> contact REVUE DE PRESSE Catherine Guizard. 01 48 40 97 88 & 06 60 43 21 13 [email protected] ŒDIPE ROI de SOPHOCLE Théâtre de l’Aquarium 13 novembre > 15 décembre 2012 du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h texte français et mise en scène Antoine Caubet (Théâtre Cazaril – Paris), artiste associé au Théâtre de l’Aquarium avec Pierre Baux, Antoine Caubet, Cécile Cholet, Éric Feldman, Jean Opfermann, Clotilde Ramondou et Delphine Zucker assistante à la mise en scène Aurélie Van Den Daele, scénographie et costumes Isabelle Rousseau, lumière Jean Opfermann et Antoine Caubet, son Valérie Bajcsa, régie générale Jean Opfermann production > Théâtre Cazaril (compagnie conventionnée DRAC Île-de-France), L’apostrophe (Scène Nationae de Cergy-Pontoise et du Val d’Oise), Théâtre de l’Aquarium. Avec l’aide au compagnonnage du Ministère de la Culture – DGCA TT On aime beaucoup Dans un dispositif dépouillé, Antoine Caubet met en scène la tragédie de Sophocle comme un conte qui exalte la parole et les émotions. Avec un usage parcimonieux de la lumière, la création de clairs-obscurs, la proximité des comédiens, eux-mêmes installés sur des gradins de bois, l'histoire du héros plein d'hybris qui enrage de découvrir la "souillure" (la souillure, c'est lui) devient la nôtre. La parfaite mécanique de la pièce de Sophocle, qui s'apparente à une enquête, devient une histoire intime où le spectateur s'enfonce dans l'obscurité jusqu'à ce qu'Œdipe se crève les yeux. Les deux comédiennes (Cécile Cholet et Delphine Zucker) qui forment le Chœur utilisent un parléchanté très élaboré, aérant ainsi le spectacle. Pierre Baux fait un Œdipe simple et émouvant, Antoine Caubet campe un Créon puissant et plein de sagesse. Sylviane Bernard-Gresh 20 novembre 2013 Le drame d’Œdipe Puisque l’on est chez les classiques, franchissons les quelques kilomètres qui séparent Ménilmontant du bois de Vincennes pour évoquer « Œdipe Roi » de Sophocle, mis en scène par Antoine Caubet, au Théâtre de l’Aquarium. Cette fois, on est à Thèbes frappée par la peste. La population fait appel à son roi, Œdipe, en lui confiant une mission très précise : retrouver le meurtrier du père d’Oedipe, l’ancien roi Laïos. Selon les oracles, en effet, c’est la condition sine qua non pour échapper au fléau de la maladie. Voilà donc Oepide (Pierre Baux) qui lance l’enquête, tel un Maigret des temps jadis. Il cherche, il interroge, il tâtonne, il hésite. On lui parle d’un attentat à l’intersection de deux routes. Puis, au fil de ses recherches, Oedipe doit affronter la vérité, aussi insupportable soit-elle. Le meurtrier de Laïos n’est autre que lui, Œdipe, père d’un complexe éternel qui l’a conduit dans le lit de sa mère et qui fera la gloire de Freud. Le fils maudit ne s’en remettra jamais. Il finira aveuglé (au sens littéral du terme) par une réalité impossible à admettre. Terrible pièce où un homme se découvre en même temps qu’il élucide un mystère. Œdipe est une énigme pour Œdipe. Il n’est pas celui qu’il croyait être et il ne peut être celui qu’il est vraiment. Par cette version réussie et imaginative (notamment avec les chœur), Antoine Caubet confirme un talent qui saute aux yeux. Jack Dion 18 novembre 2013 La seule représentation d’ŒDIPE ROI qui ait eu lieu du temps de SOPHOCLE est impossible à imaginer. Il ne reste que le texte de la tragédie. Pourtant nous savons qu’avant SOPHOCLE, de nombreux dramaturges avaient abordé le mythe d’ŒDIPE. Dans l’antiquité, les représentations théâtrales ouvertes à un large public avaient lieu lors de grandes fêtes dionysiaques. Nous savons aussi que SOPHOCLE était un homme politique. Comment ne pas être renversés par la liberté avec laquelle il aborde des sujets aussi délicats que celui de l’inceste, Tous les maux de l’humanité se trouvent concentrés à travers la figure d’un seul homme devenu parricide, incestueux, malgré lui. Œdipe roi, c’est le procès d’un homme, érigé en héros, au sommet de la hiérarchie de la société, qui tombe au plus bas pour des sordides affaires de mœurs. C’est sans doute le procès d’une humanité qui doit faire face à de multiples calamités, la guerre, la maladie, et la folie qui guette chaque citoyen dès lors qu’il s’affranchit des lois créées par la société pour garantir un ordre souverain, celui de l’état, celui du peuple, la démocratie puisque ne l’oublions pas Sophocle était démocrate. Avec nos lanternes modernes, comment s’empêcher de penser qu’ŒDIPE après tout n’est pas coupable d’avoir tué son père et d’avoir couché avec sa mère. Il ne savait pas. Là où le bât blesse c’est qu’il ait cherché à savoir et que du coup, il ait découvert la terrifiante vérité. Face à Créon qui représente l’ordre et le chœur, la vox populi qui réclame la tranquillité, Œdipe représente l’excès qu’il faut bannir. Faut-il conclure que Sophocle prêche pour le savoir en dépit des catastrophes que peuvent entrainer les déclarations de vérité. Pour un crime révélé au public, combien d’autres passés sous silence parce qu’il ne faut pas troubler l’ordre public dont la responsabilité incombe aux politiques, aux gouvernants. Sophocle confronte deux consciences, la politique et l’individuelle comme si l’homme se trouvait toujours au bord du précipice et qu’il ne contrôlait pas sa condition d’homme mortel, vulnérable, inconscient, qu’il était capable du meilleur et du pire. Il y a même une scène de western dans la tragédie d’ŒDIPE ROI, celle où l’on imagine Œdipe aveuglé par la colère et le sentiment de sa force, en train de tuer le faible vieillard Laïos. Pour Œdipe, Laïos n’était qu’un misérable, un obstacle sur son chemin et ne prend une valeur humaine que lorsqu’il revêt la figure du père. Somme toute, Œdipe est un monstre, un criminel de guerre, et tout héros qu’il soit, également un pauvre type. Freud disait qu’il y avait de l’Œdipe chez tout homme. A la recherche de son identité, ŒDIPE part à la conquête de lui-même c’est-à-dire d’une conscience qui refuse de refouler l’horreur qu’il éprouve pour lui-même et ne trouve aucune excuse. Œdipe ne se suicide pas, il entend vivre avec la conscience de ses crimes. A vrai dire, depuis la nuit des temps, ŒDIPE vient hanter nos cauchemars. La mise en scène d’Antoine CAUBET se distingue pas sa sobriété. Il semblerait qu’il ait laissé toute liberté aux interprètes d’arriver sur scène avec leurs propres habits qui sont aussi ceux des spectateurs. Mais il y a des spectateurs qui n’ont pas envie de s’identifier à l’ordinaire, au banal, parce qu’ils en soupent assez au métro, tous les jours, et qu’ils ont envie de rêver et de se défouler au théâtre. D’autres seront ravis de pouvoir raccorder leur présent à une histoire mythique qui fait déborder des vases qui ne désemplissent pas. En tant que comédien Antoine CAUBET incarne superbement Créon sur scène, de sorte qu’il fait un peu de l’ombre aux autres interprètes plus modestes. Pierre BAUX est un Œdipe ténébreux, rigide, qui devient véritablement sympathique qu’à la fin lorsqu’il tombe, broyé par la fatalité. Au demeurant, la mise en scène respectueuse du texte, laisse suinter l’humanité de SOPHOCLE comme à travers un suaire vivant et brillant qui brûle sur l’instant mais ne disparait pas. Evelyne Trân 16 novembre 2013 Aujourd’hui encore, Œdipe de Sophocle demeure le paradigme de la tragédie grecque Œdipe-Roi est une tragédie intemporelle. Par delà les vingt-cinq siècles qui nous séparent de Sophocle, on aime encore écouter cette histoire douloureusement belle racontant le sombre destin d’un souverain incestueux et parricide. Même si l’univers des Dieux grecs est bien loin de nous, même si les héros épiques ne frôlent plus notre monde, ce récit continue de nous émouvoir et de nous transcender. Afin de retourner en 425 avant Jésus-Christ - date de la seule et unique représentation publique d’Œdipe roi du vivant de Sophocle – Antoine Caubet n’a usé d’aucun artifice scénique. Il a axé sa mise en scène essentiellement sur les vers du grand poète : nulle trace de toge ou d’un quelconque costume antique. Nul décor à colonnades ou de pseudo-temple dionysien. Seul domine le texte et le chant que l’on savoure parfois en grec ancien comme une incantation divine. L’intrigue est connue de tous : afin d’éradiquer l’épidémie de peste qui ravage sa ville, Œdipe, roi de Thèbes doit trouver la cause de cette malédiction. Avec l’assurance qui lui est propre, il se lance dans une longue quête qui va, pas à pas, le conduire vers un seul coupable : lui-même ! Doublement maudit par les Dieux de l’Olympe, Œdipe a, sans le savoir, tué son propre père et épousé sa mère! Réfutant cette évidence à chaque preuve qu’on lui présente, il finira par se crever les yeux qu’il a trop longtemps gardés fermés devant la terrible vérité. Sa mère-épouse se donnera la mort et laissera ce roi déchu errer sur les routes comme l’avait prédit l’oracle. Avec ce texte de Sophocle, la tragédie grecque atteint remarquablement son apogée : puissance insondable des dieux, malédiction du héros, omniprésence de la mort, catharsis… tous les éléments sont là pour offrir au public une grêle de sang et un cataclysme d’émotions fortes. La pièce ne nous laisse d’ailleurs pas le temps de souffler car chaque épisode et intermède sont porteurs d’actions et d’indices que le spectateur recueille en même temps que l’infortuné Œdipe. Selon le parti-pris du metteur en scène, la primauté est donnée au verbe et à l’interprétation. Pour cela, Antoine Caudet a choisi une troupe dynamique qui s’est investie pleinement dans sa création : Pierre Baux incarne un Œdipe à la voix porteuse et percutante. Malgré un phrasé trop sec en début de pièce (certainement pour souligner le hiératisme de sa fonction royale), il évolue magnifiquement vers un homme torturé par le doute et le malheur qui l’accablent. A ses côtés, la noble Clotilde Ramondou nous offre une Jocaste un brin trop réservée : le tourment d’une mère ayant épousé son propre fils devrait, effectivement, être plus vif pour sembler véridique. Parmi les autres comédiens, saluons la très belle prestation d’Eric Feldman qui interprète, à tour de rôles, le prêtre, Tirésias et le messager. Passant aisément du paysan béta au grand devin, il propose un jeu d’une finesse et d’une sensibilité à fleur de peau. Vient enfin le chœur, élément indispensable de toute tragédie grecque classique. A défaut de voir défiler sur la scène une longue procession de chanteuses et danseuses, comme cela devait certainement être le cas du temps de Sophocle, Antoine Caubet nous propose un coryphée à deux voix des plus psychédéliques: faisant face aux spectateurs-citoyens que nous sommes, Cécile Cholet et Delphine Zucker apparaissent à chaque fin de stasimon pour porter la rumeur ou en appeler à la justice. Evoluant dans un forum imaginaire, ces deux prophétesses psalmodient en alternance, l’œil hagard et la voix énigmatique. Accompagnées de façon incisive par les coups d’archers d’un violoncelle invisible, elles geignent, se lamentent, déplorent le sort du pauvre Œdipe et closent la pièce en affirmant la toute puissance du destin. Que dire de plus ? A quand la mise en scène d’Antigone ? Florence Gopikian Yérémian 17 novembre 2013 Une tragédie au présent Que savons-nous de la tragédie plus de deux mille ans après ? Pas grand chose qui soit certain, à part bien sûr le culte lié à Dionysos ; où, lors d’une épreuve organisée tous les ans, à Athènes, pour les fêtes de ce dieu, s’affrontaient trois poètes tragiques dans un concours de théâtre. De ces fêtes et de ces concours, reste sept pièces de Sophocle (496 à 406 av. J.C) dont celle d’Œdipe Roi, à jamais éternelle. Voici le résumé que nous en fait le metteur en scène Antoine Caubet : « Frappés par la peste, les habitants de Thèbes appellent à l’aide leur roi tant aimé, lui qui les a jadis sauvés des griffes de l’horrible Sphinx. Les oracles sont interrogés : la malédiction divine pèsera sur la ville tant que le meurtrier de l’ancien roi, Laïos, n’aura pas été découvert ! Alors Œdipe se mue en enquêteur et, avec une soif de savoir frénétique, convoque publiquement tous les témoins de cette affaire vieille de vingt ans – alors que lui-même vivait loin d’ici… » Un chantier tragique Antoine Caubet dans sa mise en scène, nous convie à vivre cette tragédie au « présent » de la représentation pour nous mettre à son épreuve. Dès lors que nous entrons dans « l’agora à jamais perdue », nous sommes dans l’énigme du chef-d’œuvre. Le chœur nous avertit qu’il ne sait rien ou presque rien de ce qu’était la tragédie, lors de ces grandes fêtes dionysiaques. Même la scénographie semble nous dire : je ne sais plus quoi faire de ces planches sur le chariot, où les positionner ? Que faire de cette estrade ? Tout est arrêté pour nier ce qui serait un mensonge ou une fausse interprétation. Alors, les comédiens, mettent à leur épreuve le temps, le lieu et l’action ; jusqu’à se rendre à l’insoutenable vérité. C’est un chantier tragique. Tout se construit, pas à pas, avec nous spectateurs « Thébains » dans l’écoute théâtrale la plus proche et la plus directe. Alors revit l’œuvre dans le dénuement du plateau et la richesse de la rencontre. Merci au « petit chœur » (Delphine Zucker et Cécile Cholet) qui nous ravit de sa vérité et de son invention. Merci à Œdipe (Pierre Baux) convainquant dans l’horreur de se connaître lui-même. Merci à Créon (Antoine Caubet) déjouant le pathos dans la juste distance. Merci à Tirésias (Éric Felman) messager à l’aura tragique. Merci à Jocaste (Clotilde Ramondou) à la résonance incarnée. Merci au Berger du feu et de la scène (Jean Opfermann) au jeu sobre et limpide. Et merci enfin au théâtre de l’Aquarium d’avoir invité cette précieuse compagnie. Dashiell Donello 16 novembre 2013 Le mythe d'Œdipe, meurtrier de son père avant d'épouser sa mère, est l'un des thèmes fondateurs de la tragédie grecque, à l'origine d'innombrables œuvres artistiques et littéraires. Parmi celles-ci, la tragédie de Sophocle, Œdipe roi, vieille d'environ 2500 ans, est la seule pièce qui nous soit parvenue dans son intégralité. Et dans une version épurée dont Antoine Caubet sait tirer le plus grand parti : la ville de Thèbes est frappée par la peste et ses habitants somment leur roi tant aimé, Œdipe, d'affronter le fléau, lequel, selon les oracles, durera tant que le meurtrier de l'ancien roi Laios ne sera pas découvert. Œdipe, connu pour son talent à résoudre les énigmes – il a jadis triomphé du Sphinx – se retrouve alors meneur d'une enquête dont il est le principal intéressé, c'est-à-dire le coupable, parricide et incestueux. Le spectacle que propose Antoine Caubet commence en pleine lumière avec une introduction qui resitue la pièce dans son contexte et relate son voyage jusqu'à nous, spectateurs contemporains ; quelques mots de grec fort agréables à écouter rappellent aussi que le réalisateur signe également la traduction de l'œuvre. Puis, Antoine Caubet s'attache à reconstituer le puzzle en mettant toujours l'accent sur l'ironie tragique omniprésente du texte original. Avec une mise en scène sobre – des estrades de bois brut –, pas de costumes d'époque, le metteur en scène a sans doute voulu laisser la vedette au texte, fermement porté par l'interprétation des acteurs. Pierre Baux joue avec brio le chemin vers la perdition d'Œdipe, au début animé par un combat noble, pour le bien du peuple, jusqu'à son auto-mutilation, et la souffrance la plus totale. Jocaste, Clotilde Ramondou, semble rester volontairement en retrait, renforçant ainsi judicieusement la solitude du protagoniste. Quant à Eric Feldman qui interprète plusieurs rôles, nous ne pouvons que saluer sa fougue et son énergie, surtout dans le rôle du messager. Mention spéciale au travail original mené avec le Chœur qui, tout comme dans la tragédie grecque, intervient en alternance avec les comédiens. Ce chœur, évidemment porte-parole de la Cité et dont les représentantes sont Cécile Cholet et Delphine Zucker, met toute son énergie au service de l'intrigue d'Œdipe. Comme possédées, tantôt chantant, chuchotant, mimant et bruitant, elles transmettent aux spectateurs l'angoisse planant sur Thèbes, accompagnées par le jeu de lumière, nous plongeant finalement tous dans l'obscurité totale. Ombres et lumières, une belle façon de redécouvrir ce texte mythique… Ivanne Galant 15 novembre 2013 Antoine Caubet nous invite à partager son amour de la Grèce Antique et des beaux textes. Pour cela il monte Œdipe roi écrit par Sophocle vingt-cinq siècles auparavant. A travers cette mise en scène à la forme simple, la volonté du metteur en scène est d’interroger la distance qui nous sépare du siècle d’or du théâtre athénien. Nous sommes devant un spectacle qui n’est ni d’hier, ni complètement d’aujourd’hui, les oreilles grandes ouvertes. Nous entrons dans la salle sous le regard bienveillant des comédiens installés sur le plateau. La scénographie utilise des gradins en chantier pour jouer sur des volumes et des hauteurs qui morcellent l’espace scénique. Évidemment ces gradins nous renvoient à notre propre condition de spectateurs installés en miroir. Leur disposition en demi-cercle évoque aussi le théâtre antique, avec un renversement perturbant qui nous place nous spectateur dans la droiture du mur de scène antique. Métal et bois dominent et revendiquent un temps du théâtre beaucoup plus proche de notre présent mais non moins important que le théâtre antique: le théâtre de tréteaux. Après un petit replacement historique, la tragédie d’Œdipe Roi commence, et quoi de plus beau que de l’entamer avec la belle langue du grec ancien, petit moment magique. Ne vous inquiétez pas, cela ne dure pas longtemps, et vous pourrez à nouveau comprendre ce qu’il se passe et se dit ! Pas de toge, pas de costume contemporain non plus et pas de nudité non plus encore. Les personnages sont des figures et ne semblent appartenir à aucun monde géographique ou temporel. Le tragique n’entraine pas le pathos dans le jeu des comédiens, chacun suit sa ligne de conduite. On entend à travers la mise en scène les mots d’Anouilh. “Et voilà. Maintenant le ressort est bandé. Cela n’a plus qu’à se dérouler tout seul.” Œdipe creuse la vérité jusqu’au fond de l’horreur. Il cherche la lumière éblouissante du vrai qui le perdra lui-même. La lumière du théâtre soutient la lumière abstraite en arrivant de manière transversale sur le plateau. Œdipe sombre dans son excès de désir d’absolu, de vérité. Malgré le prédictions de Tirésias, lui et Jocaste font preuve d’hybris en voulant s’élever au dessus des dieux et au dessus de leur destin. La mise en scène d’Antoine Caubet ne recherche par la transcendance, le destin arrive d’en bas, de l’horizontal. Il prend la forme humaine des personnages interprétés par Eric Feldam qui semble secoué des spasmes de la folie. Le destin prend le sourire ambigüe de l’hystérie. Il est un porteur de message qui semble fondre sur sa proie presque par hasard, de manière totalement arbitraire pour apporter la nouvelle funeste de la mort, de l’origine, puis du crime et de l’inceste. Nous pensons à Jack l’éventreur dans le Lulu de Robert Wilson, au personnage armé dans le R & J de Jean-Michel Rabeux, à finalement ce qui relève aussi de la tragédie théâtrale contemporaine: le malheur qui frappe cruellement au hasard. La mise en scène joue avec le chœur antique qui chantait et dansait, non pas pour le recréer mais pour en donner une interprétation: polyphonique, faite de voix, de sons, de mots en canons, divergeant et se superposant à un accompagnement musical de cordes. Cette interprétation musicale, bien qu’ayant un goût de déjà entendu, donne les monologues à entendre de manière paradoxalement plus claire. La logique du texte s’efface derrière la musicalité, la poésie et quelques mots-clés pour donner la parole au corps du peuple, figure de la sagesse démocratique. Le désir de transmettre est peut-être un peu trop démonstratif ce qui produit quelques petits agacements et empêche une adhésion totale, cependant nous sortons heureux d’avoir vu Œdipe dans cette forme fidèle et épurée. Il nous reste à la sortie des images fortes comme mémoire de ce spectacle. Julie Montpellier L'actualité du théâtre et de la danse à Paris et en Île-de-France S’emparer aujourd’hui d’un texte de Sophocle n’est pas chose facile, celui d’Œdipe Roi encore moins. Antoine Caubet s’attaque donc à une histoire connue de tous : frappée par la peste, la ville de Thèbes implore à son nouveau roi que celuici fasse cesser la malédiction d’Apollon. Œdipe va alors remuer le passé afin de découvrir le meurtrier de son prédécesseur. Les protagonistes évoluent dans un décor simple, des gradins et des panneaux de bois aggloméré attendent sur les cotés. La scénographie est quelque peu déceptive car nous imaginons qu’elle va être évolutive, que les acteurs vont manipuler les planches de bois et construire un décor au fur à mesure de l’intrigue, mais le spectacle s’appuie uniquement sur le jeu des interprètes. Pas de toge ni de procréation poétique, les comédiens jouent au plus près des mots de l’auteur dans une version modernisée, au présent. Antoine Caubet ne prend pas beaucoup de risques, la mise en scène est classique et le jeu des acteurs, même s’il est parfait, reste très académique. La dernière partie du spectacle est quant à elle très intéressante : lorsque la vérité éclate enfin aux yeux d’Œdipe et des autres, la lumière, qui joue un rôle important dans cette création, éclate elle aussi. Tout s’éclaire enfin, mais l’obscurité prend place, après le suicide de sa mère amante, le jeune roi préfère se crever les yeux que de voir la vérité en face. Wilson Le Personnic 13 novembre 2013