Plouzané, le 7 juillet 2014
DES MICROORGANISMES À 2 KM DE PROFONDEUR SOUS LES
OCÉANS
Les limites du vivant sous le plancher océanique ont été une nouvelle fois repoussées. Une
équipe européenne composée notamment de chercheurs du Laboratoire de microbiologie
des environnements extrêmes (LM2E) et du laboratoire Ecosystèmes, biodiversité, évolution de
Rennes (ECOBIO) vient en e et d’identi er des bactéries et des champignons microscopiques
à des profondeurs records de 1 922 et de 1 740 mètres sous le bassin de Canterbury, au large
de la Nouvelle-Zélande.
Les sédiments des fonds océaniques sont peuplés d’un bestiaire insoupçonné de micro-organismes marins : des
archées (organismes unicellulaires sans noyau), des bactéries et mêmes des eucaryotes (organismes avec noyau)…
Leur nombre est estimé à 290 000 000 000 000 000 000 000 000 000 ! Et ce, uniquement pour des profondeurs
comprises entre 0 et 500 mètres. Aujourd’hui, une équipe de chercheurs franco-allemande vient d’établir un nouveau
record en réalisant un forage de 1 922 m de long sous le plancher océanique du bassin de Canterbury, au large de
l’île Sud de la Nouvelle-Zélande, et en y trouvant de nombreuses espèces. « On ne s’attendait pas à trouver des traces
de vie à de telles profondeurs sous le fond des océans, surtout pas des champignons microscopiques », avoue Karine
Alain, microbiologiste au Laboratoire de microbiologie des environnements extrêmes de Brest.
Grâce à des techniques sophistiquées d’extraction et d’analyse d’ADN, les chercheurs ont réussi à identi er
des représentants des trois grandes divisions du vivant : des archées, des bactéries thermophiles adeptes de
la fermentation – très semblables aux bacilles et aux coques du milieu terrestre mais de plus petite taille – et
aussi des microeucaryotes comme des champignons. « Avec les analyses d’ADN réalisées, nous ne pouvons
pas savoir s’il s’agit d’ADN fossile, de fragments d’ADN d’organismes vivants ou bien ceux d’organismes en
dormance, précise Karine Alain. Par contre, nous avons réussi à isoler et à cultiver certaines bactéries et
certains champignons microscopiques issus de nos échantillons, ce qui est une première à ces profondeurs ».
La vie persisterait donc à des profondeurs de 2 km sous le plancher océanique, là où les températures frôlent
les 100°C et les pressions les 50 MPa.
Théoriquement, les microorganismes pourraient même vivre jusqu’à des profondeurs de 4 ou 5 km sous les
océans pour les environnements les plus cléments. Une frontière indispensable à connaître pour évaluer au plus
juste le volume de la biosphère présente dans les sédiments marins mais aussi l’impact des microorganismes
sur la composition des océans et de l’atmosphère.