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Ceci étant dit, notre équation y2+ 2 = x3devient (y+i√2)(y−i√2) = x3. Il
n’est pas encore évident que c’est une idée géniale, et ça a même l’air bien plus
compliqué qu’avant : en effet, alors qu’on travaillait jusqu’à présent avec des
nombres entiers, maintenant on travaille avec des nombres de la forme a+i√2b
où aet bsont des entiers ! Heureusement, la prochaine section montre que même
si on change de cadre, on ne doit pas être si dépaysé que ça.
2 Arithmétique dans Z[i√2]
J’appelle Z[i√2] l’ensemble des éléments de la forme a+i√2b, avec aet b
des entiers ∗. L’idée dans ce chapitre est la suivante : les notions de nombres
premiers, de divisibilité, etc., existent également pour ces entiers, et j’explique
comment.
Pour rappel, un nombre premier classique est un entier pqui n’admet pas
d’autres diviseurs que 1 et lui-même. Pour être honnête, c’est un peu faux, dit
ainsi : en effet, 2 est premier mais admet −1 et −2 comme diviseurs également :
on a 2 = (−1) ·(−2). La définition précise est la suivante : si ps’écrit p=mn
avec met ndes entiers, alors soit m, soit négale ±1. Ainsi, ses seuls diviseurs
sont 1, −1, pet −p. Ainsi, 2, 3 et 5 sont premiers (par exemple), mais 4 ne l’est
pas : on peut l’écrire 4 = 2 ·2, et 2 6=±1. En général, pour un ensemble autre
que Z, on doit changer quelque peu la définition de nombre premier, mais dans
le cas de Z[i√2] c’est la même !
Par exemple, i√2 est premier : si i√2 = mn, avec m=a+i√2bet n=
c+i√2d, alors on peut vérifier que 2 = (a2+2b2)(c2+2d2). On a écrit 2 comme
produit de deux entiers, or 2 est premier, donc a2+ 2b2= 1 ou c2+ 2d2= 1 †.
Si a2+ 2b2= 1 (par exemple), ceci impose a=±1 et b= 0, donc m=±1. De
même si c2+ 2d2= 1. i√2 vérifie donc bien la définition d’un nombre premier.
Par contre, 3 est certes un nombre premier parmi les entiers, mais n’est pas un
nombre premier dans Z[i√2], on peut l’écrire 3 = (1 + i√2)(1 −i√2) et aucun
des deux termes du produit n’est égal à ±1. On perd donc quelques nombres
premiers, mais on en gagne, comme ci-dessus.
J’ai utilisé sans le dire un résultat sur les nombres complexes : si a+ib =
(c+id)(e+if), alors a2+b2= (c2+d2)(e2+f2), ce qui n’est pas évident! C’est
ce qu’on appelle la « multiplicativité de la norme » ; par définition, la norme
d’un élément de la forme a+i√2best a2+ 2b2.
∗. La notation Z[i√2] provient du fait que pour créer cet ensemble, on « combine » les
éléments de Zet i√2 de toutes les manières possibles, en excluant cependant la division.
Quand on autorise la division, on obtient l’ensemble Q(i√2).
†. Et non pas ±1, puisque ces quantités sont clairement positives.
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