PROGRAMME
LA CRUCHE
CASSÉE
FARCE SATIRIQUE
DE HEINRICH VON KLEIST
DU 29/01 AU 23/02/08
GRANDE SALLE
En 1805, Kleist commet une farce foudroyante, La Cruche cassée, la grande comé-
die du répertoire allemand…
Adam, juge peu scrupuleux d'un village de la très bourbeuse province d'Utrecht, est
inspecté par le très sévère Conseiller de Justice. En ce jour d'audiences publiques, il
se trouve contraint d'instruire le procès de sa propre faute (une visite nocturne sulfu-
reuse chez la jeune Eve).
Dans ce procès, le juge est le coupable, la jubilation du spectateur réside dans
l'observation des efforts démoniaques que le juge déploie pour détourner le soup-
çon de lui-même.
Nous monterons l'instruction réjouissante de cette rencontre nocturne du juge
Adam et de la petite Eve, et la chute qui s'ensuivit… dans le même éclat de rire
allègre, avec lequel Kleist raconte sa propre histoire du monde, notre monde et sa
cocasse genèse, comme un fait divers grotesque et sulfureux.
Frédéric Bélier-Garcia
C'est en 1802 que Heinrich von Kleist entreprit d'écrire La Cruche cassée, sa seule
comédie : elle lui fut inspirée par une gravure de Le Beau qu'il décrit ainsi : « On y
remarquait tout d'abord un juge siégeant gravement au tribunal; devant lui se
trouvait une vieille femme qui tenait en main une cruche cassée et semblait faire la
preuve des torts qu'elle avait subis, l'accusé, un jeune paysan que le juge apostro-
phait avec violence, comme si sa culpabilité était établie, se défendait encore, mais
faiblement; une jeune fille qui avait vraisemblablement témoigné en cette affaire
(car qui sait à quelle occasion le délit avait été commis ?) se tenait entre sa mère et
son fiancé en tortillant son tablier - on ne peut avoir une mine plus défaite après
avoir porté un faux témoignage - ; et le greffier (il avait peut-être regardé la jeune
fille peu avant) jetait maintenant sur le juge le regard soupçonneux que Créon jetait
sur Oedipe dans une semblable occasion ».
COMME UN FAIT DIVERS
UN ŒDIPE COMIQUE
LA CRUCHE CASSÉE
DE HEINRICH VON KLEIST
FARCE SATIRIQUE
DU 29/01 AU 23/02/08
A 20H30 RELÂCHES DIMANCHES ET LUNDIS
GRANDE SALLE – THÉÂTRE LE PUBLIC
RÉSERVATIONS:
0800/944 44
www.theatrelepublic.be
Avec CHRISTELLE CORNIL (Louise), NOÉMIE DUJARDIN (Eve), EMMANUEL GUILLAUME
(Ruprecht), JAN HAMMENECKER (Adam), FRANCIS LEPLAY (Walter), DAVID MIGEOT
(Lumière), AGNÈS PONTIER (Dame Brigitte) et LAURENCE ROY (Dame Marthe)
Adaptation ARTHUR ADAMOV
Mise en scène FRÉDÉRIC BÉLIER-GARCIA
Assisté de CAROLINE GONCE
Décor JACQUES GABEL
Son ANITA PRAZ
Lumière FRANCK THÉVENON
Costumes CATHERINE LETERRIER
Maquillage CATHERINE NICOLAS
Habilleuse LUCIE GUILPIN
Régie plateau KATIA THUIA ET AXEL PRUD'HOMME
Construction décor ATELIERS DE DÉCORS MUNICIPAUX DE LA VILLE D'ANGERS (FABRICE
BOISTAULT, JOËL CHARRUAU, PIERRE LEROY) ET LE GRAND T
Régie SAMIR GUENNOUN et LOUIS-PHILIPPE DUQUESNE
Direction technique PIERRE MOCKEL
Photos du programme SOLANGE ABAZIOU
COPRODUCTION NOUVEAU THÉÂTRE D'ANGERS / CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL PAYS DE LA LOIRE /
THÉÂTRE ROYAL DE NAMUR, COMÉDIE DE PICARDIE, AVEC LA COLLABORATION DE LA COMPAGNIE DES
PETITES HEURES ET DU GRAND T - SCÈNE CONVENTIONNÉE DE LOIRE-ATLANTIQUE
CRÉATION
Il s'agit là, on le voit, moins d'une description que d'une interprétation poétique; en
fait, le sujet de la gravure est un des sujets les plus banals, les plus habituels du
dix-huitième siècle français, mais Kleist y transporte son obsession majeure: celle
de la justice, ou plus exactement du justicier confondu par la justice même qu'il est
tenu de faire respecter.
Un tel sujet n'avait jusqu'alors été traité (et par Kleist lui-même) que sur le mode
tragique. Comment Kleist a-t-il fait du juge Adam un œdipe comique ? D'abord en
donnant à la culpabilité un caractère dérisoire : Oedipe, en tuant son père et en
épousant sa mère, attire sur la cité la malédiction des dieux ; Adam, lui, a simple-
ment tenté de séduire une petite paysanne et s'apprête à condamner injustement
un jeune homme fort niais, et sa faute n'aura de fâcheuses conséquences que pour
lui. Il n'est pas jusqu'à l'infirmité d'Oedipe qui ne soit prêtée au juge Adam, mais elle
devient un grotesque et pitoyable pied bot.
De plus, Adam, contrairement à Oedipe, se sait coupable, et le drame ne réside pas
pour lui dans la découverte de cette faute par les autres. Le spectateur accordera,
tout au plus, à ce vieillard libidineux (dont certains aspects, de l'aveu même de
Kleist, ne sont pas sans rappeler le Tartuffe de Molière) une pitié méprisante. Enfin,
comble de dérision, ce personnage borné, sans grandeur, porte le nom du premier
coupable de l'humanité dont il n'a même pas pu reproduire la faute : le juge Adam a
seulement désiré Eve, et son désir, malgré les voies tortueuses qu'il a empruntées,
n'a pas été satisfait.
Traitant dans sa comédie un thème bien connu, Kleist l’a néanmoins construite
selon sa manière propre, celle que l’on retrouve, portée à la perfection dans La
Marquise d'O. Un fait est posé: le jugement. Ce jugement sert de pivot à l'action qui
progresse de façon circulaire, le rappel d'un acte déjà accompli entraînant une
découverte fragmentaire de la vérité, jusqu'à ce que rappels et découvertes forment
autour du coupable un cercle de plus en plus étroit, de plus en plus rigoureux, dont
le centre devient intenable.
Le mérite exceptionnel de la pièce consiste sans doute dans l'art précis, mathémati-
que, avec lequel Kleist a su faire intervenir, alternativement, les quelques éléments
accusateurs (cruche, perruque, pied bot, etc.), chacun de ces éléments apparaissant
d'abord comme une menace, puis comme une chance de salut, pour venir finale-
ment prendre une juste place dans le puzzle parfait que redoutait le juge Adam.(...)
Il est temps que l'on reconnaisse dans le juge Adam, une des premières incarna-
tions, sinon la première, du héros moderne, coupable et sordide, et pourtant
appelé, par la situation centrale qu'il occupe, à la destruction absolue, celle qui n'a
pas la gloire pour contrepartie.
Arthur Adamov
Heinrich von Kleist naît le 18 octobre 1777 à Francfort-sur-l’Oder. Fils aîné d'un
capitaine d'état-major, il entre dans l'armée à Potsdam à l'âge de 15 ans. A 20 ans, il
est lieutenant, mais il abandonne la carrière militaire en 1799 pour étudier à l'univer-
sité de Francfort. Après une première tragédie (La Famille Schroffenstein), il écrit La
Cruche cassée, que Goethe mettra en scène en 1808, mais la pièce ne remportera
pas le succès escompté. Durant une période de désespoir, il détruit le manuscrit de
Robert Guiscard. Il voyage dans divers pays d'Europe. En 1807, après la victoire de
Napoléon (à qui il voue une haine profonde), il est soupçonné d'espionnage et incar-
céré par les français pour quelques mois au fort de Joux. Il travaille encore sur des
nouvelles (La Marquise d'O), publie des journaux (Phébus et le Berliner Abendblatter),
et écrit ses plus grandes pièces, qu'il ne verra jamais représentées de son vivant.
Après l'échec de sa dernière pièce (Le Prince de Hombourg), il signe un pacte de
suicide avec sa compagne Henriette Vogel, atteinte d'un cancer. Le 21 novembre
1811, il se suicide au bord du lac de Wannsee près de Potsdam, après avoir tiré sur
elle.
Durant les dix années de sa vie active, Heinrich von Kleist fut incroyablement
productif : sept pièces, plus une inachevée; huit nouvelles en deux volumes
(Erzählungen, 1810-1811); des essais sur l'art et la littérature, des textes journalisti-
ques et de la poésie. Son œuvre paradoxale, ambiguë et souvent provocante, reflète
les conflits entre conscience individuelle et société. La quête de l'absolu est l'unique
toile de fond de sa vie publique, littéraire et privée.
La nature lui avait donné plus de ses « ingrédients » qu'un seul homme n'en peut
supporter pour une seule vie; ainsi de l'abondance naquit la lutte; le dosage était trop
fort et devint foison. Il y avait chez Kleist infiniment plus de ces forces et de ces
humeurs que la faible enveloppe d'un corps terrestre n'en peut contenir, ce fut sa
fatalité. Aussi devait-il éclater comme une chaudière surchauffée: son démon n'était
pas l'absence de mesure, mais la démesure.
Stefan Zweig, Le Combat avec le démon
HEINRICH VON KLEIST
Un fait historique sur lequel, au demeurant, il ne me fut possible de découvrir aucun
renseignement, est vraisemblablement à l'origine de cette comédie. Une estampe,
vue il y a quelques années en Suisse, m'en a fourni la trame.
On y voyait d'abord un juge, l'air grave, trônant sur son siège, et, devant lui, une
vieille femme portant une cruche cassée, laquelle semblait clamer l'injustice dont
elle avait pâti ; l'accusé, un jeune paysan que le juge admonestait vertement, conti-
nuait à se défendre, bien que fort mollement; une jeune fille, qui sans doute avait
témoigné en cette affaire (car nul n'est informé des circonstances du délit), triturait
son tablier, debout entre sa mère et son fiancé; l'auteur d'un faux témoignage
n'aurait eu physionomie plus contrite; le greffier quant à lui (peut-être, l'instant
d'avant, avait-il regardé la jeune fille) observait le juge d'un air suspicieux, comme
Créon sans doute avait regardé Œdipe en situation analogue. Au-dessous était écrit
La cruche cassée. L'original, ce me semble, était d'un maître hollandais*.
Heinrich von Kleist
* il s'agit d'une estampe de Le Beau datant de 1782 (d'après un tableau disparu de Debucourt), dont Kleist a eu connais-
sance lors d'un voyage en Suisse en 1802.
UN FAIT HISTORIQUE
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