FLINGUER
« Jospin flingue Royal ». C’est le titre, assez abrupt et peu amène qui ouvre l’édition d’hier de
Libération. Et en sous-titre, on peut lire : « L’ex-Premier ministre fustige la candidate défaite à la
présidentielle ». Ce qui, avec une tonalité différente, à un niveau de langue différent comme disent les
linguistes, donne une idée du sens de ce mot : si Jospin « flingue » Royal, c’est que sans prendre de
gants, dans un livre à paraître prochainement, il lui adresse des critiques sévères. Il la fustige, nous
dit-on.
Le verbe « fustiger » n’est pas si fréquent, il appartient à une langue surveillée, distinguée, et
signifie blâmer, dénoncer les fautes de quelqu’un, l’accuser d’avoir commis ces fautes. C’est d’ailleurs
un sens figuré du mot, un sens second : au départ, fustiger voulait dire corriger à coups de bâton ou à
coups de fouet. On garde donc l’image d’une punition ou d’une accusation cinglante.
Dans un français bien plus familier, relâché, pourrait-on dire, on entend que Jospin flingue Royal. Le
sens est-il le même que pour « fustiger » ? A peu près, mais pas totalement. Non seulement il accuse,
mais cette accusation a presque valeur de jugement, et même de sanction : l’accusation est si vive
qu’on ne s’en relève pas ; la personne « flinguée » est condamnée, on lui a réglé son compte. On peut
même penser à une autre image définitive : Jospin l’a descendue en flammes, ce qui fait penser à un
avion qu’on a touché en vol et qui va s’écraser, en feu ! L’image est forte donc. Mais d’où vient-elle ?
Au sens propre, « flinguer », ce verbe argotique, veut dire tirer un coup de flingue. Et un flingue, c’est
un fusil.
Depuis la fin du XIXe siècle environ, on parle, en argot militaire, de « flingot », un mot qui existe
encore, mais qui est fort peu employé : il fait trop vieux, et on l’a abrégé en « flingue ». Il vient de
l’allemand, plus exactement d’un dialecte de Bavière dans lequel flint signifie fusil. C’est peut-être à la
suite de la guerre de 70, perdue par les Français, qui vit Paris occupée par l’armée prussienne, que le
mot s’est répandu.
Mais aujourd’hui, il n’évoque plus seulement une arme de guerre, mais n’importe quelle arme à feu
portative, à canon long ou court : un revolver est un flingue.
Quant au verbe « flinguer », il est plus récent. Il ne signifie pas seulement tirer un coup de feu, mais
plus précisément, tirer un coup de feu sur quelqu’un. Et ne pas le manquer, l’abattre. D’ailleurs, le mot
s’emploie souvent à la forme pronominale, « se flinguer » pour dire se tirer une balle, et parfois même
se suicider quel que soit le mode opératoire : « Il s’est flingué en se jetant dans la Seine ! »
Et dans un sens un peu moins brutal, « flinguer quelqu’un » commence à signifier le prendre pour
cible, lui faire son affaire, avec en plus l’idée que cette « exécution » se fait en public, et que c’est pour
cela peut-être que la victime ne s’en relèvera pas.
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