Techniques et activités des hommes du Paléolithique supérieur sur

Article original
Techniques et activités des hommes du Paléolithique
supérieur sur le site de Wangfujing -
Oriental Plaza, Pékin, Chine
Technics and activities of the upper Palaeolithic people
(Oriental Plaza site of Wangfujing, Peking, China)
Li Chaorong *, Feng Xingwu, Li Hao
Institut of Vertebrate Paleontology and Paleoanthropology (IVPP), Chinese Academy of Science,
PO Box 613, 100044 Beijing, Chine
Disponible sur Internet le 30 octobre 2010
Résumé
Le site de Wangfujing-Oriental Plaza est un site du Paléolithique supérieur daté d’environ 22 240 et
24 890 ans B.P. Le matériel mis au jour y est très abondant et comprend des artefacts lithiques, des restes
osseux, des traces d’usage du feu et des fragments d’hématite. Une analyse statistique du matériel, une étude
des remontages ainsi qu’un examen des microtraces ont été entrepris. Les données numériques de terrain et
de laboratoire ont été traitées par ordinateur. Enfin, les techniques de taille employées pour le matériel
lithique et osseux ainsi que les activités de chasse, d’usage du feu, et leur dimension symboliques sont
discutées et expliquées grâce au recours à l’archéologie expérimentale et à l’ethnoarchéologie. Le site de
Wangfujing-Oriental Plaza est un campement temporaire à caractère saisonnier qui rend compte d’une vie
basée sur la chasse et la cueillette. Les hommes y confectionnaient des outils et y abattaient et démembraient
le gibier, pratiquant la cuisson et s’adonnant à des activités symboliques autour des foyers.
#2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Wangfujing-Oriental Plaza ; Site Paléolithique ; Technologie lithique ; Activités humaines
Abstract
More than 2000 pieces of cultural relics were unearthed from the Oriental Plaza site, including stone
artifacts, bone artifacts, fossils, hematite powder, fire use remains and plant root and foliage. By analyzing
these remains in refitting stone and bone artifacts, in experimentally producing some artifacts, and comparing
www.em-consulte.com
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
L’anthropologie 114 (2010) 530542
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected].cn (L. Chaorong).
0003-5521/$ see front matter #2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.anthro.2010.09.005
with ethnologic data, it is concluded that the Oriental Plaza site is a seasonal human activity site, that humans
had been making a life of hunting and collecting food, can make stone artifacts, bone artifacts to kill their
quarries, use fire to cook their food, and at the same time they also conducted some religion activities.
#2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Keywords: The Oriental Plaza site of Wangfujing; Paleolithic; Tool-making technology; Behavior characteristics
1. Introduction
Le site de Wangfujing-Oriental Plaza, attribué au Paléolithique supérieur (entre 22 240 et
24 890 ans environ) et qui a livré un matériel archéologique abondant, occupe une place
importante dans la culture préhistorique de Chine.
Il est situé en plein centre de Pékin, dans la partie nord de la rue Changan Est, entre les rues
Wangfujing et Dongdar. Ses cordonnées sont 1168250280 de longitude est et de 398550260’de
latitude nord. La surface du site couvre environ 2000 m
2
. Des fouilles de sauvetage localisées ont
été réalisées dans la zone où la concentration des vestiges était la plus importante: 9 carrés de 4 m
4 m ont été ouverts sur une surface de 1440 m
2
sur laquelle 780 m
2
ont été fouillées dont
164 m
2
pour la couche supérieure et 616 m
2
pour la couche inférieure. Un ramassage a été effectué
sur 112 m
2
de la couche inférieure. Au total, la surface fouillée et la zone de ramassage couvre
892 m
2
.
Le matériel archéologique était réparti en deux couches: la couche inférieure située entre
11,4 et 11,8 m de la surface et la couche supérieure située entre 12,3 et 12,6 m au sein des dépôts
alluviaux (Fig. 1).
Le matériel archéologique recueilli compte 2000 pièces dont 1514 ont été coordonnées (Li
Chaorong et al., 1998; Li Chaorong et al., 2000b). Ce sont des pièces d’industrie lithique, des
ossements, des restes attestant de l’usage du feu et des fragments d’hématite.
Le matériel a fait l’objet d’études statistiques. L’étude des remontages, des microtraces, des
techniques de taille, et de la fracturation des ossements a été effectuée. Les activités de chasse,
l’usage du feu et les pratiques symboliques ont été évoquées à la lumière de l’archéologie
expérimentale et de l’ethnoarchéologie.
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Fig. 1. Vue du site Wangfujing-Oriental Plaza en cours de fouilles.
View of the site Wangfujing-Oriental Plaza in the course of excavations.
2. Technologie
2.1. Industrie lithique
La vie des hommes paléolithiques reposait sur une alimentation carnée et végétale et sur des
ressources naturelles environnantes. En s’adaptant à leur environnement, ils faisaient le choix de
transformer les produits de la nature de manière à satisfaire leurs besoins de subsistance. Les
différents types d’outils lithiques étaient produits pour permettre aux hommes de s’adapter à leur
environnement dans le but de satisfaire leurs nombreux besoins vitaux.
De nombreux artefacts ont été mis au jour sur le site de Wangfujing-Oriental Plaza. Du fait de
l’importance du site, il fut décidé de construire sur place le musée de site préhistorique de
Wangfujing. Certains artefacts furent ainsi laissés en place sur le site. 1098 artefacts lithiques ont
été analysés (585 provenant de la couche archéologique et 513 provenant du ramassage).
La couche supérieure a livré 71 artefacts, dont 52 sont coordonnés et 19 proviennent des refus
de tamis et du ramassage. Ils comprennent 2 nucléus, 20 fragments de blocs façonnés par
l’Homme, 22 éclats, 4 éclats fragmentés transversalement, 3 éclats fragmentés longitudinale-
ment, 8 débris de taille et 12 outils.
La couche inférieure a livré 1027 artefacts lithiques, dont 533 coordonnés et 494 provenant
des refus de tamis et du ramassage. Ils comprennent 15 nucléus, 99 fragments façonnés par
l’Homme, 344 éclats, 181 éclats fragmentés transversalement, 28 éclats fragmentés
longitudinalement, 314 débris de taille et 46 outils. Parmi les 46 outils de la couche inférieure,
on trouve 26 racloirs, 2 outils convergents, 12 burins, 2 perçoirs, 2 enclumes et 2 percuteurs. Les
nucléus occupent 1,5 % de l’ensemble du matériel lithique, les fragments de bloc anthropiques
10,8 %, les éclats 33,3 %, les éclats fragmentés longitudinalement 2,8 %, les éclats fragmentés
transversalement 16,8 %, les débris de taille 29,3 % et les outils 5,2 %. Les types d’outils sont très
variés. On trouve 37,9 % de racloirs simples, 13,7 % de racloirs doubles, 10,3 % de racloirs à
tranchants multiples, 22,4 % de burins, 3,4 % d’outils convergents, 3,4 % de perçoirs, 1,7 % de
racloirs-burins, 3,4 % de percuteurs et 3,4 % d’enclumes.
Une caractéristique importante du matériel du site de Wangfujing-Oriental Plaza est que les
matières premières proviennent des berges de la rivière, avec une utilisation majoritaire de silex
noir (97,8 %), puis de quartzite (1,2 %) et de grès (0,9 %). Les techniques de débitage utilisées
étaient principalement la percussion directe et, occasionnellement, la percussion bipolaire. Les
débris de taille et les éclats fragmentaires produits au cours du débitage et de la retouche sont en
nombre important. Certains éclats présentent des traces d’utilisation. Les supports utilisés pour
aménager des outils étaient principalement des éclats de différentes formes. Les nucléus et les
fragments de blocs étaient aussi parfois utilisés. Les racloirs sont nombreux et de types variés (Li
Chaorong et al., 2001): certains sont courts et finement travaillés tandis que d’autres sont longs à
extrémité arrondie (Fig. 2). Ces outils sont majoritairement de petites dimensions. En analysant
la retouche des outils, on constate que le débitage par pression à peut être été employé pour
certains artefacts. Les outils sont majoritairement retouchés de la face inférieure vers la face
supérieure. L’analyse des produits de la chaîne opératoire, des matières premières, des nucléus,
des fragments de bloc façonnés par l’Homme, des éclats, des débris de taille et des outils ainsi
que nos propres expérimentations permet de définir les caractéristiques culturelles présentées ci-
dessous.
La fabrication d’outils par les hommes était liée à leur environnement, à la disponibilité des
matières premières, à leur qualité, aux capacis cognitives des Hommes et à leur habileté à la
taille. Le silex est une matière première d’excellente qualité et il est en général taillé par
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percussion directe. Pour les matériaux de mauvaise qualité (comme le quartz), la percussion
bipolaire est utilisée pour la production d’éclats et la réalisation d’outils. Sur le site de
Wangfujing, la percussion bipolaire a été employée pour produire nucléus et éclats. Quelle en
est la cause ? Il est très rare de rencontrer la percussion bipolaire dans les sites paléolithiques
pour le débitage du silex. Nous avons mené des expérimentations en utilisant le silex collecté
dans les environs du site, puis nous avons comparé ces produits avec ceux du site de
Wangfujing, ce qui nous a permis de comprendre que ce phénomène était en relation avec les
capacités cognitives des hommes de cette époque. En effet, il était assez difficile de collecter du
silex de bonne qualité sur la berge de la rivière. Après avoir ramassé du silex de qualité
supérieure et de dimensions variables, les hommes devaient penser à la manière d’utiliser le
plus efficacement ce matériau. La percussion directe a été utilisée pour les gros blocs et la
percussion bipolaire pour les petits blocs. Parce qu’il était impossible d’employer la percussion
directe pour les petits blocs, seule la percussion bipolaire pouvait permettre de produire de
longs éclats et de fabriquer des outils. Lorsque les matières premières de bonne qualité étaient
très rares, la percussion bipolaire était également utilisée pour produire des éclats. Ceci reflète
l’utilisation ingénieuse de différents types de matières premières par les hommes pour produire
des outils. Le site a livré de très beaux racloirs, des burins et des perçoirs en silex. Ceci met en
lumière la capacité des hommes à s’adapter à leur environnement lorsqu’ils utilisaient leurs
outils.
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Fig. 2. Artefacts lithiques découverts sur le site d’Oriental Plaza. 1. Nucléus bipolaire (1,5). 2. Racloir droit-concave
(2). 3. Racloir long à extrémité arrondie (2). 4. Racloir court à extrémité arrondie (2). 5. Racloir double droit
(1,5). 6. Stone bore (3). 7. Burin (2).
Lithics artefacts discovered on the Oriental Plaza site. 1. Bipolar core (1.5). 2. Straight-concave scraper (2). 3. Long
scraper with rounded extremity (2). 4. Court scraper with rounded extremity (2). 5. Straight double scraper (1.5). 6.
Stone bore (3). 7. Burin (2).
Des nucléus, des fragments lithiques et des éclats obtenus par percussion bipolaire ont
également été découverts dans des sites en grotte du Paléolithique inférieur en Chine. Lors de la
fouille de ces sites, de nombreux fragments et débris de taille ont été mis au jour, mais on ne
trouve que très peu d’éclats. Généralement, les nucléus, les éclats et les outils occupent un
pourcentage important du matériel. Nous avons mené une expérimentation en pratiquant la
technique de la percussion bipolaire sur des galets et des fragments de silex de différente taille
provenant de grottes. Il en ressort qu’une percussion bipolaire sur un bord posé à plat produit des
artefacts en forme de blocs tandis qu’une percussion bipolaire sur un bord posé verticalement
produit des artefacts plats ou peut parfois également produire de longs éclats. En comparant le
produit de nos expérimentations au matériel découvert lors des fouilles, il est apparu qu’un
nombre important de fragments de bloc façonnés par l’Homme et de débris de taille étaient le
produit de cette technique de percussion bipolaire. C’est une technique simple et c’est aussi l’une
des techniques de débitage les plus anciennement utilisées par les hominidés. Cela reflète les
limites des capacités cognitives des hominidés à cette époque, où ils ne disposaient pas de
matières premières de qualité supérieure. Les hommes préhistoriques n’ont cessé d’améliorer
leurs techniques de taille, jusqu’au Paléolithique supérieur, où ils utilisent cette technique de la
percussion bipolaire de manière très adroite et adoptent des techniques de taille adaptées à la
nature de la matière première.
Les remontages d’artefacts ont une signification très importante dans la recherche
paléolithique (Li Chaorong, 2004). Ce travail peut fournir des informations sur la nature du
site et permet de se soustraire à la subjectivité de la classification. Il permet de comprendre les
méthodes de production d’artefacts lithiques et osseux, en rétablissant les processus mis en
œuvre par les hommes de la préhistoire pour produire leurs outils. De plus, les coordonnées
spatiales des artefacts remontés permettent d’analyser la structure interne du site, de déterminer
les étapes de formation du site et de mettre en évidence les aires d’activités des hommes
préhistoriques: aires de production lithique, aires d’activités (foyers, alimentation), aires de
chasse, par exemple. Parmi les artefacts lithiques, trois groupes de pierres brûlées et un groupe
d’artefacts ont pu être remontés.
Trois cent vingt-deux débris de taille ont été mis au jour sur le site, dont 74 ont été coordonnés.
Leur longueur est comprise entre 2 et 8 mm. Le plus lourd pèse 0,1 g, le plus léger 0,01 g. Du fait
de leur petite taille et de leur forte densité, il était impossible de coordonner tous les débris de
taille lors de la fouille. Le carré T86 de la zone B a livré 198 débris de taille, non coordonnés, sur
une surface d’environ 1 m
2
. Le plus long de ces 198 artefacts mesure 8 mm, le plus petit 0,8 mm.
111 ont une longueur inférieure à 3 mm, 53 sont compris entre 3 et 5 mm et 34 entre 5 et 8 mm.
Leur poids est compris entre 0,05 et 0,01 g. La plupart ont un poids inférieur 0,05 g. Le carré
T86 a également livré deux nucléus, un fragment de bloc façonné par l’Homme, vingt éclats
entiers, quatre éclats fragmentaires, un éclat fragmenté longitudinalement et un grattoir. De plus,
onze éclats entiers, trois fragments de bloc façonnés par l’Homme et huit éclats fragmentaires
proviennent de la zone de ramassage. D’après l’analyse de la chaîne opératoire, on peut inférer
qu’il s’agit d’un atelier de taille. Cela met également en évidence les conditions d’enfouissement
primaires du site de Wangfujing. C’est un campement temporaire, où se déroulaient différents
types d’activités. L’analyse de la pièce n
o
503 du secteur B du carré T5 nous montre que celui-ci
est une enclume, mais, alors que ses deux faces présentent les traces caractéristiques d’une
enclume, l’une de ses extrémités montre les traces caractéristiques de percussion et un
enlèvement isolé, comme si l’un des bords montrait qu’il a servi de percuteur. L’autre extrémité
présente des traces d’usures et de poudre d’hématite rouge. Cet objet a un usage multifonctionnel
et met en évidence quatre types d’informations sur les activités humaines (Fig. 3).
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