E. HUSSERL ET M. PROUST

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E. HUSSERL ET M. PROUST
A LA RECHERCHE DU MOI PERDU
Collection « La Philosophie en commun»
dirigée par Stéphane Douailler; Jacques Poulain
et Patrice ~nneren
MonicaM.
JARAMILLO-MAHUT
E. HUSSERL ET M. PROUST
A IA RECHERCHE DU MOI PERDU
L'Hannattan
5-7, rue de l'École-Polytechnique
75005 Paris - FRANCE
L'Hatmattan Ine
55, rue Saint-Jacques
Montréal (Qc) - CANADA H2Y lK9
(Q L'Harmattan,
1997
ISBN: 2-7384-4941-7
REMERCIEMENTS
Nous
voudrions
tout
particulièrement
remercier
M.M. Jacques Colette, Professeur à la Sorbonne (Université
Paris I), Patrice Vermeren (Collège international de philosophie) et Jean-François Pestureau, sans lesquels le présent travail n'aurait que difficilement pu voir le jour.
C'est un même tribut de reconnaissance et de gratitude
que nous nous devons d'apporter à nos maîtres M.M.P.P.
Luis Enrique Garda R., Guillermo Hoyos V. (Universités de
Caldas et Nacional de Colombie) et Jean T. Desanti
(Université Paris I).
Nous aurons également une pensée pour tous ceux et celles qui, peut-être sans mesurer eux-mêmes toute la portée de
leur contribution, ont rendu possible l'accomplissement de
notre parcours.
à mes parents, à Jean-Claude Mahut et Marina Maouad,
avec tout mon amour et ma reconnaissance,
Nadie entra por casualidad en la filosoffa.
Guillermo Hoyos Vasquez
INTRODUCTION
«Un court sentir naît d'un événement, lui-même issu de
rien»; «seule peut-être une archi-épochè de la sensation
pourrait énoncer cette proposition. Elle mettrait en suspens
non seulement les préjugés du monde et de la substance, mais
aussi ceux de la subjectivité et de la vie [...]. L'âme éveillée,
existée, par le sensible ne connaît certes pas son passé, au sens
où la pensée vise un objet d'autrefois pour le réactualiser.
Mais quand le sensible a subi l'épreuve du geste artistique
d'anéantissement par lequel son apparence est muée en apparition, ]' affect ponctue] qu' i] éveilla porte instantanément
avec lui ]a valeur d'un retour. Ce qui revient dans cet advenir
n'est pas localisé dans ]e temps des horloges et des consciences [...]. Il faut renverser ]e rapport: l' advenir advient
comme revenir. C'est pourquoi le ¥este induit toujours une
nostalgie et motive une anamnèse. »
Les propos de J.-F. Lyotard ci-dessus énoncés nous ]aissent percevoir, d'une certaine manière, l'idée qui commande
]a conception husserlienne de ]a phénoménologie de ]a ge. nèse. Elle pourrait, au demeurant, se résumer en cette formule capitale: «Le moins possible d'entendement, mais
autant de sensibilité que possible », ce qui signifie que le
véritable accès à la phénoménologie génétique - celle de «la
question récurrente qui va [du] monde [originaire] de la vie
aux opérations subjectives desquelles il s'engendre lui-
même »2 - doit avoir partie liée avec la détermination origi-
naire de l'évidence pratique et du sentiment. C'est pourquoi,
avant de développer toutes les implications que comporte ce
principe, il est nécessaire de le distinguer soigneusement de
cette affirmation de Husserl :
1.
2.
J.-F. LYOTARD, « Anima Minima », dans Moralités postmodernes, Paris: Galilée (coll. « Débats »), 1993, p.210.
E. HUSSERL, Expérience et jugement, trad. D. Souche-Dagues,
Paris, PUF (colI. « Epiméthée »), 1970, p. 58.
«Aucune tendance n'est plus dangereuse pour la
connaissance des origines, des données absolues, qui
veut s'en tenir à la vue, que la tendance à trop penser et
à puiser dans ces réflexions de la pensée de prétendues
évidences allant de soi [...]. La connaissance par la vue
est la raison qui se propose d'amener l'entendement précisément à la raison. L'entendement ne doit pas s'y mêler pour introduire subrepticement ses traites non encore
payées parmi celles qui le sont [...]. Par conséquent le
moins possible d'entendement, mais autant que possible
l'intuition pure (intuitio sine comprehensione); c'est
en effet le langage des mystiques, décrivant la vision intellectuelle qui ne serait pas un savoir de l'ordre œ
l'entendement, qui nous vient à l'esprit. Et tout le secret
consiste à laisser la parole purement au regard de la vue
et à mettre hors jeu la visée transcendante qui est entrelacée avec la vue, à mettre hors jeu ce qui, intervenant
en même temps, n'est qu'une prétendue possession
d'une donnée, n'est que pensée, et éventuellement n'est
qu'une interprétation introduite par une réflexion surajoutée. »3
Car, bien que ce passage de Husserl dans Die Idee der
Phiinomenologie (1907), dont le sens peut s'énoncer ainsi:
le moins possible d'entendement mais autant que possible
non pas la sensibilité mais l'évidence pure, semble annoncer
le besoin de développer une phénoménologie
de la
« connaissance des origines », il concerne en vérité la mise en
question de la prétendue évidence de la pensée dans
l'expérience psychologique, par opposition à l'expérience
phénoménologique des « phénomènes purs» qui, à travers la
réduction phénoménologique, « reconduit l'entendement à la
raison », c'est-à-dire à l'évidence pure4.
3.
4.
E. HUSSERL, L'idée de la phénoménologie - cinq leçons, trad.
A. Lowit, Paris: PUF (colI. «Epiméthée »), 1972, pp.88-89. Les
mots en italique sont soulignés par nous.
Cf. Id., pp. 68-75. Une telle tentative nous mène nécessairement au
problème de « l'a priori du temps»:
«Cette question de l'origine
est orientée vers les formations primitives de la conscience du temps,
dans lesquelles les différences primitives du temporel se constituent,
dans un mode intuitif et propre, comme les sources originaires de toutes les évidences relatives au temps. Cette question de l'origine ne
8
Or, c'est là précisément que Husserl esquisse les grandes
lignes de ce qu'il est convenu d'appeler le «chemin cartésien» de la phénoménologie. Ce chemin, dont la prétention
est bien, selon lui, de faire de la phénoménologie une science
des fondements - au sens aristotélicien et cartésien d'une
«philosophie première» - exigeait d'abord une description
minutieuse des conditions d'accès à la subjectivité absolue qui, sous forme de la conscience interne du temps est le
« centre de fonctionnement» de toute expérience transcendantale constituante - à partir des données immédiates de la
conscience pure et, celles-ci étant les données purement phénoménales-intuitives qui, en tant que vécus, s'offrent au moi
comme «résidu pur» après la «mise hors circuit» de la
thèse de l'attitude naturelle.
A vrai dire, comme tout un chacun le sait, le déploiement
systématique de ce projet descriptif ne vit véritablement le
jour qu'en 1913 date à laquelle Husserl publia ldeen zu einer
reinen Phiinomenologie und phiinomenologischen Philosophie le premier volume de ses Ideen [...] qui trouvera son
point d'aboutissement dans Erste Philosophie, 1923-1924,
ouvrage qui précisément authentifie dans le même temps
l'abandon par Husserl de son chemin cartésien. Et c'est là
que, peut-être pour la toute première fois, il se pose la question qui ne laissera dès lors de le préoccuper: «Peut-il y
avoir une connaissance du monde de part en part apodictique
- si au commencement je considère la connaissance du
monde comme le but véritable de toute connaissance en gé-
doit pas être confondue avec la question de l'origine psychologique,
avec la question litigieuse entre l'innéisme et J'empirisme; [...] pour
nous la question de la genèse empirique est indifférente; ce qui nous
intéresse, ce sont les vécus d'après leur sens objectif et leur teneur
descriptive ». E. HUSSERL, Leçons pour une phénoménologie de la
conscience intime du temps, trad. H. Dussort, Paris: PUF (coll.
«Epiméthée»),
1983, pp. 14-15. Les derniers mots en italique ont
été soulignés par Husserl. Or, il faut ajouter tout aussitôt que cette
problématique - que fera partie de ce que Husserl appelera quelques années plus tard la méthode statique - ne concerne pas encore l'idée
d'une phénoménologie génétique. CeUe-ci qui a son assise dans la notion de synthèses passives n'est esquissée par Husserl, comme le signale judicieusement 1. KERN, « Que dans les années 1917 -1921 ».
Cf 1. KERN, «Constitution
statique et génétique », Alter: Revue
de phénoménologie,
«Temporalité
et affection », n° 2, 1994,
pp. 29-34.
9
néral, et de toute connaissance scientifique en particulier?
»5
Telle est, au demeurant, la première difficulté rencontrée par
Husserl en vue de la postulation d'une phénoménologie de la
genèse, comme élucidation de l'origine de l'expérience - en
ses propres termes: comme explication de l'origine de notre
expérience du monde - formulée non de façon épistémologique comme «expérience du connaître» mais sous la perspective des conditions subjectives selon lesquelles le monde
. nous est toujours «donné d'avance» en tant que «sens préconstitué ». Mais cela ne peut se faire que si le phénoménologue effectue un « questionnement
en retour»
qui
s'enquiert de la détermination originaire, donc pré-théorique,
des strates inférieures pré-constituantes, en quelque sorte
«refoulées en arrière» mais sans lesquelles aucune expérience constituante de l'étant ne serait possible. Dans cette
mesure, l'idée d'origine se trouve concentrée dans l'analyse
des « formes originaires d'unité» qui, en tant que formes de
l'intentionnalité passive (les synthèses passives ont lieu dans
la conscience intime du temps), sont les conditions
d'ouverture de toute expérience constitutive de l'étant.
Or donc, une telle interrogation renvoie d'abord au problème de l' historicité immanente de l'ego, en tant que détermination du domaine d'appartenance de ses vécus à sa
« sphère primordiale» immanente. Mais elle se donne aussi,
dans un deuxième temps, comme l'exigence de transcender
ce qui lui est propre - le salus ipse - pour pouvoir alors atteindre la dimension d'autrui.
Très certainement, ce premier mouvement de transcendance qui consiste en une tentative de dépassement de
l'expérience actuelle de l'ego par un retour aux origines,
laissait déjà pressentir le besoin de mettre en œuvre une méthode nouvelle - c'est-à-dire non-statique -, à la fois distincte
de la méthode descriptive et lui étant toutefois corrélative: la
. méthode génétique. Néanmoins, point n'est besoin de souligner que le problème de 1'« historicité» de l'ego comme
genèse a priori pouvait déjà se dégager de la méthode transcendantale-descriptive - à condition seulement de se départir
du chemin cartésien qui permettait à peine à la phénoméno-
logie de sortir de l'ornière du «solipsisme transcendantal »6,
5.
6.
E. HUSSERL, Philosophie première - 2, «Théorie de la réduction
phénoménologique »,
trad. A.L.Kelkel,
Paris:
PUP (coll.
«Epiméthée »), 1972, pp. 264-265.
Commençons par rappeler que les Méditations cartésiennes furent
publiées originairement en français en 1930, d'après deux conféren10
Husserl comprit très vite qu'il ne pouvait pas faire dépendre
aussitôt la question de l'historicité de l'ego de la détermination de son «appartenance à une communauté générativement liée» sans l'analyse préalable de l'histoire de la
«téléologie immanente» de l'ego, comme détermination de
l'appartenance de ses actes à la «communauté synthétique»
de sa « sphère primordiale ». Car, la «communauté générativement liée» l'est nécessairement par la médiation du langage. De sorte qu'à demeurer sur cette voie, ce qui serait
alors constitué n'est au fond qu'une pure et simple genèse
empirique.
Nul doute, dans ces conditions, que la critique que Husserl
adresse au concept de genèse empirique dans la philosophie
de Locke, s'applique également - même si aucune mention
n'y figure - à la problématique phénoménologique relative
ces que Husserl prononça
à la Sorbonne
en février
1929
-
plus con-
nues comme Les conférences de Paris - qu'il y présenta à nouveau à
très peu d'intervalle à l'université de Strasbourg. Et pourtant, comme
le signale M. de Launay dans la dernière édition française des Méditations (1994) le contenu des deux conférences n'est pas le même
« dans la mesure où dans la seconde conférence strasbourgeoise, Husserl développa le thème de l'intersubjectivité
qu'il n'avait fait
qu'esquisser à Paris ». E. HUSSERL, Méditations cartésiennes et les
conférences de Paris: trad. M. de Launay, Paris: PUP (colI.
«Epiméthée »), 1994, p. VII. Or, il semble que, si dans la démarche
de cet ouvrage «la détermination du domaine transcendantal comme
intersubjectivité monadologique» sera censée avoir définitivement
laissé derrière elle Ie problème du solipsisme transcendantal, elle ne
permet pas en revanche l'accès à une véritable téléologie de l'histoire
- celle-ci étant incompatible avec l'idée d'une connaissance apodictique voire « rigoureuse» de l'histoire. J.T. Desanti dans son analyse
des Méditations a vu très nettement toutes les difficultés que comporte
cette orientation
descriptive
à l'égard
du problème
di
« solipsisme»:
«La difficulté propre au phénoménologue est
qu'il doit échapper au solipsisme en maintenant ferme devant son seul
regard, à titre de synthèse noético-noématique (donc toujours dans la
champ transcendantal réduit où opère l'ego). le lien du moi et du nonmoi. Le nombre des voies qui s'offrent pour dépasser le moment di
solipsisme est donc ici très réduit et chacune conduit à une impasse, si
du moins on veut (et c'est le point de vue de Husserl) conserver l'idée
de la phénoménologie comme philosophie première ». J.T. Desanti,
Introduction à la phénoménologie,
Paris:
Gallimard (colI.
«Idées »), 1976, p. 107. Les mots en italique sont soulignés par
nous.
11
au problème de la constitution du sens dans sa méditation
logique. Dès lors, en effet, que Husserl s'est appuyé - tout
comme le fit Locke - sur l'analyse de la formation des concepts généraux comme moyen du dégagement de la constitution originaire du sens, ceci ne pouvait le conduire qu'à la
détermination de la genèse psychologique du jugement. Et
c'est aussi la raison pour laquelle l'accomplissement de la
réduction éidétique entraîne une difficulté semblable à
l'égard du problème de la genèse puisqu'elle opère, en tant
que « spontanéité intellectuelle », au moyen de concepts logico-éidétiques. Mais alors, comment comprendre d'après cette
quasi retombée dans l'attitude naturelle, qu'en partant de la
méthode phénoménologique une «téléologie immanente»
de l'ego puisse être éclaircie d'une façon nouvelle? Et à
quelles conditions la manifestation originaire de la langue celle du logos phénoménologique
- est-elle susceptible
d'une saisie dans l'expérience de son auto-engendrement?
De la formulation de ces questions - qui furent posées par
Husserl lui-même dans les notes annexes d'Erste Philosophie
- se dégage déjà une certaine réserve de la part du philosophe, à l'égard de quelques-uns des résultats de ses Jdeen
J. Ce déplacement commence à s'opérer vers 1918, date à
laquelle Husserl amorce la rédaction d'Analysen zur passiven
Synthesis, travail qu'il ne reprendra que quelques années plus
tard, une fois achevée la composition d'Erste Philosophie.
Or, et c'est là un aspect fondamental, si dans Analysen zur
passiven Synthesis Husserl commence à tracer les grandes
lignes de sa problématique génétique, nous ne pouvons pas
véritablement considérer cet ouvrage - ce qui vaut également
pour ses Méditations cartésiennes comme nous le montrerons
le moment venu - comme une méthode à propremènt parler
génétique. Ceci d'autant moins que, Husserl se place là dans
le cadre de la réduction phénoménologique, en sorte que ses
analyses supposent toujours un mode de considération noético-noématique. Mais, ce qui est nouveau par rapport à la
démarche des Ideen, c'est que le problème du «sens» apparaît maintenant comme lié étroitement à la dimension du
temps - le noème étant immédiatement présent, de façon
purement immanente, à la conscience du temps, - ce qui sera
aussi pour lui le moyen de décrire l'analyse noéticonoématique en tant que procédé statique.
Sans établir encore une nette distinction entre les principes
de la genèse constitutive - car dans l'ouvrage auquel nous
faisons à présent allusion, il n'est pas question de
l'articulation des concepts de passivité et de réceptivité -,
12
Husserl consacre une longue méditation à l'analyse de
l'association en tant que synthèse passive. Or, si tout ceci est
d'une importance primordiale pour la compréhension de la
théorie husserlienne des synthèses passives, la place réduite
accordée par le philosophe à la synthèse d'identification ne
permettait pas d'apporter une véritable réponse à la question
de savoir comment l'analyse de l'aperception peut nous
conduire à la constitution de toute objectité intentionnelle et, de là, à la pré-donation du sens comme pré-dpnation du
langage perceptif ou logos phénoménologique. A examiner
les résultats d'Analysen zur passiven Synthesis, il semble bien
que, - dans cette première phase de la pensée génétique de
Husserl- ce soient les Méditations cartésiennes qui apportent
les éclaircissements les plus déterminants en vue de la constitution d'une phénoménologie de la genèse. Toutefois, nous
l'avons dit, nous ne pouvons pas lire les Méditations cartésiennes comme une méditation véritablement génétique.
C'est précisément même dans cet ouvrage que les incohérences de la démarche transcendantale sous-jacentes à l'analyse
génétique, et cela d'autant plus que la radicalisation de la
réduction ne peut décider de ce qui est transhistorique, deviennent patentes. Nous tentons par là de faire apparaître
qu'il ne suffit pas de dégager les structures essentielles qui, à
partir de la constitution de l'ego comme flux et de celle du
monde primordial comme transcendance immanente, déterminent le sens de son historicité immanente pour y reconnaître d'emblée, comme par l'effet d'un simple «renvoi
intentionnel », le fonctionnement des formes de la genèse
constituante à l'égard de la « subjectité » réceptive.
Ainsi
donc,
convient-il
d'abord
de
rappeler
qu'abstraction faite des œuvres qui appartiennent à la première période de la phénoménologie - et notamment les
écrits logiques -, les Méditations - héritières des conférences
que Husserl prononça à la Sorbonne en février 1929 - sont
une des œuvres tardives ne faisant pas partie du Nachlaj3.
L'ouvrage, véritable apologétique de l'idéalisme, ne vise rien
moins que la fondation d'une téléologie immanente de l'ego
qui, par le dépassement du solipsisme transcendantal, devait
se constituer en métaphysique statique ou éidétique transcendantale de la conscience. Car, c'était de là que, selon le fondateur de la phénoménologie, on pouvait finalement aboutir
à l'analyse «génétique» d'une «téléologie de la raison ».
Husserl avait mis en relief ce projet deux années auparavant, dans l'article
qu'il
rédigea en 1927 pour
l'Encyclopœdia Britannica, où il écrit ceci :
13
«La description "statique" des essences conduit en
dernier ressort aux problèmes de la genèse, et la genèse
universelle qui gouverne l'ensemble des vécus, tout
comme le développement du "je" personnel selon des
lois éidétiques -eidetischen Gesetzen. Par conséquent,
on devra construire au-dessus de cette première
"phénoménologie statique", dans des strates supérieures,
une phénoménologie dynamique ou génétique. En tant
que genèse fondatrice première, celle-ci devra être rapportée à la passivité, c'est-à-dire à une genèse où le 'je" n'a
pas de participation active. La nouvelle tâche consiste
alors en une phénoménologie éidétique universelle œ
l'association, une réhabilitation contemporaine de la découverte capitale de par David Hume, tenant compte œ
la genèse a priori à partir de laquelle se constitue, dans
les validations courantes de la conscience, un monde réel
spatial. Cette tâche procédera d'une théorie éidétique traitant du développement des habitus personnels, dans lesquels un je purement mental - dans le cadre des fonnes
invariantes de la conscience - existe en tant que je personnel et conscient de lui-même dans son existence continûment habituelle et perpétuellement changeante. À
une recherche ultérieure s'offre alors en soi une strate
spécifiquement reliée à un plus haut niveau: la phénoménologie statique, puis génétique de la raison. »7
7.
«[...] The« static»
description of essences ultimately leads to
problems of genesis, and to an all-pervasive genesis that governs the
whole life and development of the personal ''l'' according to eidetic
laws [eidetischen Gesetzen]. So on top of the first "static phenomenology" will be constructed in higher levels a dynamic or genetic
phenomenology. As the first and founding genesis it will deal with
that of passivity-genesis in which the ''l'' does not actively participate. Here lies the new task, an all-embracing eidetic phenomenology of association, a latter-day rehabilitation of David Hume's great
discovery, involving an account of the a priori genesis out of which a
real spatial world constitutes itself for the mind in habitual acceptance. There follows from this the eidetic theory dealing with the development of personal habituality, in which the purely mental « I »
within the invariant structural forms of consciousness exists as personal ''l'' and is conscious of itself in habitual continuing being and
as always being transformed. For further investigation, there offers
14
Mais, revenons aux Méditations cartésiennes - écrites de
mars à mai 1923. En effet, s'il est déjà très significatif que,
dans leur épilogue, Husserl a souligné qu'elles constituent
seulement «un commencement d'éclaircissement radical»
quant au problème de la genèse, de nombreux remaniements
y furent apportés après leur parution.
Or, pour mieux comprendre les raisons profondes du caractère non seulement provisoire mais encore aporétique de
cette démarche, ajoutons que Husserl ne pouvait assurément
donner accès à la phénoménologie de la genèse sans avoir
procédé à une sorte de «mise en sommeil» d'abord de l'idée
de la phénoménologie comme science rigoureuse et ensuite
de l'attitude transcendantale elle-même. Car cette nouvelle
perspective serait menacée d'inintelligibilité si elle ne devenait pas, malgré tout, une méthode autonome: la méthode
génétique.
Nous nous heurtons ainsi à une première difficulté qui
vient de ce que cette possibilité de comprendre les synthèses
passives et la méthode génétique qui permet d'y accéder,
exige, au préalable, que se dévoile la scission jusque-là inaperçue entre la méthode transcendantale-descriptive et la
méthode génétique-explicative. De ce point de vue, peut-être
la meilleure façon de circonscrire cet écueil inscrit au cœur
de la démarche génétique husserlienne serait-elle de reconnaître le caractère problématique, car polysémique, que la
notion d'origine revêt dans la phénoménologie. L'origine
semble bien, en effet, être le révélateur le plus adéquat à la
fois de la spécificité de chacune des deux méthodes et de la
façon dont elles étaient, initialement, confondues. Cela ne
veut pas dire que la méthode génétique puisse être ouverte
autrement que par la dimension statique, transcendantale de
la phénoménologie, et encore moins qu'elles ne soient pas
. dans un rapport de circularité qui ne serait pas sans rappeler
à maints égards la relation établie par Schelling entre philosophie négative (ascends) et philosophie positive (descends).
Ce sont les Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps (Vorlesungen zur Phiinomenologie
des inneren ZeitbewujJtseins) qui ont introduit l'idée
d'origine. De fait, l'origine ne pouvait y être comprise que
itself an especially interconnected stratum at a higher level: the static and then the genetic phenomenology of reason. »
E. HUSSERL, « Phenomenology»,
article for the Encyclopredia
Britannica - 1927, dans: Husserl shorter works, trad. R.E. Palmer,
Indiana: University of Notre-Dame Press, 1981, pp. 26-27.
15
comme élucidation apriorique du temps immanent, en tant
que source absolue de toute intuition objective de l'espace et
du temps. Dans un deuxième moment, le concept» d'origine
sera utilisé par Husserl lorsqu'il tente l'entreprise, qu'il n' a
jamais pourtant entièrement désavouée, de faire de la phénoménologie une «discipline scientifique du commencement» ou «archéologie
de la connaissance ». Nous
renvoyons à nouveau en particulier à Erste Philosophie et
aux Méditations cartésiennes. Enfin, la démarche d'Analysen
zur passiven Synthesis cherchera, quant à elle, à dégager la
question des formes de l'intentionnalité passive ainsi que la
façon dont elles ont lieu dans la conscience intime du temps,
non pas tant pour établir leur rapport à la passivité
« objectivante » de l'expérience réceptive que pour montrer
que sans l'analyse de cette «intentionnalité originaire »,
«toute la théorie de la conscience du temps» ne pourrait
apparaître que comme étant «le produit d'une idéalisation
conceptuelle» (Und so ist die ganze Lehre vom Zeitbewuj3tsein Werk einer begrifflichen
ldealisierung.
»8
Mais ici, il en résulte en outre que le concept de synthèse
passive ne prend pas encore véritablement le relais du concept d'origine, même si le concept d'intentionnalité y subit
une mutation radicale. Car l'intentionnalité qui était jusqu'alors l'expression d'un rapport actif et conscient à
l'égard du monde, apparaît maintenant comme passive et
involontaire, même si l'idée d'intentionnalité «anonyme »,
de «conscience aveugle », reste à acquérir par le biais de la
«thématisation» de l'expérience sensible anté-prédicative9.
8.
9.
E. HUSSERL, Analysen zur passiven Synthesis, 1918-1926, Hua XI,
Herausgegeben M. Fleischer, M. Nijhoff, La Haye, 1966, p.387.
C'est pourquoi lorsque, dans les Méditations cartésiennes, Husserl
parle de « vie cogitante anonyme» (anonyme cogitierende Leben) il
ne faut pas entendre par là l'intentionnalité
anonyme elle-même,
mais la « vie cogitante» en tant que simple «conscience d'arrièreplan ». En effet, du point de vue noético-noématique, nous n'avons
jamais
affaire
à une
conscience
aveugle,
c'est-à-dire
«symboliquement
inconsciente », celle-ci comprise non pas
comme une expérience qui, déjà ex-pliquée, est susceptible de réactualisation, mais comme l'expérience de ce qui n'a jamais été originairement ex-pliqué, n'étant pas encore l'objet d'une pré-donation dI
sens. Cela tient à ce que, au plan noético-noématique descriptif qui se
rattache toujours à la forme du présent vivant, du« présent plein »,
« l'inconscience est en lui conscience» (Hinsichtlich der Urgegenwart ist zu sagen, dajJ das UnbewujJtsein in ihr BewujJtsein ist) cf.
16
Quoi qu'il en soit, c'est seulement dans Erfahrung und
Urteil (1938), que, pour la première fois, le concept
d'origine cesse d'être référé, soit à la détermination a priori
du «temps originel» immanent que Husserl mettra toujours
en contraste avec l'idée de la genèse du temps objectif, soit
au projet d'une détermination du commencement de la connaissance. Ce que Husserl appelait jusqu'alors origine consisterait donc, à présent, en l'expérience pré-réflexive de «ce
qui gouverne en avant de soi ses propres productions », selon
le mot de D. Souche-Dagues, c'est-à-dire le moi lui-même se
précédant sous une forme passive.
Le concept d'origine ainsi compris, il importe de souligner à ce propos que l'expression «en avant de soi» ne se
rapporte pas véritablement à la sphère de l'expérience concrète individuelle, mais à celle d'une subjectivité anonyme,
déjà conçue par Husserl dans Formale und transzendantale
Logik comme une expérience archaïque, puisque nous entraînant «dans le tréfonds universel [...] dans ce qu'on appelle l'inconscient qui n'est rien moins qu'un néant
phénoménologi~ue mais qui est lui-même un mode limite de
la conscience» 1 . On pourrait dire alors que cette subjectivité
E. HUSSERL, Hua XI, op. cit., Supp. XIII, add. au ~ 27, p.388 et
Méditations cartésiennes, deuxième méditation, ~ 20, p.93.
10. E. HUSSERL,
Logique formelle
et transcendantale,
trad.
S. Bachelard, Paris, PUF, (colI. «Epiméthée »), 1984, p.4l2.
L'idée d'une expérience pré-donnée de façon passive à la
« subjectité»
réceptive, c'est-à-dire sans que celle-ci intervienne
dans le processus de sa pré-constitution n'est pas sans rappeler la
conception de Schelling de l'origine des représentations mythologiques. Ainsi Schelling semble-toil parfois très proche d'accéder à ce
concept de synthèse passive: «Les représentations mythologiques,
écrit-il, n'ont été ni inventées, ni librement acceptées. Produits d'un
processus indépendant de la pensée et de la volonté, elles étaient pour
la conscience qui les subissait d'une réalité incontestable et irréfutable. Peuples et individus ne sont que des instruments de ce processus
qui dépasse leur horizon et qu'ils servent sans le comprendre. Il ne dépend pas d'eux de se soustraire à ces représentations, de les accepter
ou de ne pas les accepter; elles leur arrivent du dehors, elles résident
en eux, sans qu'ils sachent comment ni pourquoi, car elles viennent
du tréfonds de la conscience à laquelle elles s'imposent avec une nécessité qui ne laisse aucun doute quant à leur vérité. » (les mots en italique sont soulignés par nous) F.W,J. SCHELLING, Introduction à la
philosophie
de la mythologie,
Livre I, huitième Leçon, tract.
S. Jankélévitch, Paris, Montaigne, 1946, pp. 235 ss. Il est cepen17
anonyme ne peut par conséquent pas être appelée d'emblée
transcendantale. Si elle l'est, elle ne se connaît pas en tant
que telle. Contrairement à cette origine, l'ego transcendantal
ne peut être, en effet, qu'un ego conscient de ses propres
opérations au sein d'une expérience volontaire. C'est pourquoi il n'est pas une conscience « aveugle », mais bien plutôt
une conscience essentiellement réflexive. Or celle-ci est engagée, de façon inabrogeable, dans la réduction phénoménologico~transcendantale. Bien plus, pour reprendre le mot
. de Husserl, la réduction n'est pas «une suspension passagère
de la croyance à l'être du monde, mais [...] une suspension
volontairement continuée qui, en tant que phénoménologue,
me lie une fois pour toutes. »11
Et pourtant, si le projet génétique comme «genèse dynamique» ne devait trouver à s'accomplir qu'à être posé
comme indissociable d'un sens pré-constituant au sein d'une
subjectivité « anonyme », une nouvelle attitude serait dès lors
requise, attitude que nous devrions décrire comme une sorte
Il.
dant évident que si, chez Husser!, ce «tréfonds universel»
a lieu
dans la conscience intime du temps en tant que «subjectivité
absolue », c'est précisément parce que celle-ci est une conscience de la durée, bien qu'elle ne soit pas elle-même une conscience qui dure. En
revanche, le «Moi absolu» dans la philosophie de Schelling (cf.
Du moi comme principe d£ la philosophie [...]) est extra-temporel
(aetemitas) et, par conséquent, n'admet aucune forme de durée comme
étant constituée en lui. En outre, le «Moi absolu» selon Schelling
n'étant pas principe d'unité mais «l'unité la plus pure », il ne peut
pas être conçu comme «lieu originaire de constitution de l'unité »,
ce à partir de quoi, pour Husserl, la multiplicité des données sensibles
est originairement unifiée. Pour Schelling, en effet, « la synthèse ne
résulte en général que de l'antagonisme entre la multiplicité et l'unité
originaire [...] sans antagonisme en général, nul besoin de synthèse.
Là où il n'y a aucune multiplicité, l'unité est purement et simplement.» F.W.J. SCHELLING, Lettres philosophiques sur le dogmatisme et le criticisme, dans Schelling, Premiers écrits (1794-1795),
trad. J.-F. Courtine,
Paris, PUF, (colI. «Epiméthée»),
1987,
p. 164.
E. HUSSERL, «Phénoménologie
et anthropologie », Conférence
(1931), trad. D. Frank, dans Notes sur Heidegger, Paris, Ed. de Minuit, 1993, p. 64. Il faut également rapprocher cette affirmation de
Husser! sur le caractère « volontaire» de la réduction, de la conception selon laquelle celle-ci n'est pas non plus une «attitude aveugle ». E. HUSSERL, «La phénoménologie », article pour
l'Encyclopaedia Britannica, trad. J.-L. Fidel, Id. p. 114.
18
. de mise en sommeil de l'attitude transcendantale. En effet, et
cela de façon décisive, c'est seulement par cet effacement de
soi-même que la dimension téléologique de l'origine se livre
à qui, à nouveaux frais, c'est-à-dire au sein d'une expérience
non encore « réflexive », phénoménologique, mais plus préci-
sément «pré-réflexive [donc] phénologique
»12,
se cherche
comme phénoménologue par le biais de la quête originaire
du logos phénoménologique. Mais avant d'emprunter cette
voie qui, compte tenu du caractère inabrogeable de la réduction, semble aller à l'encontre des postulats mêmes de Husserl, confortons notre argumentation.
L'expérience sensible-réceptive - à partir de laquelle
s'effectue le « dévoilement intentionnel» des structures originaires purement passives de l'expérience impressionnelle ne saurait être saisie dans son surgissement le plus originel,
c'est-à-dire dans «l'être affecté» de la «contemplation simple », tant que n'aura pas été refoulée l'attitude transcendantale-réductrice. Avec le maintien de celle-ci, l'expérience
impressionnelle ne pourrait en effet pas être ré-accomplie ou,
si l'on préfère, progressivement décelée par la «subjectité»
réceptive en vertu de l'activité agissante des « synthèses actives» si l'on considère qu'au sein de cette dernière le monde
de la vie - qui, certes, n'est dégagé comme pathos sensible
que par la méthode phénoménologique - ou encore le domaine originaire de l'opinion, resterait indéfectiblement une
12. Notons, sans nous y attarder pour l'instant, d'où provient le sens de
cette distinction. Elle se fait jour dès les Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps (1905) lorsque Husserl,
cherchant à rendre compte du domaine de la représentation nonvivante, semble admettre, bien que de façon peu explicite, qu'il pourrait y avoir une intentionnalité anonyme. Hie fait notamment en différenciant « l'être pré-phénoménal des vécus, leur être avant qu'on ne
se tourne vers eux par la réflexion» de« leur être comme phénomène» E. HUSSERL, op. cit., p. 176. Or cette distinction n'est véritablement à l'œuvre que dans les leçons Sur la théorie de la
signification (1908) où, en examinant le rapport entre le « vouloirdire» comme signifier (bedeuten) et la signification
verbale
(Bedeutung), Husserl aboutit à la distinction entre le phénologique,
ontique, et le phénoménologique, ontologique. De ce fait, le premier
se range du côté des « apparaissants»
et le deuxième du côté des
« apparitions », ceci valant pour toutes les modalités d'actes et, a
fortiori, pour la modalité perceptive. Cf E. HUSSERL, Sur la théorie
de la signification, trad. J. English, Paris, Vrin (coll. «Textes philosophiques »), 1995, pp.53, 143-145.
19
expérience neutralisée ne pouvant de ce fait être réalisée.
Suffirait-il de faire valoir aue «la validité existentielle du
monde n'est pas touchée» L par la réduction pour résoudre
la difficulté? Rien n'est moins sûr car, malgré cela, le problème de la pré-donation du sens (la recherche du logos
phénoménologique) ne peut être abordé sous le régime de la
théorie de la réduction. La raison en est que c'est précisément par l'imagination passive, en tant que «conscience
originaire d'image» non encore productrice mais créatrice,
que le logos peut être ultérieurement pré-donné comme sens,
c'est-à-dire ex-plicité dans une contemplation qui «se développe ». Il nous faut donc dès lors établir comment, pour
qu'ait lieu cette pré-donation du sens dont le préalable est
l'ouverture du monde en tant qu'expérience authentiquement «muette », une mutation radicale du statut phénoménologique de l'imagination
est désormais inéluctable
puisqu'en effet, au plan transcendantal, l'imagination est
toujours imagination active, intellectuelle doncl4.
L'expérience passive impressionnelle, quant à elle, fonctionne comme l'expérience originaire d'une «subjectivité
13. L'argument n'est pas sans difficulté, d'autant que Husserl ne manque
pas de reconnaître, dans Philosophie première-2, qu'il y a bien là un
enlisement qu'il croît cependant pouvoir aussitôt surmonter, cela notamment lorsqu'il aborde le thème de 1'« épochè éthique»:
«Elle
concerne toute espèce de validité qui était mise en jeu dans les actes
personnels de ma vie passée. Mais cela ne signifie pas: toute validité en général qui prend son origine en moi. Par exemple, la validité
existentielle du monde n'est pas touchée [...] donc, pas davantage les
expériences actives ni les jugements d'expérience. » Les mots en italique sont soulignés par nous. E. HUSSERL, Philosophie première2, annexe à la Leçon 50, op. cit., p. 276.
14. Paradoxalement, c'est pourtant Hegel qui, le premier, a distingué
(encore que dans une perspective diamétralement opposée à celle-ci)
l'imagination active de l'imagination passive. « On doit se garder de
confondre, écrit-il, l'imagination créatrice avec l'imagination purement passive. Nous donnerons à l'imagination créatrice le nom de
fantaisie. Cette activité créatrice comporte un don et un sens qui permettent de saisir la réalité et ses formes et de graver dans l'esprit,
grâce à une vision et à une audition attentives, les images variées de
la réalité existante, à quoi s'ajoute une mémoire capable de garder le
souvenir du monde bigarré de ces images multiformes.»
G.W.F. HEGEL, Esthétique-l, trad. S. Jankélévitch, Paris, Flammarion, 1979, p. 354. Husserl, quant à lui, nomme «imagination
passive» une «activité dans la passivité ».
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