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tant de chrétiens convaincus s’étaient impliqués dans le processus de
construction européenne4. De fait, on connaît l’action d’hommes d’État
catholiques comme Robert Schuman, Konrad Adenauer ou Alcide De
Gasperi. Mais qu’en est-il exactement du rôle joué par tous ces chrétiens
laïcs qui n’exerçaient pas de fonctions dirigeantes, et dont nombre
d’indices portent toutefois à croire que leurs convictions religieuses ne
furent pas sans effet sur la nature du combat qu’ils ont mené pour
l’Europe ? Dans l’état actuel de la recherche, il est difficile de répondre à
cette question, tant cet aspect des choses est resté en grande partie
négligé.
Le rôle des élites politiques (leaders politiques et parlementaires, hauts
responsables administratifs) dans le processus de construction européenne
a bien fait l’objet d’études intéressantes, et celles-ci ont d’ailleurs
souligné le rôle des individualités dans le processus de décision5. Mais
pour ce qui est de l’influence des responsables socio-économiques, des
syndicalistes, des journalistes ou autres acteurs du champ culturel et
intellectuel, il subsiste encore des lacunes importantes, entre autre du fait
des difficultés à identifier ces acteurs et à mesurer leur influence.
D’autre part, comme ont pu le relever Ann Deighton et Gérard
Bossuat, à l’instar de la perception du passé ou du vécu de la guerre, les
mentalités, qu’elles soient individuelles ou phénomène de groupe, liées à
la culture nationale ou à l’image du voisin, ont pesé d’un poids
considérable sur les décideurs6. Aussi, quand on considère les analyses et
les raisonnements qui ont conduit aux prises de décision en faveur de
l’unité de l’Europe, on ne peut que constater l’existence – au-delà des
spécificités nationales – de facteurs communs liés aux mentalités, à des
expériences historiques communes7.
in W. Lipgens, Documents on the History of the European Integration, volume 4, pp. 479-
484 ; ainsi qu’au chapitre que Thomas Jansen a consacré à ce mouvement in Die
Entstehung einer europäischen Partei. Vorgeschichte, Gründung und Entwicklung der
EVP, Bonn : 1996. Par européiste, nous entendrons, au sens large du terme, toutes les
personnes qui, pour une raison ou une autre, ont adopté une attitude ouvertement
favorable à la construction européenne, qu’elles aient été membre d’une organisation
européenne de type unioniste ou fédéraliste.
4. Martin Greschat et Wilfried Loth, Die Christen und die Entstehung der
Europäischer Gemeinschaft. Stuttgart : Kohlhammer Verlag, 1994, p. 11.
5. Ann Deighton et Gérard Bossuat, « Les élites politiques et la question de l'unité de
l'Europe » in Identité et conscience européenne au XXe siècle, sous la direction de René
Girault, et Gérard Bossuat, Paris : Hachette, 1994, p. 115.
6. Ibidem, p. 117.
7. Ibidem. Sur le rôle les effets de la guerre sur la conscience d’être européen, cf.
Antoine Fleury et Robert Frank, « Le rôle des guerres dans la mémoire des Européens :