Offre de thèse : Intégrer les facteurs sociologiques et écologiques

Offre de thèse : Intégrer les facteurs sociologiques et écologiques pour l’étude de la connectivité fonctionnelle
dans un hydrosystème : le cas du castor dans la vallée de la Sambre (Nord).
Projet de recherche
Ce projet de recherche doctoral s’inscrit dans l’ensemble des travaux visant à mieux comprendre les interrelations
entre les sociétés humaines et la biodiversité. Il s’inscrit définitivement dans une démarche interdisciplinaire
associant sciences de la nature et sciences humaines.
Cadre général
La Région Nord-Pas-de-Calais est un Socio-Eco-Système fortement anthropisé. Une urbanisation importante, une
industrialisation ancienne, une agriculture hautement productive ont fortement modifié les milieux (Hautekèete et al.
2014). Néanmoins, au cours des dernières décennies, la qualité environnementale de certains habitats s’est
sensiblement améliorée, autorisant un certain optimisme quant aux retours de quelques espèces emblématiques.
Cependant, la réinstallation pérenne d’une espèce ne dépend pas uniquement de la qualité écologique de son habitat.
De nombreuses pratiques sociales influencent et compromettent éventuellement la pérennité de ces installations :
compétition pour une ressource (bois, espaces, etc.), gestions des impacts sur la production agricole ou forestière, sur
les débits des rivières, destructions ou piégeages des individus…
Le retour spontanée d’une espèce emblématique n’est pas toujours possible en particulier dans un territoire
hétérogène et fragmenté. Dans la mesure où le retour de cette espèce constitue un enjeux écologique et politique fort,
on peut envisager des translocations d’individus pour une (ré)introduction. Dans un Socio-Eco-Système, l’analyse des
conditions de réussite ou d’échec d’une (ré)introduction nécessite alors de considérer, avec une égale attention, les
facteurs écologiques et les facteurs humains impliqués dans l’écologie de l’espèce considérée.
Ce projet de recherche doctorale s’appuie sur une volonté affirmée du Conseil Régional du Nord-Pas-de-Calais de
réintroduire le Castor (Castor fiber Linnaeus) dans la région. Il repose sur deux objectifs principaux. Le premier est
scientifique, le second opérationnel. L’objectif scientifique est de mieux comprendre les interactions entre, d’une
part, les facteurs sociaux et, d’autre part, les facteurs écologiques qui conditionnent le retour, dans des milieux très
anthropisés, d’espèces facilement visibles de par leur renommée, leur taille ou leurs impacts sur les milieux. La
région Nord-Pas-de-Calais ayant confirmé sa volonté de réinstaller le Castor sur le territoire du Parc Naturel de
l’Avesnois, l’objectif opérationnel est de fournir au Conseil Régional un outil de médiation permettant de favoriser
l’acceptation du retour de cette espèce dans la région. Ces objectifs s’articulent autour d’une analyse fonctionnelle
des structures spatiales liées aux facteurs sociaux et écologiques impliqués dans l’accueil, l’installation et la diffusion
du Castor dans des Socio-Eco-Système très anthropisés.
Problème posé
Après leur régression et leur quasi-extinction en France au début du 20ème siècle, les populations de castor sont
aujourd’hui dans une phase de recolonisation. Cette recolonisation est le résultat de nombreuses politiques de
translocation menées en Europe et en France en particulier depuis la première moitié du 20ème siècle (Véron, 1992).
Aujourd’hui, le Castor reste encore absent de la Région Nord-Pas-de-Calais, d’où il a disparu depuis la fin du 19ème
siècle. Des milieux susceptibles d’accueillir cette espèce dans la région Nord-Pas-de-Calais ont cependant été
identifiés. Dans ces espaces l’amélioration progressive de la qualité des hydrosystèmes est avérée. Cependant, deux
incertitudes pèsent sur le succès du retour du Castor dans ce territoire.
La première concerne la qualité des réseaux écologiques. Le retour spontané d’une espèce ou l’installation durable de
populations réintroduites sont déterminés par la qualité du réseau écologique. Autoroute, barrage hydroélectrique,
zone densément construite sont autant d’obstacles identifiés pour l’extension des aires de distribution d’animaux
sauvages. Mais au-delà de ces obstacles évidents à la dispersion, l’identification des corridors écologiques nécessite
de prendre en compte plus largement les éléments de paysage, et tout d’abord les connectivités structurelles et
fonctionnelles des habitats (Foltête et al. 2012, van Looy et al. 2014). Il s’agira ici d’étudier la connectivité
fonctionnelle sur le bassin versant de la Sambre (PNR Avesnois).
La seconde a trait à l’acceptation, par les acteurs locaux, gestionnaires directs ou indirects de ces territoires, de
l’arrivée de ces nouveaux venus. En effet, les castors sont susceptibles d’interférer positivement ou négativement,
avec différentes pratiques humaines localisées. Leur alimentation peut impacter la sylviculture (populiculture
notamment), l’arboriculture (pommiers, poiriers) ou certaines cultures (maïs en particulier) dont les parcelles sont à
proximité des cours d’eaux. La construction de barrages, en surélevant le niveau d’eau, peut créer des zones humides
favorables à l’équilibre global de l’écosystème aquatique mais aussi ennoyer certaines parcelles riveraines des cours
d’eau. L’eau stockée dans les annexes hydrauliques créées par les barrages, favorise le rechargement des nappes,
propriété non négligeable dans un contexte de changement climatique, en particulier pour l’agriculture de vallées. Ces
barrages sont aussi des aménagements naturels permettant de réguler les crues (Nyssen et al,2011) et limiter la
vulnérabilité des établissements humains situés à l’aval. La construction de terrier peu fragiliser les berges (Nolet et
Rosell 1997). La présence et la visibilité des animaux peuvent être une ressource territoriale valorisée pour la
promotion environnementale de territoires ou d’activités récréatives. Ainsi les activités humaines, les représentations
du castor et l’acceptation des incidences de sa présence sur le devenir des territoires et des activités qui s’y déploient
peuvent être des facteurs importants qui conditionnent le retour de cet animal dans des espaces déjà très anthropisés.
Cet aspect est d’autant plus important que le piégeage et la destruction des individus sont relativement aisés dans les
petits cours d’eau. Ainsi, la littérature technique consacrée aux translocations de castor insiste sur la nécessité de
composer avec les populations humaines locales pour assurer la réussite de l’opération (Catusse et Dubrulle 2013),
mais sans introduire la dimension territoriale qui constitue un des enjeux majeurs de la thèse.
Face à ces constats, nous nous interrogeons sur les modalités d’articulation entre les facteurs écologiques et humains
dans une double perspective. La première est de comprendre cette articulation par une analyse spatiale des paramètres
écologiques et sociologiques. Cette perspective interroge non seulement les modalités d’articulation de ces facteurs
mais aussi celles de leur identification et de leurs appréciations/formalisation (qualitatives et quantitatives). Ce travail
parie sur une interaction entre écologie et sciences humaines au profit d’une meilleure compréhension des
dynamiques de la biodiversité. Il s’appuie sur une modestie des représentants des deux champs disciplinaires engagés
dans le projet Castor qui s’accordent sur le fait que ni l’un ni l’autre ne peut, seul, décrire et analyser ces processus.
La seconde perspective est celle de la construction d’un outil de médiation territorial permettant d’anticiper les
réactions des acteurs locaux à l’arrivée du castor dans leurs territoires. Au-delà de cette fonction descriptive, cet outil
devrait servir à l’identification des ressorts nécessaires à la construction de modalité de gestion collective de l’arrivée
du castor en supportant une concertation impliquant les principales parties prenantes locales.
Objectif
L’originalité de ce projet sera donc de combiner les facteurs naturels et les facteurs humains pour dessiner les cartes
des corridors écologiques qui décrivent la connectivité fonctionnelle des hydrosystèmes du bassin versant de la
Sambre. Le premier objectif est d’identifier les facteurs naturels (qualités et connectivité structurelle des habitats) et
anthropiques (activités et représentations) favorables ou défavorables au retour du Castor. Ces facteurs seront projetés
dans le bassin versant de la Sambre. Ceci permettra de dresser une carte révélant les réseaux de corridors rivulaires le
long desquels le déplacement des animaux est possible et les verrous sociaux ou écologiques qui obèrent leur
dispersion. Notre deuxième objectif est de simuler l’évolution des comportements des différents usagers des cours
d’eau face à l’arrivée possible de ces espèces.
Ce travail sera réalisé à partir d’une collaboration étroite entre écologues et spécialistes des sciences sociales. Il
devrait permettre de construire un jeu de simulations en tenant compte de trois dimensions rarement mobilisées dans
ce type d’opération : les caractéristiques écologiques des populations animales et des milieux, les caractéristiques des
populations humaines (pratiques et usages des cours d’eau, modes de vie) et la distribution géographique des
différents lieux de ces interactions.
Ce projet repose donc sur quatre phases.
(1) L’identification, à partir de l’analyse des expériences de translocation/recolonisation des bassins versants dans les
territoires voisins, comme celui de la Meuse (Ruys, 2009), des facteurs écologiques et des facteurs sociaux qui ont
permis ou empêché la réussite de ces translocations.
(2) Formalisation de ces facteurs en descripteurs (qualitatifs ou quantitatifs) et intégration de ces descripteurs en un
modèle unique articulant les dimensions écologiques et sociales.
(3) L’application de ce modèle au bassin versant de la Sambre (PNR Avesnois) à partir d’une description de ce
territoire permettant de proposer une première cartographie des connectivités fonctionnelles pour le castor tenant
compte à la fois de la qualité des milieux et des pratiques et représentations humaines. Il existe d’ors et déjà une base
de données disponibles pour ce secteur géographique (SIG du Conseil Régional, rapport BIOTOPE 2011).
(4) Cette cartographie sera proposée aux acteurs locaux lors d’ateliers collectifs pour (a) corriger des éventuels
erreurs dues à la transposition sur un territoire particulier d’un modèle générique, mais surtout (b) suivre les
processus locaux de co-construction des conditions d’accueil du castor en invitant les acteurs locaux à échanger,
partager leurs points de vue et, éventuellement, à faire évoluer leurs représentations et pratiques en vue d’une plus
grande prise en compte de la biodiversité dans leur territoire.
Collaborations prévues
Outre une inscription dans le laboratoire d’accueil, spécialisé en écologie : unité Evo-Eco-paléo (ex-GEPV) de
l’université Lille 1, la doctorante ou le doctorant sera amené à collaborer étroitement avec des équipes
de sciences humaines (UMR 7206 Eco-anthropologie et ethnobiologie du MNHN ; le laboratoire Territoires,
Villes, Environnement et Société TVES de l’Université de Lille 1),
d’analyse spatiale (Laboratoire Cultures, Arts, Littératures, Histoire, Imaginaires, Sociétés, Territoires,
Environnement CALHISTE de l’Université de Valenciennes et du Hainaut,
de spécialistes d’hydroécologie des cours d’eau (Pôle hydroécologie cours d’eau, Onema-IRSTEA Lyon-UR
MALY),
d’écologie numérique (Laboratoire Génie Civil et geo-Environnement (LGCgE), Université des Sciences et
Technologies de Lille),
avec le bureau d’Etude BIOTOPE (Agence Nord) ou des acteurs opérationnels tels que le Conservatoire
Faunistique Régional du Nord-Pas-de-Calais ou le PNR de l’Avesnois.
Compétences et aptitudes requises
Pour conduire ce travail, la doctorante ou le doctorant devra témoigner d’une bonne connaissance des principes
fondamentaux de l’écologie et d’une ouverture aux sciences humaines. Il serait souhaitable qu’elle ou il puisse :
conduire des enquêtes auprès de différentes parties prenantes engagées dans des expériences passées de
translocation du Castor (compétence de Sciences Humaines)
analyser les facteurs écologiques impliqués dans la distribution du Castor (compétences en écologie)
intégrer les facteurs écologiques et les facteurs sociaux en un modèle unique (compétences en modélisation)
analyser la répartition et les dynamiques spatiales des différents facteurs identifiés (compétences en analyse
spatiale, système d’information géographique)
conduire des ateliers de concertation avec les acteurs locaux (compétence d’animation de collectif).
L’ensemble de ces compétences n’est bien sur pas nécessaires mais la capacité de les acquérir au cours de la thèse
devra être démontrée.
Informations pratiques
Début du contrat : 01/09/2015
Durée du contrat : 3 ans
Laboratoire d’affectation :
UMR 8198 Unité Evo-Eco-Paléo (EEP),
CNRS Université LILLE 1 Sciences et Technologies
59655 Villeneuve d’Ascq Cedex France
Rémunération nette mensuelle : Environ 1350 € avec possibilité à Lille 1, à partir de la deuxième année de thèse, de
faire la demande d’un avenant pédagogique au contrat doctoral (ex-monitorat).
Déroulement et calendrier de la procédure de recrutement
Le dossier de candidature comprendra :
Une argumentation (2 à 3 pages maximum) démontrant l’adéquation du candidat au projet de recherche proposé
(missions et compétences requises). Cette argumentation précisera, entre autre, le socle théorique maitrisé, les
expériences de recherche ou d’animation passées, les méthodologies suivies, les verrous à la réalisation de cette thèse
et les solutions envisagées pour les dépasser.
Un Curriculum Vitae détaillé (plusieurs pages possibles);
Le relevé de notes de Master 1 et celui du 1er semestre de Master 2 ;
Une lettre de recommandation de l’encadrant du mémoire de Master 2 ;
Une lettre de l’encadrant de Master attestant de la soutenance prochaine du/de la candidat(e) (avant le 31 août
2015).
La date limite d’envoi des dossiers de candidatures est fixée au 15 avril 2015 (inclus) à
Yves PIQUOT ;
Richard RAYMOND .
Les candidat(e)s doivent pouvoir se rendre disponible pour un entretien qui sera éventuellement proposé entre le 1
juin et le 30 juin 2015. Les candidat(e)s retenu(e)s après examen des dossiers (et éventuellement audition) seront
tenu(e)s informé(e)s des résultats à partir du 10 juillet 2015.
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