
La Lettre du Pharmacologue - vol. 22 - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2008
Essai clinique
Essai clinique
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a. Le numéro d’octobre 1986 de la revue Sciences et Vie en présente un très intéressant o-
rilège, où se mêlent l’incompétence crasse et la malhonnêteté agrante, sous le titre “Les tri-
cheurs en blouses blanches” (Siences et Vie 1986;826:14-23).
b. Parallèlement, la FDA mit en place toute une série de “guidelines” exposant comment dé-
montrer l’e cacité clinique d’une molécule dans telle ou telle pathologie.
obligations des promoteurs et des moniteurs d’essais cliniques,
et en 1978 (7), celles des investigateurs. En 1981, la réglemen-
tation concernant les comités institutionnels de révision (IRB)
est publiée (8). Quant aux dispositions relatives à l’information
et au consentement à la recherche (9), elles sont reprises de la
jurisprudence américaine, et ressemblent à celles énoncées dans
la déclaration d’Helsinki, elles-mêmes dérivées du procès des
médecins nazis, jugés en 1947 à Nuremberg par un tribunal
américain. Ces quatre dispositifs– consentement informé,
comité indépendant, obligations du promoteur, obligations de
l’investigateur– issus de la réglementation fédérale américaine,
seront rassemblés, par les fi rmes pharmaceutiques des États-
Unis, à l’intention des médecins expérimentateurs impliqués
dans les essais de médicaments qu’elles entreprennent, sous la
forme d’un petit opuscule intitulé Good Clinical Practices. C’est
ainsi que, des maisons mères à leurs fi liales européennes, les
bonnes pratiques cliniques (BPC) traverseront l’Atlantique pour
apparaître, par exemple, chez quelques médecins hospitaliers
français, pour ensuite se propager.
Le but poursuivi par les fi rmes américaines était essentielle-
ment prosaïque : faire en sorte que certains des essais cliniques
entrepris en Europe avec leur soutien soient utilisables dans
un dossier d’enregistrement présenté à la FDA. Le mieux, en
la circonstance, était de conduire les médecins expérimenta-
teurs européens à travailler selon les dispositions en vigueur
aux États-Unis. Ces études n’ayant, la plupart du temps, qu’un
caractère accessoire pour la démonstration d’effi cacité de la
spécialité nouvelle, la préoccupation principale n’était pas tant
les écarts par rapport au protocole ou les déviations vis-à-vis
des documents originaux, que les atteintes possibles au droit des
personnes, en termes de consentement informé. Un tel défaut
constituait un risque juridique pour la fi rme pharmaceutique
qui l’aurait laissé perdurer. D’autre part, attendu que, depuis
1975, la FDA n’acceptait les études cliniques réalisées hors des
États-Unis qu’à la condition qu’elles respectent la déclaration
d’Helsinki, version Tokyo, il était nécessaire que tout protocole
mis en place ait été, préalablement, soumis à l’avis d’un comité
indépendant. Ce qui n’était pas, à l’époque, possible en France,
faute de comité. Cela eut d’ailleurs un rôle moteur dans l’ap-
parition des comités d’éthique dans les hôpitaux universitaires
français.
De juin 1977 à septembre 1983, la FDA a réalisé 964 inspections
de routine, visant à évaluer la concordance entre les conditions
de réalisation des essais cliniques examinés et les dispositions
normatives évoquées ci-dessus (10). Ces inspections permirent
de mettre en évidence :
dans 40 % des cas, un défaut aff ectant le consentement des ✓
patients ;
dans 34 % des cas, un bilan inadéquat des produits utilisés
✓
dans l’essai ;
dans 23 % des cas, des violations du protocole ; ✓
dans 18 % des cas, des données inexactes ; ✓
dans 4 % des cas, des données originales non disponibles,
✓
jetant le doute sur l’exactitude des résultats rapportés.
La conclusion fut que si, pour de nombreuses raisons, on obser-
Il en a résulté, d’une part, un mouvement hostile des médecins
convaincus de l’effi cacité d’une spécialité qu’ils utilisaient de
façon courante et, d’autre part, des manœuvres des laboratoires
concernés, visant à décrédibiliser une étude dont les résultats
nuisaient à leur cotation en bourse.
Précisément, la manière dont les causes des décès ont été validées
est sujette à caution. Comme il s’agissait de très petits eff ectifs, et
que la méthode retenue était l’analyse séquentielle, toute erreur
sur la cause des décès rapportés était de nature à invalider la
diff érence constatée entre le groupe tolbutamide et le groupe
placebo. Dès lors, les conclusions du comité de surveillance
ne seraient plus pertinentes. Or, neuf décès observés dans le
groupe tolbutamide soulèvent des diffi cultés d’interprétation.
En fait, ils ont été pris en compte, mais bien que morts avant
la date limite de réception des dossiers, les patients ont été
enregistrés après cette date. Il apparaît, de surcroît, que certains
paramètres cardiovasculaires fi gurant dans la base de données
diff èrent de ceux relevés dans les documents originaux. On
remarquera, par la suite, après une inspection de la FDA (3),
qu’aucune des anomalies relevées ne concernait des paramè-
tres intervenant dans la réponse à la question posée. Mais ces
défauts aff ectant la qualité procurent un excellent motif pour
disqualifi er l’ensemble du travail devenu objet de controverses ;
cela, à la grande satisfaction des industriels commercialisant le
tolbutamide, dans un marché en plein essor.
Autre dossier, côté “industrie”, le refus d’autorisation par la
Food and Drug Administration (FDA) de la sulfi npyrazone en
prévention de la mort subite dans les six premiers mois post-
infarctus. Là encore, les conclusions d’une étude dépendaient
de ce que l’on considérait comme un décès de cause cardiaque
“analysable” parmi les morts subites observées. La diff érence
était ou n’était pas statistiquement signifi cative, selon quelques
subtilités d’analyse. Et la qualité des données collectées laissait
singulièrement à désirer. Cette mauvaise qualité permettait, à
tort, de conclure en faveur du traitement évalué. Ce que la FDA
tenait à faire savoir (4).
Suite à un faisceau de constats préoccupants
a
, tant du point de
vue éthique que technique, la FDA va organiser, dans sa division
des investigations scientifi ques, un programme d’assurance
qualité dans les recherches biomédicales. Car “les études clini-
ques conduites de façon inadéquate (poorly conducted) expo-
saient des personnes à des risques inutiles ; en outre, l’existence
d’essais frauduleux avait le grand inconvénient de permettre
l’autorisation de médicaments sur la base de résultats menson-
gers relatifs à l’effi cacité et à la sécurité” (5).
Ces dispositions s’inscrivent dans le contexte du National
Research Act, adopté en 1974 par le Congrès des États-Unis,
dont la fi nalité était de prévenir la réalisation de recherches
attentatoires aux droits des patients. Il en résultera diff érents
documents de nature réglementaire
b
, décrivant, en 1977 (6), les