Info infectiologie - STA HealthCare Communications

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Info infectiologie
Le chien : meilleur ami de l’homme...
Pour le meilleur et pour le pire!
Dr Jean-François Roussy (avec la collaboration de Dr Alain Martel, M.D., FRCPC)
PRÉSENTATION CLINIQUE DU PATIENT
Un homme de 35 ans se présente à l’urgence environ 12 heures après
avoir été mordu par son chien, Skippy – un petit shitzu de quatre ans
demeurant habituellement dans la maison. Le chien a accidentellement
mordu son maître au niveau de son éminence thénar droite, durant un
jeu. La morsure est assez profonde et douloureuse. Malgré un lavage à
l’eau et au savon effectué tout de suite après l’incident, la morsure est
rapidement devenue plus douloureuse, érythémateuse et œdématiée. Du
pus est également visible et il semble que la zone d’érythème progresse
assez rapidement. Le patient peut facilement bouger les doigts et la
main. Il est hémodynamiquement stable et présente une température
corporelle de 38,8 ˚C. Au bilan, il a une leucocytose neutrophilique à
17 000. Son bilan hépatique, rénal et de coagulation est normal. Un
écouvillon du pus est prélevé.
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comportement normal avant la blessure et qu’il
a été vacciné contre la rage, nous pouvons
écarter ce diagnostic et se concentrer sur
l’infection post-morsure.
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le clinicien mars 2011
Info infectiologie
Les morsures d’animaux représentent-elles
un problème de santé publique?
Les morsures d’animaux représentent un problème majeur de santé publique et
comptent pour environ 0,5 à 1 % des visites à l’urgence; les chiens sont responsables de 75 à 90 % des morsures rapportées. Près de 5 millions de personnes,
par année, aux États-Unis, subiront une morsure et 15 % d’entre elles nécessiteront des soins médicaux. La plupart du temps, le chien en cause appartient à
la victime, un voisin ou un ami.
Le risque d’infection après une morsure de chien est considérablement plus
faible que la morsure de chat – le taux se situe entre 3 à 18 %, avec une moyenne
d’environ 5 %.
Notre patient fait malheureusement partie du 5 % de
patients souffrant d’une infection…
De quoi est composée la flore buccale du
chien?
Cette flore est complexe, diversifiée et inclut plusieurs espèces aérobiques et
anaérobiques. Ainsi, il est préférable de ne pas cultiver une plaie semblant non
infectée, car celle-ci sera composée de nombreuses espèces. De plus, la culture
initiale d’une plaie non infectée ne prédit pas le résultat des cultures subséquentes, si elle le devient.
La majorité des infections post-morsure de chiens sont donc polymicrobiennes, incluant les Pasteurella spp (surtout le Pasteurella canis et multocida), plusieurs anaérobies, des Streptococcus spp et des Staphylococcus
spp. Par ailleurs, le Pasteurella multocida est moins commun qu’après une
morsure ou une griffure de chat. Une caractéristique importante concernant
le Pasteurella est que l’infection se manifeste souvent rapidement, typiquement dans les premières 24 heures suivant la morsure, tandis que les autres
germes causent une infection prenant habituellement plus de 24 heures à se
manifester.
Encadré 1
À quoi devez-vous
absolument penser si un
patient se présente avec
un tableau de sepsis
grave après une morsure
de chien?
Le Capnocytophaga canimorsus, un
bâtonnet Gram négatif fastidieux, peut
causer ce type de tableau grave de
sepsis. Le choc et la coagulation
intravasculaire disséminée (CIVD)
sont communs. Le taux de mortalité
est de près de 30 %.
La majorité des patients développant
ce type d’infection ont des conditions
prédisposantes (splénectomie à 35 %;
abus d’alcool à 35 %; dysfonction
immunitaire par prise de
corticostéroïdes prolongée, cancer
hématologique ou maladie autoimmune à 17 %, etc.). Le germe est
détecté dans le sang et les liquides
stériles. Cette bactérie est sensible à
la pénicilline, la pipéracilline,
l’imipénem, la vancomycine, la
clindamycine, la TMP-SMX et
laciprofloxacine. Elle est toutefois
résistante aux aminosides.
Notre patient a développé son infection en moins de
24 heures, rendant probable l’implication du
Pasteurella. Ainsi, il faudra bien couvrir ce germe.
Comment traitez-vous le patient?
Traitement initial
Tout d’abord, le traitement initial de la plaie consiste en l’irrigation abondante de
celle-ci avec du salin stérile. Les études suggèrent qu’après ce type d’irrigation,
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Info infectiologie
E
n effet, la cellulite
nécessite en
moyenne
10 jours de
traitement,
tandis qu’une
infection de plaie
seule nécessite
de cinq à sept
jours
d’antibiotiques.
il est sécuritaire de fermer la plupart des plaies jusqu’à 12 heures après la
blessure. Les recommandations habituelles pour le tétanos doivent être suivies.
Traitement de l’infection rapide (moins de 24 heures)
Une infection rapide (moins de 24 heures) est généralement due au Pasteurella
multocida. La pénicilline est donc le premier choix de traitement, avec la tétracycline, l’association triméthoprime-sulfaméthoxazode (TMP-SMX) ou une
quinolone en tant qu’alternative chez les individus allergiques à la pénicilline.
Traitement de l’infection tardive (plus de 24 heures)
Une infection débutant plus de 24 heures après la morsure est certainement
polymicrobienne et sera guidée par la coloration de Gram et la culture. Les choix
initiaux raisonnables incluent :
• l’amoxicilline-clavulanate seule;
• la ciprofloxacine ou la lévofloxacine combinée à la clindamycine;
• le TMP-SMX plus la clindamycine;
• la moxifloxacine seule pourrait également être un bon choix.
La durée du traitement sera déterminée en fonction de la présence ou non de
cellulite. En effet, la cellulite nécessite en moyenne 10 jours de traitement, tandis qu’une infection de plaie seule nécessite de cinq à sept jours d’antibiotiques.
Comme nous soupçonnons un Pasteurella, nous
pourrions débuter la pénicilline ou l’amoxicillineclavulanate, en attendant le résultat final de la culture.
Après une morsure non infectée, doit-on fournir une
antibioprophylaxie?
Dr Roussy est résident
IV en microbiologieinfectiologie. Il pratique
présentement au Centre
hospitalier universitaire
de Sherbrooke.
Une revue systématique a démontré une diminution du taux d’infection uniquement pour les morsures de la main. Plusieurs experts recommandent donc une
prophylaxie pour toutes les morsures à la main et au visage, ainsi que pour les
plaies profondes ne pouvant être irriguées efficacement. Cela prévaut aussi chez
les patients immunosupprimés (surtout ceux splénectomisée). L’amoxicillineclavulanate ou la tétracycline (allergie pénicilline) sont des choix raisonnables.
CONCLUSION DU CAS DU PATIENT
Dr Martel est microbiologisteinfectiologue, interniste. Il pratique
présentement au Centre hospitalier de
l’université Laval.
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La culture du pus a montré la présence de Pasteurella multocida et de flore
anaérobie. Un traitement de 10 jours d’amoxycilline-clavulanate a été prescrit
avec un bon résultat.
C
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