Mal-traitance

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Jérôme Pellissier – « Robinson et Vendredi »,
in Yves Gineste (dir.), Silence, on frappe… De la maltraitance à la bientraitance en institution (éditions Animagine, 2004)
ROBINSON ET VENDREDI
« Mal-traitance »
Des contraintes et des limites, nous en vivons tous quotidiennement. Elles imposent à notre
liberté de s’arrêter où commence celle d’autrui ; elles déterminent les règles de la vie en
société et en collectivité ; elles nous donnent des droits mais également des devoirs et
empêchent normalement les animaux sociaux que nous sommes de se conduire sauvagement
dans le seul but de satisfaire, au mépris des autres, leurs seuls plaisirs et désirs. Il n’est sans
doute pas inutile de rappeler que la contrainte et la frustration, tant qu’elles restent dans les
limites du pacte social, font partie de la réalité de toute vie.
Des contraintes, limites et frustrations, les vieux en vivent de nombreuses. Parce qu’ils
doivent faire face, en vieillissant, à des changements qui les obligent à faire le deuil d’une
certaine forme de toute-puissance physique et psychique, de certains rôles sociaux, d’une
image de soi conforme aux modèles esthétiques du moment.
Mal-aimés d’une société adolescentophile aussi angoissée par son propre vieillissement
qu’obsédée par l’efficacité, la vitesse et la rentabilité, les vieux portent également les
stigmates qu’elle leur inflige. Ceux-ci rendent difficile la préparation et le vécu de cette étape
de leur vie qu’on leur dépeint presque systématiquement comme synonyme de déchéance et
d’inutilité.
Les vieux subissent enfin les conséquences conjuguées d’une indifférence collective, d’un
manque de volonté politique et d’une idéologie libérale qui ont conduit notre pays à être
incapable de proposer à tous ceux qui en ont besoin de bonnes conditions de vie, d’aide ou de
soin. Une longue histoire d’ignorance des spécificités du vieillissement et des personnes âgées
rend de surcroît nombre d’aides et de soins peu efficaces, quand ils ne sont pas nuisibles.
Les vieux sont donc, globalement, mal traités. C’est-à-dire qu’ils ne sont pas traités comme
pourrait le faire une société riche, censée respecter le triple principe qui l’a fondée : de liberté,
qui garantit que la tyrannie imposée ne se substitue pas aux contraintes nécessaires ; d’égalité,
qui garantit la compensation sociale des inégalités naturelles ; de fraternité, qui garantit à ceux
qui peuvent le moins le soutien de ceux qui peuvent le plus.
Cette « mal-traitance »-là, nous en subissons tous les conséquences : à cause d’elle, certains
individus vieillissants sont exclus du monde du travail ; à cause d’elle, la perspective de la
vieillesse effraie au point de conduire parfois au rejet de soi-même ; à cause d’elle, de
nombreux services et établissements ne possèdent pas les moyens nécessaires pour répondre
convenablement aux besoins.
Cette « mal-traitance »-là, nous en subissons tous les conséquences, mais n’oublions jamais
que ceux d’entre nous qui, en raison de leur âge, de handicaps, de maladies, de traumatismes,
etc., vivent dans un état de fragilité ou de vulnérabilité, la subissent encore plus fortement –
parce qu’ils n’ont ni la même capacité de défense que les autres, ni la même force de
résistance, ni le même pouvoir de résilience.
Pour eux, cette « mal-traitance »-là, si nous n’y prenons garde, est un considérable facteur de
risque de maltraitance. C’est pourquoi il est important, face à cette « mal-traitance » qui nous
touche tous, d’en partager la connaissance et le vécu. Chacun d’entre nous, qu’il soit malade
ou non, résident d’une maison de retraite, fils ou fille d’un résident, soignant ou intervenant,
est capable de comprendre que certaines contraintes – humaines, budgétaires, matérielles – ne
permettent pas toujours de réaliser le soin parfait dans un environnement humain et matériel
parfait. Le savoir, ce n’est pas admettre et se soumettre : c’est distinguer le réel de l’idéal,
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Jérôme Pellissier – « Robinson et Vendredi »,
in Yves Gineste (dir.), Silence, on frappe… De la maltraitance à la bientraitance en institution (éditions Animagine, 2004)
c’est, dans le réel, distinguer le tolérable de l’inacceptable1. Partager ce savoir, c’est créer la
force commune pour tenter de changer la situation. C’est également permettre à l’acte de soin
de se réaliser le moins mal possible, parce qu’à ces contraintes ne s’ajouteront pas la
frustration du soignant, le ressentiment de la famille, l’incompréhension du patient.
Frontières
Nous touchons peut-être là l’une des frontières qui séparent la « mal-traitance » de la
maltraitance. Prenons le manque de personnels (explication – voire excuse – à de nombreux
actes maltraitants) : un nombre réellement insuffisant de personnels conduit par exemple un
soignant à mettre une couche à une vieille personne continente. Est-il « mal-traitant » ou
maltraitant ?
Où placer la frontière ? La notion de partage que nous avons évoquée apporte peut-être une
piste de réponse. Si le soignant qui accomplit cet acte le fait silencieusement, en ne
fournissant à la personne aucune explication, en lui donnant une explication mensongère (« Si
vous allez aux toilettes, vous allez tomber ! »), ou en lui intimant l’ordre de faire dans sa
couche, il se place du côté de la maltraitance. S’il accomplit cet acte en expliquant à la
personne qu’il sait bien qu’elle n’est pas incontinente mais que, malheureusement, il ne
pourra probablement pas être disponible pour l’accompagner aux toilettes au moment où elle
le souhaitera, etc., il reste peut-être du côté d’une « mal-traitance » qu’il ne peut éviter. Parce
qu’il partage avec la personne le fait de subir des contraintes, car ils en subissent tous les
deux, au lieu de reproduire sur elle, grossier de sa propre impuissance, la « mal-traitance »
professionnelle qu’il subit.
Soulignons néanmoins que la prolongation dans le temps de cette pratique, par ce soignant,
son équipe, son établissement, sous le regard des familles, etc., parce qu’elle revient à ne pas
lutter pour qu’elle cesse, à transformer un bricolage en norme, à inscrire cette pratique dans
l’ordre naturel des choses, devient une maltraitance. Et l’on sait à quel point, dans nos
institutions, nombreuses sont ainsi les maltraitances qui ne sont que des solutions d’urgence
ou des arrangements temporaires enkystées et normalisées, que plus personne ne perçoit donc
comme telles.
Précisons également que le partage n’est pas une solution, encore moins une acceptation.
Mais tant que ces contraintes existeront, car elles ne disparaîtront pas immédiatement, il
permet peut-être de ne pas transformer une situation de « mal-traitance » en un acte de
maltraitance. Car, et nous y reviendrons, la position qu’occupe le vieux résident par rapport au
soignant n’est pas la même que celle qu’occupe le soignant par rapport à l’institution et à la
société. Là où le soignant est « mal-traité » dans son travail et son rôle, le vieux est maltraité
dans son corps et dans son esprit. Là où le soignant vit une situation professionnelle difficile,
le vieux endure une situation de vie difficile. Là où l’un risque le découragement, l’autre
risque le désespoir. Là où l’un peut en arriver à désirer quitter son travail, l’autre peut en
arriver à désirer quitter la vie. Là où l’un peut toujours, par son énergie, son courage, grâce à
ses collègues, ses amis, sa famille, partager le poids des difficultés, l’autre est le plus souvent
seul. Là où l’un risque d’abord de reporter sur le résident la violence qu’il subit, l’autre risque
surtout de reproduire sur lui-même la violence qu’on lui fait subir.
Ne serait-ce pas alors aussi la difficulté, comme la noblesse, du métier de soignant, quand ses
conditions de travail sont difficiles, de tout faire pour que le résident en subisse le moins
possible les conséquences ?
Cette frontière entre « maltraitance » et « mal-traitance » n’est pas très loin de celle, évoquée
dans ce livre, qui sépare la force de la violence, la contrainte de la tyrannie2. Il existe des
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situations où l’état d’une personne, qu’elle ait 3 ans ou 85 ans, implique le recours à la force
(entendue comme puissance physique, intellectuelle ou morale) ou à la contrainte, c’est-à-dire
à une puissance et à une forme de pression nécessaires pour accomplir un soin. Mais
précisons : ce recours n’est légitime que si le soin obéit à une nécessité et si tout a été
entrepris pour informer la personne du sens du soin et pour négocier ce soin avec elle. Sinon,
en effet, la force se transforme en violence (historiquement, « abus de la force ») et la
contrainte en tyrannie (« abus de pouvoir »).
Dans certaines situations, y compris de soin, chacun d’entre nous accepte de prendre appui,
pour se remettre ou se soigner, sur la force d’un autre. Comme chaque parent accepte
d’utiliser sa force pour fortifier son enfant. Mais il suffit parfois de peu de choses, une trop
longue absence de force, un trop violent excès de force, pour détruire. Où situer la frontière ?
Pour le savoir, il faudrait délimiter un peu ce territoire qu’elle est censé entourer, autrement
dit essayer de comprendre ce que recouvre ce terme de « maltraitance » que j’ai d’abord
employé, comme la quasi totalité de ceux qui l’emploient depuis sa création, sans chercher à
le définir…
Car il faut bien avouer que la « maltraitance » figure en haute place sur le podium de ces mots
que nous utilisons couramment mais dont la définition se dérobe dès qu’on nous la demande.
Pourtant, nous l’appliquons très aisément sur certains actes. Mais, malheureusement, pas sur
les mêmes.
Pour l’un, c’est un soignant qui frappe un résident, pour l’autre, c’est un soignant qui tutoie un
résident ; pour l’un, c’est aussi un résident qui insulte un soignant, pour l’autre, un soignant
qui en frappe un autre ; pour l’un, elle est exceptionnelle ; pour l’autre, elle est partout ; pour
l’un elle ne doit pas sortir de l’institution ou de la famille ; pour l’autre elle est du seul ressort
de la justice…
Maltraitance
Sans doute est-il nécessaire, pour éviter que la notion, à tout vouloir dire, finisse par ne plus
rien dire du tout, d’en restreindre l’usage à un certain type d’actes ou de situations. Quelques
exemples nous aiderons à les déterminer.
Si un automobiliste coléreux en frappe un autre, on parlera de « coups et blessures ». Si un
cambrioleur s’empare du portefeuille d’un inconnu, on parlera de « vol ». Si un infirmier
frappe ou vole un résident, on parlera volontiers de maltraitance.
Si un inconnu frappe et blesse un enfant dans la rue, on parlera de « coups et blessures ». Si
son père le frappe et le blesse, on parlera volontiers de maltraitance.
Parlera-t-on de maltraitance si une vieille femme se fait insulter dans la rue par un jeune
homme ? Probablement pas. On parlera d’impolitesse, de manque de respect, de goujaterie, de
bêtise. Si c’est un employé d’hôtel qui insulte une cliente âgée ? On évoquera en plus la faute
professionnelle. Si c’est un soignant qui insulte un résident âgée ? On parlera volontiers de
maltraitance (notons qu’il s’agit aussi d’un manque de respect et d’une faute professionnelle).
Autrement dit, on utilisera le terme de « maltraitance » à partir du moment où :
La personne maltraitée est faible ou vulnérable.
C’est d’ailleurs précisément parce que les victimes de mauvais traitements ou de sévices ne
sont pas « en mesure de se protéger » que le législateur, nous le verrons, a inclus dans la code
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pénal l’obligation pour qui constate ces sévices ou mauvais traitements d’en informer les
autorités administratives ou judiciaires.
Cette notion de vulnérabilité est fondamentale : elle permet de ne pas utiliser le terme de
« maltraitances » pour qualifier des actes ayant eu lieu contre des personnes capables de se
protéger. Un résident âgé qui frappe un soignant peut-être accusé de « coups et blessures »,
pas de maltraitance.
La personne maltraitée et la personne maltraitante sont liées par un certain type de
relations.
Le Code civil et le Code de la santé définissent des relations auxquelles sont attachées des
obligations positives. Les relations entre parents et enfants (obligation de nourrir, d’entretenir
et d’élever les enfants), descendants et ascendants (obligation alimentaire aux ascendants dans
le besoin), maris et femmes (devoir de secours et d’assistance entre époux), comme les
relations entre les professionnels de santé et les usagers (devoir de garantir l'égal accès de
chaque personne aux soins nécessités par son état de santé ; devoir d’assurer la continuité des
soins et la meilleure sécurité sanitaire possible ; devoir de mettre en œuvre tous les moyens
disponibles pour assurer à chacun une vie digne jusqu'à la mort ; etc.) comportent un certain
nombre de ces obligations positives qui constituent une « obligation de bientraitance ».
On parlera ainsi de maltraitance lorsqu’une de ces personnes, quelle que soit la nature de
l’infraction qu’elle commet, manque à cette obligation de bientraitance.
Pour cette raison également, on évitera l’utilisation du terme lorsque l’infraction est commise
en dehors de ce type de relations (par un soignant sur un soignant ou par un jeune enfant sur
son père3).
La situation ou l’acte s’inscrit dans la durée.
Ce n’est pas un hasard si les différents termes qui, dans le code pénal, gravitent autour de la
notion de maltraitance (« mauvais traitements », « sévices » et « privations ») sont presque
systématiquement employés au pluriel. Comme ce n’est sans doute pas un hasard si le mot
« maltraitant » a été formé à partir d’un participe présent. Ces usages et cette étymologie
indiquent que la notion de maltraitance est liée à un fonctionnement, à une situation continue,
ou à une suite d’actes répétés.
Cette restriction permet de faire la distinction, indispensable, entre une personne maltraitante,
pour qui le recours à la violence est une habitude, voire un mode de relation, et une personne
qui, lors d’une situation unique, à un instant précis du cours général d’une relation sans
maltraitance, commet une infraction.
Conceptions & approches
La confusion qui entoure souvent la notion de maltraitance provient généralement de la
confusion entre plusieurs conceptions et approches (juridique, professionnelle, éthique),
chacune offrant à la fois une vision de la maltraitance et de la bientraitance, chacune
possédant ses intérêts et ses limites, chacune conduisant à porter un regard différent sur les
protagonistes et à proposer un mode de réaction différent. Leur présentation successive ne
doit pas faire oublier qu’elles sont moins contradictoires que complémentaires et qu’il est
donc souvent dangereux de recourir exclusivement à l’une.
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Jérôme Pellissier – « Robinson et Vendredi »,
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L’approche juridique
Les Déclarations des Droits de l’Homme, le Préambule de la Constitution de 1946 et la
constitution de 1958 affirment les droits inviolables et inaliénables de tout être humain (citons le droit à la
liberté, le droit à une égale protection de la loi, le droit de n’être pas arbitrairement détenu, le droit de n’être
pas soumis à des traitements inhumains ou dégradants ; le droit de circuler librement…). Leur violation est
toujours un acte d’une extrême gravité, qui porte directement atteinte à ce que nos sociétés ont défini
comme les fondements de la dignité de toute personne humaine.
La loi sanctionne un certain nombre d’actes délictuels et criminels4. Rappelons-en quelques uns : le fait de
frapper une personne ; le fait de la menacer de violences ; le fait de ne pas porter assistance à une personne
en péril ; la fait d’abuser frauduleusement de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse d’une
personne particulièrement vulnérable ; le fait de détenir abusivement ou de séquestrer une personne ; le fait
de l’extorquer, de la voler ; etc.
Le code pénal précise les peines encourues par celui qui commet un crime ou un délit contre une personne
(livre II) ou contre des biens (livre III)5. Ces crimes et délits peuvent s’accompagner de circonstances
aggravantes, parmi lesquelles on retrouve les éléments précédemment évoqués (la vulnérabilité de la
victime ; le caractère habituel d’une violence ; la position d’autorité, civile ou professionnelle, du
coupable ; etc.).
D’un strict point de vue légal, il est interdit d’imposer un acte médical ou un traitement à une personne en
état d’exprimer sa volonté, quel que soit son âge. De même, tous les établissements où vivent contre leur
gré des majeurs ne faisant pas l’objet d’une mesure de protection ni d’une mesure d’hospitalisation d’office
ou à la demande d’un tiers pourraient être accusés de séquestration.
D’un strict point de vue légal, face à une personne jugée incapable de comprendre la nécessité médicale
d’un soin ou d’une vie en établissement, il appartient de demander qu’une mesure de protection juridique
permette, par la désignation d’un représentant autorisé à donner ce consentement, de rester dans un cadre
légal. Nous reviendrons sur les dangers de cette stricte lecture.
Les mauvais traitements, privations ou atteintes sexuelles « infligés à un mineur de quinze ans ou à une
personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une
déficience physique ou psychique ou d'un état de grossesse », quel que soit le lieu où ils sont commis et le
statut de celui qui les commet, doivent conduire la victime à porter plainte et tout témoin à en informer les
autorités judiciaires ou administratives (article 434-3 du Code pénal). Le respect du secret professionnel
n’est pas applicable en pareille situation (article 226-14 du Code pénal).
Récemment, le législateur a veillé à la protection de celui qui informe les autorités, en précisant que dans
les établissements sociaux et médico-sociaux, « le fait qu'un salarié ou un agent a témoigné de mauvais
traitements ou privations infligés à une personne accueillie ou relaté de tels agissements ne peut être pris en
considération pour décider de mesures défavorables le concernant en matière d'embauche, de rémunération,
de formation, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou
de renouvellement du contrat de travail, ou pour décider la résiliation du contrat de travail ou une sanction
disciplinaire » (article L313-24 du Code de l’action sociale et des familles).
Le législateur a également, récemment, jugé suffisamment grave que des professionnels travaillant dans un
établissement régi par le code de l’action sociale et des familles commettent des maltraitances, qu’il est
désormais interdit à toute personne ayant été condamnée pour la quasi totalité des délits dits « atteintes à la
personne humaine » visés par le code pénal (dans le titre II du livre II), « d’exploiter, de diriger, d’exercer
une fonction, à quelque titre que ce soit, dans un établissement, service ou structure régi par le Code de
l’action sociale et des familles » (article L133-6-1 dudit Code).
Le recours à l’approche juridique permet avant tout de protéger la victime (et d’autres
victimes potentielles) par l’éloignement du maltraitant. Il permet également de faire prendre
conscience, dans certaines institutions isolées vivant dans une atmosphère juridiquement
archaïque, de la nature de certains actes et du sens du droit. Il faut en effet insister : les
violations des droits de l’Homme et les crimes et délits constituent des actes extrêmement
graves, d’autant plus graves qu’ils sont accomplis sur des personnes vulnérables ou envers
lesquelles le maltraitant possède certaines obligations. Ils ne doivent pas rester impunis.
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Jérôme Pellissier – « Robinson et Vendredi »,
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L’approche juridique comprend plusieurs limites, à commencer par sa rigidité. Elle impose la
distinction nette entre une victime et un coupable et place entre eux le mur symbolique qui
sépare les « bons » des « méchants ». Qu’importe que dans certaines situations (conjugales en
particulier), il ne soit pas toujours possible de distribuer ainsi les rôles ; qu’importe que la
séparation des personnes puisse alors provoquer un déséquilibre hautement pathogène.
L’approche juridique induit indirectement un autre danger. Pour se prémunir de tout risque de
maltraitance, certains professionnels, certaines institutions, vont être amenés, dès qu’une
personne n’est pas consentante face à un soin ou un placement, à recourir à la mise sous
curatelle ou tutelle. Cette politique, qui accroît le danger d’une « toute-puissance soignante »
incontrôlée (en général sur le mode : « Si le patient refuse ce que je sais être son bien, c’est
qu’il n’est plus capable de savoir ce qu’est son bien. »), risque d’être extrêmement nuisible à
la personne. Il ne faut en effet jamais perdre de vue que, dans la plupart des situations, c’est
au moment où cette personne (comme en témoigne en général, précisément, son refus de soin
ou de placement), est la plus fragile, la plus en difficulté, en questionnement, en risque de
perte d’identité, qu’on va vouloir lui imposer la perte de tout pouvoir décisionnel ; autrement
dit qu’on va lui signifier, directement ou indirectement, qu’elle n’a plus de droits et qu’elle a
perdu la tête6 ! D’un point de vue thérapeutique, c’est pratiquement ce qu’on peut faire de
pire.
Évitons donc de croire que le recours à la justice, parce que c’est la justice, est toujours juste.
Une demande infondée de mise sous tutelle, par exemple, accomplie pour un autre motif que
la protection de la personne, constitue sans aucun doute une maltraitance. Souhaitons que la
judiciarisation galopante de nos mœurs ne conduise pas à la multiplication de cette
maltraitance dans les années à venir ; souhaitons que la nécessité d’imposer, même
légalement, l’emporte le moins possible sur le devoir de négocier ; souhaitons que
l’expérience nous serve : elle témoigne de ce qu’il faut généralement protéger la personne de
l’un d’entre nous, parfois la protéger d’elle-même, beaucoup plus rarement nous protéger
d’elle…
L’approche juridique ne permet d’appréhender qu’un nombre assez restreint de maltraitances,
en général les atteintes physiques, celles dont on parvient à mesurer aisément les
conséquences (blessures, incapacités, etc.). Toutes les autres, psychologiques en particulier,
même graves, relèvent souvent d’une autre approche.
L’approche professionnelle
L’approche juridique repose sur des obligations universelles (tout individu possède l’obligation de ne pas
commettre de délit envers un autre, quel qu’il soit). L’approche professionnelle peut, dans un premier
temps, n’être considérée que sous un aspect juridique, mais différent : ce sont en effet ici des obligations
particulières (certains individus ou établissements possèdent certaines obligations envers certains autres
individus) qui vont servir de critères.
Toute infraction à l’une des lois, des contrats7, des règlements, etc., qui définissent les obligations du
soignant ou de l’établissement, est alors qualifiable de maltraitance.
Ces lois, contrats et règlements, ne permettent pas, on s’en doute, de distinguer tous les comportements
maltraitants. Leur rôle n’est pas en effet de définir, pour chaque pratique, l’unique manière de la bien
accomplir.
L’approche professionnelle inclut en revanche des textes, non juridiquement contraignants, dont c’est
l’objectif. Ils offrent, comme l’indique l’ANAES, des recommandations destinées aux professionnels de
santé, des « propositions développées selon une méthode explicite pour aider le professionnel de santé et le
patient à rechercher les soins les plus appropriés dans des circonstances cliniques données ».
De telles recommandations permettent, par exemple, d’indiquer les meilleures méthodes de prévention des
escarres, ou de préciser que certains actes à risque, comme la contention, doivent être effectués en
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Jérôme Pellissier – « Robinson et Vendredi »,
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respectant un certain nombre de critères pour ne pas, justement, transformer un soin en une atteinte à la
personne.
Si une pratique comme celle de la contention implique de prendre certaines précautions, c’est parce qu’il
est établit qu’« attacher un sujet âgé ne doit pas être un “procédé expéditif” pour prévenir les chutes, les
blessures ou les troubles du comportement. En effet, il n’a jamais été fait la preuve de son efficacité dans
ces indications. L’immobilisation prolongée imposée par une contention conduit les patients attachés à un
déconditionnement physique et psychologique qui augmente au contraire la probabilité de chutes et de
blessures. »
Le caractère juridiquement non contraignant de ces recommandations n’empêche pas de considérer qu’à
partir du moment où elles définissent des critères de bientraitance et de « bons soins », leur non-respect
s’apparente à une maltraitance. À deux conditions, bien entendu : que l’acte soit commis après leur
élaboration… et que la personne qui l’accomplit ait eu connaissance de ces recommandations.
Conditions importantes : car si l’on sait que « nul n’est censé ignorer la loi », on observe que nombreux
sont ceux qui ignorent ces recommandations. Il est donc essentiel qu’elles se développent mais également
qu’elles soient portées à la connaissance de tous les intervenants auprès de personnes âgées. Ces
connaissances doivent faire partie de leur formation, initiale ou continue, et doivent être accessibles aux
résidents et à leurs familles. Souhaitons qu’un jour soit reconnu un véritable « devoir de formation » de la
part des soignants… et qu’en attendant les directeurs de services et d’établissements respectent le « droit à
la formation » et l’obligation qu’ils ont d’en faire suivre à leurs employés.
L’utilisation de recommandations, de protocoles, de « règles de l’art »8 reste l’une des
meilleurs manières de lutter contre les pratiques maltraitantes induites par des critères de
décisions désordonnés et irrationnels (humeur du soignant, nombre de personnels présents ce
jour-là, tête du résident, etc.). Elle fournit un cadre structurant, une base commune et stable
d’action permettant de consacrer le meilleur de son énergie et de sa réflexion à l’essentiel : la
relation avec la personne âgée et l’attention à ses besoins.
Mais une utilisation rigide ou frénétique de ces outils peut conduire à en dénaturer le sens et à
transformer toute relation de soin en simple application de consignes, protocoles, procédures,
etc. Progressivement, les fonctionnements se bureaucratisent, les comportements se
mécanisent, les vieux sont uniformisés. De lieu de vie et de soins, l’institution finit en lieu
d’objets et d’actes.
Pour être réellement bientraitantes, les pratiques professionnelles doivent donc reposer
continuellement sur une base dynamique et thérapeutique.
Dans la majorité des situations où apparaît la maltraitance, la personne âgée est plus que
vulnérable : elle est « dépendante »9. Autrement dit, elle possède des besoins auxquels les
professionnels ont l’obligation de répondre. Ils doivent donc développer les outils qui
guideront leurs pratiques à partir d’une véritable réflexion sur ce qu’est cette « dépendance »,
sur ce qu’est le soin, sur ce que sont les besoins de la personne, etc. Ces outils permettront au
soignant, en fonction d’une juste connaissance et perception de ces besoins (ceux d’un
nourrisson, d’un adulte handicapé, d’un vieux physiquement affaibli, d’un vieux malade
d’Alzheimer, etc.), d’adapter son attitude et, comme le précise l’ANAES, avec le patient, de
trouver le soin plus approprié.
Ce gigantesque chantier ne peut donc pas faire l’impasse sur certaines réflexions sans courir
le risque de construire des pratiques sans fondations.
À commencer, répétons-le, par une réflexion sur la « dépendance ». Être « dépendant » est
une souffrance : c’est ne plus pouvoir faire ce qu’on (se) faisait (sa toilette, son repas…) ;
c’est devoir accepter que d’autres (vous) le fassent à votre place (et (vous) le fassent
différemment de vous… et en général différemment les uns des autres !). Bref, « la
dépendance » contraint la personne à subir l’action de l’autre sur son esprit, sur son corps, son
espace, son temps, etc.
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Jérôme Pellissier – « Robinson et Vendredi »,
in Yves Gineste (dir.), Silence, on frappe… De la maltraitance à la bientraitance en institution (éditions Animagine, 2004)
Pour que cette action ne soit pas une violence, elle implique donc dès le départ d’être pensée
et conçue pour fournir une réponse adéquate à la demande (c’est-à-dire à l’estimation, que
l’on jugera a priori juste, par la personne, de son besoin). Autrement dit, la relation
professionnelle bientraitante vise la meilleur adéquation possible entre le besoin de la
personne « dépendante » et la réponse du soignant. Dès qu’apparaît un risque d’inadéquation
(quelle qu’en soit la cause : demande incompréhensible ; action imposée sans qu’il y ait
demande ou besoin ; besoin ignoré ; demande démesurée ou illégitime), apparaît un risque de
maltraitance. À l’inverse, une bonne adéquation permet de soulager la personne d’une partie
du poids de son handicap, de sa « dépendance » : alors, comme l’écrit Marguerite Mérette,
« prendre soin, c’est rendre plus libre »10.
Avant de chercher à comprendre, dans chaque situation, quel est le soin le plus adapté à la
personne (en fonction de son handicap ou de sa maladie, mais également de son histoire, de sa
personnalité, de sa perception de son corps, de sa représentation du soin, etc.), il serait
également nécessaire de disposer d’une réflexion plus générale sur le sens et le vécu du
vieillissement et de la vieillesse. Rappelons que les bons soins, dans les lieux d’hébergement
collectif d’enfants, se sont développés au fur et à mesure que l’on comprenait que le
développement des capacités de l’enfant (physiques, psychiques, affectives, relationnelles,
sociales, etc.) nécessitait, dans chacun des niveaux évoqués, certains apports particuliers. On
attend encore la prise de conscience concrète qu’une personne âgée ne maintient ses
capacités, ou en développe d’autres, que si on lui fournit les moyens de les utiliser et de les
développer – dans chacun des niveaux évoqués.
Bien d’autres pistes de réflexion sont à explorer : parmi les plus importantes, réfléchir sur ce
qui distingue « soigner » et « prendre soin » ; penser la relation (un soin s’inscrit toujours
dans une relation et une relation est toujours un soin – bénéfique ou non) ; s’interroger sur ce
que serait, à l’image de l’« assez bonne mère », un « assez bon aidant », un « assez bon
soignant » ; etc.
L’ensemble de ces réflexions devrait conduire à la construction d’une véritable philosophie du
soin, précisant ce qu’il doit absolument être (par exemple, loyal), ce qu’il doit absolument
comporter (par exemple, un bénéfice pour celui qui en est l’objet, que ce soit en terme de
bien-être physique ou psychique, de réduction d’un trouble, de maintien d’une capacité, etc.),
et, inversement, ce qui le dénature et le transforme en maltraitance.
Revenons à la maltraitance. Les limites de cette approche professionnelle et thérapeutique, qui
conduit à qualifier de maltraitant « tout acte ou comportement qui ne répond pas aux besoins
de la personne », sont induites par ses ambitions : en effet, tant que les réflexions appelées de
nos vœux ne seront pas accomplies et leurs résultats concrets répandus, les critères utilisés
pour juger du caractère maltraitant d’un acte resteront dépendants de l’arbitraire des
perceptions de chacun.
Soulignons un autre danger : que ces critères reposent uniquement sur une conception
pyramidale et hiérarchique des besoins humains aboutissant à sacrifier, faute de temps, tous
les besoins considérés comme secondaires (besoins relationnels, affectifs, sensoriels, etc. –
schématiquement : « On ne parle pas le ventre vide ! »).
Néanmoins, en ce qui concerne le mode de réaction face à une maltraitance, l’avantage de
cette approche est de ne pas stigmatiser dès le départ la personne maltraitante. Elle permet de
comprendre les situations où l’acte maltraitant est induit par certains comportements (et donc
d’y répondre aussi par une démarche psycho-pédagogique) ou par certaines ignorances (et
donc d’y répondre par une démarche pédagogique). Elle permet d’indiquer que nous sommes
tous, à un moment ou à un autre, possiblement maltraitant (chacun d’entre nous peut ne pas
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Jérôme Pellissier – « Robinson et Vendredi »,
in Yves Gineste (dir.), Silence, on frappe… De la maltraitance à la bientraitance en institution (éditions Animagine, 2004)
bien juger d’un besoin, se tromper sur une demande, etc.), ce qui confirme la nécessité d’une
approche d’équipe où l’avis de chacun soit entendu11. Elle n’empêche pas pour autant de
considérer qu’il arrive un moment où la pédagogie a ses limites et où la reproduction de ces
maltraitances, parce qu’elle témoigne de l’incompétence du soignant, implique de recourir à
d’autres mesures.
Si les deux approches (plus complémentaires qu’exclusives) que nous avons présentées
permettent déjà de distinguer différents types de maltraitances, elles ne les incluent pas toutes.
Il reste en effet des comportements et actes maltraitants qui ne sont ni des infractions aux lois,
ni des ignorances ou manquements à des règles ou recommandations professionnelles.
Une approche éthique ?
Ces comportements sont nombreux : c’est le tutoiement employé avec une personne que l’on
voit pour la première fois ; c’est ne pas frapper à la porte de la chambre d’un résident ; c’est
grommeler une réponse ou ignorer une question ; c’est ne pas regarder une personne qui vous
parle ou à qui l’on parle…
Aucun texte ne les interdit comme aucun texte n’oblige ou ne recommande clairement d’avoir
l’attitude inverse : il n’existe pas d’obligation d’être aimable, poli, gentil, affectueux,
chaleureux, empathique, etc.
On pourrait se contenter de considérer qu’il existe un devoir éthique, moral, qui nous enjoint
de ne pas accomplir de tels actes. Joli, mais probablement inefficace.
Ne devrions-nous pas plutôt essayer de déterminer si ces éléments possèdent un impact sur la
santé physique et psychique des personnes, sur les troubles du comportements, sur l’espérance
de vie… ? Après tout, c’était le manque d’affection et de considération, et pas de
médicaments ou de nourriture, qui transforma certains orphelinats en fabriques de
psychotiques.
Sans aller jusqu’à ces cas extrêmes, il faudrait quand même tirer les conséquences de ce que
l’on sait – et puisque nous ne manquons pas d’études, il serait temps d’utiliser leurs résultats.
On sait qu’un chirurgien opérant un vieux et un aide soignant aidant ce vieux à marcher
devraient respecter des règles relationnelles différentes, la gentillesse de l’un n’ayant a priori
pas d’influence sur le succès de l’opération, la gentillesse de l’autre ayant une incidence sur la
qualité de l’aide. On sait que le résultat d’un traitement dépend non seulement de ce qui est
prescrit, mais aussi de la manière dont la prescription est accomplie et donnée. On sait que la
plus ou moins bonne qualité de la relation qui existe entre le soignant et la personne qu’il
soigne ou dont il prend soin est un facteur important de réussite ou d’échec des soins.
On sait que l’homme n’est pas guidé que par l’instinct, qu’il est un animal social, un être de
désir. On sait que faire vivre un être humain en ne répondant qu’à ses besoins animaux le
conduira à plus ou moins court terme à perdre son humanité, à présenter des troubles du
comportement, à développer des maladies. On sait l’importance d’être motivé par l’attention
ou le désir des autres : c’est le regard qui crée le souci de son apparence, c’est l’écoute qui fait
naître la parole.
On sait que la vieillesse peut s’accompagner d’une fragilité psychique qui rend la personne
particulièrement vulnérable à des comportements irrespectueux ou agressifs qui, simplement
désagréables pour un autre, peuvent pour lui devenir pathogènes. On sait que l’isolement, les
pertes et les deuils, sont des facteurs d’accroissement de cette fragilité. On sait que certaines
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Jérôme Pellissier – « Robinson et Vendredi »,
in Yves Gineste (dir.), Silence, on frappe… De la maltraitance à la bientraitance en institution (éditions Animagine, 2004)
affections dites neurodégénératives entraînent de surcroît la personne dans un bouleversement
identitaire d’une violence inouïe.
On sait que dans tout établissement collectif et peu ouvert sur l’extérieur se cristallisent, au fil
des années, certains comportements et certaines tendances : tendance à l’industrialisation et à
la dépersonnalisation des soins ; tendance à ne plus percevoir les personnes que comme des
corps malades ; tendance à la fermeture sur soi et à un mode de fonctionnement familial, voire
autistique ; tendance à l’apparition de pseudo-règles non écrites destinées au bien-être du
personnel et non plus à celui du résident ; tendance à l’apparition de savoirs irrationnels,
d’habitudes, de réflexes, remplaçant peu à peu les recommandations, l’évaluation des
pratiques, la réflexion ; etc.
On sait que les institutions et services qui hébergent ou aident des personnes âgées, parmi
lesquelles de nombreux malades d’Alzheimer, tendent à développer, en partie à cause de la
conjonction du manque de moyens et de la nature des troubles des personnes malades, un
certain nombre de comportements défensifs. Ces institutions et services ont ainsi leurs
« infections nosocomiales » : mais loin devant les bactéries, ce sont des comportements
qu’elles propagent – absence d’empathie, mise à distance affective, etc. –, qui mettent la
personne humaine qui les subit en danger de déshumanisation.
Bref, on sait que l’absence d’attention, de respect, de politesse, de gentillesse, d’affection,
d’empathie, etc., de la part des professionnels possède une influence directe sur la santé d’un
individu, sur ses troubles du sentiment d’identité, sur la perte du sentiment de sa valeur, sur sa
motivation à prendre soin de lui même, sur son désir de vivre.
S’il existe une première obligation éthique ou morale, elle est donc évidente : elle consiste à
construire à partir de ces savoirs des règles professionnelles et des recommandations de
pratiques. Autrement dit, elle implique de rendre professionnellement obligatoire l’évaluation
régulière des pratiques ; l’individualisation et l’humanisation des soins ; l’utilisation de soins
conçus pour être re-narcissisants et re-valorisants ; la formation à la relation d’aide ; etc.
En attendant cette inscription dans le champ professionnel, il est aussi une autre obligation
éthique pour tous ceux qui possèdent ces savoirs : les transmettre. Faire prendre conscience à
chaque intervenant auprès de ces personnes fragiles, « dépendantes », malades, isolées, à quel
point son rôle est important. Parce qu’il est un professionnel du soin ou du prendre soin, il est
celui qui doit garantir à la personne qu’il n’ajoutera jamais aux difficultés inhérentes au
handicap ou à la maladie la douleur d’être maltraitée ou ignorée. Parce qu’il se trouve dans un
lieu où vivent ces personnes, parce qu’il travaille, parce qu’il vient de l’extérieur, parce qu’il
est jeune, il est également porteur d’un certain regard, et ce regard est porteur de sens. Il dit à
la personne qu’elle ne cesse pas d’exister pour lui.
Et parce que ce soignant est bien souvent, à lui seul, le représentant de toute l’humanité et de
toute la société, il garantit à chaque personne qu’il soigne qu’elle ne cesse pas d’exister pour
toutes les autres. Ne l’oublions jamais : dans l’île qu’est parfois la maison de retraite, le vieux
Robinson ne se sent plus Homme et meurt sans Vendredi12.
Certains continueront peut-être à considérer qu’être aimable, respectueux, attentif, etc., ne
peut en aucun cas être partie ou tout d’une attitude soignante professionnelle.
À ceux-là, sans doute faudra-t-il rappeler certaines réalités plus prosaïques, moins nobles,
mais plus aisément accessibles, et en particulier que les vieux qui vivent en institution sont
également des clients, qui payent pour un hébergement de type hôtelier et dont la satisfaction
passe, comme dans un établissement hôtelier, par l’obtention de réponses adéquates aux
demandes et par l’assurance d’être traités avec attention, respect et politesse13.
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Jérôme Pellissier – « Robinson et Vendredi »,
in Yves Gineste (dir.), Silence, on frappe… De la maltraitance à la bientraitance en institution (éditions Animagine, 2004)
Une approche éthique
Ce que nous venons d’évoquer – la nécessité de définir des principes régulateurs et directeurs
des conduites professionnelles prenant en compte toutes les dimensions de la personne âgée –
constitue une forme d’approche éthique qui reste circonscrite au domaine professionnel.
N’en existe-t-il pas une autre, plus morale que philosophique, qui la dépasse ? Autrement dit,
une fois que l’on a accompli tout ce qui est nécessaire pour qu’un patient soit bien soigné,
pour qu’un client soit satisfait, a-t-on réellement tout accompli ?
Imaginons qu’une personne meure sans avoir revu ses proches parce que le risque d’infections
interdit les visites. Professionnellement, certains soutiendront qu’on a agi au mieux du patient.
Imaginons qu’une personne, face à l’infirmière, face à l’aide soignante, refuse de recevoir le
soin ou l’aide. Que sa piqûre ou le petit tour dans le couloir, ce jour-là, elle s’en foute. Ce
jour-là, elle demande plutôt qu’on s’assoit 10 minutes à ses côtés pour discuter.
Professionnellement, comment réagir ?
Le strict respect de bonnes pratiques professionnelles ne suffit pas pour être certain d’être
bientraitant. Parce que ces pratiques tendent à ne concerner que le patient, que le client. Pas la
personne, qui transcende ces statuts et dont la liberté peut également s’exprimer par le refus.
Si nous ne sommes que dans la relation et l’identité professionnelles, rien ne nous empêchera
de vivre ce refus comme une négation de notre identité, comme un rejet de la relation.
L’approche éthique de la maltraitance et de la bientraitance permet de ne jamais perdre de vue
qu’un patient ou un client est d’abord un frère humain, qu’une relation professionnelle est
aussi une relation humaine, que le premier critère de qualité d’une pratique ou d’un soin est la
liberté qu’il redonne à la personne – et non ce que la personne fait de sa liberté.
Elle nous apprend à sortir quand il le faut du cadre quantifiable ou marchand ; elle nous
apprend qu’avant d’être liés les uns aux autres par des relations régies socialement, nous
sommes liés par des relations affectives ; elle nous apprend que nous sommes toujours dans
l’échange – y compris quand nous avons le sentiment d’être uniquement dans le don ou
l’obligation14.
L’approche éthique apprend surtout à insuffler du sens, sans arrêt, à un cadre professionnel
qui peut parfois le perdre à cause d’intérêts politiques ou économiques. C’est grâce à ce sens
éthique qu’à certaines époques, des soignants se sont opposés à la mise à mort de personnes
handicapées et âgées. C’est grâce à ce sens éthique que des soignants, face à des conditions de
travail souvent très difficiles, luttent pour que celles et ceux dont ils prennent soin en
subissent le moins possible les conséquences.
Quelques mots sur la prévention
Des commissions ou des cellules commencent à apparaître, au sein d’un certain nombre
d’établissements, dans le but de réduire les phénomènes de maltraitance.
Souhaitons qu’une bonne connaissance de ce que sont ces phénomènes leur permettent de
définir rapidement ce qui ne doit pas être de leur ressort (par exemple le règlement de
différents entre employés et employeur ou entre employés). Elles participeront ainsi, de
surcroît, à rendre moins confuse l’utilisation de la notion de maltraitance et à préciser le sens
exact d’un certain nombre d’autres termes (délits, violences, privations, faute professionnelle,
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Jérôme Pellissier – « Robinson et Vendredi »,
in Yves Gineste (dir.), Silence, on frappe… De la maltraitance à la bientraitance en institution (éditions Animagine, 2004)
ignorance, incompétence, signalement, délation, complicité, solidarité, etc.) qui ont tendance à
devenir synonymes…
Souhaitons qu’elles puissent alors se concentrer sur l’essentiel :
Préciser, au cas par cas, en fonction de toutes les caractéristiques d’une situation, si un
comportement est une maltraitance (un tutoiement imposé constitue une maltraitance, parce
qu’il est un abus de pouvoir ; un tutoiement choisi par les deux personnes n’en est pas une).
Déterminer quelle type d’approche est la plus pertinente en fonction de la nature de la
maltraitance et de l’objectif de l’institution (au minimum la protection de l’intégrité, de la
santé et du bien-être du résident), et ce dans les limites que le respect des obligations légales
leur impose (certaines maltraitances, rappelons-le, obligent à informer les autorités
judiciaires).
Quand le traitement de la situation n’est pas du ressort de la justice, ces commissions ou
cellules devraient transmettre aux différents responsables les conclusions de leur réflexion
assorties de recommandations (sur les formations nécessaires, sur l’organisation des soins,
etc.) – moyen possiblement efficace de remédier peu à peu aux maltraitances causées par des
contraintes organisationnelles, par des ignorances des recommandations de pratiques, etc.
Elles devraient également veiller à assurer un suivi de leurs décisions et de leurs
recommandations : certains comportements, ignorances ou facteurs de maltraitances (par
exemple une absence de formations) devenant, lorsqu’ils se perpétuent ou se répètent après
l’intervention destinée à les faire cesser, des maltraitances (et éventuellement des fautes
professionnelles).
Elles peuvent ainsi, face à un comportement (par exemple ne pas frapper à la porte de la
chambre d’un résident), proposer une réponse adéquate et graduelle. Dans cet exemple précis,
on peut ainsi imaginer que la première approche, éthique, passerait par l’information : faire
comprendre au soignant en quoi frapper à la porte de la chambre est une marque nécessaire de
respect. Puis une seconde approche, professionnelle, passerait par une formation susceptible
de montrer en quoi, dans un lieu de soins, l’absence de respect est pathogène, en quoi, dans un
lieu de vie, elle est contraire à la satisfaction du client. Enfin, la troisième approche
consisterait, comme le ferait le directeur d’un établissement hôtelier, à enjoindre au soignant
d’aller travailler ailleurs.
On peut considérer que cette dernière approche est trop ferme, trop « juridique » et ne pas la
suivre. Mais il ne faudra pas alors s’étonner et regretter la judiciarisation des mœurs si, un
jour, un résident ou un membre de sa famille, arguant du fait que la chambre du résident est
assimilable à un domicile privé15, porte plainte pour non-respect de la vie privée ou violation
de domicile…
Soulignons enfin que la présence d’une personne extérieure à l’institution au sein de ces
commissions ou cellules permettrait de faire profiter l’institution d’un regard neuf capable de
questionner, sous l’angle de la maltraitance, un certain nombre de pratiques tellement inscrites
dans le fonctionnement et l’histoire de l’institution ou de l’équipe soignante, tellement
banalisées, que plus personne ne les interroge. Songeons par exemple aux établissements où
l’on ne voit jamais deux lits rapprochés et où pourtant vivent des couples qui, jusqu’au jour de
leur entrée, dormaient dans le même lit ; ou à ces équipes qui, systématiquement, dissimulent
aux personnes la mort de leurs proches.
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Jérôme Pellissier – « Robinson et Vendredi »,
in Yves Gineste (dir.), Silence, on frappe… De la maltraitance à la bientraitance en institution (éditions Animagine, 2004)
La présentation successive de ces trois approches de la maltraitance et de la bientraitance –
juridique, professionnelle, éthique – ne doit pas conduire à les hiérarchiser. Chacune est
essentielle, chacune mérite, à sa manière, notre attention.
L’approche juridique doit être utilisée quand la loi la rend obligatoire et quand la personne
maltraitée est menacée. Froide, souvent signe d’un échec (échec d’une société, d’une
éducation, d’une relation, etc.), elle est néanmoins d’autant plus nécessaire que son absence a
conduit de trop nombreuses institutions à ne fonctionner qu’avec de pseudo lois et de pseudo
règles et à devenir de véritables enclaves de non-droit au sein de notre État de droit.
L’approche professionnelle et pédagogique est un puissant facteur de bientraitance. Elle
rompt avec une tradition d’isolement affectif des vieux, de castration affective des soignants.
Elle rend sa noblesse à ce métier parce qu’elle lui rend son « potentiel de bienveillance ». Elle
permet en effet de donner aux soignants les moyens de prendre soin de la personne fragile ou
malade – y compris quand cette fragilité ou cette maladie la trouble au point qu’elle rejette
celui qui prend soin d’elle –, non seulement sans brutalité, mais même sans neutralité : avec
au contraire une bienveillance destinée à compenser ce « potentiel de souffrance » inhérent à
la situation de fragilité ou de maladie.
À l’échelle de l’histoire de la gérontologie, l’approche professionnelle et pédagogique n’en est
qu’à ses balbutiements. Elle va continuer à croître dans les années à venir. Il le faut : seul son
développement conduira les institutions d’aujourd’hui à devenir de vrais lieux de vie et de
soins. Sinon, sous les effets cumulés de la démographie, du libéralisme et de l’indifférence au
sort des vieux, elles risquent d’en revenir un jour à fonctionner comme les hospices
d’autrefois.
L’approche éthique, philosophique et morale, dans un tel contexte, peut passer pour un vœux
pieux, un vain rêve. C’est pourtant elle qui soutiendra l’approche professionnelle : en lui
donnant pour fondations une réflexion sur ce que sont les besoins humains, sur ce qu’est la
vieillesse de l’homme, l’autonomie, la « dépendance »… Mais pas seulement : il faudra bien
aussi se demander pourquoi les vieux sont, dans nos sociétés, les personnes les plus
maltraitées. Il faudra bien s’interroger sur les valeurs que nous voulons recevoir d’eux et
celles que nous voulons transmettre, autrement dit sur la société que nous voulons construire.
L’approche éthique est l’âme des autres. S’en passer, c’est renoncer à faire changer ces
regards, habités par la peur, qui se détournent du vieux ; c’est laisser la mort, par crainte de la
penser, se répandre dans tous nos comportements ; c’est vider progressivement toutes nos
relations – soignantes, familiales, amicales, amoureuses – de leur teneur affective, c’est
transformer des pactes en contrats, les actes en marchandises, les Hommes en marchands.
Si vœu il devait y avoir, ce serait celui-ci : de ne pas attendre que se développent tous les
moyens de bientraitance que nous avons évoqués pour ne plus subir passivement les
contraintes et les peurs, mais les surmonter. D’utiliser le fait que nous en subissons tous, non
pour les reproduire, du moins faible au plus vulnérable, mais pour en partager le vécu et le
poids, pour en faire une raison de plus de solidarité et d’action collective, des vieux, des
familles, des soignants. Autrement dit, face aux nombreux facteurs de maltraitance qui nous
entourent, de faire œuvre, commune, de résilience.
En guise de conclusion
– 13 –
Jérôme Pellissier – « Robinson et Vendredi »,
in Yves Gineste (dir.), Silence, on frappe… De la maltraitance à la bientraitance en institution (éditions Animagine, 2004)
La loi de la jungle est simple : c’est la loi du plus fort. La loi de notre société, quant à elle, se
fonde sur un équilibrage entre le fort et le faible. Et la loi de l’institution hébergeant des
personnes âgées ?
Dans quelques établissements, c’est encore celle de la jungle, celle du plus fort, autrement dit
du corps soignant. Oh, non pas qu’il soit très fort, il est même plutôt fragilisé, ce corps
soignant, d’être le cache-mort de notre société. Mais il est toujours plus fort que ceux qu’il
soigne.
Dans de nombreux établissements, c’est encore celle de la société, qui essaye de maintenir là
un semblant d’équilibre, avec quelques droits pour les uns, quelques devoirs pour les autres,
quelques chartes à gauche, quelques primes à droite, clopin-clopant, il ne faut fâcher
personne.
Enfin, dans d’autres établissements, plus nombreux au fil des années, s’est mise en place une
autre loi, réellement adaptée aux personnes qui y vivent. Cette loi-là ne cherche pas à
maintenir un équilibre qui de toutes façons n’existe pas, mais à rétablir un équilibre. Elle
repose sur l’idée que ces personnes étant fragiles, souvent « dépendantes », souvent malades,
elle doit non seulement les protéger et veiller à ce que les forts ne leur imposent pas leur
pouvoir, mais elle doit aller plus loin : elle doit utiliser la force (et donc le savoir et le
professionnalisme) des uns pour soutenir les autres, compenser leur faiblesse, alléger leur
handicap, soulager leur maladie. Cette loi-là dépasse le cadre des relations professionnelles et
peut également guider la relation d’aide entre parents.
Cette loi-là, pourquoi ne l’appellerait-on pas « le prendre soin » ?
Jérôme Pellissier.
1
Rappelons que l’État a pour rôle de veiller à ce que les conditions d'installation, d'organisation ou de
fonctionnement des établissements hébergeant des personnes âgées ne menacent ni ne compromettent leur santé,
leur sécurité ou leur bien-être moral ou physique (article 331-5 du Code de l’action sociale et des familles).
2
Cf. en particulier le texte de Nicolas Lépine, « Maltraitance, bientraitance en institution, de quoi traite-t-on ? »,
et celui d’Olivier Despont, « De la maltraitance vers la reconnaissance ».
3
Nous parlons ici des situations les plus courantes. Il peut arriver que l’on parle de maltraitance au sujet, par
exemple, d’un adolescent frappant régulièrement un de ses parents non en mesure de se protéger.
4
Il n’existe pas de délit de maltraitance. L’emploi du terme de maltraitance ne doit donc pas empêcher de donner
à un acte sa définition juridique. Un viol, s’il est qualifiable de maltraitance lorsqu’il est commis par un soignant
sur une résidente, est un délit.
5
Quelques articles du Code pénal précisant les peines encourues :
Article 222-14
« Les violences habituelles sur un mineur de quinze ans ou sur une personne dont la particulière vulnérabilité,
due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse,
est apparente ou connue de leur auteur sont punies : 1. De trente ans de réclusion criminelle lorsqu'elles ont
entraîné la mort de la victime ; 2. De vingt ans de réclusion criminelle lorsqu'elles ont entraîné une mutilation ou
une infirmité permanente ; 3. De dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende lorsqu'elles ont
entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours ; 4. De cinq ans d'emprisonnement et de
75 000 euros d'amende lorsqu'elles n'ont pas entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours. »
Article 222-18
« La menace, par quelque moyen que ce soit, de commettre un crime ou un délit contre les personnes, est punie
de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende, lorsqu'elle est faite avec l'ordre de remplir une
condition. La peine est portée à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende s'il s'agit d'une menace
de mort. »
Article 222-23
« Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence,
contrainte, menace ou surprise est un viol. Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle. »
– 14 –
Jérôme Pellissier – « Robinson et Vendredi »,
in Yves Gineste (dir.), Silence, on frappe… De la maltraitance à la bientraitance en institution (éditions Animagine, 2004)
Article 222-24
« Le viol est puni de vingt ans de réclusion criminelle : […]
Lorsqu'il est commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une
infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de l'auteur ;
Lorsqu'il est commis par un ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou par toute autre personne ayant autorité sur
la victime ;
Lorsqu'il est commis par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ; […].
6
Il s’agit là, au pire, de ce qui est dit à la personne, au mieux, de la manière dont elle le comprend. Rappelons
qu’à moins d’en connaître précisément la nature et la fonction, la curatelle ou la tutelle signifie pour la plupart
d’entre nous, surtout âgés, « trouble mental », « aliéné », « incapable », « privation des droits ». Profitons de
l’occasion pour souligner qu’une personne protégée est privée de l’exercice de certains droits, mais reste en
possession de la totalité de ses droits.
7
Rappelons que, d’après l’enquête réalisée en 1999 par la Direction générale de la concurrence, de la
consommation et de la répression de fraudes (DGCCRF), « 44 % des maisons de retraite contrôlées ne
soumett[ent] toujours aucun contrat écrit à leurs clients, 20 % des contrats existants comport[ant] des clauses
abusives ».
8
Cf. supra le texte d’Yves Gineste, « La violence en institution pour personnes âgées : du constat aux
solutions. » Voir aussi le site internet <http://www.cec-formation.net/>
9
Pour l’approche critique, essentielle, de l’utilisation actuelle de la notion de « dépendance », nous renvoyons
les lecteurs aux ouvrages de Bernard Ennuyer.
10
Cf. supra le texte de Marguerite Mérette, « La Fabrique des grabataires ». Voir aussi le site internet
<http://www.mediom.com/~merette/>
11
Parce que le caractère maltraitant d’une pratique est souvent fonction de l’état de santé, de la personnalité, du
handicap, etc., de la personne qui le subit, il est nécessaire que toute pratique soit soumise à tous les intervenants,
chacun d’entre eux disposant de connaissances spécifiques.
12
Au sens affectif et symbolique comme au sens propre, dont témoigne le syndrome de la tortue sur le dos
(forme de syndrome de glissement, de suicide passif, qui advient après que la personne a chuté et est restée de
nombreuses heures sur le sol sans être secourue).
13
Il faudra alors, faute de formation à la relation d’aide, proposer au minimum des formations à la relation client.
Soulignons au passage que les personnes qui disposent le moins de formations à la relation, les agents de service
hospitalier et les aides soignantes, sont pourtant celles qui sont le plus en relation avec les résidents-clients.
14
Il va de soi que la reconnaissance de la dimension affective ne peut justifier un manquement aux règles
professionnelles : autrement dit, qu’un patient soit antipathique, grossier ou insatisfait ne change rien aux
obligations professionnelles et à l’obligation de bientraitance que nous possédons envers lui.
15
Arrêt de la cour d’appel de Paris du 17 mars 1986 (cf. La Gazette du Palais, 1986. 2. 429).
– 15 –
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