THESE
présentée devant l’Université de Savoie
pour l’obtention du DIPLOME DE DOCTORAT
Arrêté du 30 mars 1992
par
Pierre-Arthur MOREAU
Analyse écologique et patrimoniale
des champignons supérieurs
dans les tourbières des Alpes du Nord
Soutenue le 13 décembre 2002
Jury : Pr Régis COURTECUISSE (Rapporteur)
Pr Jean-François DOBREMEZ (Directeur de thèse)
M. Jacques GUINBERTEAU
Dr Olivier MANNEVILLE
Dr Béatrice SENN-IRLET (Rapporteur)
Laboratoire Dynamique des Ecosystèmes d’Altitude – C. I. S. M. - Université de Savoie
Remerciements
Qu’il me soit permis ici d’exprimer ma gratitude, mes hommages et mon amitié à tous ceux qui ont,
directement ou indirectement, contribué à l’aboutissement de ce travail.
Avant tout, au Pr Régis Courtecuisse, actuel chef de file de la mycologie française et artisan infatigable
du « Programme National d’Inventaire et de Cartographie des Mycota français », à qui la myco-
écologie doit d’avoir survécu en France ces quinze dernières années. Qu’il soit remercié au nom de tous
les mycologues pour son rôle essentiel de soutien « universitaire » ; plus personnellement, pour ses
encouragements indispensables au cours de cette aventure ; enfin pour avoir accepté de rapporter cette
thèse avec enthousiasme, en attendant nos futures publications communes.
Au Pr-Dr Béatrice Senn-Irlet, dont les travaux à la fois taxinomiques et écologiques s’inscrivent dans la
tradition de ceux de J. Favre, inspirateur de la présente étude, et qui m’a fait l’honneur et l’amitié
d’accepter de rapporter elle aussi ce travail, rédigé dans une langue au moins aussi difficile que la
sienne.
Au Dr Olivier Manneville, dont l’ouvrage « Le monde des tourbières et des marais » a été le point de
part de ce projet de thèse. Bien que je regrette de n’avoir pas pu profiter de ses compétences autant
que je l’aurais pu, ce travail lui doit beaucoup, et je lui suis d’autant plus reconnaissant d’avoir accepté
de le suivre et de le juger. J’espère, en retour, avoir pu mettre à jour quelques-uns des joyaux les plus
méconnus des tourbières : les mycocoenoses.
A Jacques Guinberteau, dont l’amitié infectible et l’enthousiasme inébranlable l’ont amené à plonger
dans le monde des tourbières, bien loin des pinèdes landaises et des plantations de robiniers
lépiotogènes, et à juger ce travail, qui pourra je l’espère fournir quelques pistes pour de futures études
mycologiques dans les tourbières du Sud-Ouest, où tout reste à découvrir.
Au Pr Denise Dailly-Lamoure, à qui je ne sais comment exprimer ma gratitude pour son soutien moral,
son assistance bibliographique, ses souvenirs inépuisables, et surtout pour sa générosité et sa délicatesse
vis-à-vis d’un jeune passionné difficile à canaliser.
Au regretté mycologue Jules Favre, décédé en 1959, mais à qui les mycologues étudiant les tourbières,
la zone alpine, et l’écologie des champignons en général, doivent tout ; au Dr Philippe Clerc,
conservateur au Laboratoire de Cryptogamie, pour m’avoir laissé la liberté de consulter les notes de
terrain et le précieux matériel d’herbier de Favre, ainsi qu’à Jean-Jacques Roth, actuel dépositaire de
ses carnets personnels.
A Michel Delmas, Roger Marciau et Fabrice Darinot, respectivement Directeur du Conservatoire du
Patrimoine Naturel de Savoie, Directeur de l’Agence pour la Valorisation des Espaces Naturels Isérois
Remarquables et Conservateur de la Réserve Naturelle du Marais de Lavours, ainsi qu’à toute leur
équipe (en particulier Grégory Maillet et Patrick Suchet), pour leur soutien amical et la mise à
disposition des documents relatifs aux sites étudiés ; mais aussi, plus prosaïquement, pour leur
indispensable soutien financier, avec la participation du Conseil Général de l’Isère. A Carole
Desplanque, Conservatrice de la Réserve Naturelle du Luitel à l’Office National des Forêts, pour
m’avoir autorisé et facilité l’accès à ce site remarquable, déjà fort fréquenté et en sursis de pollution,
mais au potentiel mycologique encore intact.
A tous ceux qui m’ont aidé dans mes recherches bibliographiques, en me communiquant documents,
articles et références : Gilbert Billard, Thierry Bruyère, Jeannette Chavoutier, Gilles Corriol, Guillaume
Eyssartier, Anne-Marie Fiore, François Fréléchoux, Irmgard Krisai-Greilhuber, Jean Lagey, Miquel
Pérez-de-Gregorio, Gregor Podgornik, Catherine Rausch de Traubenberg, Scott Redhead, Pierre Roux,
Jean-Jacques Roth, Sylvie Serve, Eva-Maria Temsch, Jordi Vila et Jean-Jacques Wuilbaut, dont l’aide a
été d’autant plus pcieuse que les informations étaient éparpillées et peu accessibles. Mes amicales
pensées vont également à la Société Mycologique de France et au groupes de discussion internet
Mycologia-Europaea (Jacques Melot) et Inventaire-Myco (Régis Courtecuisse), sources de
documentation inépuisables.
Aux mycologues, botanistes, entolomogistes, stagiaires et autres volontaires qui m’ont accompagné sur
ces terrains mouvants, à leurs risques et périls : Aurélie Barboiron, Laurent Bourgoin, Cécile Boussely,
Jean-Claude Déiana, Thierry Delahaye, Laurent Deparis, Perrine Fardoux, Patrice Prunier, Nathalie
Quélennec, Philippe Saviuc ; ainsi qu’à Maurice, Hélène et Guillaume Durand pour leur amitié et leur
aide constante au cours de cette période chambérienne.
A mes collègues de l’Université de Savoie, devenus au fil du temps des complices et des amis, qui ont
observé, soutenu et supporté les différentes phases de l’évolution de ce travail, tout particulièrement au
cours des dernières semaines de rédaction et de soutenance : raldine Babad, Sylvaine Camaret,
Geneviève Chiapusio, Josée Depriester, Isabelle Domaizon, Richard Eynard-Machet, Christiane Gallet,
Christelle Georges, Raphaël Gros, Manuel Lembke, Sophie Lheureux, Annie Millery, François
Pellissier, Jérôme Poulenard, Daniel Salomon, Louis Trosset, Sylvie Viboud, et tous les autres
personnels, enseignants et étudiants du C.I.S.M. qui m’ont encouragé à tenir jusqu’au bout ; avec une
pensée particulière pour Christelle et Christiane pour la relecture du manuscrit, Sylvaine pour
l’initiation à Access et Statistica, et Richard pour son indispensable aide logistique.
A Jean André, pour avoir su m’intéresser à l’écologie en faisant des trous en forêt de Mâcot, et à qui je
dois d’avoir eu le courage, l’inconscience, ou simplement l’occasion de renoncer à une carrière peu
prometteuse d’ingénieur agricole pour partir à la découverte du monde.
A tous les amis mycologues, botanistes, ingénieurs, étudiants et autres, qui m’ont témoigné leur amitié
au cours de ces trois années, qui ne furent pas toujours un long marais tranquille ; sans oublier le
soutien de la Fédération Mycologique Dauphiné-Savoie, de la Société Mycologique et Botanique de la
Région Chambérienne, et de la Fédération Rhône-Alpes pour la Protection de la Nature, dont l’aide a
été appréciable a bien des moments.
A ma famille, qui supporte depuis mes 12 ans les excentricités du seul naturaliste de l’arbre
généalogique, avec le même inébranlable optimisme en mon avenir.
A mes parents, sans qui, pour d’innombrables raisons, ce travail n’aurait jamais vu le jour.
A tous ceux qui trouveront, dans ces recherches encore peu développées, un intérêt nouveau qui les
incitera à poursuivre l’étude myco-écologique d’autres sites, d’autres milieux et d’autres régions, et que
j’encourage de tous mes voeux.
A Jacques Van der Steen, mon premier Maître en mycologie, à qui je suis fier de pouvoir dédier ce travail.
Résumé
L’écologie des champignons supérieurs (Basidiomycètes et Ascomycètes à sporocarpes charnus) dans les
milieux tourbeux a été étudiée à travers le suivi de 112 placettes réparties sur 18 tourbières d’Isère et de
Savoie, au cours des années 2000 et 2001. Les placettes ont été choisies selon un mode d’échantillonnage
fragmenté, représentant des surfaces écologiquement homogènes (physionomie végétale uniforme) variant
de (200) 500 à 5000 m² ; les espèces ont été recensées mensuellement, le plus exhaustivement possible sur
ces placettes.
609 espèces ont été dénombrées et déterminées au cours de cette période de relevés. Leur abondance par
placette a été mesurée par dénombrement direct, rapporté à un indice d’abondance (1 à 5) en fonction de
la surface de la placette ; la valeur maximale d’indice obtenue sur l’ensemble des visites a été retenue
comme indice d’abondance global par espèce et par placette.
Deux méthodes ont été testées pour évaluer la représentativité des relevés : un indice de représentativité
(nombre d’espèces vues 1 fois / nombre d’espèces total) et une courbe cumulative temps / espèces. La
première est préférée à la seconde, dont les résultats sont difficilement interprétables.
La diversité mycofloristique est faible au sein des tourbières acides, les parties les plus humides étant les
plus appauvries en espèces (y compris caractéristiques) ; les bryotrophes sphagnicoles y sont les plus
représentés. L’ombrotrophie se traduit par une proportion d’humicoles plus importante. L’absence de
bryotrophes est caractéristique des tourbières alcalines, qui sont de loin les milieux les plus diversifiés,
mais aussi les plus riches en espèces à large répartition. Les boisements de saules se révèlent très variés et
l’échantillonnage n’a pas suffi à cerner leur diversité mycologique : trop peu d’espèces sont communes
aux différents relevés. En revanche les aulnaies sont plus homones et peuvent être étudiées sur un
nombre plus réduit d’échantillons.
Les relevés mycologiques par espèce ont été analysés (synécologie) en corrélation avec diverses
caractéristiques biotiques (végétation) et abiotiques (altitude, caractère hydrique, niveau de décomposition
de matière organique, pH). Les populations saprotrophes se répartissent surtout selon l’acidité, les
populations mycorhiziques selon l’altitude et l’essence dominante, et les populations bryotrophes selon
l’acidité, l’altitude et le niveau hydrique. Le faible nombre d’espèces associées aux tourbières acides à
sphaignes, et le nombre très élevé des espèces associées aux tourbières boisées alcalines ressortent très
nettement de cette analyse.
L’analyse mycocoenologique, consistant à rechercher des groupements d’espèces partageant
régulièrement le même milieu de vie (mycocoenoses), a fait apparaître 24 « groupes », dont 10 ne sont
représentés que par 1 relevé (peu significatifs : milieux sous-représentés ou sous-échantillonnés) ; 6
mycocoenoses semblent très significatives, caractéristiques des principaux types de boisements (soligène,
soligène ombrotrophisé atlantique, ombrotrophe) et milieux ouverts (tourbières actives, tourbières
ombrotrophes, prairies soligènes). Toutefois, il n’existe pas d’espèce exclusive de mycocoenose : les
espèces se répartissent globalement selon un gradient de pH, le caractère hydrique, ou la présence des
plantes associées ; de fait aucune nomenclature n’a été proposée pour ces mycocoenoses. Le spectre
biologique : rapport (nombre d’espèces mycorhiziques/saprotrophes, ou bryotrophes/décomposeurs en
milieu ouvert), est complémentaire à la liste d’espèces pour caractériser les mycocoenoses, en décrivant
l’équilibre des différents groupes fonctionnels (« mycosynusies » mycorhiziques, saprotrophes et
bryotrophes) d’une biocoenose.
Une liste rouge d’espèces menacées ou vulnérables est proposée à l’issue de ces relevés pour les
tourbières d’Europe occidentale. Un « indice patrimonial » est testé à partir des catégories de listes rouge,
comme calcul synthétique de la « valeur mycologique » des sites.
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