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Thème et date du cours : La Cour pénale internationale (18 février 2011)
Titre : Renaud de La Brosse : « Les trois générations de la justice pénale internationale »
Nombre de caractères : 4986
Résumé : Présentant le parcours semé d’embûches vers la création de la Cour pénale internationale (CPI),
l’auteur nous rappelle que le projet s’ancre dans une longue démarche historique « vers l’universalisation
du droit et le règne du droit » (K. Annan). L’édification de la justice universelle a pris forme d’abord
dans des tribunaux pénaux internationaux, ensuite dans la CPI et enfin par le biais de tribunaux mixtes.
De la Convention de La Haye aux Tribunaux militaires (Nuremberg et Tokyo), les crimes de guerre, les
crimes contre la paix et l’humanité ont fait leur chemin jusqu’à leur incorporation dans bon nombre de
conventions internationales et législations nationales. Lentement, l’idée d’œuvrer contre l’impunité
s’imposait, cependant la conjoncture politique de la guerre froide et de la décolonisation allait en freiner
sa matérialisation au profit de la non- ingérence. Mises sur la glace depuis 1948, les aspirations juridiques
de l’ONU furent réanimées par l’électrochoc de violence causé par le conflit dans l’ex-Yougoslavie et le
génocide au Rwanda. Devant l’absence d’une telle juridiction, des tribunaux ad hoc ont été privilégiés
afin de traduire en justice les responsables. Le besoin criant de justice universelle, mis en lumière par ces
tragiques événements, donna finalement l’impulsion nécessaire à la communauté internationale afin
d’instaurer un recours juridique permanent. Par le Statut de Rome, la CPI se concrétisa. En revanche, les
nombreux obstacles politiques, financiers et logistiques rencontrés en cours de route ont poussé la
pratique juridique pénale internationale vers de nouvelles formes : celles d’une justice de juridictions
mixtes. De la sorte, le Sierra Leone, le Cambodge et le Timor ont mis sur pied des tribunaux nationaux
sous supervision internationale. Toutefois, la dernière évolution en la matière a été initiée par la Belgique
qui, dotant sa juridiction nationale de compétences universelles, se donnait le pouvoir de poursuivre les
auteurs de crimes commis à l’étranger.
Commentaires : : La justice internationale a fait bien du chemin depuis ses premiers balbutiements.
Cependant, le consensus est loin d’être atteint et son futur reste incertain. Ces développements, a priori
encourageants, ont rencontré de vives oppositions et les avancées furent maintes fois rabrouées. Ce
processus évolutif en témoigne largement, ne faisant jamais l’unanimité, la justice criminelle
internationale a dû sans cesse se réinventer à travers divers instruments dotés de pouvoirs et de moyens
différents et donnant lieu à des résultats parfois mitigés. Une véritable justice universelle devrait
s’appliquer pour tous uniformément, sans nécessiter l’élaboration de nouveaux types de tribunaux au cas
par cas et selon le bon vouloir des États. Mais les faiblesses, présentes au cœur même du Statut de Rome,
nous rappellent que la souveraineté des États est encore largement omnipotente. Même avec plusieurs
articles à portée diminuée (notamment l’art. 8 qui n’interdit ni les armes nucléaires, biologiques et
chimiques pas plus que les mines anti-personnel, l’art. 124 procurant une exonération provisoire pour les
crimes visés à l’art. 8 ou encore la résolution 1422 de l’ONU, etc.), les États-Unis ne l’ont toujours pas
ratifié et la France tarde toujours à se doter des législations nationales adéquates.
En plus d’aspirer à la justice universelle, l’auteur assigne également à la CPI la mission de « témoigner
pour l’Histoire ». Mais à la lumière de toutes ces lacunes et des nombreux refus d’en reconnaître la
compétence, il serait tendancieux d’attribuer à la CPI un aussi grand dessein. À l’instar du Tribunal de
Nuremberg, même désignée universelle, la justice demeure l’apanage des vainqueurs. Il ne faudrait pas
confondre plaidoyer et récit historique. Sinon, l’amnésie nous guette et celle-ci ne rend jamais justice.
Nuremberg et Tokyo ne doivent pas nous faire oublier Dresde et Hiroshima. Le Tribunal d’Arusha ne doit
pas négliger les représailles du Front patriotique Rwandais au Congo, pas plus que ne doivent être
exemptés les opposants au Statut de Rome, les bavures militaires américaines en Irak et encore moins les
pratiques criminelles de Blackwater. Par conséquent, sur plusieurs théâtres d’opérations, l’impunité
demeure la norme. De ce tumultueux parcours à petits pas d’homme, nous sommes malheureusement
encore loin du « grand pas pour l’humanité ».
Questions : 1) L’ampleur des crimes perpétrés en ex-Yougoslavie et au Rwanda aurait « contraint la
communauté internationale à l’action », mais peut-on vraiment parler d’action ? Les Tribunaux pénaux
internationaux ne seraient-ils pas plutôt qualifiables d’acte de réparation devant l’indéniable inaction
ayant engendré la poursuite de ces crimes ? Le Statut de Rome ne se limite-t-il pas à une force de réaction
?