Mise au point
Les immunomodulateurs dans les maladies
systémiques en réanimation médicale :
aspects pratiques et perspectives thérapeutiques
Immunosuppressive agents in systemic diseases:
a critical care perspective
J. Sibilia
Service de rhumatologie, CHU de Strasbourg, EA 3432 université Louis-Pasteur, 1, avenue Molière, 67098 Strasbourg cedex, France
Résumé
Les affections systémiques inflammatoires sont malgré leur rareté une préoccupation pour le réanimateur médical. En effet, elles peuvent être
àlorigine de défaillances viscérales graves ; justifier dun traitement en urgence et devenir fatales en quelques heures. En pratique, le réanima-
teur est confronté à deux cas de figures concernant les immunosuppresseurs : 1) il doit connaître le maniement de certains dentre eux car il est
susceptible de les prescrire en urgence ; 2) il doit connaître aussi ceux quil ne prescrira pas, mais dont il est susceptible de devoir gérer les effets
indésirables (anti-TNF, rituximab). Lobjectif de cette revue est de décrire les aspects pratiques de lutilisation des immunosuppresseurs classi-
ques et de présenter les perspectives thérapeutiques, en particulier les nouveaux biomédicaments immunomodulateurs.
© 2005 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Systemic diseases, although rare, might become life threatening and require intensive care management. Indeed, specific organ failure can
indicate emergency immunosuppressive agents. In addition, infectious or toxic side effects of immunosuppressive agents need to be known as to
adequately manage patients with such complications. This review describes practical aspects on the use of immunosuppressive agents, as well as
therapeutic perspectives, in particular with the future use of bio medications and therapeutic immunomodulation.
© 2005 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Insuffisance rénale ; Immunosuppresseurs ; Corticoïdes ; Anti-TNF-α; Rituximab ; Immunomudulation
Keywords: Acute renal failure; Immunosuppressive agents; Steroids; Anti-TNF-α; Rituximab; Immunomudulation
Les affections systémiques inflammatoires sont malgré leur
rareté une préoccupation pour le réanimateur médical et cela
pour trois raisons :
ce sont des affections souvent sévères qui peuvent mener le
patient en réanimation. Lefficacité de la stratégie diagnos-
tique va être déterminante dans le pronostic fonctionnel et
vital de ces affections ;
ces affections justifient non seulement des mesures réanima-
toires « symptomatiques » mais aussi un traitement étiolo-
gique rapide qui peut être un immunosuppresseur ou un im-
munomodulateur. Ce traitement peut-être parfois débuté
dans le service de réanimation ;
des patients de plus en plus nombreux, atteints de maladie
systémiques inflammatoires sont traités par immunosuppres-
seurs classiques, mais aussi par des immunomodulateurs
http://france.elsevier.com/direct/REAURG/
Réanimation 14 (2005) 629640
Adresse e-mail : [email protected] (J. Sibilia).
1624-0693 /$ - see front matter © 2005 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.reaurg.2005.09.022
« modernes ». Ces traitements ont parfois des complications
sévères qui vont justifier leur hospitalisation en réanimation
médicale.
En pratique, le réanimateur est confronté à deux cas de fi-
gures concernant les immunosuppresseurs :
il doit connaître le maniement de certains dentre eux car
il est susceptible de les prescrire chez des patients at-
teints de maladie inflammatoire hospitalisés pour une
complication de leur maladie ;
il doit connaître ceux quil ne prescrira pas, mais dont il
est susceptible de devoir gérer les effets indésirables.
Cest le cas des nouvelles biothérapies (anti-TNF, rituxi-
mab) et de nombreux nouveaux biomédicaments en
cours dévaluation.
Lobjectif de cette revue est de décrire les aspects pratiques
de lutilisation des immunosuppresseurs classiques et de pré-
senter les perspectives thérapeutiques, en particulier les nou-
veaux biomédicaments immunomodulateurs.
1. Les immunosuppresseurs utilisés en réanimation
Certaines situations durgence peuvent justifier lutilisation
dimmunosuppresseurs en réanimation médicale dans les mala-
dies systémiques inflammatoires. Il sagit habituellement de
complications cardiopulmonaires, rénales, neurologiques ou
hématologiques (cytopénie) observées dans des affections
comme le lupus, les vascularites, les polymyosites, les scléro-
dermies ou la polyarthrite rhumatoïde...
Schématiquement, il existe deux situations différentes :
soit ces complications sont révélatrices dune affection in-
flammatoire, ce qui justifie que le réanimateur puisse mener,
avec des correspondants initiés, un bilan étiologique rapide ;
soit ces complications surviennent au cours dune maladie
déjà connue souvent traitée par immunosuppresseurs, ce qui
nécessite de savoir rapidement sil sagit dune complication
iatrogène ou dune poussée de la maladie.
Quoiquil en soit, il est important pour ces malades « fragi-
les » dagir le plus vite possible pour leur permettre de sortir
rapidement de réanimation. Pour cela, le réanimateur est sus-
ceptible dutiliser en urgence des immunosuppresseurs pour
contrôler une poussée de la maladie. Il sagit dimmunosup-
presseurs « classiques » : les corticoïdes, le cyclophosphamide,
les immunoglobulines intraveineuses (Ig IV), les plasmaphérè-
ses et aphérèses.
1.1. Les corticoïdes
Les corticoïdes restent limmunosuppresseur le plus utilisé
en urgence en cas de poussée dune maladie inflammatoire sys-
témique.
1.1.1. Quelles sont leurs indications ?
Ils peuvent être indiqués dans toute maladie inflammatoire
systémique menaçant le pronostic vital ou fonctionnel. Classi-
quement, il sagit le plus souvent :
dune atteinte rénale, pulmonaire, neurologique, cardiaque
ou hématologique dun lupus ;
dune complication rénale et pulmonaire ou digestive, dune
vascularite systémique ;
dune complication respiratoire dune polymyosite ;
dune complication systémique dune polyarthrite rhuma-
toïde (vascularite rhumatoïde) ;
dune atteinte pneumorénale dun syndrome de Goodpas-
ture.
Les complications thrombotiques dun syndrome des anti-
phospholipides primaire ou associé à une affection systémique
posent un problème particulier. Dans ce cas, le traitement im-
munosuppresseur par corticoïdes nest justifié quen cas das-
sociation avec une affection systémique inflammatoire. Sil
sagit dun syndrome des antiphospholipides primaires, le trai-
tement durgence repose sur une anticoagulation (éventuelle-
ment avec une antiagrégation) efficace associée si besoin à
des mesures immunomodulatrices (plasmaphérèses ou immu-
noglobulines intraveineuses). Il sagit dune situation très spé-
cifique qui sera abordée dans un autre chapitre.
1.1.2. Quelles sont les modalités dadministration en urgence ?
En urgence, les corticoïdes sadministrent essentiellement
par voie intraveineuse sous la forme de bolus de méthylpredni-
solone. Les expériences avec dautres corticoïdes IV (en parti-
culier le Soludécadron) sont beaucoup plus limitées.
1.1.3. Quelle est la « bonne » dose ?
Habituellement, en cas durgence, il est fréquent dadminis-
trer 1 g de méthylprednisolone par jour souvent pendant trois
jours daffilée en petite perfusion de 20 à 30 minutes. En fait,
la dose optimale nest pas connue [1]. Quelques essais compa-
ratifs nont pas permis de déterminer la dose optimale. Shipley
et al. ont comparé chez 71 patients ladministration en bolus de
40, 500 et 1000 mg de méthylprednisolone IV [2]. Ils ont ob-
servé une durée daction plus longue de la dose de 1000 mg,
mais lefficacité biologique était identique dans les trois grou-
pes. Certains se limitent à ladministration dune dose unique
de1g;dautres ont proposé ladministration d1 g pendant
trois jours consécutifs ou pendant trois jours alternés (à j1, j3,
j5) [3]. En pratique de réanimation, il est assez logique habi-
tuellement dutiliser ces bolus à la dose de 500 mg à 1 g un à
trois jours daffilée. Cela doit être adapté à chaque situation en
tenant compte du rapport bénéfice/risque de ce traitement.
1.1.4. Ces bolus doivent-ils être répétés ?
Lefficacité à court terme est importante et la fréquence de
réadministration nest pas connue. Quoi quil en soit, en cas
dinefficacité dun bolus initial, il ny a pas dintérêt démontré
à répéter ladministration intraveineuse dans les jours qui sui-
J. Sibilia / Réanimation 14 (2005) 629640630
vent. Parfois, en cas de maladie inflammatoire sévère, ces bo-
lus sont répétés mensuellement pendant deux à six mois. En
fait, sauf cas particulier, ces bolus ne devraient être utilisés
quinitialement permettant d« attendre » que sinstalle leffica-
cité du traitement immunosuppresseur.
1.1.5. Quelle est leur efficacité ?
Lefficacité clinique et biologique des bolus est souvent
nette et rapide. Cependant, il existe certainement des mécanis-
mes de résistance aux corticoïdes dont limportance est difficile
à mesurer [4,5]. Un des points dintérêt actuels, est de savoir si
les nouveaux immunosuppresseurs comme les anti-TNF per-
mettraient de remplacer les perfusions de Solumédrol
®
.Ilny
a pas de réponse définitive à cette question, mais dans une
étude randomisée récente, Durez et al. ont comparé lefficacité
de bolus de méthylprednisolone (3 × 1 g) à ladministration
danti-TNF (Infliximab 3 mg/kg) chez des patients atteints de
polyarthrite rhumatoïde sévère et active [6]. Ce travail a dé-
montré la très nette supériorité de lanti-TNF sur les paramètres
cliniques et biologiques. Dans lavenir, il sera très intéressant
dévaluer cette stratégie dans dautres situations (vascularites,
myosites...)
1.1.6. Quels sont les risques des bolus de méthylprednisolone ?
Smith et al. ont décrit 14 % (68 cas sur 480 patients) def-
fets indésirables mineurs et 2 % (dix cas sur 480) deffets in-
désirables sévères [7]. Les problèmes les plus sévères sont car-
diovasculaires (poussée hypertensive, infarctus du myocarde)
et infectieux. Ces effets indésirables sévères justifient un cer-
tain nombre de commentaires :
les risques dangor, dinfarctus et de mort subite sont obser-
vés surtout chez les sujets greffés, mais également dans les
affections systémiques. Ces complications pourraient être
favorisées par lexistence dune dyskaliémie préalable faci-
litant lapparition de troubles du rythme, surtout quand la
perfusion de Solumédrol
®
est rapide (inférieure à 20 mi-
nutes). Ce risque est amplifié en cas de diabète ;
les corticoïdes intraveineux sont possiblement thrombogè-
nes, surtout quand il existe une atteinte vasculaire inflamma-
toire (vascularite). Cette complication nest pas documentée,
mais lanticoagulation prophylactique est utilisée par diffé-
rentes équipes. Dans ce contexte, il faut également signaler
que la méthylprednisolone intraveineuse peut avoir un effet
sur la pharmacocinétique des antivitamines K. Chez des pa-
tients anticoagulés, la perfusion de méthylprednisolone peut
allonger significativement lINR en moyenne de 2,7 [23,8]
avant la perfusion, puis de 8 [5,320] après la perfusion.
Lallongement maximum est observé en moyenne à la 92
e
heure [8] ;
le risque infectieux existe surtout en cas dinfection latente
ou dassociation avec les immunosuppresseurs ;
les risques digestifs, en particulier dhémorragie gastroduo-
dénale, sont possibles avec les corticoïdes et sont accrus par
la prise concomitante danti-inflammatoire non stéroïdien
ou daspirine faible dose.
1.2. Le cyclophosphamide
En réanimation, la molécule la plus fréquemment utilisée est
le cyclophosphamide (Endoxan
®
) qui reste une référence en
cas de complication inflammatoire sévère dune maladie systé-
mique.
1.2.1. Quelles sont les indications ?
Cette molécule est essentiellement indiquée dans différentes
circonstances :
les complications sévères (atteinte rénale, neurologique, hé-
matologique) du lupus [9,10] ;
les vascularites sévères (granulomatose de Wegener...) ;
les autres complications viscérales (surtout rénales, cardia-
ques, rénales, neurologiques, hématologiques) dautres ma-
ladies systémiques.
1.2.2. Quelles sont les modalités dadministration en urgence ?
En réanimation, le cyclophosphamide nest administré que
par voie intraveineuse (en bolus) habituellement à la dose ini-
tiale de 0,7 g/m
2
IV. Cette dose va être adaptée en fonction de
létat physiologique du patient, en particulier de sa fonction
rénale et du risque hématologique [10]. Dans certaines situa-
tions comme les néphropathies lupiques et, les fomérulonéphri-
tes récrosantes pauci-immunes, après des expériences à fortes
doses « répétées », la tendance actuelle est à réduire les doses
et la durée du traitement pour réduire les complications iatro-
gènes [11].
Le cyclophosphamide, en cas de complication viscérale in-
flammatoire sévère (lupus, vascularite) peut être débuté en réa-
nimation combinée à des bolus de méthylprednisolone ou syn-
chronisé avec des plasmaphérèses. En cas de nécessité, les
perfusions peuvent être effectuées de façon à approcher à j15,
puis j30 et toutes les trois à quatre semaines (selon la tolérance
hématologique) afin dobtenir un effet immunosuppresseur
plus rapide et plus puissant.
1.2.3. Quelle est lefficacité de ce traitement ?
Le cyclophosphamide na pas une efficacité immédiate. Son
efficacité sinstalle plutôt deux à quatre semaines après la pre-
mière perfusion (dans les protocoles de perfusions rapprochées
j0, j15, j30) et saffirme plus tardivement vers la huitième se-
maine. Ce traitement ne peut donc pas être considéré comme
un traitement aigu de la première poussée, ce qui justifie de le
combiner initialement, en cas de nécessité, à des perfusions de
méthylprednisolone IV ou une forte corticothérapie per os [12].
1.2.4. Quels sont les risques ?
Les immunosuppresseurs ont des risques communs (infec-
tieux, cancérogènes et tératogènes) et des risques spécifiques :
le risque infectieux du cyclophosphamide est bien docu-
menté. Il sagit dinfections bactériennes classiques, mais
surtout dinfections opportunistes virales, parasitaires ou
fongiques. Il existe un risque de pneumocystose pulmonaire
J. Sibilia / Réanimation 14 (2005) 629640 631
et de toxoplasmose viscérale, justifiant la vérification du sta-
tut sérologique contre la toxoplasmose et, en cas dimmuno-
suppression prolongée, la prescription en prophylaxie pri-
maire de Bactrim Fort
®
(1 cp tous les deux jours). Cette
prophylaxie est indispensable dans les vascularites systémi-
ques (granulomatose de Wegener, périartérite noueuse) car
il semble exister un risque dinfection opportuniste plus im-
portante dans ces affections ;
le cyclophosphamide expose aussi à un risque tératogène,
comme dautres immunosuppresseurs. Il ne faut pas oublier
chez une femme jeune, de sassurer de labsence de gros-
sesse évolutive (non connue) avant la prescription du traite-
ment. Lautre risque est celui de linduction dune stérilité
qui survient après une dose cumulée de cyclophosphamide
variable selon lâge de la patiente [13]. Ce point est impor-
tant car pour limiter ce risque, il est indispensable de blo-
quer lovulation par une hormonothérapie adaptée (estrogé-
noprogestatifs, analogues de la LHRH) et éventuellement
de proposer une cryoconservation dovules ou dovaire.
Chez lhomme, une conservation du sperme doit aussi être
discutée ;
le risque de lymphome et de cancer solide est aussi lié à la
dose cumulative. Ce risque est faible pour une dose cumulée
inférieure à 15 g. Néanmoins, il existe un risque particulier
pour luroépithélium justifiant des mesures de cytoprotec-
tion par la perfusion préalable de Mesna [9] ;
le risque de toxicité hématologique justifie aussi la surveil-
lance stricte de lhémogramme avec une adaptation des doses
en fonction du nadir de polynucléaires après la perfusion. Il
existe peut-être, comme avec lazathioprine, un métabolisme
individuel, mais pour linstant il nest pas connu.
1.3. Les autres immunosuppresseurs : azathioprine,
hydroxychloroquine, cyclosporine, tacrolimus, méthotrexate,
léflunomide, acide mycophénolique, disulone, dérivés thiolés,
sels dor
Généralement, il ny a pas de justification à débuter ces trai-
tements en réanimation. Il sagit habituellement soit de traite-
ments dinduction de formes de gravité intermédiaire (exemple,
mycophénolate mofetil dans les néphropathies lupiques), soit
de traitements destinés à maintenir une rémission [1422] :
beaucoup de ces substances nont pas été évaluées par des
études contrôlées randomisées en raison de la rareté des in-
dications, en dehors de quelques exceptions comme le my-
cophénolate mofetil dans les néphropathies glomérulaires du
lupus [10,14,15]. Cela explique que ces molécules nont
souvent pas dautorisation de mise sur le marché (AMM)
ou des AMM très restreintes ;
le risque de ces molécules immunomodulatrices « classiques »
est assez bien connu car certaines sont utilisées depuis long-
temps souvent en hématologie et chez les greffés. Certaines
dentre elles ne sont pratiquement plus utilisées en raison de
leur risque carcinologique (Chloraminophène
®
) ou de leur
toxicité (sels dor, dérivés thiolés). Néanmoins, il reste quel-
ques indications très particulières, comme par exemple les
amyloses AA des affections inflammatoires rebelles qui peu-
vent bénéficier dun traitement par Chloraminophène
®
. Les
indications et les risques relatifs des principales molécules
sont décrites dans le Tableau 1. Elles doivent être connues
du réanimateur car différentes complications iatrogènes peu-
vent mener le patient en réanimation médicale.
1.4. Les immunoglobulines intraveineuses polyvalentes (Ig IV)
Les Ig IV sont des préparations thérapeutiques dimmunoglo-
bulines G humaines obtenues à partir de pools de plasma pro-
venant de plus de 1000 individus sains. Il sagit quasi exclusi-
vement dIgG intactes dune demi-vie de trois à quatre semaines
avec une répartition des sous-types (IgG 1, 2, 3, 4) semblable à
celle observée dans les sérums humains normaux [23,24]. Elles
doivent répondre aux normes recommandées par la pharmaco-
pée européenne et contenir moins de 5 % dIgG agrégées, de 0 à
7 % de fragments FabdIgG et, selon les préparations commer-
ciales, de 0,06 à 40 mg dIgA/g de protéine. Ces Ig IV ont un
large spectre de réactivité dirigé contre des antigènes exogènes
(viraux et bactériens), des autoantigènes (autoanticorps naturels)
et des anticorps (anticorps anti-idiotypes). Ils agissent dans de
nombreuses affections auto-immunes et inflammatoires par des
mécanismes immunomodulateurs variés [24].
1.4.1. Quelles sont les indications ?
Schématiquement, il existe 2 types dindications :
les substitutions en cas de déficits humoraux acquis (ex. :
myélome) ou congénitaux ;
les affections inflammatoires dysimmunitaires particulière-
ment les maladies auto-immunes.
Les indications thérapeutiques des Ig IV sont classées par le
CEDIT (Commission dévaluation et de diffusion des innova-
tions technologiquesAssistance publique des hôpitaux de Pa-
ris) (Tableau 2). Le CEDIT propose :
des indications reconnues (groupe 1) définies par des études
thérapeutiques prospectives randomisées ou des études non
contrôlées dans des pathologies très rares ;
des indications en cours dévaluation (groupe 2) fondées sur
des études non contrôlées ;
des indications non reconnues (groupe 3).
Dans les maladies auto-immunes, les Ig IV sont une option
thérapeutique très intéressante. En réanimation, ce traitement
peut se justifier dans différentes circonstances, en particulier
en cas de cytopénies auto-immunes, de syndromes danticoa-
gulation acquis par autoanticorps, daffections neurologiques
(myasthénie, syndrome de Guillain-Barré), de myopathies in-
flammatoires auto-immunes non contrôlées, de certaines com-
plications du lupus (cytopénies, érythroblastopénies), dun syn-
drome des antiphospholipides ou dune vascularite systémique
rebelle [2631].
J. Sibilia / Réanimation 14 (2005) 629640632
1.4.2. Quelles sont les modalités dadministration ?
Les Ig IV sont administrées exclusivement par voie intravei-
neuse, mais chez certains patients traités au long cours (notam-
ment dans les déficits immunitaires humoraux primitifs) la voie
sous-cutanée peut être proposée. Ladministration par voie
sous-cutanée requiert des modalités spécifiques de dosage et
dentretien administré par une pompe dont on régule le débit.
Récemment, il a été proposé deffectuer les IgIv (IV ou SC) à
domicile, après une éducation préalable. Cette modalité peut
améliorer la qualité de vie.
1.4.3. Quelle est la bonne dose ?
La dose administrée dépend de lindication :
dans les déficits immunitaires humoraux primitifs, la dose
est de 0,6 à 0,8 g/kg de poids toutes les trois à quatre se-
maines chez ladulte, ce qui doit permettre de maintenir un
taux résiduel dIgG sérique de 5 à 8 g/l [25] ;
dans les maladies auto-immunes, les Ig IV sont habituelle-
ment administrées à la dose de 0,8 à 1 g/kg de poids par
jour pendant deux jours [23].
1.4.4. Quelle est lefficacité des Ig IV ?
Les Ig IV ont une action anti-inflammatoire puissante et ra-
pide, notamment par la modulation du système du complément,
de la libération de cytokines et de lexpression des récepteurs
des fragments Fc des IgG à la surface des macrophages. Ces Ig
IV ont également une action immunomodulatrice prolongée
liée à dautres mécanismes daction [24].
1.4.5. Quels sont les risques ?
Les Ig IV sont en règle générale remarquablement bien to-
lérées, mais quelques effets indésirables ont été décrits :
des céphalées, un flush, des douleurs dorsales basses, des
nausées ou un wheezing sont souvent associées à une vitesse
de perfusion trop rapide et cessent avec la réduction du dé-
bit de perfusion ;
des chocs anaphylactiques chez les patients déficitaires en
IgA (ayant des anticorps anti-IgA disotype IgE et/ou IgG)
sont possibles, mais cela est très rare, ne survenant presque
exclusivement quau cours des déficits immunitaires humo-
raux de type commun variable. Dans ce cas, lutilisation de
Tableau 1
Principales indications et précautions demploi des immunosuppresseurs classiques
Produits Indications Autorisation de mise sur le marché Contre-indicationsprécautions demploi
Méthotrexate (Novatrex
®
) Polyarthrite rhumatoïde Polyarthrite rhumatoïde Grossesse et allaitement
a
Rhumatisme psoriasique Psoriasis de ladulte Insuffisance rénale, respiratoire
Spondylarthropathie ou hépatique sévère
Myopathies inflammatoires Infection évolutive
Lupus systémique, maladie de Still Cytopénie profonde
Vasculites « Horton, Wegener»
Psoriasis
D-pénicillamine Sclérodermie systémique Affection hématologique
(Trolovol
®
) Polyarthrite rhumatoïde Néphropathie évolutive
Tiopronine Dermatose évolutive ou eczéma
(Acadione
®
) Lupus, myasthénie
Allergie aux b-lactamines
Hydroxychloroquine Polyarthrite rhumatoïde Polyarthrite rhumatoïde et autres Rétinopathie
(Plaquenil
®
) Lupus systémique et cutané manifestations inflammatoires Grossesse et allaitement
a
chroniques Insuffisance hépatique ou rénale
Lupus sévère
Azathioprine Polyarthrite rhumatoïde Maladies auto-immunes Grossesse et allaitement
a
(Imurel
®
) Rhumatisme psoriasique Insuffisance hépatique ou rénale
Lupus systémique sévère
Myopathie inflammatoire Infection évolutive
Maladie de Behçet Cytopénie sévère
Autres maladies auto-immunes Affections malignes
Cyclosporine Polyarthrite rhumatoïde Polyarthrite rhumatoïde HTA, insuffisance rénale
(Neoral
®
) Rhumatisme psoriasique Syndrome néphrotique Infections mal contrôlées
Uvéite sévère Uvéite sévère Précautions demploi avec certains
Myopathie inflammatoire Psoriasis sévère médicaments (diurétique, doxycycline,
Lupus systémique Dermatite atopique macrolides, kéraconazole, Ampho B,
Sclérodermie, Maladie de Behçet estrogénoprogestatifs
Leflunomide Polyarthrite rhumatoïde Polyarthrite rhumatoïde de ladulte Infections sévères, grossesse, allaitement
a
(Arava
®
) Lupus systémique Cytopénies, affections hépatiques
Insuffisance rénale, déficits immunitaires
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