BIENVENUE AUX NOUVEAUX ETATS DE L’UE – 2e PARTIE : LE TRIO GAGNANT : POLOGNE, TCHEQUIE, HONGRIE er Dans la série dédiée aux nouveaux Etats de l’UE à partir du 1 mai prochain (le N-10), on s’arrête aujourd’hui sur les 3 les plus connus: la Tchéquie, la Pologne et l’Hongrie. Les championnes de l’ouverture vers l’Occident, avant même la chute de leurs régimes communistes à l’aube des années 90, elles ont déjà les économies les plus développées du N-10, grâce à l’engouement des investissements étrangers. Après l’industrie et les banques, la mode est à l’externalisation des services, pratique nommée BPO (business process outsourcing); elle inclut des services fonctionnels comme la gestion de paie, la comptabilité, les achats ou le back-office. C’est un marché en plein essor en Europe centrale, qui va augmenter de 4,5 % en 2004, avec un CA de 25 milliards d'euros. C’est logique, la délocalisation s’installe à grands pas en Europe, et se fait au profit de pays du Centre et de l’Est. Entre les SSII à Prague, les banques à Varsovie (v. TAB 1 pour une meilleure approche) et les studios de film pas chers à Budapest … faites votre choix! POLOGNE: L’OPTIMISME DE L’OUVERTURE VERS L’OUEST S’EFFACE… Le plus grand pays du groupe des nouveaux entrants, la Pologne a 1/3 de sa population occupé dans l’agriculture, qui lui apporte seulement 4% du PIB; le reste provient des services (60%- secteur qui occupe 50% des actifs) et du secteur énergétique et l’industrie. La transition économique polonaise fut très difficile et très symbolique, à la fois, pour l’évolution des pays ex-communistes. Elle commença dans les années 80, à la suite de la crise politique déclenchée par le syndicat de Lech Walesa, le même leader qui va devenir en 1989 le premier président polonais élu au suffrage universel direct. E INVESTISSEMENTS FRANÇAIS : 1 PLACE EN POLOGNE .. A la fin de cette période de 15 ans, la Pologne peut être fière de ses acquis: un pays décentralisé, un secteur privé dynamique, fortement centré sur les exportations (bienvenue aux firmes françaises !), des mesures fiscales incitatives pour les investisseurs étrangers, une force de travail jeune (40 % des polonais ont moins de 26 ans) et hautement qualifiée, sans oublier …les salaires - très attractifs, avec une moyenne de 500 € (v. TAB 2). e Côté investissements, justement la France est le 1 investisseur en Pologne, devançant l’Allemagne et les Etats Unis, avec 14 milliards d'euros en 2002. La grande distribution s’y développe fortement: Auchan, Carrefour et Casino sont des leaders du marché; les télécommunications aussi, par les participations de Vivendi Universal et France Télécom, sans oublier l’industrie (Michelin). LA BATAILLE BANCAIRE : CONCENTRATION ET RESTRUCTURATION La prochaine cible des investisseurs en Pologne: les banques et les financiers. La vente d’une partie de l’assureur PZU, le no.1 du pays, a été retardée pour 2005, afin de solutionner une dispute avec Eureko BV, sur le contrôle de la firme. Mais l’offre publique pour 30% du capital du PKO BP, la plus grande banque du pays et de la région (2.3 mlds de $ à lever en novembre prochain), confirme la restructuration imminente du secteur, qui détient un nombre record de banques dans le top-25 de l’Europe Centrale (v. TAB.1). Aujourd’hui c’est la date limite du dépôt des dossiers des “advisers” à la vente; le gagnant devrait être annoncer fin mars: parmi les candidats - HSBC, Citigroup, Crédit Suisse… En fait, une fois dans l’UE, les banques polonaises vont devoir apprendre à maîtriser des taux d’intérêts bas et une inflation basse aussi, malgré le fait qu’une grande partie de leurs actifs soit en crédits de mauvaise qualité, accordés aux firmes de l’industrie, peu efficientes…La consolidation des firmes et des banques polonaises est ainsi inévitable.. ..MAIS L’ECONOMIE EST LOIN D’ETRE EFFICACE Mais il faut regarder derrière tout cela. L’économie polonaise souffre de l’insuccès de la restructuration de ses secteurs, primaire et secondaire. Surtout dans l’industrie lourde (sidérurgie et métallurgie), héritière d’un manque de profitabilité chronique, dicté par les intérêts politiques (un job pour chacun, peu importe le rendement!)…Les capacités de production désuètes n’arrivent plus aujourd’hui à s’adapter à la demande de biens de consommation en masse, en absence des grosses commandes que l’Etat passait autrefois, dans un but purement de propagande… C’est ainsi que les inévitables réformes économiques de la transition à une économie de marché ont fait exploser le chômage (le plus fort du N-10) et ont favorisé successivement l’économie «au noir» et le marché «gris», pour une longue période…L’effet de ces retards et erreurs de politique macroéconomique: une croissance timide (autour de 1.5%) et surtout l’incertitude des emplois et d’une vie décente, car la politique monétaire de rigueur de la banque centrale polonaise pénalise les investissements, les exportations et forcement la consommation. Les taux d’intérêts élevés sur le zloty poussent aussi le taux de change à la hausse. Et la politique de relance de la consommation risque de faire encore plus mal: aggraver un déficit budgétaire déjà très important. Les prévisions officielles sont pessimistes: cette année, il va monter à un niveau record de 45.3 mlds de zloty ($11.6 mlds.), alors qu’en 2003 il était déjà à 37 mlds. de zloty. Selon le gouverneur de la BC polonaise, Leszek Balcerowicz, la décision du Parlement de réduire les dépenses publiques d’un tiers d’ici 2007 est une bonne chose, mais juste le début du procès de reforme budgétaire dans lequel le rôle de l’Etat doit diminuer rapidement. A commencer par le financement des firmes publiques: rien que cette année, le Trésor polonais planifie la vente par privatisation de 211 firmes. UE : QUOI DE BON POUR NOUS ? Les sondages sont clairs : les Polonais sont plus pessimistes qu’il y a un an quant aux bénéfices de l’adhésion à l’UE. Peu de chances que cela apporte l’amélioration de leurs vies: un sondage de Bloomberg montre que 39% d’entre eux sont pessimistes à ce sujet, 9% de plus qu’il y a un an… Et la popularité du gouvernement est au plus bas historique; la majorité de la population serrait d’accord pour des élections anticipées, après la publication d’un taux du chômage au plus haut depuis 10 mois en janvier dernier, à 20.6% .. Quant aux relations avec l’UE, on a déjà vu quelques scandales politiques (l’histoire du partage des votes dans l’UE), alors que l’enthousiasme initial de l’adhésion s’efface, sous le poids du mécontentement économique général… TCHEQUIE: PARMI LES MEILLEURS SALAIRES Pays né en 1993, de la séparation de la Tchécoslovaquie, la République Tchèque (R.T.) est la nouvelle destination des voyages romantiques des Européens, attirés par le charme inépuisable de sa e capitale, Prague (Mozart même l’adorait et lui avait dédié sa 38 symphonie et son «Don Giovanni», y présenté en première en 1787, au théâtre Estates). Favori de la Fortune, le pays est l’un des peu ex-communiste à avoir bénéficié d’une douce transition, à commencer par la révolution «de velours» qui avait amené au pouvoir le président Vaclav Havel. e Depuis 2002, le pays (qui est le 2 en superficie au N-10) a un gouvernement de coalition (le Parti social démocrate tchèque- CSSD, l’Union des chrétiens démocrates- KDU-CSL et l’Union pour la liberté) et une économie des plus séduisantes pour les capitaux de l’Ouest. PRIVATISATION : UN FORT SUCCES … Les reformes économiques, à partir de mi-90, ont créé un climat législatif et économique très favorable à l’installation des entreprises étrangères (même pour l’avenir, pas de hausse d’impôts ou des taxes prévue, à l’exception d’une augmentation du prix du tabac). Le processus de transition y est le plus avancé des pays du PECO. La preuve: le poids du secteur privé dans l’économie (90% des exentreprises d’Etat sont maintenant privées) et le succès de la privatisation en masse (distribution à la population des coupons échangeables contre des actions des sociétés), ce qui fait que l’Etat soit aujourd’hui dégagé de ses grands colosses industriels et de toute entreprise «stratégique» (lire « inefficace, mais intouchable, car trop de jobs à éliminer»). Ces mesures ont fait que l’économie tchèque se porte de mieux en mieux: son PIB monte de 2.9 % en 2003, après une progression de 2% en 2002. Et pour 2004, les perspectives sont meilleures: on attend que la consommation privée reprenne (le pouvoir d’achat des Tchèques est actuellement e meilleur qu’au milieu des années 90), mais surtout que les investissements deviennent le 1 contributeur à la croissance INFLATION: STABILISATION ENTRE 2- 4 % La politique de la Banque Centrale Tchèque (BCT) est très stricte en ce qui concerne l’évolution des prix, avec l’établissement d’un objectif d’inflation depuis 1998. Jusqu’en 2001, on avait un objectif net d’inflation, sans tenir compte de la variation des prix réglementés par l’Etat ou des impôts indirects.. A partir de 2001, l’objectif est de faire en sorte que l’inflation baisse graduellement, depuis un intervalle de 3-5 % (en 2002) à 2-4 % (fin 2005). Depuis 2002, l’inflation effective est même inférieure à l’objectif de la BCT (1% en décembre 2003, par exemple). Et la banque veut aussi que l’inflation reste entre 2 et 4% à partir de 2006, jusqu’à la fin de la décennie, quand le pays devrait remplir tous les critères pour adopter l’euro. La BCT pratique aussi, depuis juillet dernier, un taux de refinancement à 2 semaines à un niveau bas record de 2%, donc celui de la BCE! .. Un rapprochement de plus pour bien s’intégrer dans l’UEM, plus tard. Parmi les autres acquis monétaires remarquables du pays, la stabilisation du taux de change de la couronne, les 4 dernières années. Depuis 1 an, il évolue sous la barre de 30 CZK pour 1 EUR, alors qu’il y a 4 ans il était à 40… Les autres indicateurs macro pointent aussi vers une amélioration économique: l’inflation est contrôlée, et son niveau devrait rester en dessous de 4 %, dans un futur proche, selon les estimations gouvernementales et de l’OCDE. Côté dette publique externe, le pays avait $21,174 mlds. en 2001, soit 2.055 dollars par tête, et le gouvernement avait remboursé tous ses prêts au FMI, et même, durant l’été 1994, avec 2 ans d’avance sur l’échéance prévue… INDUSTRIE : DES EMPLOIS A ELIMINER … Le chômage tchèque est similaire à celui des pays de l’UE; actuellement estimé à 9,5%, il devrait cependant monter au moyen terme, alors que l’industrie du pays doit encore éliminer des jobs pour s’aligner aux performances de ses collègues de l’UE…La Tchéquie a un des salaires moyens les plus forts du N-10 (après la Slovénie et la Pologne), à 50% du salaire moyen en Allemagne, le pays le plus riche de l’UE. Mais les gains salariaux récents (+7% en 2003) n’ont pas été accompagnés par un gain aussi important de la productivité (+4.1% en 2003), l’industrie a alors encore des reformes (lire: licenciements) à faire… D’ailleurs, la structure des exportations du pays le confirme: les principaux contributeurs sont les firmes à capital étranger (hausse des revenus à l’exportation de 13.8% en 2003), tandis que les entreprises autochtones perdent du terrain (revenus des exportations en baisse de 4.6% en 2003). Juste un exemple: les exportations tchèques per capita sont de 4 000 $ en 2003, alors qu’en Autriche ou en Danemark elles sont 3 à 4 fois plus importantes… L’insuffisance du capital et l’accès limité au financement des firmes domestiques, mais aussi la faible diffusion de l’information ou de la recherche, en voilà les causes de ce retard … HONGRIE: ENTRE INFLATION ET REVES DE FOOT Pays des reformes par excellence, la Hongrie a de quoi séduire les investisseurs étrangers, avec sa stabilité politique (mis à part ses rivalités historiques avec sa voisine, la Roumanie, sur la Transylvanie), son système financier avancé, sa croissance rapide et son niveau de vie très proche de celui occidental. En fait, la structure de sa population, occupée pour 60% dans le secteur des services, et 34 % dans l’industrie, en témoigne de l’orientation du pays, anciennement connu seulement pour sa grande Puszta…. DES REFORMES QUI PORTENT LEURS FRUITS Le processus de réforme économique a été enclenché très tôt, avant même que le régime communiste ne disparaisse, ce qui a permis à la Hongrie d’afficher la première une économie de marché parmi les membres du PECO. Sa croissance économique en tire aussi les profits: bons résultats depuis 2001 (quand on a eu 3,8% de hausse du PIB), avec une inflation qu’on appelle officiellement «maîtrisée», même si elle reste importante: elle passe de 14,2 % en 1998 à 5,3 % en 2002… Un autre point faible, la persistance de ses déficits commerciaux, problème commun à l'ensemble de la zone, mais aussi la dépendance de l'économie hongroise de celle des pays de l'UE, qui est son premier partenaire commercial, avec 75% des exportations hongroises à sa destination. OPPORTUNITES ET AVANTAGES ECONOMIQUES Côté investissements, les opportunités se présentent dans l’environnement- avec les nouvelles normes européennes et l’application du protocole de Kyoto; dans la construction et les infrastructures de transport- avec le besoin de logements neufs et d’autoroutes, mais aussi dans la distribution agroalimentaire- comme partout dans les pays du PECO, où l’on découvre la consommation de masse, à l’occidentale, avec un fort penchant pour les délicatesses françaises (20% des exportations de la France en Hongrie). Les investisseurs français y abondent (Alcatel, Auchan, EDF, GDF, Michelin, Sanofi, Total, Vivendi). Quant aux autres investissements, les derniers en date sont ceux de Suzuki et Electrolux, qui anticipent une forte demande de l’UE élargie, sur un marché très intéressant, par sa position stratégique et surtout l’esprit d’affaires très développé et très favorable aux capitaux externes. L’INFLATION : AU PLUS HAUT DEPUIS 2 ANS, A 7.1% C’est grâce à une forte demande de la part de l’UE que la production, les investissements et la e croissance hongroises reprennent. Pas de surprise, la 3 économie du N-10, avec un PIB de 89 milliards de $, augmente de 3.5% au T4, après 2.9% au T3 2003. Mais c’est surtout une hausse due aux augmentations salariales des 2 dernières années (promesses électorales de 2002 obligent), qui ont alimenté non seulement la demande des ménages, mais aussi, malheureusement, l’inflation. e En effet, la hausse des prix à la consommation a été de 8.7% au T4, après un taux de 8.3% au 3 trimestre, ce qui donne un taux annuel de 7.1 % pour 2003! Loin des 2.5% de l’UEM- la Hongrie a alors le plus fort taux d’inflation du N-10; les prévisions pour le mois de février tablent sur 7.4%, alors que la Tchéquie serait à 2.3% et la Pologne à seulement 2.3% en termes d’IPC. Mais le processus devrait s’arrêter en 2004, selon la BC, en attendant que les ventes au détail et les dépenses de consommation se calment, à un taux de seulement 2% en 2004, après une progression de 8% en 2003. C’est d’ailleurs l’objectif du gouvernement: réduire les dépenses de consommation et l’endettement des ménages par un strict contrôle de la masse salariale et du déficit budgétaire et de compte courant.. La banque centrale hongroise attend que la croissance saine reprenne, avec l’essor des exportations vers l’UE; c’est pourquoi l’indice de la Bourse de Budapest, le BUX, fêtait la semaine dernière, avec son plus haut historique (10961 points), la publication du PIB, malgré le pic de l’inflation UN BID POUR L’EURO 2012 ! Pour finir sur une bonne note, sachons qu’une autre opportunité s’ouvre à la Hongrie: du côté du foot… Elle serait en train de présenter sa candidature pour l’Euro 2012, en coopération avec l’une de ses voisines – Croatie ou Roumanie. Après ses candidatures sans succès pour les tournois 2004 et 2008, il serait le temps qu’elle gagne cet honneur…. Bien sûr, le coût d’un tel exploit est très important: 2.5 mlds de $, à partager entre les deux pays organisateurs, mais il y a, oh, tellement de satisfactions … ! CRISTINA VASILESCU