Mesures hygiénodiététiques et états diabétiques

Diabétologie
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Chapitre 6
Mesures hygiénodiététiques
etétats diabétiques
PLAN DU CHAPITRE
Diététique des états diabétiques ...... 91
Place de la diététique dans le
traitement du diabète .............. 91
Historique des mesures diététiques et
évolution des concepts nutritionnels
depuis le début du xxe siècle ........ 92
Dans quel type et à quel stade les
mesures nutritionnelles sont-elles
utiles, voire nécessaires ? ........... 92
Objectifs et mise en pratique
des mesures diététiques ............ 94
La chirurgie bariatrique quand la
diététique est en échec ............. 100
Les mesures diététiques
permettent-elles de prévenir
le diabète ? ...................... 101
Saveurs, arômes dans le régime
du diabétique ..................... 103
Avenir des régimes ................ 105
Diabète et activité physique ........ 107
Concept .......................... 107
Contexte épidémiologique .......... 107
Comprendre les mécanismes ........ 108
Quels examens faut-il réaliser
chez un patient diabétique
pratiquant unexercice physique ? ... 110
Adaptation du traitement
chez le diabétiquetraité
par antidiabétiques oraux .......... 111
Adapter le traitement insulinique .... 111
Quelques informations
supplémentaires pour la pratique .... 112
Comment encourager la pratique
d'uneactivité physique ............. 113
Conclusions et avenir du concept .... 113
Place de la diététique dans le
traitement du diabète
Toutes les recommandations [1, 2] reconnaissent que les
mesures hygiénodiététiques restent l'une des bases fonda-
mentales de la prise en charge des états diabétiques, qu'ils
soient de type 1 ou 2. Ce concept est cependant remis en
question de manière régulière, car les médecins diabéto-
logues et les malades diabétiques ont toujours rêvé de
s'affranchir des mesures diététiques considérées par les
premiers comme difficiles à appliquer et par les seconds
comme difficiles à suivre.
En 2006, un groupe d'experts agissant au nom de l'ADA
et au nom de l'EASD (European Association for the Study of
Diabetes) a recommandé d'engager le traitement nutrition-
nel et pharmacologique du diabète de type 2 de manière
concomitante, dès que le diagnostic de la maladie est posé
[1]. Cette attitude est un peu surprenante dans la mesure où
il est conseillé en général de faire précéder les traitements
médicamenteux du diabète de type 2 par une période diété-
tique de quelques semaines ou de quelques mois [2]. Cette
position repose sur un axiome simple : pourquoi retarder
les traitements pharmacologiques dans la mesure où les
régimes resteront lettre morte chez la majorité des patients
pour lesquels ils devraient être prescrits. Ces voix défai-
tistes trouvent un écho supplémentaire dans le fait que la
nutrition fondée sur les preuves est le « maillon faible » de
l'evidence-based medicine [3] car les essais interventionnels
randomisés de longue durée sont beaucoup plus difficiles à
réaliser dans le domaine de la nutrition que dans celui de la
pharmacologie. La multiplicité des biais méthodologiques,
l'ambiguïté des conclusions ont conduit les nutritionnistes à
se replier sur des études d'intervention courtes, sur des sui-
vis de cohortes, sur des enquêtes épidémiologiques ou sur
Diététique des états diabétiques
C. Colette, L. Monnier
0002065801.INDD 91 1/23/2014 9:43:28 AM
92 Partie III. Thérapeutique
des études physiopathologiques dont le niveau de preuves
est nettement plus faible que celui des essais de longue
durée randomisés avec évaluation de la morbi-mortalité
au terme de l'essai. Le raisonnement basé sur l'observation
nous indique toutefois que les diabétiques de type 2 qui ne
respectent pas un minimum de règles hygiénodiététiques
sont rarement bien équilibrés en dépit d'une escalade médi-
camenteuse qui les conduit progressivement d'une mono-
thérapie à une bithérapie orale, voire à une trithérapie orale.
Plusieurs arguments supplémentaires plaident en faveur
des mesures nutritionnelles. En premier lieu, les mesures
hygiénodiététiques sont, dans toutes les études, plus effi-
caces que les interventions pharmacologiques pour prévenir
la conversion d'une intolérance au glucose en diabète de type
2 patent [4]. En second lieu, les mesures diététiques doivent
être mises en place ou renforcées chez les diabétiques de
type 2 insulinés sous peine d'une prise de poids addition-
nelle et abusive [5]. Enfin le récent retrait de certains médi-
caments antiobésité appartenant à la classe des antagonistes
des récepteurs du système endocannabinoïde n'est pas fait
pour conforter l'opinion qui voudrait que l'on puisse traiter
le diabète de type 2 avec des substances exerçant à la fois une
action antiobésité et antidiabétique. Pour que ce concept
soit valide, encore faudrait-il que les substances utilisées, le
rimonabant en l'occurrence, aient fait la preuve d'un effet
antidiabétique propre en dehors de leur action antiobésité.
Cette propriété n'a jamais été clairement démontrée pour le
produit précité.
Toutes ces observations renforcent l'idée que les mesures
nutritionnelles doivent être considérées comme une étape
incontournable dans la prise en charge du diabète. En plus
de leur action sur les désordres glycémiques, les mesures
diététiques ont pour objectif de lutter contre les facteurs de
risque qui sont fréquemment associés au diabète (dyslipidé-
mie, hypertension artérielle, troubles de l'hémostase) et qui
favorisent l'apparition ou la progression de complications
cardiovasculaires [6]. Pour conclure cette introduction, les
traitements nutritionnels, à l'instar des traitements phar-
macologiques, sont en train de s'éloigner d'une vision très
« glucocentrique » pour rejoindre des objectifs plus larges
avec prise en charge « multifactorielle ».
Historique des mesures diététiques
et évolution des concepts
nutritionnels depuis
le début du xxe siècle
La « saga » commence, il y a près de 100 ans, avec les
régimes de « prohibition glucidique » qui étaient considérés
à cette époque comme la seule méthode pour contrecarrer,
sans succès, les désordres glycémiques du diabète sucré dit
juvénile. En fait, ces régimes ne faisaient que traduire d'une
part la méconnaissance des mécanismes physiologiques de
la maladie et d'autre part l'absence cruelle de toute thé-
rapeutique médicamenteuse efficace. La découverte de
l'insuline, en 1921, ouvrit une ère nouvelle pour les diabé-
tiques. Les régimes furent progressivement élargis, l'apport
glucidique étant fixé entre 30 et 40 % des calories totales.
Dans les années 1960, les pédiatres [7] préconisèrent d'as-
souplir les régimes des enfants diabétiques. Cette attitude
fut de manière un peu caricaturale désignée sous le terme
de « régime libre ». Dans les années 1970-1980, les diabéto-
logues d'adultes reprirent certaines recommandations des
pédiatres en les modulant. Cette période fut marquée par
la « découverte » des fibres alimentaires [8] et par la quan-
tification du pouvoir hyperglycémiant des glucides à l'aide
des index glycémiques [9]. Le résultat global fut de recom-
mander des régimes riches en glucides (55 à 60 % de l'ap-
port calorique total). Après une période d'« enthousiasme
théorique », les diabétologues furent obligés de retourner
à des concepts plus classiques (45 % des calories gluci-
diques) devant la non-observance desrégimes trop riches
en glucides par les malades. En 1985, la diététique fran-
chit une nouvelle étape : les Américains [10] découvrent
les propriétés bénéfiques antiathérogènes et antithrombo-
gènes des graisses mono-insaturées.
À la lumière de ces données, la teneur en glucides des
régimes fut rediscutée et les mesures diététiques sont actuelle-
ment modulées en fonction de divers paramètres cliniques,
certains préconisant même d'utiliser le modèle nutritionnel
méditerranéen comme base de la prescription diététique
chez le diabétique dans la mesure où ce modèle privilégie
la consommation d'aliments à faible pouvoir hyperglycé-
miant et assure un enrichissement de la ration alimentaire
en graisses mono-insaturées et en fibres alimentaires, tout
en limitant les apports en graisses saturées et en sucres
rapides [11]. Toutefois, il convient de ne pas perdre de vue
que les régimes méditerranéens ont trop évolué au cours du
temps [12] et qu'ils sont trop variables, à travers les diffé-
rentes régions du pourtour de la Méditerranée, pour être
préconisés tels quels. S'inspirer des principes généraux
de l'alimentation méditerranéenne est donc souhaitable,
à condition d'adapter et de personnaliser la prescription
diététique et de ne pas oublier les acquis de l'alimentation
occidentale classique qui ne présente pas que des incon-
nients. N'oublions pas que l'espérance de vie n'a jamais été
aussi élevée que de nos jours et que les Crétois, interrogés
par les enquêteurs de la Fondation Rockefeller à la fin de
la deuxième guerre mondiale sur leur degré de satisfaction
par rapport à leur alimentation, souhaitaient améliorer leur
ordinaire alimentaire en se rapprochant des standards de
l'alimentation occidentale. Ainsi, il apparaît que la nutri-
tion est un domaine où les recommandations sont soumises
à une réévaluation permanente. La diététique du diabète
sucré n'échappe pas à cette règle.
Dans quel type et à quel stade les
mesures nutritionnelles sont-elles
utiles, voire nécessaires ?
La réponse est simple : dans tous les types et à tous les stades !
Dans le diabète de type 1
Les mesures diététiques doivent être entreprises dès la
découverte du diabète sucré qui nécessite la mise en route
d'une insulinothérapie immédiate. Insulinothérapie et
mesures diététiques doivent être couplées pour essayer de
réduire les fluctuations glycémiques vers le haut (dérives
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Chapitre 6. Mesures hygiénodiététiques etétats diabétiques 93
glycémiques postprandiales) ou vers le bas (épisodes
hypoglycémiques survenant dans le postprandial tardif
ou dans les périodes interprandiales). Le diabète de type
1 est caractérisé par une carence insulinique qui nécessite
un traitement insulinique dont les principes consistent à
mimer les deux composantes de la sécrétion insulinique
physiologique : la sécrétion basale et les décharges insuli-
niques qui surviennent au moment des repas. Malgré tous
les progrès réalisés au cours des dernières années (schémas
optimisés de type basal-bolus à l'aide de multi-injections ou
de pompes à insuline), l'administration d'insuline ne par-
vient jamais à reproduire la sécrétion normale qui est régu-
lée chez le sujet non diabétique par un système de feedback
précis dont les facteurs déclenchants sont les taux de la gly-
cémie et ses variations. L'absorption intestinale des glucides
alimentaires, phénomène aléatoire et variable d'un jour à
l'autre, ne fait qu'aggraver le manque de reproductibili
des profils glycémiques. À titre d'exemple, deux repas qui
contiennent la même quantité de glucides ne conduisent
pas à la même montée glycémique alycémie postprandiale
car la nature de l'aliment, son degré de cuisson, son associa-
tion avec d'autres aliments et la vitesse de vidange gastrique
interviennent dans l'absorption intestinale des glucides.
L'insulinothérapie fonctionnelle est une tentative éducative
louable pour essayer de coupler l'adaptation desdoses d'in-
suline aux choix alimentaires du sujet [13]. Il n'en reste pas
moins que le problème reste non résolu au niveau individuel
car il est impossible de fournir une solution déterministe
(définition d'une dose d'insuline précise) à des phénomènes
probabilistes : absorption des glucides, résorption des injec-
tions de l'insuline dans le tissu cellulaire sous-cutané.
Comme indiqué sur la figure6.1, les profils glycémiques
nycthéméraux du diabétique de type 1 ne peuvent que varier
d'un jour à l'autre dans la mesure où ils sont la résultante de
deux phénomènes aléatoires. Le but des mesures diététiques
est d'essayer de réduire cette variabilité en proposant un pro-
gramme nutritionnel dans lequel les quantités de glucides
doivent être relativement constantes pour un repas donné
et dans lequel toute augmentation de la ration glucidique
doit être compensée par un ajustement adéquat des doses
d'insuline [13]. En général, la dose d'insuline est de 1 unité
pour 10 g de glucides. Pour le petit déjeuner, il est souvent
nécessaire de prévoir une dose plus élevée : 1,5 à 2 U pour
10 g de glucides car c'est le moment où l'insulinorésistance
et la production hépatique de glucose sont à leur maximum.
Dans le diabète de type 2
Les mesures diététiques sont utiles, voire indispensables,
aux différentes étapes de l'histoire naturelle de la maladie.
Le diabète de type 2 évolue sur de nombreuses années
en passant par plusieurs périodes : le prédiabète, le dia-
bète méconnu et enfin le diabète connu avec trois étapes
schématiques selon qu'il est exempt de complications ou
qu'il s'accompagne de complications non handicapantes
ou handicapantes. Tous ces stades sont accompagnés
d'une insulinorésistance, de désordres glycémiques plus
ou moins marqués qui s'aggravent avec la disparition pro-
gressive de l'insulinosécrétion résiduelle. Avec l'évolution
de la maladie apparaissent des anomalies tensionnelles
ou lipidiques (dyslipidémie du diabétique) qui augmen-
tent le risque de complications vasculaires. Les mesures
diététiques comme les traitements médicamenteux ont
pour but de réduire l'insulinorésistance, de sauvegarder
l'insulinosécrétion résiduelle, de réduire les perturbations
glycémiques, lipidiques et tensionnelles et d'éviter le pas-
sage d'une étape donnée de la maladie à l'étape suivante. À
titre d'exemple, il a été clairement démontré par plusieurs
études de prévention que le risque de conversion d'une
intolérance au glucose en diabète est diminué en moyenne
de moitié par des mesures hygiénodiététiques combinant
un régime de restriction calorique et une activité physique
[14]. Ces résultats encourageants obtenus avec des pertes
de poids modérées (4 à 6 kg) sont supérieurs à ceux obser-
vés lors d'essais conduits avec des médicaments comme
l'acarbose ou la metformine.
glycémie
métabolisme
Absorption
intestinale
des glucides
interne
Pharmacocinétique
et pharmacologie
des
médicaments
hypoglycémiants
Figure6.1. Le contrôle de la glycémie obéit à un modèle stochastique. Le caractère aléatoire de l'absorption intestinale des glucides et de l'action
des médicaments (hypoglycémiants oraux et surtout insuline) conditionne la variabilité des prols glycémiques.
0002065801.INDD 93 1/23/2014 9:43:28 AM
94 Partie III. Thérapeutique
Objectifs et mise en pratique
desmesures diététiques
Les objectifs généraux du traitement du diabète de type 1 et
de type 2, qu'il soit diététique ou pharmacologique, peuvent
être regroupés dans deux grandes rubriques :
chercher à ramener les glycémies à des taux aussi proches
que possible de la normale ;
minimiser le risque d'apparition ou de progression des
complications dégénératives en agissant à la fois sur
l'hyperglycémie et sur les facteurs de risque qui sont fré-
quemment associés au diabète sucré.
Assurer un meilleur contrôle global
desdésordres glycémiques
La dysglycémie du diabète comprend deux composantes :
l'hyperglycémie chronique soutenue qui est explorée de
manière globale par l'HbA1c laquelle intègre à la fois
l'élévation de la glycémie à jeun et les excursions gly-
cémiques postprandiales. L'hyperglycémie chronique
conduit aux complications diabétiques en augmentant
laglycation des protéines membranaires des capillaires
etdes protéines contenues dans le sous-endothélium
artériel. L'hyperglycémie chronique exerce également
une toxicité chronique sur les cellules endothéliales en
activant le stress oxydatif [15] ;
les fluctuations aiguës de la glycémie. Elles peuvent être
dirigées vers le haut (hyperglycémie postprandiale) ou
vers le bas (nadirs glycémiques interprandiaux voire épi-
sodes hypoglycémiques à distance des repas). Ces fluc-
tuations aiguës de la glycémie exercent une action nocive
sur les endothéliums vasculaires. Cette toxicité aiguë est
caractérisée par une activation du stress oxydatif [16].
Réduire l'hyperglycémie chronique soutenue
Deux études, le DCCT publié en 1993 [17] et l'UKPDS
publiée en 1998 [18] ont clairement montré que la réduc-
tion de l'hyperglycémie chronique soutenue, estimée par le
dosage de l'HbA1c, entraîne à long terme une diminution
du risque de complications. Dans le diabète de type 1, il a
été démontré par l'étude du DCCT [17] que les diabétiques
soumis à un traitement insulinique optimisé avec un taux
moyen d'HbA1c égal à 7 % ont un risque de complications
microangiopathiques (rétinopathie et glomérulopathie)
nettement plus faible que celui des diabétiques laissés à un
traitement conventionnel avec un taux moyen d'HbA1c égal
à 9 %. Dans le diabète de type 2, l'UKPDS [19] a démontré
que les risques d'infarctus du myocarde et de complications
microvasculaires diminuent respectivement de 14 et 37 %
pour toute baisse de 1 % de l'HbA1c. Toutefois, les moyens
pour obtenir la réduction de l'hyperglycémie chronique
sont foncièrement différents dans les diabètes de type 1 et
de type 2. Chez les diabétiques de type 1 dont la maladie
est caractérisée par une carence quasi absolue de la sécré-
tion insulinique endogène, le contrôle de l'hyperglycémie
chronique est essentiellement sous la dépendance de l'insu-
linothérapie. Le choix des schémas et doses d'insuline est
donc primordial. Chez ce type de patient, les mesures dié-
tétiques sont marginales pour lutter contre l'hyperglycémie
chronique soutenue. En revanche, chez les diabétiques de
type 2, les mesures diététiques retrouvent tout leur intérêt
pour le contrôle de l'hyperglycémie chronique, qui est sous
la dépendance de trois perturbations métaboliques essen-
tielles définies sous le terme de « triumvirat » du diabète de
type 2 [20] :
un état d'insulinorésistance au niveau des tissus périphé-
riques (muscle essentiellement) ;
une production excessive de glucose au niveau du foie ;
une diminution de la sécrétion insulinique.
Par ailleurs, il est bien connu d'une part que la plupart
des patients diabétiques de type 2 sont obèses ou en sur-
charge pondérale, et d'autre part que c'est l'augmentation
de la masse grasse viscérale qui est le facteur majeur de
l'insulinorésistance. Aujourd'hui il est clairement démontré
que la perte de poids et les régimes de restriction calorique
entraînent une augmentation de la sensibilité des tissus péri-
phériques à l'insuline et une diminution de la production
hépatique de glucose. Ces deux effets combinés ont pour
conséquence une amélioration à court terme des glycémies
chez les patients diabétiques pléthoriques qui acceptent
de se soumettre à un régime de restriction calorique et de
perdre du poids [21]. L'effet des régimes de restriction
calorique repose sur le premier principe de la thermo-
dynamique auquel la « machine humaine » n'échappe pas.
Ce principe dit simplement que la quantité d'énergie stoc-
kée ou perdue par l'organisme (ΔU) est égale à la différence
entre la quantité de calories apportées par les aliments (Q) et
celle qui est dépensée par l'organisme (W). Dans ces condi-
tions : ΔU = Q – W. Toute perte de poids implique donc
que ΔU soit négatif et que Q soit inférieur à W. En accord
avec ce principe, et compte tenu du fait qu'une perte de
poidsde 1 kg nécessite un déficit énergétique de 7 700 kcal
[22], un régime qui réduirait l'apport calorique quotidien de
500 kcal par rapport aux dépenses (Q – W = 500 kcal) devrait
conduire à un déficit calorique de 3 500 kcal/semaine, c'est-
à-dire à une perte de poids de 0,5 kg/semaine.
Malheureusement, ces calculs optimistes sont contre-
ditspar les faits observés. La perte de poids est toujours
plus faible que celle qui est normalement prédite car les
patients acceptent mal les contraintes diététiques et suivent
les régimes de manière plus ou moins laxiste [23]. Comme
nous l'avons indiqué plus haut, l'effet des régimes de restric-
tion calorique est souvent spectaculaire au début de la mala-
die. Dans ce cas, une perte de poids de quelques kilogrammes
sur une période de quelques semaines ou de quelques mois
peut entraîner une quasi-normalisation de la glycémie ou
une réduction marquée de l'HbA1c. À titre d'exemple, dans
l'étude UKPDS, une baisse de 2 points en pourcentage de
l'HbA1c (passage de 9 à 7 %) a été observée sur une période
de 3mois avec un simple régime (1 361 kcal) avant toute
mise en route d'un traitement médicamenteux [24]. Cet
effet des régimes s'épuise malheureusement avec le cours
de l'histoire naturelle de la maladie. Après quelques années
d'évolution, lorsque le patient est en multithérapie orale,
lerégime devient moins efficace. Chez les diabétiques de
type 2 qui nécessitent un traitement insulinique, la mise en
route de l'insulinothérapie conduit fréquemment à une prise
despoids supplémentaire chez des sujets qui sont déjà obèses.
Ainsi, il est communément admis qu'une chute moyenne
de1 % de l'HbA1c sous traitement insulinique chez un dia-
bétique de type 2 entraîne une prise de poids moyenne de
0002065801.INDD 94 1/23/2014 9:43:29 AM
Chapitre 6. Mesures hygiénodiététiques etétats diabétiques 95
l'ordre de 2 kg [5]. Cet effet doit inciter le médecin qui ini-
tie le traitement insulinique chez un diabétique de type 2 à
renforcer les mesures diététiques pour que la prise de poids
reste modeste. Pour avoir ignoré ce principe, certains théra-
peutes se trouvent confrontés à une spirale « infernale » avec
prise de poids excessive suivie d'une augmentation des doses
d'insuline laquelle conduit à son tour à une aggravation de la
surcharge pondérale. Le résultat est à terme la prise de plu-
sieurs dizaines de kilogrammes et l'administration de doses
d'insuline dépassant largement 1 unité/kg de poids/jour [5].
Réduire les uctuations aiguës de la glycémie
Toutes les fluctuations aiguës et excessives de la glycémie
devraient être réduites car il a été démontré qu'elles activent
le stress oxydatif, qui est l'un des mécanismes conduisant
aux complications diabétiques [16]. Deux types de fluc-
tuations doivent être envisagés : les pics hyperglycémiques
aigus qui surviennent en général après les repas et les des-
centes glycémiques excessives qui peuvent conduire à des
épisodes hypoglycémiques plus ou moins sévères à distance
des repas.
Réduire les excursions glycémiques postprandiales
Chez les diabétiques de type 1, les montées glycémiques post-
prandiales sont souvent imprévisibles. En effet, des repas
comparables par la quantité et la nature des glucides apportés
peuvent conduire à des excursions glycémiquespostpran-
diales très différentes sur la même journée et d'un jour à
l'autre. Ainsi, dans le diabète de type 1, il est difficile de
déduire des règles générales pour contrôler les montées
glycémiques postprandiales. Pourtant deux anomalies sont
plus fréquemment observées que les autres : en premier lieu
les glycémies après le petit déjeuner sont souvent plus fortes
qu'après les deux autres repas. Cette anomalie correspond au
phénomène de l'aube et à son prolongement sur la période
matinale [25]. Commune aux diabètes de type 1 et 2, elle
est sous la dépendance d'une exagération de la production
hépatique de glucose en fin de nuit, relayée par l'absorption
des glucides alimentaires du petit déjeuner. En second lieu,
la montée glycémique qui suit le dîner, même si elle n'est pas
excessive, se poursuit pendant une grande partie de la nuit.
L'absence d'activité physique après le dîner est la principale
cause qui conduit à cette anomalie. Ces deux observations
ont pour conséquence pratique d'inciter les patients diabé-
tiques de type 1 à être particulièrement vigilants sur la quan-
tité et la nature des hydrates de carbone qu'ils consomment
au petit déjeuner et au dîner.
Chez les diabétiques de type 2, les excursions glycémiques
postprandiales sont beaucoup plus reproductibles dans le
cadre d'une alimentation normale avec trois repas par jour
avec la répartition suivante : 10 à 20 % des glucides au petit
déjeuner et 40 à 45 % aux repas de midi et du soir. Le petit
déjeuner est en général le repas le plus hyperglycémiant de
la journée. Comme dans le diabète de type 1, les phéno-
mènes de l'aube et de l'aube prolongée sont responsables de
cette dérive excessive de la glycémie dans la période qui suit
le petit déjeuner [26]. Par ailleurs, dans l'histoire naturelle
du diabète de type 2, ce sont les glycémies postprandiales
quise détériorent en premier alors que la glycémie basale
ne se dégrade que dans un deuxième temps [26]. Chez les
patients dont l'HbA1c est inférieure à 7,3 %, les glycémies
postprandiales contribuent à plus de 70 % à l'hyperglycémie
globale [27]. Cette contribution diminue lorsque l'HbA1c
augmente. Chez les diabétiques dont l'HbA1c dépasse
10,2 %, l'hyperglycémie postprandiale ne représente que
30% de l'hyperglycémie globale. La conclusion de ces
observations est que toutes les montées glycémiques post-
prandiales doivent être contrôlées chez tous les diabétiques
de type 2 avec une mention plus particulière pour les diabé-
tiques dont l'HbA1c est comprise entre 6,5 et 8 % et pour les
dérives glycémiques qui suivent le petit déjeuner puisqu'elles
sont prédominantes [26]. Les moyens nutritionnels pour
atteindre ces objectifs sont au nombre de quatre [28].
Agir sur la quantité de glucides ingérés
àchaquerepas
La charge prandiale conditionne en partie la montée gly-
mique postprandiale [29]. À titre d'exemple, une portion de
pain blanc apportant 50 g de glucides entraîne une réponse
glycémique deux fois plus forte que celle obtenue avec une
demi-portion de pain blanc apportant 25 g de glucides. Ces
faits plaident d'une part pour une limitation et une quan-
tification de l'apport en hydrates de carbone au cours de
la journée (40 à 50 % de l'apport calorique total, avec une
moyenne souhaitable de l'ordre de 45 %) et d'autre part pour
un étalement de l'apport glucidique en respectant les trois
repas quotidiens. En général, et comme nous l'avons indiq
plus haut, la répartition des glucides est de 10 à 20 % pour
le petit déjeuner et de 40 à 45 % pour les repas de midi et
du soir.
Agir sur la nature des hydrates de carbone
Depuis les travaux de Jenkins [9], il est maintenant bien
démontré que des quantités identiques d'hydrates de carbone
contenues dans des aliments différents peuvent conduire à
des réponses hyperglycémiques très variables. L'index gly-
mique reste à ce jour la méthode de référence [30] pour esti-
mer le pouvoir hyperglycémiant d'un aliment ou d'un repas
glucidique par rapport à un « standard » qui dans la majorité
des cas est constitué par une charge orale de 50 g de glucides
sous forme de pain blanc. Dans ces conditions, les aliments
peuvent être classés en fonction de la valeur de leur index
glycémique. Bien que l'index glycémique soit critiquable, on
peut considérer avec Jenkins [9] que sa reproductibilité est
suffisante pour permettre de donner des conseils en clinique
courante. Les recommandations classiques pour limiter les
montées glycémiques postprandiales consistent à privilégier
la consommation d'aliments ayant des index glycémiques
faibles. Ainsi la majorité des apports glucidiques devrait être
assurée par des féculents (riz, pâtes, légumes secs), du lait, des
fruits ou des légumes. En revanche, la consommation de pain
devrait être contrôlée, car son pouvoir hyperglycémiant est
voisin de celui du saccharose. La consommation d'aliments
contenant des glucides très hyperglycémiants ne doit pas être
interdite chez le diabétique mais il est préférable de rester
dans des limites raisonnables. Les pâtisseries ou confiseries ne
doivent être consommées que de manière occasionnelle. De
manière plus générale, il est préférable d'éviter la consomma-
tion d'aliments à fort pouvoir hyperglycémiant aux moments
de la journée où les dérives hyperglycémiques sont les plus
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