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Préface
Les êtres vivants investissent une part importante de leurs ressources dans la dispersion des
individus et des propagules. La colonisation de nouvelles zones fait partie de la stratégie
qu’adoptent la plupart des espèces pour proliférer et éviter l’extinction. La distance, ainsi que
les obstacles géographiques et écologiques, viennent limiter cette dispersion, en permettant le
développement et l’évolution d’écosystèmes dans un isolement relatif. La diversité biologique
est due pour une large part à l’évolution séparée de certaines formes de vie et à leur adaptation
aux conditions locales. L’irruption de nouvelles espèces dans un écosystème est un
phénomène naturel ; et les espèces exotiques, à quelques exceptions près, ne survivent pas et
ne deviennent pas non plus envahissantes. Ce qui n’est pas naturel, c’est le rythme actuel de
dispersion des espèces par le commerce, les voyages ou les introductions intentionnelles.
Une espèce exotique envahissante peut proliférer et « expulser » une espèce indigène
occupant la même niche écologique ; elle peut consommer de l’espace ou se nourrir d’une
espèce indigène jusqu’à la faire disparaître. Les espèces exotiques envahissantes peuvent
perturber des conditions écologiques préexistantes et générer ainsi des effets imprévisibles sur
la diversité biologique.
Les espèces exotiques envahissantes constituent la deuxième cause d’extinction des espèces
au niveau mondial (après la dégradation ou la perte de l’habitat) ; elles affectent en particulier
la diversité biologique des îles et des écosystèmes isolés sur le plan de l’évolution.
L’extraordinaire développement de la circulation des espèces sauvages, développement qui
va de pair avec la mondialisation de l’économie, a entraîné partout une accélération du rythme
de l’introduction de nouvelles espèces exotiques ; ce phénomène a des conséquences très
négatives sur la diversité biologique indigène.
Depuis les années 1980/85, le Conseil de l'Europe encourage ses Etats membres à interdire
l’introduction d’espèces non indigènes dans le milieu naturel, à prendre des mesures
préventives contre les introductions accidentelles et à appliquer, lorsque c’est possible, des
mesures correctives. En 1997, le Comité permanent de la Convention de Berne a adopté une
Recommandation relative aux introductions d’organismes appartenant à des espèces non
indigènes dans l’environnement ; ce texte recensait de manière exhaustive les mesures à
prendre par les gouvernements et par d’autres acteurs pour maîtriser les introductions
d’espèces exotiques.
La présente « Stratégie européenne relative aux espèces exotiques envahissantes » reprend
cette approche en la perfectionnant et établit une « feuille de route » très précise pour traiter ce
problème écologique crucial. La Stratégie s’inscrit dans le droit fil des principes directeurs
adoptés en 2002 par la 6e Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique ;
et elle contribuera très certainement à la mise au point de programmes nationaux, afin que les
Etats européens parviennent, en coordonnant leurs efforts, à réduire la menace que les espèces
exotiques envahissantes représentent pour la diversité biologique européenne.
Eladio Fernández-Galiano
Chef de la Division du Patrimoine naturel et de la Diversité biologique, Conseil de l’Europe