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Droit des affaires
DICTIONNAIRE
PERMANENT
L’essentiel
de la veille permanente d’ELnet.fr
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BAUX COMMERCIAUX 2017
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NOUVEAU
LE CONTENU DU RAPPORT
DE GESTION sur les délais
de paiement légèrement
retouché PAGE 3
L’EXIGIBILITÉ de la contribution
patronale sur les actions gratuites
objet d’une QPC PAGE 3
QUELLE MAJORITÉ
pour modifier les statuts
d’une association muets
sur ce point ? PAGE 4
FUMER sur un plateau
de télévision ne constitue pas
une publicité en faveur
du tabac PAGE 13
LE CHIFFRE D’AFFAIRES
INEXACT du fonds de commerce
mentionné dans l’acte de vente
ne constitue pas un vice caché
affectant l’usage du fonds PAGE 14
TEG : le délai de prescription
de l’action en nullité ne peut courir
qu’à compter de la date d’un écrit
mentionnant le TEG PAGE 15
RÉFORME de la prescription
en matière pénale :
doublement des délais
de l’action publique PAGE 21
Impact de la réforme de la prescription
pénale sur l’abus de biens sociaux
En matière d’abus de biens sociaux, si l’infraction est
occulte et/ou dissimulée, le délai de prescription de
l’action publique court du jour de la découverte du délit
sans pouvoir remonter au-delà de 12 ans.
La loi « portant réforme de la pres-
cription en matière pénale »
concerne à l’évidence le droit crimi-
nel tout entier (L. no2017-242,
27 févr. 2017 : JO, 28 févr.). L'objec-
tif des présentes observations est
d’indiquer les apports de ce texte en
matière d’abus de biens sociaux,
infraction la plus importante du droit
pénal des sociétés. A cet égard,
deux questions essentielles doivent
être distinguées, qui ont trait respec-
tivement au délai de prescription et
au point de départ de ce délai en cas
d’exercice de l’action publique.
Allongement du délai
de prescription
La première question est relative à la
durée du délai de prescription de
l’action publique (art. 1er de la loi) qui,
en matière correctionnelle, est dou-
blé, passant ainsi de 3 ans à 6 ans
(C. proc. pén., art. 8, al. 1). Il y a là
un raidissement répressif significatif,
Bulletin
n° 829
Avril 2017
Zoom sur...
Avril 2017
© DICTIONNAIRE PERMANENT Droit des affaires - Bulletin
2
Impact de la réforme de la prescription
pénale sur l’abus de biens sociaux
suite de la page 1
qui se retrouve d’ailleurs en matière criminelle – où
le lai de droit commun passe de 10 à 20 ans –
mais qui curieusement épargne les contraventions
pour lesquelles le délai d’un an est conservé. Avec ce
délai de 6 ans, les abus de biens sociaux seront assu-
rément moins aisément prescriptibles, du moins en
théorie.
Il convient d’ajouter que la durée du délai de la pres-
cription des peines prononcées pour un délit a été ali-
gnée par l’article 2 de la loi sur celle du délai de pres-
cription de l’action publique, passant ainsi de 5 à
6ans (
C. pén., art. 133-3, al. 1), pour éviter une
curieuse distorsion. Ainsi donc, désormais, toute
peine prononcée pour abus de biens sociaux se pres-
crit par 6 ans à compter de la date à laquelle la déci-
sion de condamnation est devenue définitive.
Point de départ du délai
de prescription de l’action publique
La deuxième question majeure qu’il convient d’abor-
der est relative à la détermination du point de départ
du délai de prescription de l’action publique (art. 1 de
la loi).
Institution de dispositions spécifiques
aux infractions occultes ou dissimulées
Comme dans le système antérieur, le principe est le
jour de la commission de l’infraction, ce qu’affirme,
pour les délits, l’article 8, alinéa 1 du code de procé-
dure pénale. Mais, et voilà l’innovation légale capitale,
ce principe est sérieusement tempéré par l’article 9-1
du code de procédure pénale. L’alinéa 3 de ce texte
énonce que, par dérogation à la règle de la fixation au
jour de commission de l’infraction, « le délai de pres-
cription de l’action publique de l’infraction occulte ou
dissimulée court à compter du jour où l’infraction est
apparue et a pu être constatée dans des conditions
permettant la mise en mouvement ou l’exercice de
l’action publique, sans toutefois que le délai de pres-
cription puisse excéder douze années révolues pour
les délits et trente années révolues pour les crimes à
compter du jour où l’infraction a été commise ». Selon
l’alinéa 4 du même article, « est occulte l’infraction qui,
en raison de ses éléments constitutifs, ne peut être
connue ni de la victime, ni de l’autorité judiciaire ». Et
selon l’alinéa 5 du même article, « est dissimulée
l’infraction dont l’auteur accomplit délibérément toute
manœuvre caractérisée tendant à en empêcher la
découverte ».
Consécration partielle de la jurisprudence
Les trois alinéas précités de l’article 9-1 consacrent la
jurisprudence contra legem de la chambre criminelle
de la Cour de cassation élaborée pour de nom-
breuses infractions clandestines et repoussant le
point de départ du délai de prescription de l’action
publique au jour de leur apparition ou de leur décou-
verte (pour une analyse critique de cette consécration
légale, voir l’intégralité du présent commentaire mise
en ligne via la veille permanente du 13 mars 2017).
La consécration de cette jurisprudence – inaugurée
en matière d’abus de confiance par une décision
vieille de près de 130 ans (Cass. crim., 30 déc.
1887 : Bull. crim. no455) et qui avait reçu le renfort
de l’assemblée plénière de la Cour de cassation en
matière d’abus de confiance et d’abus de biens
sociaux, refusant de transmettre au Conseil constitu-
tionnel une QPC (Cass. ass. plén., 20 mai 2011,
no11-90.033 : Bull. crim. ass. plén. no6) – est néan-
moins loin d’être totale car l’article 9-1 institue un
délai butoir de 12 ans en matière correctionnelle,
donc notamment pour l’abus de biens sociaux. Il y a
là une sérieuse limite à la remontée dans le temps
que la jurisprudence de la Cour de cassation rendait
absolue. Le législateur n’a pas voulu de cette quasi-
imprescriptibilité des délits clandestins.
Ainsi donc, pour récapituler, en matière d’abus de
biens sociaux, si, cas le plus fréquent, l’infraction est
occulte et/ou dissimulée, le délai de prescription de
l’action publique court du jour de la découverte du
délit sans pouvoir remonter au-delà de 12 ans ou, en
d’autres termes, court du jour de la commission du
délit, le délai étant alors de 12 ans.
Régime des procédures ouvertes
avant l’entrée en vigueur de la loi
Il convient de relever une atténuation substantielle,
intéressant notamment les dirigeants poursuivis pour
abus de bien sociaux, à la profonde réforme du sys-
tème résultant de la loi du 27 février 2017 : l’article 4
de cette loi, qui pérennise les règles anciennes pour
les procédures ouvertes avant son entrée en vigueur.
Le texte dispose ainsi que « la présente loi ne peut
avoir pour effet de prescrire des infractions qui, au
moment de son entrée en vigueur, avaient valable-
ment donné lieu à la mise en mouvement ou à l’exer-
cice de l’action publique à une date à laquelle, en
vertu des dispositions législatives alors applicables et
conformément à leur interprétation jurisprudentielle,
la prescription n’était pas acquise ». Ce texte vise
ainsi à empêcher le jeu du délai butoir pour les procé-
dures en cours. Il s’agit là d’une dérogation notable
au principe d’application immédiate à toute procédure
en cours, de la loi nouvelle en matière de prescription
(C. pén., art. 112-2, 4o). Il en résulte une curieuse
disparité entre justiciables ; et il est fort probable que
ce texte, n’ayant pas fait l’objet d’un contrôle préa-
lable de constitutionnalité, donnera lieu à une Ques-
tion prioritaire de constitutionnalité.
Wilfrid Jeandidier
Professeur agrégé des facultés de droit
Étude « Abus de biens sociaux »
A retenir
Avril 2017
© DICTIONNAIRE PERMANENT Droit des affaires - Bulletin 3
Contenu du rapport de gestion sur les délais
de paiement
Les montants liés à l’information sur les délais
de paiement dans les rapports de gestion établis
à compter du second semestre 2017 pourront
être mentionnés, au choix, HT ou TTC.
L’alternative figure désormais dans les modèles
de tableaux pour cette information.
Les sociétés dont les comptes annuels sont certifiés par
un commissaire aux comptes doivent communiquer des
informations sur les délais de paiement de leurs fournis-
seurs et de leurs clients dans leur rapport de gestion
(
C. com., art. L. 441-6-1). Pour les comptes afférents aux
exercices ouverts à compter du 1er juillet 2016 (rapports
établis à compter du second semestre 2017), les mentions
à porter dans le rapport de gestion ont été précisées par un
décret du 27 novembre 2015 (
C. com., art. D. 441-4 mod.
par D. no2015-1553, 27 nov. 2015 : JO, 29 nov.). Ces men-
tions devront être présentées sous forme de tableaux éta-
blis selon des modèles fixés par un arrêté dont la publica-
tion est intervenue le 14 avril 2016 (
Arr. 6 avr. 2016,
NOR : EINT1607276A : JO, 14 avr. 2016) ; lesdits modèles
figurent dans la partie « Arrêtés » du code de commerce
en annexe à l’article A. 441-2 du code de commerce.
Un décret du 20 mars 2017 modifie les dispositions de
l’article D. 441-4 du code de commerce afin d’ouvrir, aux
sociétés soumises à l’obligation d’information sur les délais
de paiement dans le rapport de gestion, la possibilité de
mentionner des montants hors taxe (HT) ou toute taxe
comprise (TTC). La nature des montants choisie, HT ou
TTC, devra être précisée par la société.
En conséquence de cet aménagement, un arrêté du
20 mars 2017 remplace les modèles de tableaux récapitu-
latifs issus de l’arrêté du 6 avril 2016. Les nouveaux
modèles indiquent désormais, pour chaque case relative à
un montant, « préciser : HT ou TTC ».
D. no 2017-350, 20 mars 2017 : JO, 21 mars
Arr. 20 mars 2017 : ECFT1701706A : JO, 21 mars
M. Zouari
Études « Rapport de gestion », « Commissaires aux comptes »
et « Délais de paiement entre les entreprises »
Le dispositif d’exigibilité de la contribution
patronale sur les actions gratuites
est-il constitutionnel ?
Le Conseil constitutionnel devra
se prononcer sur la conformité
à la Constitution du dispositif d’exigibilité
de la contribution sociale patronale applicable
aux actions gratuites attribuées en vertu
d’une autorisation antérieure au 8 août 2015.
Les actions gratuites attribuées en vertu de l’autorisation
d’une assemblée générale extraordinaire des actionnaires
antérieure au 8 août 2015 donnaient lieu à une contribution
sociale patronale exigible le mois suivant la date de la déci-
sion de leur attribution (
CSS, art. L. 137-13).
Il en résultait, notamment, que cette contribution était due
et non restituable, même si les conditions suspensives
dont étaient assorties ces attributions ne se réalisaient pas
(
Cass. 2e civ., 2 avr. 2015, no14-16.453 F-D).
Cette situation était-elle conforme au principe constitution-
nel d’égalité devant les charges publiques ? La deuxième
chambre civile de la Cour de cassation et le Conseil d’État
ont considéré que cette question était sérieuse et devait
être soumise au Conseil constitutionnel, qui devra se pro-
noncer dans un délai de 3 mois à compter de sa saisine.
REMARQUE : aux termes de la loi no2015-990, du 6 août 2015, en
ce qui concerne les actions gratuites attribuées en vertu d’une
autorisation d’une assemblée postérieure au 7 août 2015, la
contribution sociale patronale est exigible le mois suivant la
date d’acquisition des actions par l’attributaire.
Cass. 2e civ., QPC, 9 févr. 2017, no16-21.686, FS-D
CE, 8 févr. 2017, no405102
H.-P. Brossard
Étude « Actionnariat des salariés »
Transfert de l’obligation de règlement
de la caution en cas de fusion-absorption
du créancier
Si l’absorption du créancier met en principe
fin à l’obligation de couverture de la caution,
celle-ci demeure néanmoins tenue, à l’égard
de la société absorbante, à raison des dettes
nées antérieurement à la fusion.
Une société consent à une autre société un prêt garanti par
un cautionnement. Le débiteur ayant été mis en redresse-
ment judiciaire, le créancier déclare sa créance puis cède
celle-ci à une autre société, qui fait ultérieurement l’objet
d’une fusion-absorption. L’absorbante, venant aux droits de
l’absorbée, procède alors à une saisie attribution des fonds
auprès de la caution. La caution demande la mainlevée de
la saisie-attribution en soutenant que le cautionnement ne
pouvait bénéficier à l’absorbante.
La cour d’appel rejette cette demande, approuvée en cela
par la Cour de cassation. Elle rappelle que si l’absorption du
créancier met en principe fin à l’obligation de couverture de
la caution (
C. civ., art. 2292), celle-ci demeure néanmoins
tenue à raison des dettes nées antérieurement à la fusion.
En l’espèce, le prêt ayant été souscrit (et les fonds corres-
pondants ayant été remis) avant la date de réalisation de la
fusion, la caution restait tenue au paiement des sommes
dues au titre du prêt en raison de la défaillance de
l’emprunteur. La Cour de cassation approuve ainsi la cour
d’appel d’avoir validé la saisie-attribution de l’absorbante.
Cette solution, qui n’est pas nouvelle, appelle à distinguer
le sort du cautionnement de dettes présentes de celui du
cautionnement des dettes futures. En préambule, il
convient de rappeler que la fusion emporte transmission
universelle du patrimoine de l’absorbée à l’absorbante, sauf
dérogation expresse prévue dans le traité de fusion
(
C. com., art. L. 236-3). En vertu de ce principe, l’absor-
bée transfère à l’absorbante ses créances ainsi que
l’ensemble des accessoires qui leur sont attachés, dont les
cautionnements.
Cautionnement de dettes présentes
L’application de ce principe ne soulève pas de difficulté par-
ticulière en présence d’un cautionnement de dettes pré-
sentes, c’est-à-dire des dettes préexistantes à la conclu-
sion du cautionnement ou qui naissent en même temps
Sociétés
A retenir
Avril 2017
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4
que celui-ci (par ex. : un prêt, comme c’était le cas en
l’espèce). Dans ce cas, la dette garantie est, par définition,
préexistante à la fusion. Dès lors, il en va de même de
l’obligation de règlement (obligation de la caution de payer
la dette garantie en cas de défaillance du débiteur). Lors de
la fusion, l’obligation de règlement est donc transmise au
profit de l’absorbante.
A cet égard, il importe peu que la dette cautionnée ne
devienne exigible qu’après la date de la réalisation de la
fusion : seule compte la date du fait générateur de la dette
en question. En particulier, la Cour de cassation considère
que, s’agissant de prêts consentis avant la fusion, la dette
garantie (le remboursement du prêt) s’analyse comme une
obligation à terme naissant dès la conclusion du contrat et
donc antérieurement à la date de réalisation de la fusion,
même si elle n’est exigible qu’après cette date (
Cass.
com., 14 mai 2008, no07-14.305).
Cautionnement de dettes futures
Contrairement au cautionnement de dettes présentes, le
cautionnement de dettes futures a pour objet de garantir
des dettes non encore nées au jour de la conclusion du
contrat de cautionnement. Cette figure contractuelle est
notamment utilisée par les banques dans le cadre de la
garantie de comptes courants bancaires ou d’ouvertures
de crédit. Dans cette variété de cautionnement, la caution
est débitrice d’une obligation de couverture des dettes à
naître et d’une obligation de règlement des dettes nées
pendant la période de couverture.
En cas de fusion, si la transmission de l’obligation de règle-
ment des dettes générées dans le cadre de l’obligation de
couverture avant la fusion ne fait pas débat, il en va tout
autrement de la transmission de l’obligation de couverture
elle-même. En effet, cette dernière, en raison de son carac-
tère intuitu personae marqué, est susceptible d’être affec-
tée par la disparition de l’un des participants au cautionne-
ment consécutive à son absorption.
En cas d’absorption du créancier, la Cour de cassation
décide ainsi que si l’obligation de règlement de la caution
subsiste pour les dettes nées antérieurement à la fusion,
l’obligation de couverture prend fin pour la garantie des
dettes nées après cette date, sauf manifestation expresse
de volonté de la caution de s’engager envers l’absorbante
ou fraude de la caution (
Cass. com., 13 sept. 2011, no10-
21.370). Bien que critiquée par la doctrine qui fait valoir que
la personne du créancier est en principe indifférente à la
caution, cette solution semble désormais fermement
acquise en jurisprudence.
Cass. com., 22 févr. 2017, no14-26.704, no229 F-D
P. Delpech
Études « Fusions - Scissions - Apports partiels d’actif »
et « Cautions, avals et garanties bancaires »
Quelle majorité pour la modification des statuts
d’une association muets sur ce point ?
Dans le silence des statuts d’une association,
seules les modifications statutaires ayant
pour effet d’augmenter les engagements
de ses membres doivent être adoptées
à l’unanimité.
Une grande liberté est accordée aux associations quant à
l’organisation de leur fonctionnement interne. Cette liberté
est consacrée par l’article 1er de la loi du 1er juillet 1901, qui
affirme le caractère conventionnel de l’association et sa
soumission aux principes généraux du droit des contrats et
des obligations. Parmi ces principes, celui de l’intangibilité
des conventions, énoncé à l’ancien article 1134 du code
civil (désormais aux art. 1103 et 1193 du même code), est
un recours classique des juges. C’est au visa de cet article
et de l’article 1er de la loi du 1er juillet 1901 que la Cour de
cassation vient de préciser les conditions de modification
des statuts d’une association muets sur les règles de majo-
rité applicables en la matière ; l’enjeu était, en l’occurrence,
l’introduction d’une clause statutaire conditionnant à un
renouvellement annuel le droit des membres de l’associa-
tion à demeurer sociétaire.
Dans une association de chasseurs, une décision d’assem-
blée, prise à la majorité des membres présents, modifie les
statuts. La modification essentielle porte sur les conditions
d’admission des membres : l’admission devient annuelle –
et donc limitée à une saison de chasse –, son renouvelle-
ment étant laissé à la discrétion du conseil d’administra-
tion.
Deux membres de l’association, exclus de l’association par
l’effet du non-renouvellement de leur admission, deman-
dent la nullité de la décision d’assemblée et des décisions
de non-renouvellement par le conseil d’administration. Ils
sont entendus par la cour d’appel qui considère, qu’en
vertu du principe d’intangibilité des conventions, la décision
qui modifie la convention initiale et conduit à permettre
« l’exclusion d’un adhérent sans motif disciplinaire et sans
possibilité d’être entendu », doit être prise à l’unanimité à
défaut de disposition statutaire.
Elle est censurée par la Haute juridiction, qui retient que
« dans le silence des statuts d’une association, seules les
modifications statutaires ayant pour effet d’augmenter les
engagements des associés doivent être adoptées à
l’unanimité ». Forte de ce principe, la cour conclut que la
modification statutaire ayant pour objet la restriction du
droit des sociétaires à demeurer membre de l’association
échappe à la règle de l’unanimité, une telle restriction
n’ayant pas pour effet d’augmenter les engagements des
intéressés.
REMARQUE : la Cour de cassation avait déjà, au visa de l’article
1134 du code civil, s’agissant d’une association foncière
urbaine libre, dite AFUL (solution transposable aux
associations 1901), fait grief à une cour d’appel d’avoir omis de
rechercher si un membre de l’AFUL avait accepté la modifica-
tion statutaire qui « aboutissait à une augmentation de ses
engagements » (
Cass. 3e civ., 20 juin 2001, no99-17.961). Le
présent arrêt complète cette solution en limitant l’exigence
d’unanimité aux modifications statutaires ayant pour effet
d’augmenter les engagements des sociétaires, en l’absence de
disposition statutaire sur ce point.
Cass. 1re civ., 1er févr. 2017, no16-11.979,
no152 F-P + B
A. Cayrol-Cuisin
Étude « Association (loi 1901) »
Faculté de l’associé d’un GFA de demander
en justice son retrait du groupement
L’associé d’un GFA peut être autorisé
par une décision de justice à se retirer
du groupement si la limitation légale du droit
de retrait qui lui est appliquée porte
une atteinte disproportionnée au droit
de propriété de l’associé.
Le retrait d’un associé d’une société civile peut être autorisé
pour justes motifs par une décision judiciaire (
C. civ.,
art. 1869). Toutefois, il peut être dérogé à cette disposition
générale régissant les sociétés civiles par le statut légal par-
A retenir
Avril 2017
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ticulier auquel est assujettie une société civile particulière
(
C. civ., art. 1845). Ainsi, les dispositions du code rural et
de la pêche maritime régissant les groupements fonciers
agricoles (GFA), sociétés civiles particulières, limitent les
possibilités de retrait des associés de ces groupements aux
cas d’une stipulation statutaire expresse en prévoyant les
conditions ou, à défaut, d’une décision unanime des autres
associés (
C. rur., art. L. 322-23). Faisant une application
stricte de ce texte spécial, la première chambre civile de la
Cour de cassation avait conclu à l’irrecevabilité d’une
demande de retrait judiciaire effectuée par l’associé d’un
GFA (
Cass. 1re civ., 3 juin 2010, no09-65.995).
Cette même chambre opère un revirement de jurispru-
dence en retenant que « si l’article 6, § 1 de la Convention
de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fon-
damentales permet à l’État de limiter le droit d’accès à un
tribunal dans un but légitime, c’est à la condition que la
substance même de ce droit n’en soit pas atteinte ». Ainsi,
l’associé d’un GFA doit pouvoir « solliciter judiciairement
son retrait, nonobstant les dispositions de l’article L. 322-23
du code rural et de la pêche maritime, à charge pour le juge
saisi d’opérer un contrôle de proportionnalité entre l’objec-
tif poursuivi par la limitation légale du droit de retrait et le
respect du droit de propriété de l’associé retrayant ». En
d’autres termes, il appartiendra au juge de rechercher si
l’atteinte au droit de propriété n’est pas excessive au
regard de l’objectif de préservation de l’intérêt général
poursuivi au moyen de la limitation légale du droit de
retrait.
REMARQUE : cette solution peut être transposée aux cas pour les-
quels des textes spéciaux qui organisent le retrait d’un associé
ne prévoient pas le retrait judiciaire pour justes motifs. Ainsi,
dans l’hypothèse où les statuts d’une société civile excluraient
expressément le retrait du gérant associé après révocation de
sa qualité de gérant, alors que le texte ne prévoit pas le recours
au retrait judiciaire (
C. civ., art. 1851, al. 3), celui-ci pourrait
invoquer la décision présentement commentée.
Cass. 1re civ., 1er mars 2017, no15-20.817,
no251 FS-P + B + I
A. Cayrol-Cuisin
Étude « Société civile »
Une association ne peut organiser de vote
par correspondance que si ses statuts
le prévoient
Dès lors que les statuts d’une association
limitent le recours au vote par correspondance
aux seules AGO, l’AGE qui décide
la modification des statuts au moyen
d’un tel vote doit être suspendue
jusqu’à l’organisation d’une AGE conforme
aux statuts.
Une association soumet au vote par correspondance de
ses adhérents la suppression d’une disposition statutaire
instituant une présidence d’honneur.
Le président d’honneur, évincé par l’effet de cette suppres-
sion, saisit le juge des référés. Il soutient que cette modifi-
cation statutaire relève de la compétence d’une AGE et ne
peut être soumise au vote par correspondance.
Les statuts prévoient que les assemblées, qui peuvent être
tenues ordinairement et extraordinairement, sont convo-
quées par convocations individuelles ou par voie de presse
au moins quinze jours à l’avance. Ils précisent que les déli-
bérations de l’AGO sont prises à la majorité des membres
présents ou votant par correspondance, et que seule l’AGE
peut apporter des modifications aux statuts.
Estimant ces stipulations « claires et précises », la Cour de
cassation considère que les statuts de l’association ne
« prévoyaient le vote par correspondance que pour l’AGO
et non pour l’AGE ». Il s’ensuit que l’organisation d’un vote
par correspondance pour décider d’une modification des
statuts constituait un trouble manifestement illicite justi-
fiant la suspension de l’AGE organisée par voie postale
jusqu’à l’organisation d’une AGE conforme aux statuts.
REMARQUE : dans cette même décision, la Cour de cassation
confirme la compétence des juridictions judiciaires pour
connaître des litiges opposant l’association à ses membres.
S’agissant d’une association dont l’objet est un parti politique,
elle considère que le principe de liberté de formation et d’exer-
cice constitutionnellement garanti aux associations, s’oppose à
un contrôle administratif même si l’association en cause
concourt à l’exercice du suffrage et joue un rôle essentiel au
bon fonctionnement de la démocratie.
Cass. 1re civ., 25 janv. 2017, no15-25.561,
no102 FS-P + B + I
A. Cayrol-Cuisin
Étude « Association (loi 1901) »
Contrôle de la demande de confidentialité
des comptes annuels
Le greffe n’a pas le pouvoir d’opérer
un examen de fond de la demande
de confidentialité des comptes annuels.
Ces comptes sont réputés confidentiels
dès lors que leur dépôt a été accompagné
d’une déclaration de confidentialité régulière
en la forme.
Les sociétés commerciales ayant la qualité de micro-entre-
prise peuvent, lors du dépôt de leurs comptes annuels au
greffe, joindre une déclaration de confidentialité afin que
ces comptes ne soient pas rendus publics. Certaines per-
sonnes conservent néanmoins un accès à l’intégralité des
comptes (autorités judiciaires, administrations de l’État, col-
lectivités territoriales, etc.) (
C. com., art. L. 232-25, al. 1 et
R. 123-11-1).
Le Comité de coordination du Registre du commerce et
des sociétés (CCRCS) précise que le greffe du tribunal réa-
lise un simple contrôle formel des mentions requises sur la
déclaration de confidentialité ; en revanche, il n’a pas le
pouvoir de vérifier l’exactitude de ces mentions.
Il en résulte que le greffe ne peut délivrer une copie des
comptes annuels dont le dépôt a été accompagné d’une
déclaration de confidentialité régulière en la forme, même
s’il lui est exposé ou s’il s’avère que la société ne remplis-
sait pas les conditions pour bénéficier de cette confidentia-
lité. Toutefois, s’il a connaissance d’une fausse déclaration,
le greffe doit en informer sans délai le procureur de la
République (
C. proc. pén., art. 40, al. 2).
REMARQUE : cette solution vaut également pour le dépôt d’une
déclaration de confidentialité du compte de résultat par des
petites entreprises (
C. com., art. L. 232-25, al. 2).
Avis CCRCS, no2016-015, 5 juill. 2016
mis en ligne le 26 déc.
M. Zouari
Études « Assemblées d’actionnaires »
et « Assemblées d’associés »
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