un certain crédit, que je
«puis
procurers emplois, faire marcher rondement les-affaires?.... Des
»
qu'on te saura
née-
a»cc moi, ou ne manquera pas de venir te solliciter, le
»
supplier
pour qne'tu médises un mot à
l'oreille!...
Promets
de le dire, ce mot,
»
et accepte ce qu'on ^offrira pour la peine. Avec cela je te réponds que tu
»
pourrasite:'faire
un très joli revenu, .'eksi an ïOnd 'il y a
.quelque
ipéché,
c'est
»
mol qui le prends sur'mâ consciente, a Je le demande s'il était possible
d'être
plus
aimable?...
Mafoi,moi, j'acceptai sa proposition... J'écoutai les
requêtes
qu'on m'adressa^ et je les transmis à l'abbé. Je ne lui avais pas dit
trois
paroles que la chose
était
faite,
la place obtenue, la signature donnée.,..
Cela
marchait
comme
dans
un
conte
dé fée, et pourtant c'était bien vrai, bien
réel....
Enfin
c'était
de l'argent
comptant.
Ce qu'il y avait de mieux, c'est que
le
cher
abbé
secoulentait
toujours de ce que Je lui avais
accordé...
démon ami-
tié,
pas davantage. Je
nedispasnu'ilne
seflattat qu'a la longue, par reconnais-
sance
ou
autrement,
je me
montrerais
un peu plus
généreuse
et que j'y mettrais
un
peu d'amour par-dessus .le marché. Je le crois aujourd'hui plus que
jamais,,
et tu vas en juger toi-même. Tu l'as vu arriver lout à l'heure, el
tu
te souviens qu'il n'avait pas l'air très avenant. Sais-tu ce. qu'il m'a
dit
quand nous avons été
.seuls
dans te
boudoir?...
11
m'a reproché de sur-
prendre
sa bonne foi,
de lui
faire
faire des choses qui causaient dtLscàndale.
Je
ne me doutais pas de ce dont ii voulaiL me-parler... J'étais à millelieues de
deviner
ce qui lui mettait martel en tête.... A force dejcliercheri
jem'avisai
que
ce pouvait être une certaine concession de
domaines
royaux
au profit d'un
certain
marquis de .Tuvîsy, et pour laquelle j'avais éprouvé .plus de difficulté
qu'à
l'ordinaire. Je le lui dis et il me rit au nez : h Jeinemoque.hien du mm-
» quis de Juvisy,
s'écria-Ml
;
d'abord c'est un sot, ensuite il a
soixanieans,
et
»
Il est encore plus laid que moi; mais ce dont je.neme moque pas, c'est, dn
»
comte de Lnngeac, que vous m'avez fait
nommer"capitaine
au
régiment
de
»
Flandres...
C'est
scandai
ru
x'i c'est
revoltantl.c'est.un
passe-droit
indigne!.-
»
On crie a la cour, et moi jeçrîe aussi!..... J'en ai le droit plus que tout le
»
monde
1...
J'ignorais
qu'il fut jeune etbeau.Ie comte de I.angeacl... J'ïgno-
»
rais qu'il ne quitte pas tes coulisses de l'Opéra et qu'il vient même ici ires
DE
PAKIS.
ëa étaient émerveillés.
Ils en
parlèrent bientôt
àDe
Malteis, qui*
È'étant caché, pour l'entendre,
fut
également surpris
de ce
talent
précoce
qui se
manifestait d'une manière
si
extraordinaire;
Use.
montra
et
l'embrassa
en lui
demandant,:qui
lui
ayail enseigne
ces passages. —Personne, répondit l'enfant,
ils me
viennent
na^
turellcnient.sous
les
doigts.
Pourrais-tu
les
écrire?
Peut-
être.
Et en
effet,
le
lendemain
le.
jeune, élève apportait
à. De
Malteis
une
sonatine remplie
de
passages aussi remarquables,
par leur élégance
que par
leur nouveauté..Après l'avoir exami-
née,
lé
professeur senlit bien
que
c'était surtout
à la
composi-
tion
que son
élève devait s'appliquer,..e.LiÌ.le recommanda .vive-
ment
à
Gaetano Greco, maître de.contrepoint.du Conservatoire..
Aussitôt qu'il.eut commencé
ses
études, sóus
cet
Iiabile maître,;il
se milàécriredes pièces pour
son
instrument. Greco étant mort
François Duratile
lui
succéda„et Fergolèsè continua sous-ce
grand maître
des
études qu'il, termina sous-François Feo.Durante.
ayanlélé momentanément appeléà
la,
cour
de
Vienne
par
l'em-
pereur Charles
VI,
fait, que n'ont point mentionné
la
plupart
des
biographes.
Le premier ouvrage
de
Pergolèse, composé avantsa sortie,
du
Conservatoire,
fut un
oratorio
de 5.
Guglielmo d'Âquitania, qu'il
01 exécuter l'été
de
1731 dans l'établissement
des
chanoines
-
guliers
du
Sauveur.
Ces
religieux avaient sous leur direction
un
grand nombre
de
jeunes gens habitués
de
leurs réunions,,
et
leur
procuraient
de
temps
à
autre
le
plaisir d'enlendre
de la
musique
nouvelle. Ce premier ouvrage
fut
si bien accueilli,
que la
renom-
e
du
jeune compositeur
se
répandit aussi
lot
dans
la
ville
et lui
mérita
de
grands éloges, ainsi
que la
protection
du
prince
de
Stigliano Colonna
(et non
d'Agliano, comme disent
les
biographes
antérieurs
à
M. de Villarosa),
du
prince d'Avellino Caracciolo,
et
du
duc de
Maddaloni-Carafa,
qui eu ce
temps encourageaient
les jçirncs artistes
par une
haute
et
généreuse protection.
Pergolèse composa ensuite
des
scènes
et.
intermèdes bouffes
tels qu'on
en
écrivait beaucoup alors; mais,
à la fin de
celle
même année 1751,
ou
représenta
de, lui au
théâtre,
de
Sainl-
Barthélemy.qui depuis longtemps a'exis.te^^^
Sallustio,, dont
les
partìeV prïncîp^es.
à:îa
FÏU>
chinelltet
au
castrat Niccolò Grimaldi,!qui.jpnissaient alors d'une,
grande répulalion. L'ouvrage obtint beaucoup,
de
succès.,
et l'on
applaudit suri oui
un air du
second, acte.:
Per
queste amara
la-r
grime,
du
style
le
plus pathétique
et
revêtu d'accompagnements,
qui parurent absolument neufs
et
excitèrent,
une
vive admi-
ration.
On croit
que
parmi
ses
premières pièces
il
faut compter
un.
« souvent vous rendre visite.—Eb bien, qu'est-ce
que
eela; vous fait
ï lui
uidis-je tranquillement..—Ce
que
cela
me
fcùt.l.., reprit-il avec
un
ralo.uble-
ji.ment
de
colère,,. Sachez, mademoiselle,
que
je.veux bien
me
compromettre
H
pour vous, pour voire fortuue, mais
non
pour vous procurer
des
amants.
Si'
» vous
ne me
croyez
bon qu'à ce
nieller, vous
me
prenez pour
un
auirc.
»
Alors ce
fut moi qui me
récriai
de
toutes
mes
forces,
et qui
protestai contre
l'Infamie
de ses
accusations.
«Voyons,
me
dtl-IL
en; se
calmant
un peu,
» parlons raison.
Si tu
n'aimes
pas
Langeac
, tu ne Tas
pas obligé gratis
;
si tu
»
l'as
obligé gratis, c'est
que tu
l'aimes!... C'est clair, comme
le
jour.
!...
11
n'y
n
a pas
moyen
de
sortir
de là...
Réponds-moi donc nettement, franchement,
ii1
sans hésiter... Qn'esl-ce
que
Langeas
t'a
donné pour
son
brevet
dû
capi-
iv
laine?»
Je
sentis
la
force
de
l'argument,
et je me
décidai tont
de
suite
à
mentir,
car le
lait
est que le
comte
ne m'a
rien donné,
par la
raison qu'il
n'a tien
et
que j'auiais rougi
de
rien recevoir,
el
pute
par la
raison que je
l'aime
un peu
plus
que les
autres... IL
est si
bienfait 1...
si
spirituel!... J'étais
si heureuse
de
pouvoir
lui
rendre
un
service
l...
Bref,
j'ai
juré
a
l'abbé
que
le comte
de
Lnngeac m'ai-alt signé
un
billet
de
dix mille écus
sur la
succession
faturé.d'une
de ses
tantes,
et je lui ai
promis
de le lui
faire voir
la
première
foisqu'il tiendrait chez
moi.
Voilà comme
je
suis parvenue
à
l'apaiser,
ce qui
n'étaitpas facile...
Je ne
l'avais jamais
vu
si. furieux.!...
U m'a dit
qu'il allait
à
Versailles,
et
qu'il tâcherait d'imposer silence
aux
malveillants,
s'il
était
en-
core question
de
l'affaire,
car il m'a
juré aussi
de son
cûté
que la
promotion
du comie avait fait crier, clabauder... Peut-être
nos
denx serments sont-ils
aussi v.r'âia:puo
que
l'autre!... Peut-être aussi, comme-dit l'abbé, proflte-t-on
de
la
maladie .du
roi
pour monter
à
cheval
sur
les.pclneip.es
et sur la
morale.
Au surplus,
je ne
m'en soucie guère, cela regarde le cher abbél...
Maïs cela vous regarde aussi,
dit
Francesço, puisque vous avez promis
intermède intitulé :
Amor
fa
l'uomo cieco,
donné: dit-on :an
théâtre des Florentins,
et un
opéra sérieux intitulé Recimero,
représenté
au
théâtre de, Saint-Barthélémy.
Ces
deux ouvrages,
dont
la
musique
est
perdue, n'auraient point ohlenu
de
succès,
el,
par
suite
de ce
déplaisir, l'auteur aurait pour quelque, temps
renoncé
au
théâtre. Celle dernière supposition paraît avoir
été
imaginée pour combler
la
lacune
qui
existerait dans
la vie. de.
Pergolèse, s'ileût.vécu, comme
le
veulent
la
plupart des biogra-
phes,
trente
ou
trente-deux
ans.
En celte môme année 1751,
et
n'ayant
par
conséquent
que
vingt
el un ans, il
avait donné avec
la
Sallustiale délicieux
in-
, termède
si
connu
de.
la
Serva padrona,
qui
Eut
chan lé dans l'ori-
gine
par
Gioacchino Corrado
et
Céleste Resse.
Cet
ouvrage
a
!
depuis élé représenté
sur
tous
les
théâtres
de
l'Italie
et de
l'Eu-
rope,
parodié
en
plusieurs langues,.et accueilli partout avec
un
égal enthousiasme-
Ce
fut peu
de temps, après
que
quatre cantates
de
Pergolèseà.
soprano seul, après avoir
été
chantées
en
plusieurs sociétés
de,
la ville, furent gravées
par les
soins de Gioacchino Bruno, habile:
contrebassiste..
La
première
ne
porte qu'un accompagnement
de
basse continue,
les
aulresonl.
en
outre des parties
de
violons
et
de viole. Chacune
est.
composée,
de
deux airs,. selon
la
coupe
alors,
en
usage
; la
dernière,
est.
la, cêlèhre cantate d'Orphéere-
produite plusieurs fois^et toujours .admirée.
A
la
suite
du
terrible tremblement
dé
terre arrivé
en 4751,
les administrateurs
de la
ville
de
Naples pensèrent qu'il serait
!
bon de
donner
à
celte cité
un
nouveau patron
qui, du
haut
des
çieux,
la
protégeât contre
le
retour
d'un
pareil fléau,
el
donnè-
rent
la
préférence
à
saint Emide, évêque d'Ascoli.- Ce fut. Pergo-
lèse.
qui
fut
choisi pour écrire
la
musique
à
exécuter
aux
cérémo-
nies faites
à
celle occasion, circonstance
qui
suffiraitpour prouver
l'immense succès
de ses
premiers ouvrages
:
autrement aurait-
on choisi
un
compositeur
si
jeune tandis
que de
nombreux maî-
tres,,
depuis longtemps
eu
haute répulalion, résidaient
à
Naples.
Telle
fui la
circonslance
qui, en
1752,
lui fit
écrire
une
messe
à.
fdk ^ojS„ve£.de^
sion,
la
force harmonique
le
naut>sÇyle,;'ii Composa, pou* ces:
mêmes fêtes,
à
cinqvoix et instruments, Dòmine-.ad adfuvandum^.
Dixit, Confilebor,
et
Laudate. Tous
ces
morceaux furent extrê-
mement goûtés
de
l'auditoire nombreux
que la
piété
ou la cu-
riosile attirail,
et
pendant longtemps
ils
continuèrent d'être
chantés à l'église des Servîtes, appelée la
Vierge
des
sept dou-
leurs, dont
on
célébrait
la
fêle, avecbeaucoup
de
pompe aux frais
du
duc de
Maddaloni-Carafa, possesseur d'une
des
chapelles,
et
de montrer
le
billet
du
comte!... Avez-vous l'intention
de lui en
faire
si-
gner un
î
Le
ciel m'en .préserve!...
Il
n'aurait
qu'à me
soupçonner d'une vile spé-
culation!...
me
dégrader... m'avillr
à ses
yeux
!...
plutôt.cent fois
me
brouiller
avec
le
contrôleur!...
Mais
s'il se
vengeait
de
vousî...
dit
Carlo.
D
n'oserait, quoique
là
timidité-ne soit
pas
précisément
son
Irait dis tin c-
tif.
Mais
je le
vois venir,
le
rusé compère
1...
Toute cette colère d'emprunt,
toute cette terreur d!occasion,
ce
n'est qu'un manège pour m'amener
a lui, de
gré
ou de
force.
11
trouve peut-être qu'il
a
fait assez d'avances,
et que
l'heure
est venue
de
rentrer dans
ses
déboursés. Mïùs
il
compte sans, son hôte,
le
cher
abbé,
le
charmant contrôleur
!... Il
ignore
que la
Cblonna n'est
pas une
fllle
qu'on réduit
par la
crainte
on ne
triomphe d'elle
que par les
sentiments,:
ctd'icl
à ce
que
le
vieux singe
m'en
inspire
1...
—Il viendra demain, reprit Francesço, et s'il vous demande
à
voir le billet
ï...
Je
l'enverrai promener comme aujourd'hui...
Je
trouverai
un
motif,
un
prétexte... Sois parfaitement tranquille,
mon
amour
de
beau-irère,
et
que
cet
enfantillage
rie
l'empêche
pas de
dormir cette nuit.
—N'importe, disait Francesço
à
Carlo
en
regagnant
le
quartier Monlorgucil,
j'avais raison
de ie le
dire tantôt
:
la
maison
d'où
nous sortons, toute somp-
tueuse qu'elle est,
ne
ressemble guère au paradis;
el
qu'est-ce qu'une fortune
achetée
au
prix
de la
vénalité,
de la
tromperie,
du
mensonge? J'aime bien
laColonna parce
que
c'est une.bonne
Que,
mais
je te
déclare qu'elle méfait
encore moins d'envie
que de
pitié
1
PAûjt. Saura.
(
La
suite auprochain numéro.)
252 REVUE ET GAZETTE MUSICALE
qui s'était déclaré prolecteurde Pergolèses ïe temps où il était
encore au Conservatoire.
On rapporte que, lors de la répétition générale tlë celte messe .
à dix voix et double orchestre, Pergolèse voulut avoir l'avis du
célèbre Leonardo Léo. Gelui-ci reçut l'invitation avec assez de
froideur, et promit cependant d'y assister
;
mais un instant après
il témoigna sa surprise de ce qu'un jeune homme qui lui avait
précédemment montré une petite messe dè sa composition, assez
bonne pour un premier ouvrage, viut si promplement le prier
d'en entendre une seconde. L'effet surpassa toute attente, et le
vieux maître, après avoir écouté, se jeta franchement au cou de ;
son jeûne confrère, lui accordant avec effusion des louanges si bien
méritées, et auxquelles sa modestie et sa déférence lui donnaient
de nouveaux droits. Pergolèse arrangea plus tard celte messe à
quatre chœurs, et l'on croit qu'il entreprit ce travail pour fa
faire exécuter dans l'église des Pères de l'Oratoire, où fort sou-
vent il touchait l'orgue pendant les quarante heures du car-
naval, emploi rempli par luis le temps Où il était encore au
Conservatoire. On pense aussi que celte messe ainsi arrangée, et
dont la publication ne serait pas inutile, existe encore dans la
bibliothèque de l'Oratoire de Naples.'-
Cependant le compositeur continuait à travailler pour la scène
lyrique, et donnait en 1752, au ibéâtre des Florentins, un opéra
bouffon en dialecte napolitain intitulé : Lo
fraie
nnammorato,
repris en 1754 et rejoué encore après la mort de l'auteur
;
ce qui
prouve son grandsuccès. En 1753, il donnait au théâtre de Saiut-
Barlhélemy II
prigioniere
supcrbo,ei
l'on y reprenait la
Serva
padràna.
L'année suivante, il écrivait pour le même théâtre
Àdriaiio
iwSiria,représenté le 25 octobre* anniversaire de la nais-
sance de la reine d'Espagne, et l'intermède
Livietta
e
Tracollo,
qui ne futpas-rûoins bien reçu que la
Serva
padrona.
Enfin, en
1755,
il donna
Flâniinio,
drame joyeux qui fut repris après sa
mort. On est à peu près certain qu'il composa encore d'autres
opérâs-àsânt dêyqn^
même en retrouver lésnïtres. -
Quelques biographes affirment que Pergolèse fut appelé dans
les États romains en qualité de maître de chapelle de la Santa
Casa di Loreto. Je pense que ce fait prétendu n'a aucun fonde-
ment; mais je u'ai pas eu encore l'occasion de le vérifier par
l'examen des registres de cette célèbre église. En tout cas, ce
ne serait pas en 1755 qu'il yt été appelé, car nous voyons
qu'il était encore à Waples en 1754 et 1755; il ne quitla celte
ville qu'à la fin de celle dernière année,
i'Olimpiade.,
qu'il avait
été chargé-d'écrire, devant paraître pendant la saison du car-
naval.
On a souvent reproché aux. habitués des théâtres de Rome
leurs préventions contre tout ce qui choque tant soit peu leurs
habitudes. Tout le monde sait qu'ils ont fort mal accueilli des
pièces que plus tard l'on a reconnu être des chefs-d'œuvre; le
Matrimomo
segreto,
par exemple, et plus récemment le
Barbiere
di
Siviglia,
de Rossini. Pergolèse eut à subir un dégoût de ce
genre.
LJOUmpiadet
de Métastase, mise en musique par lui,
n'obtînt aucun succès au théâtre de
Tordinona.
Parmi les causes
qui contribuèrent à sa chute, il en est une à laquelle personne
n'a pris garde jusqu'à présent; c'est qu'il n'était pas le premier
à mettre celte pièce en musique, Caldara.en avait composé sous
les yeux du poêle la partition originale ; d'autres compositeurs
avaient travaillé sur les mêmes paroles (1). Sans doute les airs
principaux étaient encore dans la mémoire des auditeurs lorsque
Pergolèse vinlàRbme leur présenter une mélodie toute nouvelle
et une harmonie plus robuste que celle qu'ils avaient entendue
jusqu'alors. Celte circonstance ne put manquer d'augmenter les
préventions. Quoi qu'il en soit, les admirables beautés des airs
et des duos, la mélodie si pathétique répandue dans tout l'oti-
(1)
Cette pièce
est une .de
celles
SUT
laquelle
les
compositeurs italiens
se
sont
le
plus
exercés;
avant
etaprès Pergolèse
il a
certainement
été
fait
plus
de Cin-
quante
musiques
différentes
pour
cet
opéra.
vrage, les récitatifs de la plus forte et de la plus juste expression,
tout cela ne trouva pas grâce devant les partisans de la routine,
qui se plaignirent de la complication des accompagneinenls. On
rapporte que Duni, qui devait écrire pour la même saison et
pour le même théâtre un opéra de
Nerone,
qui obtint un grand
succès, ne se mit au travail qu'après avoir entendu
l'Olimpiade,
dont il comprit presque seul tout le mérite. Il s'empressa de con-
soler Pergolèse et releva les nombreuses beautés de cette coin-
position , se bornant à dire que tant de détails dans mélodie
et l'harmonie ne pouvaient convenir à une grande salle où se
perdaient une infinité de choses.; que ces qualités n'étaient ap-
préciables que dans les salons, et que, chantée de la sorte, celte
musique serait universellement appréciée et goûtée. Remar-
quons en passant que Duni était à un an prés de l'âge de Per-
golèse, puisqu'il élait né en 1709. II fut bientôt à même de re-
connaître qu'il en avait bien j ugé, et put même s'apercevoir que
le succès de
TOUmpiadedevait
s'étendre bien plus loin qu'il ne
le supposait, car après la mort prématurée de l'auteur, tous les
plus vastes théâtres la représentèrent. C'est que le moment arrive
où le génie domine le goût du public, qu'il parvient à changer
;
il
sait faire comprendre ce qui, au premier abord, semblait inin-
telligible ; il Irouve moyen de se frayer une route à travers ces
brouillards qui englobentles esprits prévenus, et s'adressantà
la fois au sentiment et à la raison, sa voix finit toujours par
être entendue.
ADRIEN BB LA FAGB.
[La
suite
au
prochain
numéro.)
DE L'ENSEIGNEMENT MUSICAL EN FRANCE.
(Sixième
ét
dernier
article.")
La statuaire, la peinture;'1a1mùsiqnë"doiventneus représen-
ter la nature choisie, voilà sans doute pourquoi ces Heurs de la
civilisation se nomment les beaux-arts. Si l'on voit le peuple des
artistes tomber fréquemment dans le vulgaire et le commun en
sculpture, en peinture et même dans la danse, le défaut de dis-
tinction n'est pas moins fréquent chez les musiciens, et l'organe
faux, canard, fêlé, criard est plus souvent inné, dans les élèves
qui se destinent au chant, que la justesse, la pureté, la rondeur
et la beauté du son. Ce qu'il y a de singulier, c'est que tous nos
professeurs de musique vocale élémentaire ne se sont jamais
préoccupés de cette chose. On apprend d'un maître à danser la
manière de marcher noblement sur un théâtre ou de se présenter
convenablement dans le momie, et l'on n'enseigne dans aucun
cours de musique élémentaire l'art d'énietlre le son d'une ma-
nière pure, aisée et distinguée. En vérité, si nous avions des
principes sociaux aristocratiques et rétrospectifs, nous dirions
que c'est sans doute parce que les professeurs de musique sont
mal nés.
Quelle est l'ouïe un peu délicate qui n'ait été déchirée, vic-
timée par les sons communs d'un mauvais piano, de la clarinelte
d'un aveugle des rues, du violon d'un ménétrier de village, ou
du cor de chasse dans un cabaret? Et cependant est^il rien de
plus harmonieux que les sons d'un piano d'Erard et dePIeyel sous
les doigls de Thalberg et de Prudent, de plus doux èt de pins
aérien que les sons d'une clarinette jouée par.Klosé- Ou Sax, de
plus suave que le violon et le cor quand Alard ou Vivier chantent
sur ces instruments? Qu'on ne vienne pas nous dire que nous
avons tort d'exiger dans des élèves de l'âme, de l'expression , du
goût, comme ën montrent les virtuoses que nous venons de
citer. Ce n'est pas de cela qu'il
s'agit,
mais bien de cultiver le
son, de faire naître dans ces élèves le- sentiment musical, l'into-
nation élevée non par l'échelle diatonique, mais par l'inflexion
(*)
Voir
les
numéros
, 25, 26, 28 et 29.
t
DE PARIS.
venant
de
l'âme-, comme
on dit à
l'élève sculpteur
de
regarder
les lignes pures
de
l'Apollon
du
Belvédère, celles
si
poétiquement
tourmentées
du
Laocoon, celles noblement gracieuses de la Vénus
deMédicis; comme
on
recommandé
aux
élèves,
à.
l'école
des
beaux-arts, d'éviter
le
dessin commun, bonhomme, lourd
et
vulgaire.
Ces réflexions nous sont venues
à
l'esprit il y
a
quelques jours
en écoutant
à
l'Opéro-Comique
les
chanteurs pyrénéens
qui
n'oiit
donné, nous
ne
savons pourquoi, qu'une seule représentation
à
ce théâtre.
Ces
chanteurs montagnards'ne sont probablement
pas
de
savants musiciens,
pas
même
de
grands lecteurs. Nous
ne sachons
pas que
leur professeur soit
un
fameux théoricien,
mais
il a su
leur donner
à
tous
la
véritable intonation
qui
part
de l'urne, celle
qui
témoigne d'une nature
et
d'une éducation
musicale distinguées
, et qui
manque absolument dans toutes
les
classes
de
chant des écoles de Paris, soit d'enfants, soit d'adultes.
De même
que
chacune
de ces
écoles exige
des
autres écoles
ses
rivales plus
de
clarté dans
ses
définitions
de la
mesure,
dn
rhylhme, des ciels, etc.,
etc.,
nous nous croyons
en
droit de leur
demander
à
toutes
de
cultiver,
de
soigner l'émission
du son,
même daus l'enseignement élémentaire
et
malgré
la mue des
voix. Comme
il a été
fort bien
dit par un de nos
collaborateurs
dans l'avanl-ilenner numéro
de la
Gazette
musicale,
à
propos
du
Mêïnoire
sur la
voix
humaine,
présenté
à
l'Académie
des
sciences,
en
1840, par
M".
Manuel Garcia
: « On
peut, dans l'élude vocale,
réduire
les
limbres
à
deux, savoir
: le
timbre
clair et le
timbre
sombre;
Nous pensons, nous, qu'on pourrait
en
signaler plu-
sieurs autres.
Ces deux timbres bien observés dans chacun
des
registres peuvent fournir
aux
professeurs
la
véritable direction
à suivre pour
le
progrés
d'un
organe naturellement beau,
et
pour
la
reelificalion
et
l'amélioration
d'un
organe défectueux.
»
On
ne se
préoccupe
pas le
inoins
du
monde
de
celte question
dans l'enseignement Wilhem
et
Galin; aussi n'a-t-on
pas
encore
vu sortir
de
bonnes
ou
belles voix
de ces
écoles
: on y
dépense
trop
dev
terrjpss
ce
nous semble,
en
locomotion musicale
ou
rhylhmiqoe; cela rappèllëJès lycées âëT&mpïrë, o%1éut¥irïM;-
Iigence était obligée
de,
marcher
au son dtt
tambour. C'est
en
écoulant
ce
piétinement
peu
musical
que
Gluck aurait
dit
plus
que jamais
: 11 y a
longtemps
que les
Français auraient
une
école musicale
s'ils
savaient rester assis.
Nous
ne
pouvons nous dissimuler qu'en piquant
au
défaut
de
leur cuirasse scoîastique quelques
uns de nos
nouveaux théori-
ciens avec notre plume légère, qu'en leur Ôtant celles
du
Paon,
dont
ils se
parent,
ils
nous feront entendre
le cri du
geai,
qui
ressemble assez
à
l'intonation
de
leurs élèves; mais que diraient-
ils
si
nous leur apposions
les 150 fac
simile
de
toules
les
nata-
tions musicales antérieures
à
l'époque
de
Gui d'Arezzo, que nous
annonce
et
nous rapporte
de sou
voyage d'Italie notre collabora-
teur M. Danjou?
Ils
seraient forcés
de
dire avec
S. M.
Salomon,
qu'il
n'y a
rien
de
nouveau sous
le
soleil.
Si nous avons eilé souvent
les
deux institutions musicales
de
Wilhem
et de
MM. Paris
et
Chevé, c'est qu'elles sont rivales,
que
ce
sont celles dont
on
s'occupe
le
plus,
qui
fout
le
plus
de
bru
il,
tandis que beaucoup d'autres sont semblables
à
l'Académie
de Marseille
du
temps de Voltaire,
qui, an
dire
de ce
sarcasma-
lique écrivain
,
était comme
la
plus honnête fille
du
monde
qui
n'avait jamais fait parler d'elle.
Que
si
M. Chevé
et
d'antres théoriciens trouvaient
que
nous
n'avons
pas été
tout
à
fait assez grave
en
traitant cette question
d'enseignement, nous leur répondrions
que
c'est noire allure;
que
la
première chose dans
les
matières scolasLiques,
et par
con-
séquent ennuyeuses, c'est
de se
faire lire;
que la
forme lourde
et pédante
de la
didactique
en
journalisme
est uu
moyen aussi
certain qu'estimable
de
faliguer
ses
lecteurs.
Que
si ces
messieurs nous demandaient
ce que
nous avons
voulu:prouver, nous répondrions encore
: Pas
grand'chose,
si
cen'éstquela vieille mélhodefait lourdement, lentement
et-
niblement, dé bons musiciens,
et
que
les
nouvelles méthodes
ont
fait rapidement, depuis plus
de
vingt
ans
cependant qu'elles
fonctionnent,
des
musiciens assez superficiels:
Que
si ces
messieurs tenaient
à
nous prouver
le
contraire,
nous
ne
demandons
pas
mieux
que de
recevoir
une
dépulaliojr
de seize, douze, huit,
ou
même quatre élèves pour leur faire exé-
cuter
un
qualuor vocal inédit,
à
livre ouvert,
et qui
constaterait
leuraptilude àlire couramment, nousmontranten cela plus pro-
gressif queles autorités administratives don tse plaignent Tort jus-
tement
MM.
Paris
et
Chevé. Ces fonctionnaires craignenl-ils,
en
pratiquant la maxime: Laissez faire, laissez passer,
de
jeter l'anar-
chie dans l'harmonie?
de
provoquer
des
émenles
de
professeurs
de musique?
Un
trouverait
au
besoin
la
solution
de ces
ques-
tions dans J.-J. Rousseau,
que
nous avons déjà cité,
el
auquel'
on revient toujours avec plaisir, car
il
entendait assez bien notre
I langue écrite
et
chantée. Malgré
sa
prévention
à
l'égard
de
celle
I dernière, dont
il
niait l'expression -musicale
en
France,
il est
' curieux devoir les conséquences qu'il tire
des
dévialions
de
notre:
idiome dans
son Essai sur
l'origine
des
langues,
écrit
peu
connu
et
pen lu du
philosophe
de
Genève.
« J'ignore,
dit J.-J.
Rousseau, combien
de
siècles
les
musi-
ciens tournèrent autour
des
vaines questions
que
l'effet connu
d'un principe ignoré leur
fil
agiter.
Le
plus infatigable lecteur
ne supporterait
pas
dans Jean
de
Mûris
le
verbiage
de
huit
ou
dix grands chapitres pour savoir, dans l'intervalle
de
l'oelave
coupée
en
deux consonnâncés,
si
c'est
la
quinte
ou la
quarte
qui
doit être
au
grave;
et,
quatre cents
ans
après,
on
trouve encore
dans Boutempi
des
énumérations
non
moins ennuyeuses
de
toutes les basses
qui
doivent porter
la
sixte
au
lieu
do la
quinte.
Cependant l'harmonie prit insensiblement
la
roule
que lui
pres-
crit l'analyse, jusqu'à ce qu'enfin l'invention
du
mode mineur
et
des dissonnances
yt
introduit l'arbilraire dont elle
esl
pleine,
et que
le
seul préjugé nous empêche d'apercevoir.
»
La
mélodie étant oubliée
et
l'attention
du
musicien s'élant
tournée entièrement vers l'harmonie, tout
se
dirigea
peu à peu
sur
ce
nouvel objet;
les
genres,
les
modes,
la
gamme, tout reçut
dès^faees nouvelles
: ce
furent
les
siiflcessions hanûôniques
qui
réglèrent la marche
des
parties. Celle marché ayant usurpé
le
nom
de
mélodie,
on ne put en
effet méconnaître dans celte nou-
velle mélodie
les
traits
de sa
mère;
et
notre système musical
étant ainsi devenu,
par
degrés, purement harmonique.,
il
n'est
pas étonnant
que
l'accent oral
en ait
souffert,
et que la
musique
ait perdu pour nous presque toute
son
énergie.
» Voilà comment
le
chant devint,
par
degrés,
nn art
entière-
ment séparé
de
laparole, dont
il
lire
son
origine; comment
ies
harmoniques
des
sons ureut oublier
les
inflexions
de la
voix,
et
commentenfin, bornée à l'effet purement physique des vibrations,
la musique
se
trouva privée
des
effets moraux qu'elle avait pro-
duits quand elle était doublement
la
voix
de la
nalnre.
»
Le grand écrivain recherche ensuite quel rapport
la
musique
des langues peut avoir avec l'art
de
gouverner
les
hommes,
et il
ajoute
:
«Les langues
se
forment naturellement
sur les
besoins
des
hommes; elles changent
et
s'altèrent selon
les
changements
de
ces mêmes besoins. Dans
les
anciens temps,
où la
persuasion
tenait lieu
de
force publique, l'éloquence était nécessaire.
A
quoi servirait-elle aujourd'hui,
que la
force publique supplée
à
la persuasion?
L'on n'a
besoin
ni
d'art
ni de
figure pour dire
:
Tel
est mon
plaisir.
Quels discours restent donc
à
faire
au
peuple
assemblé?
Des
sermons.
Et
qu'importe
à
ceux
qui les
fout
de
persuader
le
peuple, puisque ce n'est pas
lui qui
nomme
aux-
néfices?
Les
langues populaires nous sont devenues aussi par-
faitement inutiles
que
l'éloquence.
Les
sociétés
ont
pris leur
dernière forme
: on n'y
change plus rien qu'avec
du
canon
et des
écus
;
et
comme
on n'a
plus rien
à
dire au peuple, sinon
:
Donnes
de
l'argent, on le dit
avec
des
placards
au
coin
des
rues
ou des
soldats dans
les
maisons.
Il ne
faut assembler personne pour
:
cela
: nu
contraire,
il
faut tenir
les
sujets épars; c'est
la
pre-
mière maxime delà politique moderne.
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