Pasteurella, A. Decoster, FLM, p. 1
PASTEURELLA
Le genre Pasteurella comprend des espèces responsables de maladies animales et occasionnellement humaines. Ces bactéries ont un
passé historique passionnant, une taxonomie changeante et une pathogénie complexe (Mollaret).
HISTORIQUE
Dès 1879, Toussaint puis Pasteur réussissent la culture du "bacille du choléra des poules" et démontrent ainsi l'origine microbienne de
la maladie. Poursuivant ce travail, Pasteur se rend compte des effets protecteurs d'une culture vieillie de la bactérie et perçoit ainsi le
concept de vaccin vivant atténué. En 1887, le même Pasteur propose de lutter contre la prolifération des lapins en arrosant leur
nourriture d'une culture fraîche du bacille ; cette proposition fut refusée par les Australiens mais acceptée par les vignerons du
champenois.
En 1897, le nom Pasteurella est adopté pour individualiser le genre chez lequel on distingue différentes espèces en se référant à
l'animal d'où la souche provient. A cette époque, la bactérie, bien que suspectée responsable de manifestations pathologiques chez
l'homme, intéresse surtout les vétérinaires mais à partir de 1920, d'authentiques pasteurelloses humaines sont décrites, la relation
épidémique avec les animaux est perçue et le rôle des morsures affirmé. Les seuls critères morphologiques alors utilisables rendent le
genre pléthorique. En 1967, on en retire les Yersinia et Francisella tularensis pour n'y laisser pratiquement qu'une espèce :
Pasteurella multocida. Par la même occasion, on récuse la famille des parvobactéries qui groupait alors tous les coccobacilles à Gram
négatif. Depuis lors, les techniques d'hybridation moléculaire ont apporté un éclairage nouveau sur la taxonomie des pasteurelles.
TAXONOMIE
Le genre Pasteurella constitue avec les Haemophilus et les Actinobacillus la famille des Pasteurellaceae. Les espèces reconnues
pathogènes pour l'homme sont :
Pasteurella multocida (espèce type)
Pasteurella canis
Pasteurella stomatis
Pasteurella dagmatis
Pasteurella bettyae
On connaît par ailleurs une quinzaine d'autres espèces rencontrées chez l'animal et pour certaines exceptionnellement chez l'homme.
Il est habituel de décrire, à côté des pasteurelles, des bactéries voisines mal classées mais de même niche écologique et n'appartenant
pas ou plus au genre Pasteurella :
EF 4 (pour Eugonic Fermenter)
M 5 (ressemblant aux Moraxella) maintenant appelée Neisseria weaveri
II J (voisine des Flavobacter) ou Weeksella zoohelcum
DF 4 (pour Dysgonic Fermenter) ou Capnocytophaga canimorsus , Capnocytophaga cynodegmi
PASTEURELLA MULTOCIDA
CARACTÈRES BACTÉRIOLOGIQUES
Pasteurella multocida est un coccobacille à Gram négatif à coloration bipolaire, immobile, asporulé et capsulé.
La bactérie se développe à 37°C sur milieux ordinaires en aéro-anaérobiose mais supporte mal les fortes pressions partielles en
oxygène : c'est un germe microaérophile. Les colonies sont petites, rondes, lisses, bombées et transparentes (colonies S) mais
certaines souches d'origine humaine apparaissent parfois muqueuses (colonies M).
L'inoculation par voie intrapéritonéale à la souris entraîne la mort de l'animal en 48 heures par infection généralisée.
La capsule, en s'opposant à la phagocytose est un facteur de virulence. Les polysaccharides capsulaires sont antigéniques et
déterminent des sérotypes A, B, D ou E. Les souches humaines appartiennent au sérotype A ou plus rarement D. Des variants M des
sérotypes A et D, forment les colonies muqueuses.
Le LPS constituant de la membrane externe se comporte comme une endotoxine comme chez tous les bacilles à Gram négatif,
HABITAT
Les Pasteurella sont des hôtes obligatoires des animaux, des vertébrés surtout, chez qui ils se comportent comme des commensaux de
la cavité buccale et qu'on isole de la salive. Elles peuvent survivre quelque temps dans le milieu extérieur mais ne s'y développent pas.
Chez l'homme le portage latent, pharyngé, est possible chez des sujets professionnellement au contact des animaux.
Pasteurella, A. Decoster, FLM, p. 2
POUVOIR PATHOGÈNE
Parmi les pasteurelloses humaines, il convient de distinguer, les pasteurelloses d'inoculation, secondaires à des agressions animales et
les pasteurelloses systémiques se manifestant sous forme de bactériémies ou d'atteintes viscérales.
les pasteurelloses d'inoculation
Elles surviennent après morsure, griffure ou léchage sur plaie préexistante. La pénétration est donc cutanée,
exceptionnellement oculaire. Les lésions siègent, par ordre de fréquence, au membre supérieur surtout - mains, poignets,
avant bras -, aux extrémités inférieures ensuite, au cou et sur la tête enfin (chez les enfants principalement). Les animaux
responsables sont le plus souvent le chat puis le chien.
Les formes loco-régionales aiguës des pasteurelloses d'inoculation donnent lieu, très rapidement, en moins de 24 heures
après la blessure, à des manifestations inflammatoires locales intenses avec de très vives douleurs suivies de lymphangite et
d'adénopathies épitrochléennes, axillaires, poplitées ou crurales selon le siège de la lésion. Généralement les signes locaux
s'amendent en quelques jours, les adénopathies persistent quelques semaines mais la guérison se fait sans séquelles. En cas
de morsures profondes, on peut observer des ostéites ou des arthrites suppurées.
Les formes loco-régionales subaiguës succèdent à des formes aiguës, souvent passées inaperçues. Elles se manifestent sous
un masque trompeur, rhumatologique, neurologique ou dermatologique. Quelques jours ou quelques semaines, parfois plus,
après la blessure qui paraît guérie, des douleurs réapparaissent accompagnées de signes inflammatoires sans suppuration,
prenant le masque de téno-synovite, d'arthrite inflammatoire ou de d'algodystrophie.
les pasteurelloses systémiques
On désigne sous cette appellation, les bactériémies et les atteintes viscérales dues à des pasteurelles. Elles sont plus
fréquemment sur un terrain fragilisé : cirrhose éthylique, insuffisance hépatique, leucémie, cancer, connectivites,
immunodépression.
Les bactériémies à Pasteurella sont presque toujours secondaires à une blessure occasionnée ou contaminée par un animal
et sont parfois associées à une atteinte viscérale. Exceptionnellement, elles paraissent primitives, sans notion de porte
d'entrée.
Les infections respiratoires - angines, rhino-pharyngites, otites, sinusites, bronchites, pleurésies, pneumopathies - sont
fréquentes chez les sujets vivant au contact des animaux.
Les localisations neuro-méningées - méningites ou des abcès cérébraux -, les atteintes cardio-vasculaires, digestives,
gynécologiques, obstétricales, urinaires ou ostéo-articulaires sont plus rares.
DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE
L'étape essentielle du diagnostic des pasteurelloses est la mise en évidence de la bactérie. On la cherche dans la sérosité de la plaie,
dans le pus ganglionnaire, articulaire ou osseux, dans le sang par hémoculture ou dans l'expectoration. On ensemence des milieux
riches, solides et liquides. Les colonies se développent sur gélose en 24 à 48 heures. L'identification se fonde sur la morphologie -
coccobacilles à coloration bipolaire - et les caractères biochimiques et enzymatiques qui permettent de reconnaître les autres espèces
du genre et les espèces voisines.
Un sérodiagnostic par agglutination, immunoenzymologie est utilisable chez l'animal mais pas chez l'homme.
Une intradermo-réaction à la "pasteurelline" (filtrat de culture en bouillon) est un très bon test diagnostique dans les formes focales
dès le 8ème jour et pendant plusieurs années parfois.
Les espèces les plus fréquemment isolées après morsure sont Pasteurella multocida, (50 à 60 % des cas), puis P. canis, dagmatis,,
stomatis ainsi que les bactéries apparentées (EF 4, Neisseria weaveri) suivies de P.bettyae et Actinobacillus ureae.
SENSIBILITÉ AUX ANTIBIOTIQUES
Les bactéries du genre Pasteurella sont sensibles in vitro à de nombreux antibiotiques : bêtalactamines, cyclines, imidazolés,
cotrimoxazole, fluoroquinolones. Les macrolides et les aminosides ont une moins bonne activité.
Dans les infections systémiques, les fluoroquinolones sont souvent préconisées.
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