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peu quand elles veulent se livrer à des fours de force de la nature dont il
s'agit
;
cela s'explique aisément par des considérations techniques que nous n'approfon-
dirons point, mais que nous pouvons indiquer d'un mot. Au fur et à mesure que
la vitesse d'un navire augmente, la résistance que celui-ci
rencontre
dans l'eau s'ac-
croît bien autrement, et, par suite, il faut accroître dans une proportion déme-
surée la puissance de ses machines. Voici deux exemples typiques qui parlent
éloquemment.
Prenons un bateau présentant la section de la Touraine : quand il marche à
raison de 10 nœuds, il lui faut seulement
1718 .chevaux
de force; pour donner
15 nœuds, il en nécessite 5732, puis 8443 pour
17
nœuds, 10720 pour 19 nœuds
et, enfin, 14470 pour 21 nœuds. C'est-à-dire qu'il faut sextupler la puissance dé-
veloppée par les machines pour atteindre une vitesse 5 peu près double. Si nous
envisageons un navire comme le City of Paris, nous voyons qu'il suffit
de
2187
chevaux-vapeur pour lui imprimer une allure de 10 nœuds, et qu'il en faut 33740
pour qu'il marche à 25 nœuds.
Nous n'avons pas besoin de dire quelle complication, quelles dépenses, quels
dangers même entraîne un pareil accroissement de la puissance des machines. La
dépense, rien qu'en combustible, est formidable sur ces cités flottantes que sont
les transatlantiques modernes; rien que sur la Touraine, qui est pourtant assez
modeste à côté de la Campania, on brûle par jour 288 tonnes de houille. Quel
personnel ne faut-il point pour alimenter ces foyers monstrueux qui dévorent le
charbon !
Pour ne point entrer dans trop de développements sur le côté pour ainsi dire
moral de cet accroissement des vitesses des traversées transatlantiques, nous ren-
verrons à une étude très curieuse publiée dans le journal, peu statistique il est
vrai,
la Nature, par notre savant maître, M. Levasseur. A deux reprises
il
a eu
l'occasion de traverser l'Atlantique sur un paquebot de la Compagnie Transatlan-
tique en se rendant à une exposition américaine; une fois c'était sur
Y
Amérique,
et il allait à Philadelphie; l'autre fois il gagnait Chicago et il avait pris passage sur
la
Bourgogne.
Il a tenu son journal de route aux deux fois, et cela lui a permis de
faire des comparaisons fort instructives qui compléteront ce que nous avons dit.
Ce qu'il y a de merveilleux, du reste, dans ces traversées transatlantiques, c'est
que,
sauf de rares accidents et en dépit des vents et marées, elles se font avec une
régularité prodigieuse (et avec une tendance constante à l'abréviation de la durée
du trajet). Prenons par exemple la Champagne et examinons le journal de route
pour sept de ses voyages où la durée moyenne de son parcours a été calculée à
189 heures 2 minutes (nous reviendrons tout à l'heure sur cette question de
moyenne). Voici ce que nous trouvons :
Durée.
Durée.
1er
voyage. . .
7
j.
23 h. 16 m. 5e voyage. . .
7
j.
5 h. 30 m.
2e
— . . . 7— 5-47— 6e — . . .
7 — 19 — 31
—
3° — . . .
7
—
22 —
22—
7e
—
.
. .
7 —
47-
2 —
4e
— . . .
7 — 20 — 50 —
H
faut songer qu'il
s'agit
là d'un parcours immense de
3171
milles !
Nous pourrions examiner les grandes compagnies étrangères, nous y trouve-
rions des résultats aussi étonnants par leur régularité.