312 Partie 3 – La concurrence pure et parfaite : offre et équilibre
de baisse de la quantité de poisson vendue, accentuant la baisse initiale. Une analyse
en équilibre partiel surestimerait l’effet d’une nouvelle taxe sur le prix. Dans l’exemple
précédent avec un bien substituable, c’était l’inverse : l’effet aurait été sous-estimé en
équilibre partiel par rapport à l’équilibre général.
On peut dès à présent noter que le résultat obtenu en équilibre général est très différent de
celui auquel on aurait abouti en équilibre partiel. Au lieu de regarder l’offre et la demande
d’un seul bien, les prix et quantités d’équilibre général s’obtiennent en considérant
simultanément les prix et quantités des autres biens. En d’autres termes, le niveau d’offre
et de demande de chaque bien tient compte de celui de tous les autres biens. On voit dès
maintenant que, pour Nmarchés, il nous faudra résoudre un système à 2Néquations,
une par offre et demande agrégée pour chaque marché.
Un exemple d’interdépendance : les aides au logement
Au chapitre précédent, nous avions vu l’effet des aides au logement dont l’impact
inflationniste sur les loyers a été établi par plusieurs études en France, celle de Gabrielle
Fack (« Are Housing Benefit an Effective Way to Redistribute Income? Evidence from a
Natural Experiment in France », Labour Economics, Elsevier, vol. 13, n˚ 6, p. 747-771,
décembre 2006) et plus récemment celle de Céline Grislain-Letrémy et Corentin
Trevien (« The Impact of Housing Subsidies on Rental Sector », présentation au
séminaire du département d’économie de Sciences Po, 4 avril 2014). Cet effet est
certainement la conséquence d’une offre peu élastiquedelogementslocatifsetd’une
subvention à la demande dans un cadre d’équilibre partiel. Mais il existe aussi des
effets d’équilibre général.
En effet, l’augmentation de la demande de logement sur le marché locatif a au moins
deux effets. D’une part, en favorisant le marché locatif, celle-ci diminue la demande
de logement à l’achat-vente et conduit donc à diminuer le prix de vente sur le marché
immobilier. Pour nuancer ce premier effet, il faut cependant savoir que les aides au
logement sont aussi disponibles pour les propriétaires dits accédants, qui peuvent
financer une partie de leur emprunt immobilier par l’aide au logement. Rares sont
cependant les ménages acquéreurs qui y sont aussi éligibles. Toujours est-il que la
baisse du prix de l’immobilier impliquée par les aides au logement contribue à réduire
légèrement la demande de marché locatif.
D’autre part, il se peut que, dans les municipalités où les loyers augmentent, la
demande de logement social s’accroisse fortement. C’est notamment le cas en région
parisienne, où les délais d’obtention d’un logement social sont notoirement très élevés
(voir Alain Trannoy et Étienne Wasmer, « La politique du logement locatif », note
n˚ 10 du CAE, octobre 2013). Dans certaines municipalités, cela conduit à augmenter
l’offre de logement social, ce qui réduit d’autant la demande sur le marché locatif privé
et atténue l’effet initial de hausse des loyers dans le parc privé. Cela étant, il est assez
vraisemblable que l’augmentation de l’offre du secteur social se fasse au détriment de
l’offre du secteur privé, à la location et à la vente, avec des effets potentiels d’éviction
“doc” (Col. : Wasmer) — 2014/8/25 — 13:30 — page 312 — #328
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© 2014 Pearson France – Principes de Microéconomie, 2e – Etienne Wasmer