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RAPPORT DE L’IHEJ JUIN 2013
SYNTHÈSE
Comment surmonter l’effondrement humain et politique causé par les crimes de masse ? Com-
ment prévenir leur retour ou leur intensification ? Comment intégrer la justice dans une stratégie
plus globale de retour à la paix et de construction démocratique ? La prise de conscience qu’il y a
là un enjeu stratégique central pour la diplomatie française ne pourra porter ses fruits qu’en re-
considérant l’idée de justice transitionnelle, une notion complexe au carrefour du droit, de la mo-
rale, de la politique et de la sécurité. Sans vouloir substituer un nouveau concept à celui désormais
communément utilisé, en dépit de ses évidentes limites, de « justice transitionnelle », les auteurs
du rapport préfèrent utiliser le terme de « justice reconstitutive » pour désigner l’effort de saisir
ensemble droit et politique, national et international, fondement et évolutions sous l’horizon d’une
action juste.
La reformulation de l’idée de justice repose sur ce triple défi. Elle requiert tout d’abord de dépasser
les approches les plus courantes dans le domaine pour prendre plus, ou autrement, en considéra-
tion la dimension politique de la justice transitionnelle, en évitant aussi bien l’idéalisme légaliste
(le rêve d’une justice « pure » et autosuffisante) que la « réal-politisation » du droit (la justice comme
simple instrument des luttes politiques).
Elle suppose ensuite de réunir, sans les confondre, le champ classique de la justice transitionnelle,
souvent réduit au national et au non pénal, et celui de la justice pénale internationale du fait des
phénomènes de globalisation / « glocalisation » dans lesquels les États en reconstruction s’inscri-
vent. Le rapport tire ainsi également les conséquences du principe de « complémentarité active »
promu par le Statut de Rome, n’abolissant pas mais bouleversant les délimitations anciennes entre
le national et l’international. La Cour pénale internationale n’est ni une organisation internationale
classique ni une juridiction comme nous en connaissons sur le plan interne. Ces juridictions sont
à la fois des ressources pour la diplomatie et de nouveaux terrains de luttes d’influence. Il s’agit
enfin de ne pas perdre le sens profond et la force originelle de la « période héroïque », celle de la
défense de l’idée même de justice pénale internationale, mais de prendre la mesure des évolutions
en cours dans la phase plus « prosaïque » de sa mise en œuvre concrète. D’une part pour com-
prendre le sens profond du moment fondateur mais atypique des procès de Nuremberg et Tokyo,
de l’élaboration des charges de « crimes contre l’humanité » puis de « génocide », de l’expérience
totalitaire pour appréhender le lien entre la responsabilité individuelle et la dimension collective
ou idéologique du crime de masse dans laquelle s’enracine les liens ambigus et inextricables entre
justice et politique.
SYNTHÈSE