© Hervé Bellamy
Bernard Sobel
Christian Dietrich Grabbe
Hannibal
du 13 septembre au 4 octobre 2013
Représentations : mardi, jeudi 19h30, mercredi, vendredi, samedi 20h30, dimanche 15h, relâche lundi
Tarifs : 24 / 15 / 12 / 9
Réservation : sur place ou par téléphone au 01 41 32 26 26 / du mardi au samedi de 13h à 19h
ou billet[email protected] et en ligne sur : www.theatre2gennevilliers.com
Service de presse : Philippe Boulet 01 41 32 26 10 boulet@tgcdn.com
Bernard Sobel
Christian Dietrich Grabbe
Hannibal
du 13 septembre au 4 octobre
texte original, Christian Dietrich Grabbe
traduction et adaptation, Bernard Pautrat
mise en scène, Bernard Sobel
collaboration à la mise en scène, Michèle Raoul-Davis
décor, Lucio Fanti
costumes, coiffures et maquillages, Mina Ly
son, Bernard Vallery
lumière, Dominique Borrini
assistante à la mise en scène, Mirabelle Rousseau
assistante au décor et régie générale, Clémence Kazémi
assistante aux costumes, Isabel Fortin
avec
Sarah Amrous, Jacques Bonnaffé, Romain Brosseau, Eric Castex, Pierre-Alain Chapuis,
Laurent Charpentier, Simon Gauchet, Claude Guyonnet, Jean-Claude Jay, Yann Lefeivre,
Vincent Minne, Anaïs Muller, François-Xavier Phan, Tristan Rothhut, Gaëtan Vassart
Production Compagnie Bernard Sobel (compagnie aidée par le Ministère de la Culture et de la Communication / DGCA)
Coproduction Théâtre de Gennevilliers, centre dramatique national de création contemporaine, Théâtre Liberté-Toulon, Centre
dramatique national Orans/Loiret/Centre, Théâtre National de Strasbourg
Avec la participation du Théâtre National de Bretagne et le soutien de la Ville de Gennevilliers
La compagnie Bernard Sobel bénéficie du soutien de la Ville de Paris.
Le théâtre de Christian Dietrich Grabbe est édité aux éditions de LʼÂge dʼHomme.
en tournée :
10 au 19 octobre 2013 - Théâtre National de Strasbourg
22 et 23 novembre 2013 - Théâtre Liberté à Toulon
4, 5 6 décembre 2013 - CDN Orléans/Loiret/Centre
++
[vendredi 27 septembre 2013 à 18h au siège du PCF]
En partenariat avec le journal L'Humani
Comment penser l'avenir sans illusion ?
invités (sous réserve) : Bernard Sobel, Jean-Luc Nancy, Christophe Prochasson,
Judith Davis, Olivier Neveu, Patrice Loraux, Pierre Laurent.
PCF Espace Niemeyer 2 place du Colonel Fabien 75019 Paris
(entrée libre)
[samedi 28 septembre à 18h au T2G]
Rencontre philosophique : « Déjà-vu(s) : souvenirs du présent, futurs virtuels »
Emmanuel Alloa invite Elie During "en regard du spectacle de Bernard Sobel
(entrée libre sur réservation au 01 41 32 26 26 ou billetterie@tgcdn.com)
Le Théâtre de Gennevilliers est subventionpar le ministère de la Culture et de la Communication, la Ville de Gennevilliers et le
Conseil Général des Hauts-de-Seine.
Hannibal
Dans la pièce de Christian Dietrich Grabbe, Hannibal, le fameux général
carthaginois en guerre contre Rome, prévoit dès le début lʼissue fatale de ses
retentissants faits dʼarmes : après sa victoire à Cannes, viendra la défaite, il lui
faudra fuir et préparer sa sortie de scène, cʼest-à-dire son suicide. Pourtant, il
poursuit ses efforts, même sʼil les sait voués à lʼéchec, et refuse autant le
découragement quʼun espoir bercé dʼillusions. Grabbe, auteur encore méconnu, né
dans une petite ville dʼAllemagne où son père était gardien de prison, eut une vie
courte et malheureuse. Une seule de ses pièces fut jouée de son vivant. Dans
Hannibal, dont lʼaction se déroule en Italie, en Espagne, en Asie mineure et à
Carthage, il met en scène des événements tels que la chute de Numance,
lʼincendie de Carthage, les sacrifices humains à Moloch… une succession
dʼépisodes à la mesure, ou à la démesure de son héros.
Valérie Mréjen
Si lʼavenir est digne de vous, alors, bravo !
Sʼil ne lʼest pas, consolez-vous en vous disant que votre sacrifice en méritait un meilleur…
Christian Dietrich Grabbe, Napoléon ou les Cent-Jours, Acte V, scène 7
Il y aura encore une histoire après latre me si la tre, c'est-à-dire celle qui a commencé il y a deux ou
trois cents ans en Europe, nous apparaît aujourdʼhui, comme « fermée ». Mais cette histoire à venir est
imprévisible. Cʼest déjà un progrès dʼavoir renon à la prévoir pour nous consacrer à lʼexpliquer.
François Furet, Les chemins de la mélancolie
Nous, dans l'Histoire
Note dʼintention
J'aime chez Grabbe que l'Histoire, lointaine ou proche,
soit sa matière poétique, non comme un refuge contre
le présent, mais pour mieux le comprendre.
J'aime qu'il prenne la matière historique à bras le corps,
à l'échelle de l'Europe ou à celle de son équivalent pour
le monde antique, le bassin diterranéen. Mais c'est
une pensée qui vient d'en bas et du fond d'une prison,
celle dont son père était gardien et où il a grandi, dans
une petite ville de province dont il n'a pu s'échapper ; et
l'histoire des hommes est autant pour lui celles des
petits que des grands, celle du marchand de poisson et
celle du stratège génial, à égalité. Son œuvre abonde
de personnages aussi inoubliables que les fossoyeurs
d'Hamlet.
J'aime, dans nos époques faites de tsunamis
successifs, politiques, économiques, philosophiques,
écologiques, quand la survie même de lʼespèce et celle
de la planète sont en question, son refus de l'espérance
comme celui du désespoir, puisque de toute façon, au
présent, l'avenir est indécidable.
Le théâtre, toujours, en commençant par les Grecs,
frappe à cette porte mysrieuse du sens et du non-
sens.
Grabbe a inventé un outil qui sans mise en œuvre de
moyens extraordinaires nous permet de « voir » de
grands événements de l'histoire des hommes qui ont
moins besoin d'être montrés que donnés à réfléchir et à
comprendre. Grabbe prend l'Histoire, et même la très
grande Histoire, pour matière, il n'écrit pas de pièces
historiques, à la différence d'un Hugo ou même d'un
Schiller.
Et je n'hésiterai pas à dire de Grabbe qu'il est mon
contemporain, « absolument moderne » comme
Rimbaud, ayant forgé un théâtre qui dans son texte et
sa méthode nous permet d'affronter l'aléatoire de notre
univers et de notre condition.
Face à la mondialisation, au retour du religieux, à la
recherche de refuges « hors du monde », Grabbe est
aussi nécessaire quʼEschyle, toujours aussi
« moderne » que lui.
En 1929, Freud, réfléchissant sur ce qu'il qualifie de
Malaise dans la civilisation, cite « ... ce poète original
qui, en guise de consolation, en face d'une mort
librement choisie, fait dire à son héros : "Nous ne
pouvons choir de ce monde." » C'est une citation de
l'Hannibal de Grabbe (« Nous ne tomberons pas hors
du monde, puisque nous sommes dedans.») et ce n'est
certes pas un hasard. Ces paroles pour moi font écho à
cette phrase de Marx dans La Critique de la philosophie
du droit de Hegel : « L'exigence de se débarrasser des
illusions sur le sort qui nous est dévolu n'est rien d'autre
que l'exigence de se débarrasser d'un état des choses
qui fait qu'on a besoin d'illusion. »
Oui, dit Grabbe, nous sommes dans ce monde et il n'y
en a pas d'autre. Il est impitoyable, sans nostalgie
comme sans illusions. Son théâtre rompt avec la
métaphysique, la morale et la psychologie. Il le fait
brutalement et va dans ce sens bien plus loin que
Büchner. Cela explique sans doute son moindre succès.
Grabbe a vécu une vie douloureuse et brève, dans une
époque de gueule de bois historique. Il aurait eu les
meilleures raisons du monde d'être désespéré. Il y a de
la fureur, de l'extravagance, du grotesque, dans sa vie
et dans son théâtre, mais jamais de tragédie, ou alors
c'est du « théâtre », le mauvais tâtre qu'il désigne
comme tel du lâche Prusias couvrant de son manteau
rouge le cadavre d'Hannibal, l'hôte qu'il a trahi.
Hannibal nous raconte la défaite d'un homme, la fin, la
destruction par le fer et le feu d'un monde, tout comme
Napoléon nous racontait l'apparente retombée des
peuples d'Europe dans les vieux esclavages à l'issue
de Waterloo. Familier de Shakespeare, auteur de la
Shakespearomania, l'histoire des hommes est pour lui
aussi « une histoire pleine de bruit et de fureur, ne
signifiant rien », et il affirme furieusement contre toute la
philosophie de l'Histoire de Hegel qu'il exècre
qu'elle n'a ni sens ni signification. Ce qui ne signifie
pourtant jamais qu'il faille renoncer à agir, baisser les
bras devant l'absurde. Il n'y a pas d'absurde chez
Grabbe, il y a des intérêts, de la lâcheté, de la bêtise,
de l'énergie, de la fatigue, de l'ambition, du grotesque,
des erreurs, de mauvais choix, mais ni absurde ni
tragique.
Grabbe nous raconte des histoires dont nous
connaissons l'issue. Il n'y a aucun suspense. Comme
les Tragiques grecs, il s'attache à montrer comment les
choses adviennent, le plus souvent en raison de
mauvais choix, d'erreur de jugement. Mais sans fatalité :
si les dirigeants de Carthage avaient compris plus tôt la
nécessité de soutenir Hannibal, s'ils avaient envoyé plus
tôt des renforts, si Hasdrubal n'avait pas commis l'erreur
de suivre le même chemin qu'Hannibal à travers les
Alpes, le cours de l'histoire eût été réellement différent...
Même le suicide d'Hannibal n'a rien de tragique en soi.
C'est Prusias qui fait d'Hannibal mort un personnage de
tragédie classique. Hannibal, lui, envisage son suicide,
dès le début de la pièce, comme une issue ultime et
raisonnable. Et je pense à cette flexion de Jean-Pierre
Vernant, dont je ne sais plus d'où elle vient mais qui
m'avait frappé et que j'avais notée: « Voici donc une
solution à la condition humaine : trouver par la mort le
moyen de dépasser cette condition humaine, vaincre la
mort par la mort elle-même, en lui donnant un sens
qu'elle n'a pas, dont elle est absolument dénuée. »
En quelques mots un peu trop long, voilà pourquoi
vouloir aujourd'hui monter Grabbe, auteur allemand
toujours quasi inconnu dubut du XIXè siècle,
contemporain sans succès de Büchner, un raté, un
furieux alcoolique mort à 35 ans, auteur de sept pièces
dont quatre inachevées et toutes réputées injouables.
Et monter qui plus est Hannibal, une pièce dont l'action
se déplace d'Italie en Espagne, de Carthage jusqu'en
Asie mineure entre le second et le premier siècle avant
J.-C., qui met en scène, outre les sacrifices humains à
Moloch, la chute de Numance et l'incendie de Carthage.
Et puis « merdre » comme disait notre bon Jarry qui lui
au moins a pris la peine de traduire Plaisanterie, satire,
ironie et signification plus profonde de notre original.
Bernard Sobel, mars 2012
A propos dʼHannibal
Hannibal nʼest pas une pièce historique ; même si la matière de lʼœuvre est celle du conflit qui opposa à lʼéchelle
du monde de lʼépoque Rome et Carthage entre le IIè et le Ier siècle avant Jésus-Christ ; même si Grabbe suit le
parcours du principal protagoniste de ce conflit, Hannibal, le général carthaginois qui fit trembler Rome, de sa
victoire à Cannes sur les Romains à sa fuite et son suicide en Bithynie.
Les libertés que prend Grabbe avec la réalité historique, la synthèse quʼil opère sur les événements, les
personnages, la chronologie, alors même quʼil en a parfaitement connaissance, traduisent clairement son projet :
comme avec Napoléon ou les Cent-Jours, revenir sur les événements qui, de lʼEspagne à la Russie, ont secoué
lʼEurope de son enfance et de son adolescence. Après un passé tout proche, ce détour par lʼantiquité, loin dʼêtre
un refuge contre un présent décevant, est la prise de distance qui lui permet de mieux le réfléchir et le
comprendre.
Grabbe a une pensée de lʼhistoire. Mais il nʼécrit pas de traités dʼéconomie politique ni de grandes synthèses
théoriques. Matières mortes et vaines, il nʼa pour elles que mépris. Il utilise le moyen du théâtre, du poème
dramatique, pour, de façon vivante, réfléchir, méditer, en philosophe et en stratège autant quʼen poète, sur cette
matière dont il a été et continue dʼêtre moin, lʼimpérialisme, la conscience ou lʼabsence de conscience nationale,
le sens de lʼÉtat, le jeu des intérêts et, plus généralement, sur lʼhomme dans lʼhistoire, le rôle des peuples, celui
des grandes individualités.
Lʼépoque est sombre. Après Waterloo, la réaction triomphe apparemment partout en Europe. Le monde ressemble
beaucoup à la prédiction de Napoléon : une morne retombée dans les vieux esclavages. Le réveil des peuples, les
espérances de libération et dʼunité nationale, tout semble bien loin désormais. Les intérêts privés priment, semble-
t-il, partout.
Et Grabbe lui-même, malgré la reconnaissance et le soutien de quelques-uns, a échoué à faire reconnaître son
génie. Il est presque arrivé au terme de sa courte vie. Mais la grandeur de cet homme et de son œuvre, cʼest que
lʼéchec apparent, lʼabsence totale dʼillusions ne le conduisent pas, non plus que son personnage, au renoncement.
Il éructe, grince des dents, ironise ; il ne désespère pas et va au bout du possible.
Dès le début de la pièce, alors même quʼil vient de remporter une victoire peut-être décisive sur les Romains,
Hannibal, chez Grabbe, sait que la défaite et la mort sont au bout de son chemin et dès ce moment il prépare sa
sortie de scène, son suicide. Et pourtant cette conscience de lʼéchec quasi certain ne lʼempêche pas de faire tout
ce quʼil est humainement possible pour triompher.
Comme son personnage, Grabbe refuse et le désespoir et lʼespérance, lʼun et lʼautre clairement désignés comme
des illusions. Il continue de faire ce quʼil a à faire, écrire, et sans repli sur lui-même, sans souci dʼun avenir
indécidable il ne croit ni en des lendemains qui chantent ni en aucun au-delà , il persévère sans renoncer à
aucune de ses ambitions. Lʼéchec, pour Grabbe, ne rend pas lʼeffort dérisoire.
Cette attitude est aujourdʼhui plus que jamais exemplaire.
Michèle Raoul-Davis
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