Étude exploratoire d’un questionnaire sur les troubles de la personnalité 519
coexiste avec le modèle hiérarchique de la personnalité
normale «soutenu »par les psychologues. La personnalité
normale peut se décrire selon des dimensions fondamen-
tales qui se subdivisent en sous dimensions ou facettes selon
un modèle hiérarchique. Cette approche dimensionnelle
de la personnalité a permis la recherche des dimen-
sions fondamentales de la personnalité avec un consensus
actuel autour de cinq dimensions (extraversion, agréabi-
lité, conscience, névrosisme, ouverture). Le NEO PI R est le
questionnaire le plus utilisé permettant d’évaluer les cinq
grands facteurs. Cependant, des auteurs plus classiques,
tels Eysenck et al., proposent un modèle dimensionnel à
seulement deux, voire trois dimensions. Dans leur dernier
modèle [8], trois dimensions fondamentales sont décrites.
L’Extraversion se caractérise par l’émotion positive. Elle
comprend des traits tels que, la sociabilité, l’activité, la
domination, la recherche de sensation, l’affirmation de soi.
Le névrosisme se caractérise par l’instabilité, l’émotion
négative. Cette dimension comprend des traits tels que, la
culpabilité, l’anxiété, le manque d’estime de soi, la timi-
dité. Un sujet ayant un score élevé à cette dimension est
décrit comme anxieux, inquiet, tendu avec une humeur
souvent dépressive et des sentiments de culpabilité. La troi-
sième dimension, le Psychoticisme, est la plus contestée du
modèle : elle n’a pas été reprise dans les autres modèles
dimensionnels contrairement aux deux autres dimensions.
Elle se caractérise par l’impulsivité, la contrainte, voire
une «dureté de l’esprit ». Elle comprend des traits tels
que, l’agressivité, l’égocentrisme, l’impulsivité, la créati-
vité, le comportement antisocial, le manque d’empathie.
Pour certains, cette troisième dimension évaluerait le
comportement antisocial qui précède la psychose tardive,
voire la personnalité antisociale, elle représente pour
Eysenck [7] à la fois un trait commun à toutes les psychoses
et un continuum entre la conduite empathique et la conduite
schizoïde.
Des études ont recherché quelles dimensions fondamen-
tales et quelles facettes du modèle des cinq grands facteurs
pouvaient caractériser les troubles de la personnalité. En
particulier, les dimensions «extraversion »,«névrosisme »et
«agréabilité »sont fortement associées aux troubles de per-
sonnalité, alors que les dimensions «conscience »et surtout
«ouverture »le sont moins [2,4]. Ainsi, Blais [2] a étudié des
patients ayant un trouble de la personnalité en comparant
les diagnostics de l’axe II avec les dimensions des cinq grands
facteurs. Le névrosisme, l’extraversion et l’agréabilité sont
associés à six troubles de personnalité sur dix. La dimension
«conscience »est corrélée trois fois de manière significative
avec un trouble de personnalité. La dimension «ouverture »
a seulement une corrélation significative avec un trouble
de personnalité. Cette étude confirme, sur une popula-
tion présentant des troubles de la personnalité, le peu de
liens entre les troubles de la personnalité et les dimensions
«conscience »et surtout «ouverture ». De la même manière,
Jang, Livesley, & Vernon [16] ont mis en évidence les rela-
tions entre les trois dimensions fondamentales d’Eysenck
(EPQ R) et un instrument dimensionnel d’évaluation des
troubles de la personnalité de Livesley et Jackson. Les
principaux résultats de l’analyse en facteurs sont que la
dimension Ncapture une détresse psychologique générale,
la dimension Ese retrouve dans le même facteur que la
personnalité antisociale ou la psychopathie, le troisième
facteur est constitué par la dimension P, l’échelle de men-
songe et le trouble des conduites. Wilberg et al. [27] ont
administré le NEO-PI-R à des sujets présentant une person-
nalité borderline et des sujets présentant une personnalité
évitante. La personnalité évitante est associée à des hauts
niveaux de névrosisme et d’agréabilité, et à de bas niveaux
d’extraversion et de conscience. La personnalité borderline
de son côté, est associée à un haut niveau de névrosisme
et à de bas niveaux d’agréabilité, d’extraversion et de
conscience. La majorité des sujets (88 %) présentant une
personnalité évitante ont des scores élevés à la dimension
névrosisme et des scores faibles à la dimension extraver-
sion alors que 65 % des sujets présentant une personnalité
borderline ont des scores élevés à la dimension névrosisme
et des scores faibles à la dimension agréabilité. Il semble-
rait donc que les dimensions permettant de différencier la
personnalité borderline et la personnalité évitante soient
l’extraversion et l’agréabilité.
L’objectif de notre étude est d’explorer un question-
naire sur les troubles de la personnalité dans un groupe
d’étudiants (n= 129). Dans un premier temps, un question-
naire sur les troubles de la personnalité (le PDQ-4 plus
d’Hyler, [12]) a été administré en même temps que le
questionnaire de personnalité révisé et abrégé d’Eysenck.
L’intérêt du PDQ-4 plus est de permettre le diagnostic des
dix troubles de la personnalité selon le DSM-IV et de deux
troubles additionnels (passif agressif et dépressif). Dans un
second temps, les étudiants ayant atteint un seuil patho-
logique au questionnaire PDQ-4 plus ont été revus pour un
entretien, comme indiqué par Hyler, afin de maintenir ou
non le seuil pathologique des troubles de la personnalité.
La première étape de la recherche a donc été d’établir les
sujets qui présentaient un (des) trouble(s) de la personna-
lité de ceux qui n’en présentaient pas d’après les critères
du PDQ-4 plus. Ces sujets ont été considérés comme ayant
des troubles de la personnalité analogues à des sujets cli-
niques, mais sub-cliniques dans la mesure où ils n’avaient
pas consulté pour ces troubles et bien qu’ils signalent une
certaine détresse. Ensuite, nous avons comparé les sujets
présentant un trouble de la personnalité particulier (d’après
les critères du PDQ-4 plus) aux sujets contrôles et aux sujets
présentant d’autres troubles de la personnalité sur les trois
dimensions fondamentales décrites par Eysenck.
Méthodologie
Sujets
Les questionnaires ont été proposés à des étudiants de
l’université de Savoie (France) recrutés dans la filière
«psychologie »(n= 67) et la filière «lettres »c’est-à-dire lit-
térature et langues étrangères (n= 62). Les étudiants ont été
invités par groupes à remplir les formulaires proposés sur le
mode du volontariat et de l’anonymat. La passation collec-
tive était suivie d’une passation individuelle si les réponses
au questionnaire de personnalité d’Hyler étaient au seuil.
Dans deux cas, les troubles ont été suffisamment impor-
tants pour que, à la demande du sujet lui-même, il ait
été nécessaire de lui offrir un entretien d’orientation vers
une consultation spécialisée. Les deux filières sont compa-
rables au niveau de l’âge (moyenne : 21,34 ans pour la filière