Œdipe Roi - Théâtre de l`aquarium

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REVUE DE PRESSE
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ŒDIPE ROI
de SOPHOCLE
Théâtre de l’Aquarium
13 novembre > 15 décembre 2012
du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h
texte français et mise en scène Antoine Caubet
(Théâtre Cazaril – Paris),
artiste associé au Théâtre de
l’Aquarium
avec Pierre Baux, Antoine Caubet, Cécile Cholet, Éric Feldman, Jean Opfermann,
Clotilde Ramondou et Delphine Zucker
assistante à la mise en scène Aurélie Van Den Daele, scénographie et costumes
Isabelle Rousseau, lumière Jean Opfermann et Antoine Caubet, son Valérie
Bajcsa, régie générale Jean Opfermann
production > Théâtre Cazaril (compagnie conventionnée DRAC Île-de-France),
L’apostrophe (Scène Nationae de Cergy-Pontoise et du Val d’Oise), Théâtre de
l’Aquarium.
Avec l’aide au compagnonnage du Ministère de la Culture – DGCA
TT On
aime
beaucoup
Dans un dispositif dépouillé, Antoine
Caubet met en scène la tragédie de
Sophocle comme un conte qui exalte
la parole et les émotions. Avec un
usage parcimonieux de la lumière, la
création
de
clairs-obscurs,
la
proximité des comédiens, eux-mêmes
installés
sur
des
gradins
de
bois, l'histoire du héros plein d'hybris
qui enrage de découvrir la "souillure"
(la souillure, c'est lui) devient la nôtre.
La parfaite mécanique de la pièce de
Sophocle, qui s'apparente à une
enquête, devient une histoire intime
où le spectateur s'enfonce dans
l'obscurité jusqu'à ce qu'Œdipe se
crève les yeux. Les deux comédiennes
(Cécile Cholet et Delphine Zucker) qui
forment le Chœur utilisent un parléchanté très élaboré, aérant ainsi le
spectacle. Pierre Baux fait un Œdipe
simple
et
émouvant,
Antoine
Caubet campe un Créon puissant et
plein de sagesse.
Sylviane Bernard-Gresh
20 novembre 2013
Le drame d’Œdipe
Puisque l’on est chez les classiques, franchissons les quelques
kilomètres qui séparent Ménilmontant du bois de Vincennes
pour évoquer « Œdipe Roi » de Sophocle, mis en scène par
Antoine Caubet, au Théâtre de l’Aquarium. Cette fois, on est à
Thèbes frappée par la peste. La population fait appel à son
roi, Œdipe, en lui confiant une mission très précise : retrouver
le meurtrier du père d’Oedipe, l’ancien roi Laïos. Selon les
oracles, en effet, c’est la condition sine qua non pour
échapper au fléau de la maladie.
Voilà donc Oepide (Pierre Baux) qui lance l’enquête, tel un
Maigret des temps jadis. Il cherche, il interroge, il tâtonne, il
hésite. On lui parle d’un attentat à l’intersection de deux
routes. Puis, au fil de ses recherches, Oedipe doit affronter la
vérité, aussi insupportable soit-elle. Le meurtrier de Laïos
n’est autre que lui, Œdipe, père d’un complexe éternel qui l’a
conduit dans le lit de sa mère et qui fera la gloire de Freud. Le
fils maudit ne s’en remettra jamais. Il finira aveuglé (au sens
littéral du terme) par une réalité impossible à admettre.
Terrible pièce où un homme se découvre en même temps qu’il
élucide un mystère. Œdipe est une énigme pour Œdipe. Il
n’est pas celui qu’il croyait être et il ne peut être celui qu’il est
vraiment. Par cette version réussie et imaginative
(notamment avec les chœur), Antoine Caubet confirme un
talent qui saute aux yeux.
Jack Dion
18 novembre 2013
La seule représentation d’ŒDIPE ROI qui ait
eu lieu du temps de SOPHOCLE est
impossible à imaginer. Il ne reste que le
texte de la tragédie. Pourtant nous savons
qu’avant
SOPHOCLE,
de
nombreux
dramaturges avaient abordé le mythe
d’ŒDIPE.
Dans
l’antiquité,
les
représentations théâtrales ouvertes à un
large public avaient lieu lors de grandes
fêtes dionysiaques. Nous savons aussi que
SOPHOCLE était un homme politique.
Comment ne pas être renversés par la
liberté avec laquelle il aborde des sujets
aussi délicats que celui de l’inceste, Tous les
maux de l’humanité se trouvent concentrés
à travers la figure d’un seul homme devenu
parricide, incestueux, malgré lui.
Œdipe roi, c’est le procès d’un homme,
érigé en héros, au sommet de la hiérarchie
de la société, qui tombe au plus bas pour
des sordides affaires de mœurs. C’est sans
doute le procès d’une humanité qui doit
faire face à de multiples calamités, la guerre,
la maladie, et la folie qui guette chaque
citoyen dès lors qu’il s’affranchit des lois
créées par la société pour garantir un ordre
souverain, celui de l’état, celui du peuple, la
démocratie puisque ne l’oublions pas
Sophocle était démocrate.
Avec nos lanternes modernes, comment
s’empêcher de penser qu’ŒDIPE après tout
n’est pas coupable d’avoir tué son père et
d’avoir couché avec sa mère. Il ne savait
pas. Là où le bât blesse c’est qu’il ait
cherché à savoir et que du coup, il ait
découvert la terrifiante vérité. Face à Créon
qui représente l’ordre et le chœur, la vox
populi qui réclame la tranquillité, Œdipe
représente l’excès qu’il faut bannir. Faut-il
conclure que Sophocle prêche pour le savoir
en dépit des catastrophes que peuvent
entrainer les déclarations de vérité. Pour un
crime révélé au public, combien d’autres
passés sous silence parce qu’il ne faut pas
troubler l’ordre public dont la responsabilité
incombe aux politiques, aux gouvernants.
Sophocle confronte deux consciences, la
politique et l’individuelle comme si l’homme
se trouvait toujours au bord du précipice et
qu’il ne contrôlait pas sa condition d’homme
mortel, vulnérable, inconscient, qu’il était
capable du meilleur et du pire.
Il y a même une scène de western dans la
tragédie d’ŒDIPE ROI, celle où l’on imagine
Œdipe aveuglé par la colère et le sentiment
de sa force, en train de tuer le faible vieillard
Laïos. Pour Œdipe, Laïos n’était qu’un
misérable, un obstacle sur son chemin et ne
prend une valeur humaine que lorsqu’il revêt
la figure du père.
Somme toute, Œdipe est un monstre, un
criminel de guerre, et tout héros qu’il soit,
également un pauvre type. Freud disait qu’il
y avait de l’Œdipe chez tout homme.
A la recherche de son identité, ŒDIPE part
à la conquête de lui-même c’est-à-dire d’une
conscience qui refuse de refouler l’horreur
qu’il éprouve pour lui-même et ne trouve
aucune excuse. Œdipe ne se suicide pas, il
entend vivre avec la conscience de ses
crimes.
A vrai dire, depuis la nuit des temps, ŒDIPE
vient hanter nos cauchemars. La mise en
scène d’Antoine CAUBET se distingue pas sa
sobriété. Il semblerait qu’il ait laissé toute
liberté aux interprètes d’arriver sur scène
avec leurs propres habits qui sont aussi ceux
des spectateurs. Mais il y a des spectateurs
qui n’ont pas envie de s’identifier à
l’ordinaire, au banal, parce qu’ils en soupent
assez au métro, tous les jours, et qu’ils ont
envie de rêver et de se défouler au théâtre.
D’autres seront ravis de pouvoir raccorder
leur présent à une histoire mythique qui fait
déborder des vases qui ne désemplissent
pas. En tant que comédien Antoine CAUBET
incarne superbement Créon sur scène, de
sorte qu’il fait un peu de l’ombre aux autres
interprètes plus modestes. Pierre BAUX est
un Œdipe ténébreux, rigide, qui devient
véritablement sympathique qu’à
la fin
lorsqu’il tombe, broyé par la fatalité.
Au
demeurant,
la
mise
en
scène
respectueuse du texte, laisse suinter
l’humanité de SOPHOCLE comme à travers
un suaire vivant et brillant qui brûle sur
l’instant mais ne disparait pas.
Evelyne Trân
16 novembre 2013
Aujourd’hui encore, Œdipe de Sophocle demeure le
paradigme de la tragédie grecque
Œdipe-Roi est une tragédie intemporelle. Par delà les vingt-cinq siècles qui nous séparent de
Sophocle, on aime encore écouter cette histoire douloureusement belle racontant le sombre
destin d’un souverain incestueux et parricide. Même si l’univers des Dieux grecs est bien loin de
nous, même si les héros épiques ne frôlent plus notre monde, ce récit continue de nous
émouvoir et de nous transcender.
Afin de retourner en 425 avant Jésus-Christ - date de la seule et unique représentation publique
d’Œdipe roi du vivant de Sophocle – Antoine Caubet n’a usé d’aucun artifice scénique. Il a axé
sa mise en scène essentiellement sur les vers du grand poète : nulle trace de toge ou d’un
quelconque costume antique. Nul décor à colonnades ou de pseudo-temple dionysien. Seul
domine le texte et le chant que l’on savoure parfois en grec ancien comme une incantation
divine.
L’intrigue est connue de tous : afin d’éradiquer l’épidémie de peste qui ravage sa ville, Œdipe,
roi de Thèbes doit trouver la cause de cette malédiction. Avec l’assurance qui lui est propre, il se
lance dans une longue quête qui va, pas à pas, le conduire vers un seul coupable : lui-même !
Doublement maudit par les Dieux de l’Olympe, Œdipe a, sans le savoir, tué son propre père et
épousé sa mère! Réfutant cette évidence à chaque preuve qu’on lui présente, il finira par se
crever les yeux qu’il a trop longtemps gardés fermés devant la terrible vérité. Sa mère-épouse
se donnera la mort et laissera ce roi déchu errer sur les routes comme l’avait prédit l’oracle.
Avec ce texte de Sophocle, la tragédie grecque atteint remarquablement son apogée :
puissance insondable des dieux, malédiction du héros, omniprésence de la mort, catharsis…
tous les éléments sont là pour offrir au public une grêle de sang et un cataclysme d’émotions
fortes. La pièce ne nous laisse d’ailleurs pas le temps de souffler car chaque épisode et
intermède sont porteurs d’actions et d’indices que le spectateur recueille en même temps que
l’infortuné Œdipe.
Selon le parti-pris du metteur en scène, la primauté est donnée au verbe et à l’interprétation.
Pour cela, Antoine Caudet a choisi une troupe dynamique qui s’est investie pleinement dans sa
création : Pierre Baux incarne un Œdipe à la voix porteuse et percutante. Malgré un phrasé trop
sec en début de pièce (certainement pour souligner le hiératisme de sa fonction royale), il
évolue magnifiquement vers un homme torturé par le doute et le malheur qui l’accablent. A ses
côtés, la noble Clotilde Ramondou nous offre une Jocaste un brin trop réservée : le tourment
d’une mère ayant épousé son propre fils devrait, effectivement, être plus vif pour sembler
véridique. Parmi les autres comédiens, saluons la très belle prestation d’Eric Feldman qui
interprète, à tour de rôles, le prêtre, Tirésias et le messager. Passant aisément du paysan béta
au grand devin, il propose un jeu d’une finesse et d’une sensibilité à fleur de peau.
Vient enfin le chœur, élément indispensable de toute tragédie grecque classique. A défaut de
voir défiler sur la scène une longue procession de chanteuses et danseuses, comme cela devait
certainement être le cas du temps de Sophocle, Antoine Caubet nous propose un coryphée à
deux voix des plus psychédéliques: faisant face aux spectateurs-citoyens que nous sommes,
Cécile Cholet et Delphine Zucker apparaissent à chaque fin de stasimon pour porter la rumeur
ou en appeler à la justice. Evoluant dans un forum imaginaire, ces deux prophétesses
psalmodient en alternance, l’œil hagard et la voix énigmatique. Accompagnées de façon incisive
par les coups d’archers d’un violoncelle invisible, elles geignent, se lamentent, déplorent le sort
du pauvre Œdipe et closent la pièce en affirmant la toute puissance du destin. Que dire de
plus ? A quand la mise en scène d’Antigone ?
Florence Gopikian Yérémian
17 novembre 2013
Une tragédie au présent
Que savons-nous de la tragédie plus de deux mille ans après ? Pas
grand chose qui soit certain, à part bien sûr le culte lié à Dionysos ;
où, lors d’une épreuve organisée tous les ans, à Athènes, pour les
fêtes de ce dieu, s’affrontaient trois poètes tragiques dans un
concours de théâtre. De ces fêtes et de ces concours, reste sept
pièces de Sophocle (496 à 406 av. J.C) dont celle d’Œdipe Roi, à
jamais éternelle.
Voici le résumé que nous en fait le metteur en scène Antoine Caubet
: « Frappés par la peste, les habitants de Thèbes appellent à l’aide
leur roi tant aimé, lui qui les a jadis sauvés des griffes de l’horrible
Sphinx. Les oracles sont interrogés : la malédiction divine pèsera
sur la ville tant que le meurtrier de l’ancien roi, Laïos, n’aura pas été
découvert ! Alors Œdipe se mue en enquêteur et, avec une soif de
savoir frénétique, convoque publiquement tous les témoins de cette
affaire vieille de vingt ans – alors que lui-même vivait loin d’ici… »
Un chantier tragique
Antoine Caubet dans sa mise en scène, nous convie à vivre cette
tragédie au « présent » de la représentation pour nous mettre à son
épreuve. Dès lors que nous entrons dans « l’agora à jamais
perdue », nous sommes dans l’énigme du chef-d’œuvre. Le chœur
nous avertit qu’il ne sait rien ou presque rien de ce qu’était la
tragédie, lors de ces grandes fêtes dionysiaques. Même la
scénographie semble nous dire : je ne sais plus quoi faire de ces
planches sur le chariot, où les positionner ? Que faire de cette
estrade ? Tout est arrêté pour nier ce qui serait un mensonge ou
une fausse interprétation. Alors, les comédiens, mettent à leur
épreuve le temps, le lieu et l’action ; jusqu’à se rendre à
l’insoutenable vérité. C’est un chantier tragique. Tout se construit,
pas à pas, avec nous spectateurs « Thébains » dans l’écoute
théâtrale la plus proche et la plus directe. Alors revit l’œuvre dans le
dénuement du plateau et la richesse de la rencontre.
Merci au « petit chœur » (Delphine Zucker et Cécile Cholet) qui nous
ravit de sa vérité et de son invention. Merci à Œdipe (Pierre Baux)
convainquant dans l’horreur de se connaître lui-même. Merci à
Créon (Antoine Caubet) déjouant le pathos dans la juste distance.
Merci à Tirésias (Éric Felman) messager à l’aura tragique. Merci à
Jocaste (Clotilde Ramondou) à la résonance incarnée. Merci au
Berger du feu et de la scène (Jean Opfermann) au jeu sobre et
limpide. Et merci enfin au théâtre de l’Aquarium d’avoir invité cette
précieuse compagnie.
Dashiell Donello
16 novembre 2013
Le mythe d'Œdipe, meurtrier de son père
avant d'épouser sa mère, est l'un des
thèmes fondateurs de la tragédie grecque, à
l'origine d'innombrables œuvres artistiques
et littéraires. Parmi celles-ci, la tragédie de
Sophocle, Œdipe roi, vieille d'environ 2500
ans, est la seule pièce qui nous soit
parvenue dans son intégralité. Et dans une
version épurée dont Antoine Caubet sait tirer
le plus grand parti : la ville de Thèbes est
frappée par la peste et ses habitants
somment leur roi tant aimé, Œdipe,
d'affronter le fléau, lequel, selon les oracles,
durera tant que le meurtrier de l'ancien roi
Laios ne sera pas découvert. Œdipe, connu
pour son talent à résoudre les énigmes – il a
jadis triomphé du Sphinx – se retrouve alors
meneur d'une enquête dont il est le principal
intéressé, c'est-à-dire le coupable, parricide
et incestueux.
Le spectacle que propose Antoine Caubet
commence en pleine lumière avec une
introduction qui resitue la pièce dans son
contexte et relate son voyage jusqu'à nous,
spectateurs contemporains ; quelques mots
de grec fort agréables à écouter rappellent
aussi que le réalisateur signe également la
traduction de l'œuvre. Puis, Antoine Caubet
s'attache à reconstituer le puzzle en mettant
toujours
l'accent
sur l'ironie
tragique
omniprésente du texte original. Avec une
mise en scène sobre – des estrades de bois
brut –, pas de costumes d'époque, le
metteur en scène a sans doute voulu laisser
la vedette au texte, fermement porté par
l'interprétation des acteurs.
Pierre Baux joue avec brio le chemin vers la
perdition d'Œdipe, au début animé par un
combat noble, pour le bien du peuple,
jusqu'à son auto-mutilation, et la souffrance
la plus totale. Jocaste, Clotilde Ramondou,
semble rester volontairement en retrait,
renforçant ainsi judicieusement la solitude du
protagoniste. Quant à Eric Feldman qui
interprète plusieurs rôles, nous ne pouvons
que saluer sa fougue et son énergie, surtout
dans le rôle du messager.
Mention spéciale au travail original mené
avec le Chœur qui, tout comme dans la
tragédie grecque, intervient en alternance
avec les comédiens. Ce chœur, évidemment
porte-parole de la Cité et dont les
représentantes
sont
Cécile
Cholet
et
Delphine Zucker, met toute son énergie au
service de l'intrigue d'Œdipe. Comme
possédées, tantôt chantant, chuchotant,
mimant et bruitant, elles transmettent aux
spectateurs l'angoisse planant sur Thèbes,
accompagnées par le jeu de lumière, nous
plongeant finalement tous dans l'obscurité
totale. Ombres et lumières, une belle façon
de redécouvrir ce texte mythique…
Ivanne Galant
15 novembre 2013
Antoine Caubet nous invite à partager
son amour de la Grèce Antique et des
beaux textes. Pour cela il monte Œdipe
roi écrit par Sophocle vingt-cinq siècles
auparavant. A travers cette mise en
scène à la forme simple, la volonté du
metteur en scène est d’interroger la
distance qui nous sépare du siècle d’or
du théâtre athénien. Nous sommes
devant un spectacle qui n’est ni d’hier, ni
complètement d’aujourd’hui, les oreilles
grandes ouvertes.
Nous entrons dans la salle sous le regard
bienveillant des comédiens installés sur le
plateau. La scénographie utilise des gradins
en chantier pour jouer sur des volumes et
des
hauteurs
qui
morcellent
l’espace
scénique. Évidemment ces gradins nous
renvoient à notre propre condition de
spectateurs
installés
en
miroir.
Leur
disposition en demi-cercle évoque aussi le
théâtre antique, avec un renversement
perturbant qui nous place nous spectateur
dans la droiture du mur de scène antique.
Métal et bois dominent et revendiquent un
temps du théâtre beaucoup plus proche de
notre présent mais non moins important que
le théâtre antique: le théâtre de tréteaux.
Après un petit replacement historique, la
tragédie d’Œdipe Roi commence, et quoi de
plus beau que de l’entamer avec la belle
langue du grec ancien, petit moment
magique. Ne vous inquiétez pas, cela ne dure
pas longtemps, et vous pourrez à nouveau
comprendre ce qu’il se passe et se dit ! Pas
de toge, pas de costume contemporain non
plus et pas de nudité non plus encore. Les
personnages sont des figures et ne semblent
appartenir à aucun monde géographique ou
temporel. Le tragique n’entraine pas le
pathos dans le jeu des comédiens, chacun
suit sa ligne de conduite. On entend à travers
la mise en scène les mots d’Anouilh.
“Et voilà. Maintenant le ressort est bandé.
Cela n’a plus qu’à se dérouler tout seul.”
Œdipe creuse la vérité jusqu’au fond de
l’horreur. Il cherche la lumière éblouissante
du vrai qui le perdra lui-même. La lumière du
théâtre soutient la lumière abstraite en
arrivant de manière transversale sur le
plateau. Œdipe sombre dans son excès de
désir
d’absolu,
de
vérité.
Malgré
le
prédictions de Tirésias, lui et Jocaste font
preuve d’hybris en voulant s’élever au dessus
des dieux et au dessus de leur destin. La
mise en scène d’Antoine Caubet ne recherche
par la transcendance, le destin arrive d’en
bas, de l’horizontal. Il prend la forme
humaine des personnages interprétés par Eric
Feldam qui semble secoué des spasmes de la
folie. Le destin prend le sourire ambigüe de
l’hystérie. Il est un porteur de message qui
semble fondre sur sa proie presque par
hasard, de manière totalement arbitraire
pour apporter la nouvelle funeste de la mort,
de l’origine, puis du crime et de l’inceste.
Nous pensons à Jack l’éventreur dans le Lulu
de Robert Wilson, au personnage armé dans
le R & J de Jean-Michel Rabeux, à finalement
ce qui relève aussi de la tragédie théâtrale
contemporaine: le malheur qui frappe
cruellement au hasard.
La mise en scène joue avec le chœur antique
qui chantait et dansait, non pas pour le
recréer
mais
pour
en
donner
une
interprétation: polyphonique, faite de voix,
de sons, de mots en canons, divergeant et se
superposant à un accompagnement musical
de cordes. Cette interprétation musicale, bien
qu’ayant un goût de déjà entendu, donne les
monologues
à
entendre
de
manière
paradoxalement plus claire. La logique du
texte s’efface derrière la musicalité, la poésie
et quelques mots-clés pour donner la parole
au corps du peuple, figure de la sagesse
démocratique.
Le désir de transmettre est peut-être un peu
trop démonstratif ce qui produit quelques
petits agacements et empêche une adhésion
totale, cependant nous sortons heureux
d’avoir vu Œdipe dans cette forme fidèle et
épurée. Il nous reste à la sortie des images
fortes comme mémoire de ce spectacle.
Julie Montpellier
L'actualité du théâtre et de la danse à Paris et en Île-de-France
S’emparer aujourd’hui d’un texte de Sophocle n’est pas chose
facile,
celui
d’Œdipe Roi
encore
moins.
Antoine
Caubet
s’attaque donc à une histoire connue de tous : frappée par la
peste, la ville de Thèbes implore à son nouveau roi que celuici fasse
cesser
la
malédiction
d’Apollon.
Œdipe va
alors
remuer le passé afin de découvrir le meurtrier de son
prédécesseur. Les protagonistes évoluent dans un décor
simple, des gradins et des panneaux de bois aggloméré
attendent
sur
les cotés.
La
scénographie
est
quelque
peu déceptive car nous imaginons qu’elle va être évolutive,
que les acteurs vont manipuler les planches de bois et
construire un décor au fur à mesure de l’intrigue, mais le
spectacle s’appuie uniquement sur le jeu des interprètes. Pas
de toge ni de procréation poétique, les comédiens jouent au
plus près des mots de l’auteur dans une version modernisée,
au présent. Antoine Caubet ne prend pas beaucoup de
risques, la mise en scène est classique et le jeu des acteurs,
même s’il est parfait, reste très académique. La dernière
partie du spectacle est quant à elle très intéressante : lorsque
la vérité éclate enfin aux yeux d’Œdipe et des autres, la
lumière, qui joue un rôle important dans cette création, éclate
elle aussi. Tout s’éclaire enfin, mais l’obscurité prend place,
après le suicide de sa mère amante, le jeune roi préfère se
crever les yeux que de voir la vérité en face.
Wilson Le Personnic
13 novembre 2013
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