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Syndrome du compartiment abdominal
Pr. Mourad Abid & A. Ourabah
I- INTRODUCTION :
Les premières notions sur les conséquences physiopathologiques de l’élévation de la
pression intra-abdominale (PIA) remontent au 19ème siècle. Ces conséquences concernent les
différents organes intra-abdominaux (tube digestif, rein, foie) mais aussi intra-thoraciques et
même le système nerveux central. En anesthésie, ces notions sont bien connues depuis
l’avènement de la cœliochirugie.
Le syndrome du compartiment abdominal (SCA) est une problématique qui mobilise
une attention particulière depuis quelques années. Il recouvre des affections diverses pouvant
survenir dans de nombreux scénarios cliniques. Sa fréquence semble considérable et sans
doute encore sous-estimée dans la population des patients pris en charge dans les unités de
soins intensifs.
Sa physiopathologie repose sur l’installation d’une hyper pression intra-abdominale
(HPIA) critique retentissant sur les organes que renferme la cavité abdominale ainsi que sur
les structures adjacentes (thorax), donnant lieu à une affection multi-systémique susceptible
de menacer le pronostic vital.
II- NOTIONS SUR LA PRESSION INTRA ABDOMINALE :
La pression intra-abdominale est définie comme la pression ambiante, jugée
égale en tout point, régnant au sein de la cavité abdominale et exprimée en mm Hg. Sa
valeur normale est de 0 à 5 mm Hg.
Dans la vie quotidienne, la PIA peut s’élever sans caractère péjoratif en cas de
vomissement, de défécation, d’exercice physique….etc . Elle est plus élevée en cas
d’obésité pouvant atteindre 10 mm Hg en rapport avec une augmentation du volume de la
graisse intra abdominale.
Dans la littérature, les seuils de pressions considérés comme pathologiques
sont très variables allant de 10 à 25 mm Hg.
III- DÉFINITIONS :
1- Hyper pression intra abdominale : HPIA
L’ HPIA n’est pas un synonyme de syndrome du compartiment abdominal.
Elle se définit comme une élévation persistante de la PIA qui est
supérieure ou égale à 12 mm Hg et se développe lorsque survient une augmentation
rapide et incontrôlée du volume des viscères abdominaux, de même qu’une
modification de la compliance de la paroi abdominale pouvant aussi participer à
l’augmentation de la PIA.
L’HPIA est capable de créer des lésions directes des organes intra abdominaux
entraînant des défaillances d’organes.
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Les organes extra abdominaux peuvent subir les conséquences de l’HPIA :
altération de la mécanique ventilatoire, perturbation cardio-vasculaire et atteinte
neurologique.
2- Syndrome du compartiment abdominal (SCA) :
Il se définit par une augmentation rapide et incontrôlée de la PIA supérieure ou
égale à 20mmHg associée à au moins, une défaillance d’organe qu’il soit abdominal
(rein, circulation splanchnique, foie) et/ou extra abdominal (poumon, cardio-
circulatoire, neurologique).
IV- EPIDEMIOLOGIE :
1 % des patients hospitalisés dans Trauma Center aux USA.
5.5% à 14% des patients hospitalisés après un traumatisme abdominal grave.
20% en période postopératoire de la chirurgie abdominale.
V - ETIOPATHOGENIE :
Il faut distinguer deux types de SCA : primaire et secondaire
1. Le SCA primaire regroupe l’ensemble des pathologies abdomino-
pelviennes et traumatiques. Le lien entre l’HPIA et la défaillance d’organes est
généralement évident. Le traitement est chirurgical et urgent.
2. Le SCA secondaire regroupe les pathologies extra-abdominales. Dans
ce cas, la causalité est difficile à établir, l’HPIA semble être un facteur aggravant l’état
de choc. Le traitement est le plus souvent médical.
Facteurs de risque du SCA :
* Triade : hypothermie - coagulopathie - acidose métabolique.
* Facteurs prédictifs :
- Dysfonction hépatique (cirrhose ou ascite) ;
- Chirurgie abdominale ;
- Remplissage vasculaire supérieur à 3.5l /24h ;
- Iléus.
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VII- PHYSIOPATHOLOGIE :
Les conséquences de l’hypertension intra-abdominales sont multiples. C’est le
retentissement sur les fonctions vitales qui conduit à la défaillance multiviscérale et qui met
en jeu le pronostic vital en l’absence d une prise en charge rapide et adaptée.
1- Conséquences rénales
Diminution du débit de filtration glomérulaire
Augmentation des résistances vasculaires rénales
Compression des veines rénales
Augmentation de la concentration sanguine d’ADH, de l’activité rénine
plasmatique et de l’aldostérone.
A tout cela, s’ajoute une baisse du débit cardiaque et donc du débit sanguin
rénal ce qui majore l’altération de la fonction rénale.
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Causes possibles du SCA et de l’HTIA
Aiguës
Spontanées
péritonite, abcès intra-abdominaux
iléus, occlusions intestinales
rupture d’un anévrisme de l’aorte abdominale (AAA)
pneumopéritoine sous tension
pancréatite aiguë (surtout hémorragique)
thrombose mésentérique (veineuse)
choc septique
Postopératoires
péritonite après une opération (fistule, fuite au niveau d’anastomoses, etc.)
abcès intra-abdominal
iléus
dilatation aiguë de l’estomac
hémorragie intrapéritonéale (particulièrement pendant et après la résection d’un AAA ou de
pontages aorto-aortiques et aorto-iliaques et après une opération hépatique).
Post-traumatiques
saignements intrapéritonéaux ou rétropéritonéaux (Ex. : lacérations hépatiques, rupture
splénique, fracture du bassin)
œdème viscéral après la réanimation
Iatrogéniques
procédures par laparoscopie
utilisation d’un pantalon antichoc
tamponnement abdominal
réduction d’une énorme hernie diaphragmatique
ou de la paroi abdominale
fermeture abdominale sous tension
remplissage vasculaire massif
Chroniques
ascite
obésité abdominale
grosse tumeur abdominale
dialyse péritonéale
grossesse (PIA élevée, même sans SCA)
Figure 1: Causes HTIA et SCA
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2- Conséquences cardio circulatoires
La principale conséquence d’une élévation de la PIA est une augmentation de
la pression intrathoracique et de la résistance vasculaire périphérique ainsi qu’une
diminution du retour veineux entraînant une chute du débit cardiaque.
La compression du réseau veineux splanchnique entraîne une augmentation de
la pression veineuse centrale.
La compression mécanique du système artériel abdominal entraîne une
augmentation de la post charge du VG et donc une ischémie de myocardique avec baisse
du débit cardiaque.
Du fait de la diminution du retour veineux et d’une forte augmentation de la
pression veineuse au niveau fémoral, on peut noter un œdème des membres inférieurs,
voire une thrombose veineuse profonde.
3- Conséquences ventilatoires :
La principale cause est la limitation de la course diaphragmatique par
augmentation de la PIA. La ventilation mécanique s’en trouve perturbée :
Augmentation de la pression intrathoracique ;
Diminution de la compliance pulmonaire statique et dynamique ;
Diminution de la capacité résiduelle fonctionnelle ;
Une augmentation des résistances vasculaires pulmonaires ;
En pratique, les effets délétères apparaissent cliniquement pour une valeur de
pression abdominale de 15mmHg. Lorsque la PIA s’élève, 20% de sa valeur est transmise
au thorax d’où une augmentation de la pression pleurale, il s’en suit une compression
alvéolaire d’où augmentation des pressions dans les voies riennes et une compression
capillaire à l’origine d’une HTAP avec baisse du rapport Pao2/Fio2 et donc hypoxémie,
hypercapnie et acidose.
4- Conséquences digestives :
Elles se font aux dépens de la microcirculation intestinale et sur la viabilité du
tube digestif. Le flux vasculaire des différentes portions du tube digestif, du pancréas, du
foie et de la vésicule biliaire diminue pour des PIA de 20 à 40 mm Hg.
La physiopathologie de cette baisse de perfusion est paradoxalement encore
obscure. En effet, l’hypothèse la plus simple est une compression directe du lit vasculaire
par la pression régnant dans la cavité abdominale. Cependant, la pression dans le lit
vasculaire splanchnique est supérieure à 40mmHg. Une élévation de la PIA devrait donc
être supérieure à cette valeur pour entraîner une hypoperfusion. Il existerait donc d’autres
facteurs pour expliquer les lésions digestives.
on retrouve également une hausse de la pression veineuse portale qui peut
entraîner un œdème des viscères qui risque d’accroître la PIA.
L’élimination de l’acide lactique par le foie est compromise par l’HPIA ce qui
augmente le temps nécessaire pour corriger une acidose lactique.
Un rôle des translocations bactériennes comme facteur aggravant le SCA a été
évoqué.
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