Le glaucome aigu par fermeture de l’angle
Le glaucome aigu par fermeture de l’angle
L’éclairage oblique montre une chambre antérieure
peu profonde, un œme de cornée et une pupille
en semi-mydriase. L’aspect en gonioscopie (au-dessus)
révèle un angle fermé sans aucune structure visible.
Noter qu’au niveau de la cornée la fente lumineuse s’effile
en direction de l’anneau de Schwalbe.
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Le glaucome aigu par fermeture de l’angle (ou
glaucome primitif par fermeture de l’angle) est une
pathologie fréquente aux mécanismes multiples et complexes. Des
études épidémiologiques ont montré que cette forme de glaucome
représentait environ un tiers du nombre total de personnes atteintes
de glaucome dans le monde. Ainsi, le glaucome primitif par
fermeture de l’angle affecte environ 15 à 20 millions de personnes,
parmi lesquelles 4 à 5 millions sont atteintes de cécité bilatérale.
Cette forme de glaucome peut donc être considérée comme plus
sévère que les glaucomes à angle ouvert, car elle aboutit plus
fréquemment et plus précocement à la perte de la vision.
Figure 1 : Chambre étroite (vue de face).
L’identification de ce type clinique de glaucome et la compr -
éhension de ces mécanismes sont relativement récentes. En 1920,
Curran notait l’efficacité d’une iridectomie pour abaisser la PIO
et avait suggéré qu’un ralentissement de l’écoulement de
l’humeur aqueuse au travers de la pupille pouvait être la cause de
certains glaucomes. En 1950, une étude biométrique a permis à
Rosengren de classer les yeux atteints de glaucome en deux
groupes : d’une part, les yeux ayant une chambre antérieure étroite
(Figures 1, 2, 3, 4) et une élévation importante et symptomatique
de la PIO, et d’autre part, les yeux ayant une chambre antérieure
profonde et une évation plus modérée et asymptomatique de la
PIO. Par la suite, le développement de l’examen gonioscopique a
abouti à distinguer les glaucomes à angle fermé, chroniques ou
aigus avec une élévation brutale et symptomatique de la PIO, des
glaucomes à angle ouvert.
Figure 2 : Chambre étroite (vue de profil).
Le blocage pupillaire relatif est le mécanisme principal
de fermeture de l’angle irido-cornéen. Il survient lorsqu’un contact
étroit entre la face antérieure du cristallin et la face postérieure
de l’iris entraîne une augmentation de la résistance à l’écoulement
de l’humeur aqueuse (Figure 5). Cette situation provoque un gradient
de pression suffisant entre la chambre antérieure et la chambre
postérieure pour pousser la racine de l’iris qui vient s’accoler à la
face postérieure de la cornée et au trabéculum. Les caractéris-
tiques anatomiques de l’œil, notamment une chambre antérieure
étroite, une faible longueur axiale et une épaisseur importante du
cristallin, ont longtemps été considérées comme étant les seules
responsables de la survenue d’un blocage pupillaire. Des études
épidémiologiques longitudinales ont cependant montré que la
plupart des yeux présentant une chambre antérieure étroite ne
développent pas obligatoirement un glaucome par fermeture de
l’angle, aigu ou chronique, et que certaines ethnies chinoises
esquimaux, qui présentent 5 à 10 fois plus de glaucomes par ferme-
ture de l’angle que les populations caucasiennes, n’ont pas des
caractéristiques biomé triques différentes des autres populations.
Par analogie, la prévalence du glaucome par fermeture de l’angle
est plus faible dans les populations africaines que dans les popu-
lations caucasiennes, alors que ces deux populations ont égale-
ment des caractéristiques biométriques comparables. Il est suggéré
que l’anatomie statique de l’œil n’explique pas seule la survenue
d’une fermeture de l’angle, mais que le comportement de l’iris,
notam ment la dynamique de ses modifications lors de change-
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ment de diamètre, contribue fortement au développement d’un
glau come par fermeture de l’angle.
Figure 3 : Coupe transversale du segment antérieur par tomographie à
cohérence optique (OCT) chez un patient présentant un angle fermé.
Figure 4 : Coupe transversale du segment antérieur par tomographie à
cohérence optique (OCT) chez un patient présentant un angle ouvert.
La dilatation pupillaire, physiologique ou pharmacologique,
entraîne souvent une augmentation du blocage pupillaire relatif,
particulièrement lors d’une dilatation peu importante qui augmente
de façon maximale la résistance à l’écoulement de l’humeur aqueuse
entre l’iris et le cristallin. Des investigations réalisées à l’aide des
nouvelles techniques d’imagerie du segment antérieur montrent
que l’iris ne réagit pas de façon similaire à la dilatation pupillaire
chez tous les patients. A partir de coupes en tomographie par
cohérence optique du segment antérieur, Harry Quigley a calculé
la surface géométrique de coupes transversales de l’iris, et a montré
que cette surface diminue de volume après dilatation pupillaire.
Une plus faible diminution de la surface est observée chez les
patients ayant un angle irido-cornéen étroit. Ainsi, le volume de
l’iris pourrait diminuer après dilatation pupillaire, mais cette dimi-
nution de volume serait plus faible chez les patients ayant un
angle étroit, participant ainsi à la survenue d’une apposition de
l’iris contre le trabéculum. Une étude récente, menée par notre
équipe, se basant sur la modélisation tridimensionnelle de l’iris,
a démontré que le volume de l’iris des yeux adelphes de patients
atteints de crise d’hypertonie aiguë par fermeture de l’angle,
augmente significativement après dilatation pupillaire, alors
qu’il diminue significativement chez les yeux ayant un angle ouvert
(Figures 6, 7). L’augmentation de volume de l’iris des yeux à angle
étroit peut atteindre plus de 20 % du volume initial. La modifi-
cation de volume estpro portionnelle aux variations du diamètre
pupillaire : le volume de l’iris des yeux à risque de fermeture de
l’angle augmente linéairement en fonction du diamètre pupillaire,
alors qu’il diminue de la même façon chez les yeux à angle ouvert.
Cette dichotomie de la réponse de l’iris à la dilatation pupillaire
indique probablement une réaction dynamique différente du stroma
irien à la dilatation chez les patients à risque de crise de ferme-
ture de l’angle.
Figure 5 : Coupe transversale du segment antérieur par tomographie à
cohérence optique (OCT) chez un patient présentant un angle étroit.
La survenue d’une crise d’hypertonie aiguë par fermeture
de l’angle pourrait donc probablement être expliquée par la conjonc-
tion d’une anomalie de la réponse physiologique du stroma irien
à la dilatation pupillaire et de prédispositions anatomiques. A
caractéristiques biométriques égales, le comportement de l’iris
peut expliquer qu’une petite proportion des yeux à angle étroit
développe une crise de fermeture de l’angle, alors que la majorité
de ces yeux n’en développe jamais. Des études futures devront
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évaluer le pouvoir prédictif de la mesure du volume de l’iris pour
sélectionner les patients à risque et devant bénéficier d’une irido-
tomie prophylactique.
Figure 6 : Reconstruction de coupes transversales de l’iris par OCT avant (colonne
de gauche) et après (colonne de droite) dilatation pupillaire par tropicamide
1%, réalisées sur un œil présentant un angle ouvert (A et B) et sur un œil
adelphe de fermeture aiguë de l’angle (C, D). Lorsque l’angle est ouvert, le
volume estimé de l’iris diminue de 23%. Lorsque l’angle est étroit, le volume
de l’iris a un comportement différent en augmentant de 10%.
Le glaucome aigu par fermeture de l’angle est une
affection grave, de survenue brutale : c’est une urgence ophtal mo-
logique. S’il n’est pas correctement diagnostiqué et traité, des
lésions oculaires progressives et définitives apparaissent en quelques
heures ou quelques jours. L’anamnèse révèle la survenue brutale
de douleurs et rougeurs oculaires associées à une vision trouble.
L’existence d’un facteur déclenchant provoquant la crise (stress,
émotion, obscurité prolongée, mydriase pharmacologique) n’est pas
systématiquement identifiée. La douleur est habituel lement intense
et généralement centrée au-dessus de l’arcade sourcilière. Nausées,
vomissements et sueurs profuses sont souvent associés et peuvent
égarer le diagnostic et conduire le patient dans un service d’urgence
ou de chirurgie digestive, d’autant que le malade est volontiers
prostré, parfois avec un véritable état de choc.
Figure 7 : Reconstruction de coupes transversales de l’iris par OCT avant
(en haut) et après (en bas) dilatation pupillaire par tropicamide 1%,
réalisées sur un œil présentant un angle étroit. L’augmentation du diamètre
pupillaire s’accompagne d’une augmentation de l’épaisseur (estimé dans ce
cas à 10%).
Pendant la crise de fermeture de l’angle, l’acuité visuelle
est réduite et la PIO dépasse habituellement les 40 mm Hg, le
palper bidigital révélant un aspect de “ bille de verre ”. L’examen
avec un éclairage oblique montre un iris tendu vers l’avant, d’où
la présence d’une ombre au-dessus de la moitié distale de la
chambre antérieure, un réflexe cornéen atténué et une pupille en
semi-mydriase aréactive (Figures 8, 9). L’examen à la lampe à fente
est difficile du fait de l’œdème de cornée et de la chambre anté-
rieure peu profonde. Si le début date de quelques heures, il peut
y avoir quelques cellules dans la chambre antérieure, des vais-
seaux iriens dilatés, un œdème du stroma irien et parfois, des
synéchies postérieures de constitution rapide. Dans d’exception-
nels cas, on peut observer un hypopion surtout si la crise se
prolonge. L’examen du fond de l’œil peut montrer une hyperhémie
et un œdème de la papille ou un pouls artériel spontané.
A.
C.
B.
D.
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La réalisation de la gonioscopie pendant la crise est essentielle.
L’œdème de cornée peut être réduit avec de la glycérine
appliquée localement. Le plus souvent, un contact irido-cornéen
périphérique ne permet pas d’observer les structures angulaires.
Dans ce cas, l’examen de la fente lumineuse au niveau de la cornée
est très utile. Normalement, les bords antérieurs et postérieurs de
la fine fente lumineuse convergent sur le limbe au niveau de l’an-
neau de Schwalbe. La périphérie de l’iris peut ainsi grossièrement
être estimée au contact de l’anneau de Schwalbe. La gonioscopie
avec indentation peut révéler la présence d’une fermeture par des
synéchies. La gonioscopie de l’œil adelphe doit être systémati-
quement réalisée. Si l’angle controlatéral est large, il faut alors
Figure 8 : Glaucome aigu avec semi-mydriase et chambre antérieure étroite
(vue de profil).
Figure 9 : Glaucome aigu avec blocage pupillaire et iris bombé.
rechercher un autre mécanisme de fermeture de l’angle, secon-
daire à certaines affections comme une luxation du cristallin, une
occlusion de la veine centrale de la rétine, une inflammation ou
un kyste du corps ciliaire, un glaucome malin ou une tumeur du
segment postérieur de l’œil.
En Europe, le blocage pupillaire est le mécanisme le plus fréquem-
ment en cause. Le flux d’humeur aqueuse est diminué en raison
d’une pression plus importante dans la chambre postérieure. Une
apposition trop importante de la face postérieure de l’iris à la face
antérieure du cristallin génère une résistance au passage de l’hu-
meur aqueuse, entraînant une augmentation du volume de la
chambre postérieure. Les adhérences angulaires de l’iris se déve-
loppent rapidement, favorisées par le contexte inflammatoire induit
par l’hypertonie oculaire aiguë. Elles se développent d’abord au
sommet de l’angle car l’iris est poussé en avant et se rapproche
do nc de l’anneau de Schwalbe, puis se dirigent vers le fond de
l’angle. Sans vouloir le remettre en cause, il faut reconnaître que
ce mécanisme dit “européen” n’est pas celui qui prévaut ailleurs,
dans les contrées asiatiques. Le creeping angle-closure
glau coma”, littéralement le “glaucome à angle fermé rampant”
ou plus simplement le “glaucome par raccourcissement de l’angle”
est une forme évolutive très différente. La fermeture de l’angle
insidieuse, progressive, survient préférentiellement sur des yeux
présentant une chambre antérieure peu profonde, avec rotation
antérieure des procès ciliaires. L’épaisseur particulière de l’iris chez
les sujets asiatiques favorise le contact de la périphérie de l’iris à
l’angle. Le contact chronique de l’iris au mur latéral de l’angle
irido-cornéen aboutit, en l’absence de toute inflammation ou crise
aiguë, à une goniosynéchie extensive et circonférentielle. L’angle
apparaît de plus en plus en plus raccourci, antériorisé, car les syné-
chies débutent au fond de l’angle pour se diriger vers le sommet
de l’angle, selon un mécanisme diamétralement opposé à celui de
la forme européenne, où les adhérences débutent au sommet de
l’angle, sur l’anneau de Schwalbe. La base d’iris est accolée au
trabéculum, et donc l’angle est raccourci, formant des synéchies
antérieures périphériques irréversibles.
Dans la forme aiguë et primitive, le traitement initial
consiste à lever le blocage pupillaire, à abaisser la PIO et à réou-
vrir l’angle. L’indentation mécanique de la cornée peut être tentée
en premier pour faire cesser la crise, bien que son efficacité soit
inconstante et que la procédure soit douloureuse. Le collyres
myotiques doux (ou parfois, paradoxalement, les mydriatiques
cycloplégiques) peuvent interrompre la crise. Sinon, la réduction
de la PIO peut être obtenue grâce aux inhibiteurs de la sécrétion
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