Techniques et activités des hommes du Paléolithique supérieur sur

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Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
L’anthropologie 114 (2010) 530–542
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Article original
Techniques et activités des hommes du Paléolithique
supérieur sur le site de Wangfujing Oriental Plaza, Pékin, Chine
Technics and activities of the upper Palaeolithic people
(Oriental Plaza site of Wangfujing, Peking, China)
Li Chaorong *, Feng Xingwu, Li Hao
Institut of Vertebrate Paleontology and Paleoanthropology (IVPP), Chinese Academy of Science,
PO Box 613, 100044 Beijing, Chine
Disponible sur Internet le 30 octobre 2010
Résumé
Le site de Wangfujing-Oriental Plaza est un site du Paléolithique supérieur daté d’environ 22 240 et
24 890 ans B.P. Le matériel mis au jour y est très abondant et comprend des artefacts lithiques, des restes
osseux, des traces d’usage du feu et des fragments d’hématite. Une analyse statistique du matériel, une étude
des remontages ainsi qu’un examen des microtraces ont été entrepris. Les données numériques de terrain et
de laboratoire ont été traitées par ordinateur. Enfin, les techniques de taille employées pour le matériel
lithique et osseux ainsi que les activités de chasse, d’usage du feu, et leur dimension symboliques sont
discutées et expliquées grâce au recours à l’archéologie expérimentale et à l’ethnoarchéologie. Le site de
Wangfujing-Oriental Plaza est un campement temporaire à caractère saisonnier qui rend compte d’une vie
basée sur la chasse et la cueillette. Les hommes y confectionnaient des outils et y abattaient et démembraient
le gibier, pratiquant la cuisson et s’adonnant à des activités symboliques autour des foyers.
# 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Wangfujing-Oriental Plaza ; Site Paléolithique ; Technologie lithique ; Activités humaines
Abstract
More than 2000 pieces of cultural relics were unearthed from the Oriental Plaza site, including stone
artifacts, bone artifacts, fossils, hematite powder, fire use remains and plant root and foliage. By analyzing
these remains in refitting stone and bone artifacts, in experimentally producing some artifacts, and comparing
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (L. Chaorong).
0003-5521/$ – see front matter # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.anthro.2010.09.005
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with ethnologic data, it is concluded that the Oriental Plaza site is a seasonal human activity site, that humans
had been making a life of hunting and collecting food, can make stone artifacts, bone artifacts to kill their
quarries, use fire to cook their food, and at the same time they also conducted some religion activities.
# 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Keywords: The Oriental Plaza site of Wangfujing; Paleolithic; Tool-making technology; Behavior characteristics
1. Introduction
Le site de Wangfujing-Oriental Plaza, attribué au Paléolithique supérieur (entre 22 240 et
24 890 ans environ) et qui a livré un matériel archéologique abondant, occupe une place
importante dans la culture préhistorique de Chine.
Il est situé en plein centre de Pékin, dans la partie nord de la rue Changan Est, entre les rues
Wangfujing et Dongdar. Ses cordonnées sont 1168250 280 ’ de longitude est et de 398550 260 ’ de
latitude nord. La surface du site couvre environ 2000 m2. Des fouilles de sauvetage localisées ont
été réalisées dans la zone où la concentration des vestiges était la plus importante: 9 carrés de 4 m
4 m ont été ouverts sur une surface de 1440 m2 sur laquelle 780 m2 ont été fouillées dont
164 m2 pour la couche supérieure et 616 m2 pour la couche inférieure. Un ramassage a été effectué
sur 112 m2 de la couche inférieure. Au total, la surface fouillée et la zone de ramassage couvre
892 m2.
Le matériel archéologique était réparti en deux couches: la couche inférieure située entre
11,4 et 11,8 m de la surface et la couche supérieure située entre 12,3 et 12,6 m au sein des dépôts
alluviaux (Fig. 1).
Le matériel archéologique recueilli compte 2000 pièces dont 1514 ont été coordonnées (Li
Chaorong et al., 1998; Li Chaorong et al., 2000b). Ce sont des pièces d’industrie lithique, des
ossements, des restes attestant de l’usage du feu et des fragments d’hématite.
Le matériel a fait l’objet d’études statistiques. L’étude des remontages, des microtraces, des
techniques de taille, et de la fracturation des ossements a été effectuée. Les activités de chasse,
l’usage du feu et les pratiques symboliques ont été évoquées à la lumière de l’archéologie
expérimentale et de l’ethnoarchéologie.
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Fig. 1. Vue du site Wangfujing-Oriental Plaza en cours de fouilles.
View of the site Wangfujing-Oriental Plaza in the course of excavations.
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2. Technologie
2.1. Industrie lithique
La vie des hommes paléolithiques reposait sur une alimentation carnée et végétale et sur des
ressources naturelles environnantes. En s’adaptant à leur environnement, ils faisaient le choix de
transformer les produits de la nature de manière à satisfaire leurs besoins de subsistance. Les
différents types d’outils lithiques étaient produits pour permettre aux hommes de s’adapter à leur
environnement dans le but de satisfaire leurs nombreux besoins vitaux.
De nombreux artefacts ont été mis au jour sur le site de Wangfujing-Oriental Plaza. Du fait de
l’importance du site, il fut décidé de construire sur place le musée de site préhistorique de
Wangfujing. Certains artefacts furent ainsi laissés en place sur le site. 1098 artefacts lithiques ont
été analysés (585 provenant de la couche archéologique et 513 provenant du ramassage).
La couche supérieure a livré 71 artefacts, dont 52 sont coordonnés et 19 proviennent des refus
de tamis et du ramassage. Ils comprennent 2 nucléus, 20 fragments de blocs façonnés par
l’Homme, 22 éclats, 4 éclats fragmentés transversalement, 3 éclats fragmentés longitudinalement, 8 débris de taille et 12 outils.
La couche inférieure a livré 1027 artefacts lithiques, dont 533 coordonnés et 494 provenant
des refus de tamis et du ramassage. Ils comprennent 15 nucléus, 99 fragments façonnés par
l’Homme, 344 éclats, 181 éclats fragmentés transversalement, 28 éclats fragmentés
longitudinalement, 314 débris de taille et 46 outils. Parmi les 46 outils de la couche inférieure,
on trouve 26 racloirs, 2 outils convergents, 12 burins, 2 perçoirs, 2 enclumes et 2 percuteurs. Les
nucléus occupent 1,5 % de l’ensemble du matériel lithique, les fragments de bloc anthropiques
10,8 %, les éclats 33,3 %, les éclats fragmentés longitudinalement 2,8 %, les éclats fragmentés
transversalement 16,8 %, les débris de taille 29,3 % et les outils 5,2 %. Les types d’outils sont très
variés. On trouve 37,9 % de racloirs simples, 13,7 % de racloirs doubles, 10,3 % de racloirs à
tranchants multiples, 22,4 % de burins, 3,4 % d’outils convergents, 3,4 % de perçoirs, 1,7 % de
racloirs-burins, 3,4 % de percuteurs et 3,4 % d’enclumes.
Une caractéristique importante du matériel du site de Wangfujing-Oriental Plaza est que les
matières premières proviennent des berges de la rivière, avec une utilisation majoritaire de silex
noir (97,8 %), puis de quartzite (1,2 %) et de grès (0,9 %). Les techniques de débitage utilisées
étaient principalement la percussion directe et, occasionnellement, la percussion bipolaire. Les
débris de taille et les éclats fragmentaires produits au cours du débitage et de la retouche sont en
nombre important. Certains éclats présentent des traces d’utilisation. Les supports utilisés pour
aménager des outils étaient principalement des éclats de différentes formes. Les nucléus et les
fragments de blocs étaient aussi parfois utilisés. Les racloirs sont nombreux et de types variés (Li
Chaorong et al., 2001): certains sont courts et finement travaillés tandis que d’autres sont longs à
extrémité arrondie (Fig. 2). Ces outils sont majoritairement de petites dimensions. En analysant
la retouche des outils, on constate que le débitage par pression à peut être été employé pour
certains artefacts. Les outils sont majoritairement retouchés de la face inférieure vers la face
supérieure. L’analyse des produits de la chaîne opératoire, des matières premières, des nucléus,
des fragments de bloc façonnés par l’Homme, des éclats, des débris de taille et des outils ainsi
que nos propres expérimentations permet de définir les caractéristiques culturelles présentées cidessous.
La fabrication d’outils par les hommes était liée à leur environnement, à la disponibilité des
matières premières, à leur qualité, aux capacités cognitives des Hommes et à leur habileté à la
taille. Le silex est une matière première d’excellente qualité et il est en général taillé par
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Fig. 2. Artefacts lithiques découverts sur le site d’Oriental Plaza. 1. Nucléus bipolaire ( 1,5). 2. Racloir droit-concave
( 2). 3. Racloir long à extrémité arrondie ( 2). 4. Racloir court à extrémité arrondie ( 2). 5. Racloir double droit
( 1,5). 6. Stone bore ( 3). 7. Burin ( 2).
Lithics artefacts discovered on the Oriental Plaza site. 1. Bipolar core ( 1.5). 2. Straight-concave scraper ( 2). 3. Long
scraper with rounded extremity ( 2). 4. Court scraper with rounded extremity ( 2). 5. Straight double scraper ( 1.5). 6.
Stone bore ( 3). 7. Burin ( 2).
percussion directe. Pour les matériaux de mauvaise qualité (comme le quartz), la percussion
bipolaire est utilisée pour la production d’éclats et la réalisation d’outils. Sur le site de
Wangfujing, la percussion bipolaire a été employée pour produire nucléus et éclats. Quelle en
est la cause ? Il est très rare de rencontrer la percussion bipolaire dans les sites paléolithiques
pour le débitage du silex. Nous avons mené des expérimentations en utilisant le silex collecté
dans les environs du site, puis nous avons comparé ces produits avec ceux du site de
Wangfujing, ce qui nous a permis de comprendre que ce phénomène était en relation avec les
capacités cognitives des hommes de cette époque. En effet, il était assez difficile de collecter du
silex de bonne qualité sur la berge de la rivière. Après avoir ramassé du silex de qualité
supérieure et de dimensions variables, les hommes devaient penser à la manière d’utiliser le
plus efficacement ce matériau. La percussion directe a été utilisée pour les gros blocs et la
percussion bipolaire pour les petits blocs. Parce qu’il était impossible d’employer la percussion
directe pour les petits blocs, seule la percussion bipolaire pouvait permettre de produire de
longs éclats et de fabriquer des outils. Lorsque les matières premières de bonne qualité étaient
très rares, la percussion bipolaire était également utilisée pour produire des éclats. Ceci reflète
l’utilisation ingénieuse de différents types de matières premières par les hommes pour produire
des outils. Le site a livré de très beaux racloirs, des burins et des perçoirs en silex. Ceci met en
lumière la capacité des hommes à s’adapter à leur environnement lorsqu’ils utilisaient leurs
outils.
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Des nucléus, des fragments lithiques et des éclats obtenus par percussion bipolaire ont
également été découverts dans des sites en grotte du Paléolithique inférieur en Chine. Lors de la
fouille de ces sites, de nombreux fragments et débris de taille ont été mis au jour, mais on ne
trouve que très peu d’éclats. Généralement, les nucléus, les éclats et les outils occupent un
pourcentage important du matériel. Nous avons mené une expérimentation en pratiquant la
technique de la percussion bipolaire sur des galets et des fragments de silex de différente taille
provenant de grottes. Il en ressort qu’une percussion bipolaire sur un bord posé à plat produit des
artefacts en forme de blocs tandis qu’une percussion bipolaire sur un bord posé verticalement
produit des artefacts plats ou peut parfois également produire de longs éclats. En comparant le
produit de nos expérimentations au matériel découvert lors des fouilles, il est apparu qu’un
nombre important de fragments de bloc façonnés par l’Homme et de débris de taille étaient le
produit de cette technique de percussion bipolaire. C’est une technique simple et c’est aussi l’une
des techniques de débitage les plus anciennement utilisées par les hominidés. Cela reflète les
limites des capacités cognitives des hominidés à cette époque, où ils ne disposaient pas de
matières premières de qualité supérieure. Les hommes préhistoriques n’ont cessé d’améliorer
leurs techniques de taille, jusqu’au Paléolithique supérieur, où ils utilisent cette technique de la
percussion bipolaire de manière très adroite et adoptent des techniques de taille adaptées à la
nature de la matière première.
Les remontages d’artefacts ont une signification très importante dans la recherche
paléolithique (Li Chaorong, 2004). Ce travail peut fournir des informations sur la nature du
site et permet de se soustraire à la subjectivité de la classification. Il permet de comprendre les
méthodes de production d’artefacts lithiques et osseux, en rétablissant les processus mis en
œuvre par les hommes de la préhistoire pour produire leurs outils. De plus, les coordonnées
spatiales des artefacts remontés permettent d’analyser la structure interne du site, de déterminer
les étapes de formation du site et de mettre en évidence les aires d’activités des hommes
préhistoriques: aires de production lithique, aires d’activités (foyers, alimentation), aires de
chasse, par exemple. Parmi les artefacts lithiques, trois groupes de pierres brûlées et un groupe
d’artefacts ont pu être remontés.
Trois cent vingt-deux débris de taille ont été mis au jour sur le site, dont 74 ont été coordonnés.
Leur longueur est comprise entre 2 et 8 mm. Le plus lourd pèse 0,1 g, le plus léger 0,01 g. Du fait
de leur petite taille et de leur forte densité, il était impossible de coordonner tous les débris de
taille lors de la fouille. Le carré T86 de la zone B a livré 198 débris de taille, non coordonnés, sur
une surface d’environ 1 m2. Le plus long de ces 198 artefacts mesure 8 mm, le plus petit 0,8 mm.
111 ont une longueur inférieure à 3 mm, 53 sont compris entre 3 et 5 mm et 34 entre 5 et 8 mm.
Leur poids est compris entre 0,05 et 0,01 g. La plupart ont un poids inférieur 0,05 g. Le carré
T86 a également livré deux nucléus, un fragment de bloc façonné par l’Homme, vingt éclats
entiers, quatre éclats fragmentaires, un éclat fragmenté longitudinalement et un grattoir. De plus,
onze éclats entiers, trois fragments de bloc façonnés par l’Homme et huit éclats fragmentaires
proviennent de la zone de ramassage. D’après l’analyse de la chaîne opératoire, on peut inférer
qu’il s’agit d’un atelier de taille. Cela met également en évidence les conditions d’enfouissement
primaires du site de Wangfujing. C’est un campement temporaire, où se déroulaient différents
types d’activités. L’analyse de la pièce no 503 du secteur B du carré T5 nous montre que celui-ci
est une enclume, mais, alors que ses deux faces présentent les traces caractéristiques d’une
enclume, l’une de ses extrémités montre les traces caractéristiques de percussion et un
enlèvement isolé, comme si l’un des bords montrait qu’il a servi de percuteur. L’autre extrémité
présente des traces d’usures et de poudre d’hématite rouge. Cet objet a un usage multifonctionnel
et met en évidence quatre types d’informations sur les activités humaines (Fig. 3).
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Fig. 3. Plan de répartition du matériel de la fosse T5.
Plan of distribution of the T5 pit material.
2.2. Les ossements fracturés
Un grand nombre de fragments d’os d’animaux furent découverts sur le site. L’analyse du
matériel, des expérimentations, des remontages et des recherches comparatives furent réalisées
pour l’étude de ces ossements fracturés. Parmi les 1099 fragments osseux mis à jour, 411 furent
déterminés comme fracturés volontairement par l’Homme. Les os fracturés ont été répartis en
cinq catégories (Li Chaorong, 2004): os à fractures anthropiques, éclats, esquilles et os présentant
des esquilles. Ces ossements fracturés sont répartis dans les deux couches: 245 pièces dans la
couche inférieure et 20 pièces dans la couche supérieure, auxquelles viennent s’ajouter
146 pièces provenant des refus de tamis et du ramassage.
L’étude du matériel, les caractéristiques principales des ossements fracturés de Wangfujing
sont les suivants: l’état de conservation des ossements d’animaux et des outils est très bon. La
matière première consiste principalement en os des membres de grands animaux. D’après les
fractures visibles sur les artefacts, on peut déduire que les os étaient frais lors de leur fracturation.
En effet, lorsqu’un os frais est fracturé, la fracture produite est lisse et régulière. Pour fracturer
ces ossements, la percussion directe et la percussion bipolaire ont été principalement utilisées et,
parfois, la pression. Un grand nombre d’éclats osseux présentent de manière très claire le point de
percussion et le bulbe comme des éclats lithiques. De plus, après avoir exhumé un os fracturé, un
petit éclat se détache de celui-ci du fait de la weathering. Ceci est la conséquence de la
fracturation volontaire de cet os qui l’a ainsi fragilisé. La technique de la percussion bipolaire
pour la fracturation des ossements a été peu étudiée en Chine. On la connaît toutefois sur le site de
Maanshan (Guizhou).
Les éclats osseux sont nombreux, mais leur forme est très irrégulière. Leurs caractéristiques
morphologiques ne sont pas aussi évidentes que pour les éclats lithiques. Les fragments osseux
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Fig. 4. 1, 2. Ossements fracturés du site d’Oriental Plaza. 3. Pointe ( 4/5). 4. Os présentant des traces de broyage ( 4/
5). 5. Os présentant des traces de découpe ( 1,5). 6. Os présentant des retouches ( 1,5).
1, 2. Broken bones of the Oriental Plaza site. 3. Point ( 4/5). 4. Bones with grinding traces ( 4/5). 5. Bones with traces
of cut ( 1.5). 6. Bones with retouchings ( 1.5).
détachés ont le plus souvent une morphologie rectangulaire (50 %). Certains fragments osseux
présentent des traces de découpe, de broyage et des incisions (Fig. 4).
Parmi les ossements fracturés, certaines pièces présentent des traces anthropiques de découpe
et d’écrasement (Li Chaorong et al., 2004): 38 pièces présentent des traces de découpe, trois
pièces des traces d’écrasement, deux pièces des traces de découpe et d’écrasement. La couche
supérieure a livré 10 pièces présentant des traces de découpe. Elles sont réparties dans les carrés
T12, T13, T14, T27 et T28. 33 pièces proviennent de la couche inférieure, parmi lesquels
28 présentent des traces de découpe, trois des traces d’écrasement et deux des traces de découpe
et d’écrasement. Elles se répartissent dans les carrés T4, T5, T6, T19, T20, T21, T22, T31, T35,
T79, T80, T81, T82 et T84. On retrouve les traces d’écrasement principalement sur les os longs
de grands animaux. Les traces de découpe se retrouvent principalement sur les côtes ainsi que sur
d’autres parties osseuses indéterminées. D’après l’analyse du matériel, la longueur et la
profondeur de ces traces sont variables. Cela indique peut-être la variabilité de la force appliquée
par les Hommes lorsqu’ils démembraient les animaux. En 1986, sur le site de Shuangqiao
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(Pékin), une mâchoire inférieure d’éléphant Paleloxodon Matsumo, 1924 portant des traces de
broyage fut découverte.
Le site de Wangfujing-Oriental Plaza est le seul site chinois où une étude détaillée des
ossements fracturés a été effectuée. Le matériel a été étudié à la lumière d’expérimentations,
d’analyse des remontages et de comparaisons. Au total, 33 groupes de remontages ont pu être
réalisés parmi les ossements fracturés et les coquilles d’œuf d’autruche dont 5 groupes pour les
ossements d’animaux fracturés et un groupe pour les coquilles d’œufs d’autruche. Les groupes de
remontage sont le plus souvent constitués de deux pièces et le groupe le plus important comprend
cinq pièces. Pour la couche supérieure, six pièces forment trois groupes de remontage, chacun
constitué de deux pièces et proviennent des carrés T28 et T22. Pour la couche inférieure,
73 pièces permettent de former 30 groupes, dont 22 sont constitués de deux pièces, 5 sont
constitués de 3 pièces, 1 groupe constitué de 4 pièces et 2 groupes sont constitués de 5 pièces.
Ils se répartissent sur les 16 carrés suivants: T4 (n = 2), T5 (n = 2), T6 (n = 4), T7 (n = 2), T8
(n = 7), T9 (n = 7), T19 (n = 1), T20 (n = 4), T21 (n = 1), T22 (n = 2), T80 (n = 1), T81 (n = 11),
T82 (n = 9), T84 (n = 3), T86 (n = 14) et T88 (n = 3).
Parmi les 1099 artefacts osseux et ossements d’animaux, 33 groupes ont pu être remontés ce
qui correspond à 7,19 % de l’ensemble du matériel (Fig. 5). La pièce no 417 présente sur son bord
[()TD$FIG]droit, dans la partie mésiale, des négatifs d’enlèvements.
Fig. 5. Remontages osseux. 1, 3. Remontage de deux fragments ( 1). 2. Remontage de trois fragments ( 2/3). 4, 5.
Remontage de cinq fragments ( 1/2).
Bony refitting. 1, 3. Two fragments refitting ( 1). 2. Three fragments refitting ( 2/3). 4, 5. Five fragments refitting ( 1/2).
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Fig. 6. Plan de répartition des remontages.
Plan of distribution of refitting.
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Fig. 7. Répartition des remontages en section.
Distribution of refitting in section.
Une autre pièce retrouvée dans un excellent état de conservation lors des fouilles permet
d’observer les traces de deux percussions successives.
Cette « pièce » peut être remontée avec les pièces 1351, 1354 et 1436. C’est un os fracturé qui
permet d’obtenir des informations sur le processus de fragmentation des ossements. Parmi les
ossements remontés, les plus éloignés sur le plan horizontal sont distants de 4,5 m, les plus
proches de 0,1 cm. Sur un plan vertical, les plus éloignés sont séparés d’environ 20 cm, les plus
proches de 0,1 cm (Fig. 6 et 7).
Les traces de découpe et de broyage présentes sur les ossements et les remontages montrent
que les Hommes menaient sur le site des activités de fracturation des ossements, de découpe et de
leur alimentation.
3. Activités
3.1. Chasse et cueillette
Au Paléolithique supérieur, l’invention et l’utilisation de nouvelles techniques augmentèrent
la productivité et l’existence des hominidés s’adapta à divers environnements écologiques (Li
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Chaorong et al., 1998; Li Chaorong et al., 2004). Les restes fauniques et végétaux découverts
dans les sites sont les documents qui ont le plus de valeur pour l’étude de l’alimentation des
hominidés et de leurs activités saisonnières.
Au cours des fouilles systématiques, seuls les fossiles de sept espèces d’animaux vertébrés ont
été mis au jour sur le site de Wangfujing-Oriental Plaza. Il s’agit de Struthio anderssoni Lowe,
1931, Lepus capensis tolai Pallas, 1778, Bos primiginius Ojanus, 1827, Cervus sp.,
Struthio anderssoni, Phasianidae, Teleostei. De plus, des feuilles, des racines et des graines
ont été mises au jour. Les animaux que chassaient les hominidés de cette époque étaient des
herbivores: bœuf, cerf et lièvre. Ils pratiquaient également la pêche, attrapaient des oiseaux et
collectaient des fruits et des racines.
La fouille archéologique a montré que le site se divisait en deux couches, inférieure et
supérieure, dont les artefacts sont similaires. Les artefacts mis à jour au sein de la couche
supérieure sont peu nombreux, les activités humaines se sont donc déroulées pendant une
courte période. Le matériel de la couche inférieure est abondant, la durée de l’occupation a
donc été longue. Les deux couches sont des lieux d’activités temporaires des Hommes du
Paléolithique supérieur. De plus, ce sont des sites saisonniers relativement stables. Le résultat
des analyses palynologiques a montré que la couche inférieure correspondait à un climat froid
et humide et la couche supérieure à un climat froid et sec. Les Hommes, pour s’adapter aux
changements climatiques et environnementaux, ont utilisé le feu pour se chauffer et ont
pratiqué la cuisson. Les couches inférieure et supérieure ont toutes deux livré des traces
d’usage du feu. D’après les caractéristiques de la stratigraphie et la répartition des sédiments
évoquant des dépôts lacustres ou fluviatiles, les géologues supposent que la place
géomorphologique du site correspond à une digue naturelle de rivière. Les activités des
hominidés se seraient déroulées sur une digue naturelle au relief assez élevé (Xia Zhengkai
et al., 1998a).
3.2. Traces d’usage du feu et artefacts associés
Après avoir chassé et récolté leur nourriture, cette dernière devait être cuite. De nombreuses
traces d’usage du feu ont été découvertes à Wangfujing-Oriental Plaza: des pierres et des os
brûlés, des charbons et des cendres. La répartition spatiale des traces d’usage du feu présente une
organisation certaine.
On trouve deux zones pour la couche supérieure: la première zone se trouve à la jonction
des carrés T87, T88, T89 et T90, la seconde se trouve entre les carrés T22 et T35. La couche
inférieure présente quatre zones: la première se situe dans le carré T1, la deuxième occupe
l’espace situé entre les carrés T80 et T82, la troisième entre les carrés T6 et T19 et la
quatrième entre les carrés T84 et T86. Les pierres et les os brûlés de la couche supérieure
peuvent respectivement être remontés. Onze pierres brûlées forment trois groupes de
remontages de cinq, quatre et deux pièces chacun. Deux os brûlés peuvent être remontés
ensemble.
Les quatre amas de restes d’utilisation du feu de la couche inférieure ont livré des os brûlés,
des charbons et des cendres. Les pierres brûlées se sont fracturées du fait de la haute température
lors de la cuisson des aliments. D’après les os présentant des traces de découpe, les remontages
fauniques et la répartition des os brûlés, on peut supposer que les hominidés de cette époque
taillaient la pierre et procédaient à l’abattage et au démembrement du gibier, puis procédaient à la
cuisson autour du feu (Fig. 8).
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Fig. 8. Reconstitution de la vie des Hominidés sur le site d’Oriental Plaza.
Reconstitution of the hominids life in the Oriental Plaza site.
3.3. Activités symboliques: fragments d’hématite
Des fragments d’hématite ont également été retrouvés sur le site. Deux enclumes et deux
percuteurs présentent à proximité des traces d’hématite liées au broyage de ce minéral. Certains
os ont également été teints en rouge. À proximité du carré T19 se trouve une vaste surface colorée
en rouge par la poudre d’hématite. Ceci semble refléter les traces laissées par des activités
symboliques ayant eu lieu avant ou après la chasse par les hominidés. Les sites de Wangfujing et
de Zhoukoudian Upper Cave (Shanding dong) ont tous deux livré des fragments d’hématite ainsi
que des artefacts teints en rouge. À Shanding dong, la poudre d’hématite se trouve à proximité
des défunts tandis qu’à Wangfujing, on la retrouve autour des foyers. Ceci reflète peut-être des
activités symboliques primitives, peut-être même religieuses (Pei, 1939).
4. Conclusion
Wangfujing-Oriental Plaza est un site Paléolithique supérieur. Les dates Cl4 donnent un âge de
22 240 300 B.P. pour la couche supérieure et de 24 890 350 B.P. (Li Chaorong et al., 2000b)
pour la couche inférieure. Les datations effectuées par thermoluminescence sont de
25 850 180 B.P. pour la base de la couche inférieure et 22 850 1540 B.P. pour le sommet
de la couche inférieure. Pour la couche supérieure, la partie inférieure est datée de
19 230 3370 B.P. et la partie supérieure de 14 940 550 B.P. (Xia Zhengkai et al., 1998b). Les
dates obtenues par Cl4 et celles obtenues par thermoluminescence concordent parfaitement.
L’âge géologique du site est Pléistocène supérieur et son âge archéologique est Paléolithique
supérieur.
Aujourd’hui, trois sites paléolithiques ont déjà été découverts dans la ville de Pékin:
Wangfujing-Oriental Plaza, mais aussi Xidan-Zhongying Dasha (Li Chaorong et al., 2000a) et
Shuangqiao (Huang Wanbo, 1990). Le matériel lithique et faunique de Zhongying Dasha a été
découvert dans une couche alluviale, à 21 m sous la surface du sol. Le matériel d’Oriental Plaza
provient d’une couche qui semble alluviale, située à environ 12 m sous la surface. D’après leur
stratigraphie et les résultats des datations absolues, ces trois sites appartiennent au Paléolithique
supérieur.
Du fait des changements climatiques et environnementaux qui surviennent au Pléistocène
supérieur, le cadre des activités des hominidés s’élargit de plus en plus pour leur permettre de
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s’adapter à ce nouvel environnement. Les trois sites de plein air du Paléolithique supérieur
découverts à Pékin mettent en évidence la vie de chasse, pêche et collecte que menaient les
Hommes de cette époque dans la plaine de Pékin. Ces sites sont des campements d’activités
saisonniers. Cela met en évidence le fait que les activités des groupes humains n’avaient pas
seulement lieu dans les grottes, mais aussi dans les plaines. L’étude du matériel de ces sites
démontre également qu’il existe une continuité culturelle entre 50 000/60 000 et 20 000 B.P. à
Pékin (Pei Wenzhong et Zhang Senshui, 1985; Gao Xing, 2000, 2001).
Pour pouvoir comprendre les techniques et les comportements des hommes paléolithiques, les
archéologues doivent mener des fouilles scientifiques sur le terrain, faire un plan des artefacts en
trois dimensions, recueillir toutes sortes d’informations provenant de la stratigraphie, récolter des
matières premières autour du site afin de mener des expérimentations, effectuer des remontages
des artefacts en laboratoire, tout ceci dans le but d’obtenir des informations sur les activités des
hommes préhistoriques. Ce travail demande un effort en temps et en énergie, mais il est très utile
pour comprendre les techniques et les modes de vie des hommes préhistoriques. Nous avons
beaucoup tiré profit de l’étude des remontages lithiques et osseux de Wangfujing-Oriental Plaza
et compris les comportements des hommes de cette époque. Il n’y a qu’en menant une analyse
des microtraces sur le matériel osseux, en faisant des expérimentations lithiques et en
synthétisant ces résultats que l’on peut objectivement comprendre les activités des hommes de la
préhistoire.
Le musée de préhistoire de Wangfujing a ouvert le 28 décembre 2001. Il est au troisième soussol de l’Oriental Plaza. Les artefacts lithiques, les restes fauniques, les ossements fracturés et les
objets brûlés y sont exposés, ainsi qu’un grand nombre de photographies et de plans, de
reconstitutions peintes, sculptées et virtuelles expliquant la situation lors des fouilles, les
productions et la vie des hommes préhistoriques. Le musée est déjà devenu une base de diffusion
scientifique de la capitale.
Remerciements
La détermination des fossiles vertébrés a été réalisée par M. Hou Lian-hai et Zhang Shao-hua.
L’auteur leur adresse ses plus vifs remerciements. Nous remercions également le Pr Henry de
Lumley pour avoir effectué la révision de cet article, Dr Erika Bodin pour la traduction de texte.
Ce projet a reçu une aide financière de la part du Major Basic Research Projects
(2006CB806400) of MST of China et de la National Natural Science Foundation of China
(40472016; 40672208).
Références
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