CONFERENCE HABITAT III – VERS LA DEFINITION D’UN NOUVEL AGENDA URBAIN EN 2016 POSITIONNEMENT ET ENJEUX POUR LA FRANCE Vingt ans après la conférence d’Istanbul en 1996, Habitat III constituera un événement majeur sur la problématique du logement et du développement urbain, dans un contexte marqué par les nouveaux défis liés à l’urbanisation. Depuis 2007 en effet, plus de la moitié de la population mondiale vit désormais en ville. En 2030, ce chiffre atteindra 60% de la population mondiale, soit 5 milliards d’habitants. La ville est un espace de création de valeurs. Elle est un espace d’opportunités économiques, sociales, culturelles et politiques. Si l’on se place dans une dynamique de recherche de solutions visant l’accueil des populations, la préservation des ressources et l’adaptation et l’atténuation des changements climatiques, la ville se dessine comme un champ de possibilités. LES DEFIS DE LA VILLE DURABLE Medellin, Julie Salagnac-Diop, 2014 Bâtir une ville durable, c'est se préoccuper, dans le cadre d’une stratégie urbaine intégrée des questions paysagères et de consommation des espaces agricoles, des consommations énergétiques et des émissions de gaz à effet de serre, des mobilités urbaines (transports collectifs, modes doux...), de l'intégration sociale et de la solidarité, de biodiversité, du développement économique, notamment en circuits courts, tout en mettant en œuvre une concertation réelle dans le cadre d’une gouvernance de projet. Il s’agit avant tout d’un projet politique en réponse aux besoins exprimés par les habitants. La conception française, transversale et intégratrice, de la ville durable irrigue les politiques du gouvernement développées sur le territoire national avec les collectivités locales et les autres acteurs publics et privés pour offrir une meilleure qualité de vie aux habitants. Dans cette optique, la France s’engage à identifier les défis que les villes françaises auront à relever dans les 20 prochaines années et à engager des politiques opérationnelles, ambitieuses et volontaristes pour y répondre. En parallèle, l’action de la France en matière de ville durable est particulièrement soutenue à l’international, dans le cadre de politiques de coopération ou d’accords de développement économiques. Elle se fonde sur une contextualisation des projets qui propose en même temps de répondre à des préoccupations et des politiques globales. Les principales leçons depuis Habitat II: Elle est rendue possible par le savoir-faire des experts et des entreprises françaises, que ce soit dans les domaines de l’urbanisme, du développement, de l’écologie ou des services urbains. Les engagements multilatéraux de la France en particulier auprès d’ONU-Habitat, de Cities Alliance ou de la CGLU témoignent de sa forte prise en compte des enjeux territoriaux. De même, la prise en compte du rôle des collectivités locales dans le processus préparatoire de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) qui se tiendra à Paris en 2015 est un marqueur important. ENJEUX ET VISION DE LA VILLE DURABLE DE DEMAIN POUR LA FRANCE La ville durable doit être une ville attractive La ville de demain sera attractive pour ses habitants et pour les acteurs économiques. Elle apportera à ses habitants la qualité de vie et la sociabilité auxquels ils aspirent Elle facilitera l’accès aux services essentiels, à la sécurité et à l’emploi. Elle favorisera les échanges culturels et commerciaux. Elle veillera à la qualité architecturale, urbaine et paysagère, à la nature en ville, et à la biodiversité en ville. Elle profitera des opportunités offertes par le développement des technologies nouvelles. Les villes seront ouvertes et connectées entre elles et au reste du territoire, dans un rapport de réciprocité. La ville durable doit être une ville inclusive La ville de demain aura une réelle mixité fonctionnelle, sociale et générationnelle. Elle devra favoriser l’accès à des logements de qualité, à des services abordables mais aussi garantir la sécurité de tous les citadins, les plus pauvres ou ceux souffrant d’exclusion en particulier. Elle sera équitable dans la distribution des services, efficace dans leur gestion et contribuera au développement d’une économie durable et solidaire. Elle facilitera l’intégration et l’identification de chaque habitant avec sa ville. 1.- Une croissance urbaine mal maîtrisée engendre un processus de fragmentation sociale et spatiale, rendant d’autant plus aigus les enjeux de lutte contre la pauvreté, la préservation de l’environnement et la disparition accélérée des spécificités culturelles, du patrimoine matériel et immatériel ainsi que des centres historiques. 2.- Si elles peuvent cristalliser des difficultés, les villes sont aussi sources d’opportunités en termes d’emploi, d’activités génératrices de revenus, d’accès aux services, aux équipements et à l’information et d’exercice de la citoyenneté. 3.- Le défi climatique prend une ampleur croissante. Il peut exposer les populations à des risques majeurs et représenter un obstacle au développement économique s’il est subi. Pour autant, la ville se dessine comme un champ de possibilités. Elle peut devenir le laboratoire de l’ingénierie technique et sociale d’où émergent les idées les plus novatrices. Bien géré, le défi climatique contribue à l’amélioration des conditions de vie des habitants et de l’environnement et favorise une meilleure gestion énergétique. 4.- L’autorité publique locale est la mieux positionnée pour conduire une démarche intégrée et concertée de développement territorial, pour construire des réponses innovantes au plus proche des besoins des populations et pour pouvoir assurer les interfaces et les articulations entre les différentes échelles institutionnelles intervenant sur son territoire, selon un principe d’intérêt général. 5.- Quand plus de 800 millions d’individus [1] dans le monde habitent dans les bidonvilles, estimation qui devrait passer à 2 milliards d’ici à 2030, la question d’un logement décent, de l’accès aux services essentiels et de l’équité est au centre des préoccupations. 6.- L’exemple des pays en développement montre que la croissance économique s’accompagne généralement d’une forte croissance urbaine. Dans les pays où l’urbanisation est déjà forte, c’est le concept de ville durable qui peut provoquer cette croissance. 7.- Le développement économique doit être accessible à tous, dans le respect des biens publics que sont l’eau, l’air et les espaces naturels. Les villes devront affronter la question du développement spatial et des équilibres avec leur hinterland et le secteur rural. Le quartier de la Défense à Paris (c) Arnaud BOUISSOU MEDDE-METL [1] Indicateurs du développement mondial, Banque mondiale, 2014 La ville durable doit être une ville sobre, compatible avec une planète aux ressources limitées La ville de demain sera compacte et économe en espace, et diminuera son empreinte écologique, Elle contribuera à l’atténuation des effets du changement climatique en réduisant ses émissions de gaz à effet de serre (GES) et contribuera notamment à la transition énergétique. Elle maîtrisera le foncier et saura lutter contre l’étalement urbain. Elle sera sobre dans l’utilisation des ressources naturelles. Elle assurera la mobilité des personnes et des marchandises en intégrant des transports collectifs urbains non polluants, des déplacements doux et l’interconnexion des différents modes de transports. Le Partenariat français pour la ville et les territoires (www.pfvt.fr), plate-forme d’échanges et de capitalisation lancée en juin 2011 en présence du directeur exécutif d’ONUHabitat, Dr Joan Clos, rassemble les acteurs de l’urbain à l’international dans toute leur diversité, pour agir de manière cohérente et coordonnée au plan international, incarnant l’attention particulière portée par la France à l’enjeu majeur de la construction de villes durables et solidaires. Suivant cette approche, la France structure et organise les acteurs économiques nationaux afin qu’ils puissent proposer aux décideurs locaux, en France ou à l’étranger sous la marque Vivapolis (business.ubifrance.com/vivapolis-fr), une offre adaptée, contextualisée et efficiente en vue du passage à l’opérationnel. Articulées, ces initiatives soutiennent une approche intégrée de la ville durable, du renforcement et de l’accompagnement de la maîtrise d’ouvrage à l’amont, à la mise en place et à la gestion de services urbains à l’aval. La ville durable doit être une ville résiliente La ville de demain sera résiliente au changement climatique, aux risques et plus généralement aux mutations. Dans le cadre de sa planification stratégique, la ville portera une vision globale du projet de territoire qui combinera une politique d’adaptation au changement climatique avec une politique de gestion et de prévention des risques, qu’ils soient naturels, industriels, économiques, sociaux ou relevant de la sécurité. Cette planification stratégique, organisée aux différentes échelles spatiales et temporelles, permettra d’assurer simultanément et de façon coordonnée le développement économique, l’équité sociale et la protection de l’environnement en diminuant les impacts négatifs. La ville durable doit être une ville responsable La ville de demain sera gouvernée par des autorités locales élues, responsables et redevables. Acteurs légitimes et pertinents pour impulser la co-production des politiques territoriales par l’ensemble des parties prenantes, les collectivités assureront une maîtrise d’ouvrage urbaine fondée sur l’intérêt général et soutenue par un financement pérenne. La pleine implication des citoyens permettra, d’une part, de s’assurer de la justesse des réponses envisagées par rapport aux besoins réels et, d’autre part, de les associer à la prise de décisions, au suivi de celles-ci et à leur évaluation, dans le cadre d’une gouvernance urbaine démocratique. ENJEUX DE LA POLITIQUE INTERNATIONALE DE LA FRANCE SUR LA VILLE DURABLE Sur la scène internationale, les engagements de la France en matière de ville durable portent notamment sur : • Le rôle des villes dans la lutte contre le changement climatique La France s’engage sur la scène internationale comme acteur de la sensibilisation aux questions de changement climatique. La Conférence des Nations Unies sur le climat que la France accueillera en 2015 (COP21) sera à cet égard cruciale pour aboutir à un accord mondial à la hauteur des enjeux. Pour parvenir à limiter le réchauffement en dessous de 2°C, objectif que s’est fixé la communauté internationale, il faudrait en 2050 une réduction des émissions mondiales de GES de 50 % de leur valeur 1990. Les villes sont responsables de 75 % des émissions de gaz à effet de serre. Elles sont aussi les plus vulnérables et tout particulièrement les mégalopoles situées en zone côtière. La réponse Rio de Janeiro, Sarah Suzuki au défi climatique se trouve donc en grande partie dans les villes c'est pourquoi la France encourage une forte mobilisation à l’échelle planétaire des villes pour la COP 21. Il conviendra de développer des solutions innovantes portant notamment sur le transport urbain, la densification, l’efficacité énergétique des bâtiments, l’articulation avec la planification (plans climats territoriaux) pour contribuer à la réduction des émissions de carbone. En matière d’adaptation, les politiques de résilience devront quant à elles, s’adapter à la vulnérabilité des villes, liée à leur situation géographique et leur taille, et prendre en compte les inégalités auxquelles elles sont exposées. • La stratégie en matière de gouvernance locale démocratique A la lumière d’une évaluation de dix années de soutien aux processus de décentralisation et déconcentration, une nouvelle stratégie d’accompagnement de la gouvernance territoriale sera adoptée en 2015. Soutenant une vision spécifique centrée sur le rôle stratégique des autorités locales, acteurs légitimes et pertinents pour construire des réponses innovantes au plus proche des besoins des populations, cette gouvernance territoriale a pour objectif d’accompagner les acteurs concernés pour les aider à relever les défis de l’urbanisation, à concevoir et à mettre en œuvre des politiques et stratégies d’aménagement et de développement urbain durable et de lutte contre la pauvreté. L’Agence Française de Développement, opérateur pivot de la France en matière d’aide publique au développement, a adopté début 2014 un cadre d’intervention sectoriel relatif à la ville durable qui met l’accent sur l’importance d’une maîtrise d’ouvrage publique forte et responsable, indispensable pour contribuer à saisir les opportunités de la ville du XXIème siècle et porter une vision politique de l’avenir d’un territoire. • La planification urbaine stratégique Fruit d’une large concertation sociale associant l’ensemble des acteurs du territoire, elle constitue un processus politique, tant dans son contenu que dans son mode d’élaboration et de pilotage. Développée pour répondre à la complexité des enjeux urbains contemporains, elle porte une vision globale de l’avenir de l’agglomération. Elle constitue donc l’outil d’intégration des différentes thématiques interdépendantes de la ville. Grâce à elle, ville et campagne ne sont pas opposables mais s’enrichissent mutuellement. A la fois atout et compétence pour la France, les nouvelles démarches de planification urbaine stratégique recherchent un équilibre entre les objectifs de ville productive, de ville inclusive et la préservation de l’environnement dans une perspective de durabilité. La mise en œuvre de ces engagements requiert des moyens à la hauteur des ambitions affichées. L’Agence Française de Développement est un des premiers bailleurs bilatéraux dans le domaine urbain, avec près de 1 Md€ d’engagements annuels. Elle est parmi les rares institutions financières à proposer des prêts aux collectivités locales sans garantie de l’État. De plus, les opérateurs privés ont contribué à faire reconnaître les bénéfices de la délégation des services urbains notamment au travers de concessions. En parallèle, l’expertise française est mobilisée de façon originale et substantielle à travers la multiplicité des coopérations décentralisées, valorisées à plus de 100 millions d’euros par an. Face à ces enjeux, et en accord avec la vision de l’Union européenne, la France attend du nouvel agenda urbain qui sera adopté à Habitat III qu’il propose un modèle de développement urbain favorisant l’émergence de villes durables, à la fois justes et compétitives. Ce nouvel agenda urbain devra expliciter les principes et les modalités selon lesquels l’Objectif du développement durable 11 pour des villes et établissements humains inclusifs, sûrs, résilients et durables pourra, s’il est adopté lors du Sommet de septembre 2015, être mis en œuvre. Fès, Maroc – Julie Salagnac-Diop Contacts : Maryse Gautier, Représentante de la France, co-présidente du Bureau du Comité préparatoire à Habitat III - [email protected] Julie Salagnac-Diop, Conseillère Gouvernance Urbaine, Ministère des Affaires étrangères et du Développement international - [email protected] Jenny Pankow, Chargée de mission Ville durable, Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie/Ministère du Logement, de l’Egalité des territoires et de la Ruralité - [email protected]