Un th´eor`eme de Rokhlin en lien avec le seizi`eme probl`eme de

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Lucien Hennecart
École Normale Supérieure de Rennes
Magistère de Mathématiques 2e année
stage effectué sous la direction de
M. Jean-Yves Welschinger
Institut Camille Jordan
Université Claude Bernard Lyon 1
43 boulevard du 11 novembre 1918
F-69622 Villeurbanne Cedex
Un théorème de Rokhlin en lien avec le
seizième problème de Hilbert
mai-juin 2016
Je tiens à remercier Jean-Yves Welschinger pour avoir accepté d’encadrer mon stage,
pour avoir été très disponible pendant ces deux mois pour répondre à mes questions et pour
m’avoir fait découvrir les mathématiques qui ont permis des avancées sur le seizième problème
de Hilbert.
2
Table des matières
1 Introduction
4
2 Quelques résultats de topologie algébrique
2.1 Dualité de Poincaré et formules des coefficients universels .
2.2 Théorie de Smith . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.3 Caractéristique d’Euler d’une surface compacte orientable .
2.4 Homologie des espaces projectifs complexes . . . . . . . . .
5
5
7
8
8
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3 La formule de Riemann-Hurwitz et la formule du genre pour les courbe
planes
9
3.1 Formule de Riemann-Hurwitz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
9
3.2 Formule du genre pour les courbes planes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
4 Premiers résultats concernant les ovales
12
5 Revêtements ramifiés de variétés
16
6 Quelques résultats sur les formes quadratiques entières
17
7 Variétés presque complexes
18
8 Variétés et involutions
19
9 Théorie de l’intersection
21
10 Théorie des fibrés
21
11 Théorème de Rohklin pour les M -variétés
22
11.1 La signature des involutions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
12 Application des résultats à la démonstration du théorème de Rokhlin pour
les ovales
26
13 Le cas des courbes séparantes
33
3
1
Introduction
Dans ce travail, nous nous intéressons à la topologie des courbes algébriques sur le plan
projectif réel. Étant donné un polynôme homogène à coefficients réels de degré d en trois
indéterminées, f (X0 , X1 , X2 ), non singulier 1 , on note
X = {(x0 , x1 , x2 ) ∈ CP2 | f (x0 , x1 , x2 ) = 0}
XR = {(x0 , x1 , x2 ) ∈ RP2 | f (x0 , x1 , x2 ) = 0}
Si XR est non vide, c’est alors une sous-variété lisse du plan projectif de dimension 1 2
et compacte, donc composée d’un nombre fini de composantes connexes , chacune étant
homéomorphe au cercle (voir l’annexe de [Mil91] pour une démonstration). On est alors amené
à se demander quelles peuvent être les positions relatives 3 de ces composantes connexes. C’est
cette question qui constitue la première partie du seizième problème de Hilbert, que l’on peut
reformuler de la manière suivante :
Quelles sont à isotopie près les positions relatives possibles des différentes composantes
connexes d’une courbe algébrique de degré d dans le plan projectif ?
Si l’on considère l’ensemble X, alors la formule du genre pour les courbes planes caractérise
X, qui est une surface de Riemann de genre
g=
(d − 1)(d − 2)
.
2
Dans le cas réel, ce n’est pas si simple et une classification par le degré, comme cela est
possible pour le cas complexe, est illusoire. On le voit facilement en considérant par exemple
f1 (X0 , X1 , X2 ) = X02 + X12 + X22
dont le lieu des zéros dans RP2 est vide, et
f2 (X0 , X1 , X2 ) = X02 + X12 − X22
qui définit une ellipse.
Le problème posé revêt deux aspects. Le premier est la détermination de contraintes sur
les positions relatives des ovales. Le second est la vérification de l’optimalité des contraintes
trouvées, en construisant les courbes correspondant aux situations non exclues par les contraintes.
Ce travail se concentre sur le premier aspect.
Ce rapport repose sur l’article de George Wilson [Wil77]. Les références que j’ai utilisées
sont listées à la toute fin et j’ai essayé de faire apparaı̂tre dans le texte les lieux où chacune
m’a servi.
1. Condition que l’on traduit analytiquement par la non-annulation des quatre polynômes homogènes f ,
∂X0 f , ∂X1 f et ∂X2 f
2. Par application du théorème d’inversion locale dans les cartes, nous y reviendrons
3. Nous préciserons en temps voulu ce que l’on entend par positions relatives.
4
2
2.1
Quelques résultats de topologie algébrique
Dualité de Poincaré et formules des coefficients universels
On redéfinit ici les notions indispensables à la suite de ce travail. On se réfère à [Hat01]
pour les preuves.
Dans cette partie, on considère un espace topologique X. Nous notons Hn (X; G) le ne groupe
d’homologie singulière à coefficients dans le groupe abélien G. On sera amené à utiliser les
cas G = Z, G = R et G = Z/2Z. De la même manière, on note H n (X; G) le ne groupe de
cohomologie singulière à coefficients dans G.
Définition 2.1 (Caractéristique d’Euler-Poincaré d’un espace topologique). On suppose que
les groupes d’homologie de X à coefficients entiers, Hn (X; Z), sont des Z-modules de type
fini et que seul un nombre fini d’entre eux sont non nuls. On définit alors la caractéristique
d’Euler-Poincaré de X comme
X
χ(X) =
(−1)i rank Hi (X; Z)
i≥0
où rank Hi (X; Z) est le nombre maximal d’éléments d’une famille Z-libre dans Hi (X; Z).
En particulier, pour une variété topologique compacte de dimension n, seuls les n + 1
premiers groupes d’homologie sont éventuellement non nuls(cela découle essentiellement de
la suite exacte de Mayer-Vietoris et de ce résultat établi pour un ouvert d’un Rn , ainsi que
du théorème de plongement de Whitney qui permet de se ramener à des sous-variétés de Rn .
On peut se référer à [Pro]), et sont de type fini, et donc on peut définir la caractéristique
d’Euler-Poincaré.
Le premier résultat important liant homologie et cohomologie est celui de dualité de Poincaré que voici énoncé dans le cas particulier où G = Z/2Z.
Theorème 2.1 (Dualité de Poincaré). Si X est une variété compacte de dimension n, alors
on a :
Hk (X; Z/2Z) ' H n−k (X; Z/2Z).
pour tout entier naturel k.
Ce résultat peut-être adapté à un anneau A quelconque à la place de Z/2Z à condition
que la variété considérée soit A-orientable. On renvoie à [Hat01] pour plus de détails.
Définition 2.2 (Le bifoncteur Ext pour les groupes abéliens). Soit H et G deux groupes
abéliens. Soit . . . → F1 → F0 → H → 0 une résolution libre de H. En dualisant cette suite,
on obtient une nouvelle suite :
∂
∂
. . . ←2 Hom(F1 , G) ←1 Hom(F0 , G) ← Hom(H, G) ← 0.
On définit alors
Extn (H, G) = Ker ∂n+1 / Im ∂n .
Cette définition est consistante au sens où une autre résolution libre de H donnerait un groupe
abélien isomorphe.
5
Voici quelques propriétés permettant le calcul effectif de Ext1 (H, G).
Proposition 2.2. Soient H, H 0 et G deux groupes abéliens. On a les résultats suivants.
1. Ext(H ⊕ H 0 , G) ' Ext(H, G) ⊕ Ext(H 0 , G)
2. Ext(H, G) = 0 si H est libre
3. Ext(Z/nZ, G) ' G/nG.
Un second résultat fait le lien entre les groupes de cohomologie de X et les duaux des
groupes d’homologie de X. Il d’agit de la formule des coefficients universels en cohomologie.
Theorème 2.3 (Formule des coefficients universels en cohomologie). Pour tout groupe abélien
G, on a la suite exacte suivante :
0 → Ext1 (Hn−1 (X; Z), G) → H n (X; G) → Hom(Hn (X; Z), G) → 0.
Définition 2.3 (Le bifoncteur Tor pour les groupes abéliens). Soient A et H deux groupes
abéliens. Soit . . . → F1 → F0 → H → 0 une résolution libre de H. En tensorisant par A à
droite, on obtient une suite :
∂
∂
. . . →2 F1 ⊗ A →1 F0 ⊗ A → H ⊗ A → 0
On définit alors Tor(H, G) comme le groupe Ker ∂1 / Im ∂2 . Cette définition est consistante
au sens où une autre résolution libre de H donne un groupe isomorphe. (Le foncteur Tor(−, A)
est le premier foncteur dérivé gauche du foncteur − ⊗ A de la catégorie des Z-modules ModZ
Z
dans elle-même.)
Le foncteur Tor possède des propriétés qui rendent son calcul effectif simple.
Proposition 2.4. Soient A, B, Ai des groupes abéliens. On a les résultats suivants.
1. Tor(A, B) ' Tor(B, A),
2. Tor(⊕i Ai , B) ' ⊕i Tor(Ai ; B),
3. Tor(A, B) = 0 si A ou B est libre, ou même sans torsion,
4. Tor(A, B) ' Tor(T (A), B) où T (A) est le sous-groupe de torsion de A,
n
5. Tor(Z/nZ, A) ' Ker(A −→ A),
6. À toute suite exacte courte 0 −→ B −→ C −→ D −→ 0 on peut associer de manière
naturelle une suite exacte (longue) :
0 → Tor(A, B) → Tor(A, C) → Tor(A, D) → A ⊗ B → A ⊗ C → A ⊗ D → 0.
On remarque que dans le cas où A est un groupe abélien de type fini, les propriétés 2., 4.
et 5. permettent d’exprimer sans difficulté Tor(A, B).
Démonstration. Pour la preuve des résultats précédents, on renvoie à [Hat01] , pp.261-267.
La formule suivante lie les groupes d’homologie à coefficients entiers à ceux à coefficients
dans un groupe abélien quelconque.
6
Theorème 2.5 (Formule des coefficients universels en homologie). Si C est un complexe
de chaı̂ne de groupes abéliens et G un groupe abélien, on a la suite exacte scindée naturelle
suivante :
0 → Hn (C) ⊗ G → Hn (C; G) → Tor(Hn−1 (C); G) → 0
Nous prendrons pour C les complexes de chaı̂nes en homologie singulière.
Proposition 2.6. Si M est une variété topologique de dimension n compacte et k un corps
commutatif, alors :
X
χ(X) =
(−1)i dim Hi (M ; k).
i≥0
On attire en particulier l’attention sur le cas k = Z/2Z qui servira dans la suite. Cette
propriété permet de calculer la caractéristique d’Euler à partir des groupes d’homologie à
coefficients dans n’importe quel corps.
Démonstration. On dispose d’une part des isomorphismes donnés par la dualité de Poincaré :
H k (X; Z/2Z) ' H n−k (X; Z/2Z)
qui donnent en particulier l’égalité :
dim H k (X; Z/2Z) = dim H n−k (X; Z/2Z)
et d’autre part la formule des coefficients universels, qui peut se réécrire ici (les modules
considérés ont des structures de Z/2Z espaces vectoriels) :
H n (X; Z/2Z) ' Hom(Hn (X; Z), Z/2Z) ⊕ Ext1 (Hn−1 (X; Z), Z/2Z).
Il suffit de voir ce que sont précisément les deux membres de la somme directe.
Comme Hom(A ⊕ B, Z/2Z) ' Hom(A, Z/2Z) ⊕ Hom(B, Z/2Z), si A et B sont deux Zmodules, il suffit d’étudier Hom(A, Z/2Z) pour A = Z et A = Z/kZ pour k entier positif.
Dans le cas A = Z, clairement Hom(Z, Z/2Z) ' Z/2Z.
Dans le cas A = Z/kZ, k ≥ 1, soit k est pair auquel cas Hom(Z/kZ, Z/2Z) ' Z/2Z, soit
k est impair et alors Hom(Z/kZ, Z/2Z) ' 0.
Ainsi, chaque facteur Z de Hn (X; Z) donne un facteur Z/2Z de H n (X; Z/2Z) et chaque
facteur Z/kZ de Hn (X; Z) avec k pair donne un facteur Z/2Z de H n (X; Z) et un facteur
Z/2Z de H n+1 (X; Z). Comme la somme définissant la caractéristique d’Euler est alternée, ces
derniers termes dus à la torsion paire de Hn (X; Z) s’annulent deux à deux ce qui donne le
résultat.
2.2
Théorie de Smith
Voici maintenant un résultat de la théorie de Smith donnant une suite exacte pour les
involutions.
Soit X un espace topologique, muni d’une involution T : X −→ X continue. On note F
l’ensemble des points fixes de T et X 0 l’espace quotient X/T obtenu en identifiant tous les
points de F . L’ensemble F peut-être vu à la fois comme sous-ensemble de X et de X 0 .
7
Theorème 2.7. On a une suite exacte longue de la forme
γr+1
βr
α
γr
r
Hr (X) −→ Hr (X 0 , F ) −→ . . .
. . . → Hr+1 (X 0 , F ) −→ Hr (X 0 , F ) ⊕ Hr (F ) −→
où
1. β est induite par l’application X −→ X 0 −→ X 0 /F .
2. la seconde composante de α est induite par l’inclusion F −→ X
3. la seconde composante de γ est l’application bord de l’homologie du couple (X 0 , F )
4. T agit comme l’identité sur l’image de α.
Démonstration. Se référer pour l’instant à l’appendice de l’article [Wil77].
Corolaire 2.8. Supposons la dimension totale de l’homologie de X soit finie. Alors on a :
X
1. dim H∗ (X) = dim H∗ (F ) + 2
dim γr , en particulier, dim H∗ (X) ≤ dim H∗ (F ) et
r
dim H∗ (X) et dim H∗ (F ) ont la même parité.
2. si dim H∗ (X) = dim H∗ (F ), alors l’action de T sur H∗ (X) est l’identité.
Démonstration. Comme tous les espaces X, X 0 , X/F sont des complexes simpliciaux de
dimension au plus celle de X, seul un nombre fini de termes de la suite exacte du théorème
ci-dessus sont non nuls. De plus, la somme alternée des dimensions est nulle :
X
2 dim Hr (X 0 , F ) + dim Hr (F ) − dim Hr (X) = 0
r
. Ainsi,
dim H∗ (X) = dim H∗ (F ) + 2
X
dim Hr (X 0 , F ).
r
On a donc immédiatement le premier point. Si maintenant on a égalité dans le premier point,
les espaces Hr (X 0 , F ) sont nuls et la suite exacte du théorème donne la surjectivité de α en
tout degré. Par le point 4. du théorème, T agit comme l’identité sur l’image de αr qui est ici
Hr (X), pour tout r.
2.3
Caractéristique d’Euler d’une surface compacte orientable
Proposition 2.9. Soit X une surface connexe compacte orientable de genre g. Alors χ(X) =
2 − 2g
Démonstration. On peut le voir de plusieurs façon. Par exemple en partant d’une sphère à
laquelle on attache g anses pour obtenir X. On peut aussi voir X comme un 4n-gone avec
des identifications sur les arêtes et faire le calcul grâce à l’homologie cellulaire.
2.4
Homologie des espaces projectifs complexes
On se propose de calculer l’homologie entière des espaces CPn pour n ≥ 1.
Proposition 2.10. On a : H2k (CPn , Z) ' Z pour 0 ≤ k ≤ n et H2k+1 (CPn , Z) = 0 pour
0 ≤ k ≤ n − 1. Les autres groupes d’homologie sont nuls.
8
Démonstration. L’espace projectif complexe CPn est de dimension réelle 2n ce qui prouve la
dernière assertion.
Pour prouver les deux premières, on construit une décomposition cellulaire de CPn . L’espace CPn est l’ensemble des droites complexes de C n+1 . Chacune de ces droites est déterminée
par un vecteur de norme 1. On peut donc voir CP2 comme le quotient de S 2n+1 ⊂ Cn+1 par
la relation v ∼ λv pour |λ| = 1. On peut restreindre cette relation au sous-ensemble de S 2n+1
composé des vecteurs de C n+1 ayant leur dernière coordonnée réelle et positive ou nulle car
+
chaque orbite contient un vecteur de cette forme. On note ce sous-ensemble B2n
. C’est une
+
2n-cellule. La relation d’équivalence se restreint à B2n aux vecteurs ayant leur dernière coordonnée nulle, en (v, 0) ∼ (λv, 0) pour |λ| = 1. On peut donc voir CPn comme CPn−1 auquel on
a attaché une 2n-cellule. Finalement, par récurrence, CPn a une cellule pour chaque dimension
paire entre 0 et 2n. Le complexe de chaı̂nes de CPn a donc la forme :
0 → Z → 0 → ... → Z → 0 → Z
On en déduit de facto l’homologie de CPn .
On obtient également la caractéristique d’Euler-Poincaré χ(CPn ) = n + 1.
3
La formule de Riemann-Hurwitz et la formule du
genre pour les courbe planes
Le lecteur est invité à consulter par exemple [Mir95] pour un exposé plus développé sur
ce sujet.
3.1
Formule de Riemann-Hurwitz
Soit p : Σ0 −→ Σ un revêtement ramifié où Σ et Σ0 sont deux surfaces différentielles
compactes. En un point z0 ∈ Σ0 , il existe deux cartes telles que, lue dans ces cartes, p soit de
la forme z −→ z k . L’entier k ne dépend pas des cartes choisies.
Définition 3.1 (Indice de ramification). L’indice de ramification de p en z0 est l’entier k que
l’on note ez0 .
Theorème 3.1 (Formule de Riemann-Hurwitz). Soit p : Σ0 −→ Σ un revêtement ramifié de
degré d entre deux surfaces différentielles compactes. Alors :
X
χ(Σ0 ) = dχ(Σ) −
(ez − 1).
z∈Σ0
La somme est bien finie car l’indice de ramification vaut 1 sauf en un nombre fini de points.
On a un corollaire qui découle immédiatement de ce théorème.
X
Corolaire 3.2.
1. Le nombre
(ez − 1) est pair.
z∈Σ
0
2. Si Σ et Σ sont connexes, alors :
g(Σ0 ) − 1 = d(g(Σ) − 1) +
1X
(ez − 1)
2 z∈Σ
Démonstration. Cela découle de l’expression χ(X) = 2 − 2g pour une surface compacte orientable X de genre g.
9
3.2
Formule du genre pour les courbes planes
Définition 3.2. Soit f ∈ C[X0 , X1 , X2 ] un polynôme homogène. On dit que f est non singulier
les polynômes f , ∂X0 f , ∂X1 f , ∂X2 f n’ont pas de zéros communs hormis 0 ∈ C3 .
Proposition 3.3. Soit f ∈ C[X0 , X1 , X2 ] un polynôme homogène non singulier. Alors f est
irréductible.
Démonstration. Supposons que tel ne soit pas le cas. Alors f s’écrit f = gh avec g et h
homogène, non constant et non singuliers. Ils définissent donc des sous-variétés de CP2 de
dimension 1, qui s’intersectent par le théorème de Bézout en un point D ∈ CP2 . Un rapide
calcul montre alors que f , ∂X0 f , ∂X1 f , ∂X2 f s’annulent sur la droite D ⊂ C3 ce qui est
contraire à l’hypothèse de non-singularité de f .
[X0 , X1 , X2 ] constitué des polynômes sinProposition 3.4. Soit ∆ le sous-ensemble de Chom
d
[X
,
X
,
X
]
\
∆
est
un
ouvert
connexe
par arcs.
guliers. Alors Chom
0
1
2
d
Démonstration. D’abord, on remarque que C privé d’un nombre fini de points est connexe par
arcs. Ensuite, on considère les résultants, on remarque que f singulier est équivalent à ce que
l’un des trois polynômes f0 = f (1, X1 , X2 ), f1 (X0 , 1, X2 ) et f2 (X0 , X1 , 1) soit singulier, ce qui
est encore équivalent pour chacun d’avoir un zéro commun avec ses trois dérivées partielles.
R0 (X1 ) = Res(f0 , ∂X1 f0 ),
S0 (X1 ) = Res(f0 , ∂X2 f0 ),
où on considères les polynômes comme étant à coefficients dans C[X2 ]. On note ensuite :
U0 = Res(R0 , S0 )
On considère aussi U1 et U2 définis de manière similaire mais avec f1 et f2 . Le lieu d’annulation de U0 U1 U2 dans Chom
[X0 , X1 , X2 ], qu’on note ∆0 contient l’ensemble des polynômes
d
singuliers et est strictement inclus dans Chom
[X0 , X1 , X2 ].
d
En effet, en remontant les conditions, on a la chose suivante.
(
f (1, x1 , X2 ) et ∂X1 f (1, x1 , X2 ) ont une racine commune
U0 = 0 ⇐⇒ ∃x1 ∈ C,
.
f (1, x1 , X2 ) et ∂X2 f (1, x1 , X2 ) ont une racine commune
et des équivalences similaires pour U1 et U2 .
Cela prouve d’une part que ∆ ⊂ ∆0 (car f singuliers si et seulement si l’un des trois polynômes f0 , f1 , f2 l’est) et d’autre part que ∆0 6= Chom
[X0 , X1 , X2 ] en considérant le polynôme
d
d
d
d
X0 + X1 + X2 . qui ne vérifie aucune des conditions pour U0 , U1 , et U2 .
On montre que Z = Chom
[X0 , X1 , X2 ] \ ∆0 est connexe. Soient f, g ∈ Z. Soit D ⊂
d
Cd [X0 , X1 , X2 ] la droite complexe reliant f et g. Elle intersecte ∆0 en un nombre fini de
points (au plus le degré de W par le théorème de Bézout). Comme D moins un nombre fini
de points est connexe, et f, g ∈ D, on peut relier f et g par un chemin continu.
10
Si maintenant f est dans ∆0 \ ∆, on considère un droite complexe D passant par f non
incluse dans ∆0 . Il existe f 0 ∈ D \ ∆0 . On peut relier continûment f à f 0 . On montre que Z
est connexe grâce à cela. Si f, g ∈ Z, quitte à les déplacer un peu, on peut supposer qu’ils ne
sont pas dans ∆0 et la première partie s’applique.
Proposition 3.5. Étant donnés deux polynômes non singuliers f, g ∈ Chom
[X0 , X1 , X2 ], il
d
existe un cobordisme de Xf dans Xg . En particulier, Xf et Xg ont le même premier groupe
d’homologie.
Démonstration. On considère l’ensemble :
I = {(f, x) ∈ Chom
[X0 , X1 , X2 ] × C3 \ {(0, 0)} | f (x) = 0}.
d
Cet ensemble s’identifie à une sous-variété complexe de C
l’équation F (f, x) = f (x) et on a :
(d+1)(d+2)
+3
2
. Il est en effet défini par
d(f,x) F (g, h) = dx f (h) + g(x)
qui est surjective dès que x 6= 0 ou dx f n’est pas identiquement nulle. Or, si c’est deux conditions sont réalisées, alors f est constante et si (f, x) ∈ I, alors f = 0 et donc (f, x) = (0, 0) ∈
/ I.
Donc I est une variété complexe.
Maintenant, on a la projection sur le premier facteur :
π : I −→ Chom
[X0 , X1 , X2 ].
d
On considère γ : [0, 1] −→ Chom
[X0 , X1 , X2 ] \ ∆ un chemin continu entre deux polynômes
d
non singuliers. On pose alors :
V = {(t, (f, x)) ∈ [0, 1] × I | γ(t) = π(f, x)}.
C’est une variété complexe pour qui induit un cobordisme entre X0 et X1 .
Proposition 3.6. Soit f ∈ C[X0 , X1 , X2 ] un polynôme homogène de degré d non singulier.
Alors Vf = {[x0 : x1 : x2 ] ∈ CP2 | f (x0 , x1 , x2 ) = 0} est une courbe complexe projective.
Démonstration. Le plan projectif complexe CP2 est une variété complexe. Il suffit donc d’appliquer la version holomorphe du théorème des fonctions implicites dans chaque carte affine
U0 , U1 et U2 où Ui = {[x0 : x1 : x2 ] ∈ CP2 | xi = 0}.
La carte U0 est biholomorphe au plan complexe et Vf ∩ U0 est défini par l’équation
g(X1 , X2 ) := f (1, X1 , X2 ) = 0. La formule d’Euler dP = X0 ∂X0 f + X1 ∂X1 f + X2 ∂X2 f apliquée
en (1, x1 , x2 ) tel que f (x0 , x1 , x2 ) = 0 :
∂X0 f + x1 ∂X1 f + x2 ∂X2 f (1, x1 , x2 )
montre que ∂X1 et ∂X2 ne peuvent pas s’annuler simultanément sur Vf . Par conséquent,
dg : C2 −→ C est surjective. Par théorème des fonctions implicites, Vf ∩ U0 est localement le
graphe d’une fonction holomorphe, donc une variété complexe. Le même raisonnement vaut
pour U1 et U2 , d’où le résultat.
11
Proposition 3.7. Avec les mêmes hypothèses que dans la proposition précédente, Xf est un
sous-espace connexe de CP2 .
Démonstration. Voici une preuve pour la courbe de Fermat de degré d définie par f (X0 , X1 , X2 ) =
X0d + X1d + X2d . Il suffit de trouver une droite qui intersecte Xf en un seul point (en un point
d-uple en fait d’après le théorème de Bézout). En effet, par changement de variable linéaire, on
peut supposer que Xf intersecte la droite à l’infini X2 = 0 en un seul point. Si Xf a deux composantes connexes C1 et C2 , alors par exemple C1 n’intersecte pas la droite à l’infini que l’on
note D∞ . Mais C1 est compacte et CP2 \ D∞ est biholomorphe à C2 via [x : y : 1] −→ (x, y) et
la restriction de cette application à C1 est aussi holomorphe. Mais C1 étant compacte, elle est
constante et donc C1 est un point. Cela est impossible puisque C1 est une variété complexe
de dimension 1. Comme la droite projective {[x, ωx, z] : x, z ∈ C \ {(0, 0)}} où ω d = −1
intersecte Xf en un seul point, [1 : ω : 0], on a montré que Xf est connexe.
Une preuve dans le cas général est donnée dans [Sik] page 39. Une preuve dans le cas
encore plus général des variétés algébriques irréductibles complexes peut être trouvée dans
[Sha77], chapitre 7, paragraphe 2, pages 318 à 324.
Theorème 3.8 (Formule de Plücker). Soit f ∈ C[X0 , X1 , X2 ] un polynôme homogène de
degré d non singulier. Soit X ⊂ CP2 le lieu d’annulation de P . Alors χ(X) = 2 − 2g où
(d − 1)(d − 2)
g=
. Autrement dit, X est une surface orientable de genre g.
2
Démonstration. Par les propositions 3.6 et 3.7, X est une surface de Riemann, compacte car
X est un sous-espace fermé de CP2 . On peut supposer que [0 : 1 : 0] n’est pas un point
de X quitte à effectuer un changement de coordonnées linéaire. On considère l’application
holomorphe :
π :
X
→ CP1
.
[x : y : z] 7→ [x : z]
C’est un revêtement ramifié de la sphère de Riemann. Au dessus de [x : y] ∈ CP1 , il y
a d points donnés par les solutions de l’équation en y de degré d f (x, y, z) comptées avec
multiplicités, donc π est de degré d. De plus, son diviseur de ramification est égal au diviseur
d’intersection div(∂y F ). Par le théorème de Bézout, celui-ci a pour degré d(d − 1) puisque
∂y F est homogène de degré (d − 1). La formule d’Hurwitz donne alors :
χ(X) = dχ(CP2 ) − d(d − 1).
En utilisant χ(X) = 2 − 2g avec g le genre de X et χ(CP1 ) = 2, on en déduit la formule de
Plücker.
4
Premiers résultats concernant les ovales
Cette partie repose en particulier sur [BCR98], pages 285-290. Voici un premier résultat
sur les plongements du cercle dans le plan projectif.
Proposition 4.1. Il y a deux plongements du cercle dans le plan projectif à isotopie près.
Le premier type correspond aux plongements du cercle qui déconnectent le plan projectif en
deux composantes, l’une homéomorphe au disque, l’autre homéomorphe à la bande de Möbius.
L’image d’un tel plongement est appelée ovale. Le second type est celui des plongements qui
ne déconnectent pas RP2 . L’image d’un tel plongement est appelée pseudo-droite.
12
Ainsi, on peut définir l’intérieur d’un ovale comme étant la composante connexe homéomorphe
au disque, et son intérieur comme la composante homéomorphe à la bande de Möbius.
De plus, on peut distinguer les ovales des pseudo-droites en considérant leur préimage par
le revêtement universel de RP2 par la sphère, p : S2 −→ RP2 . Un ovale se relève en une partie
de S2 à deux composantes connexes tandis que les pseudo-droites se relèvent en parties de S2
à une seule composante connexe.
En fait, on a la proposition suivante.
Proposition 4.2. En reprenant les notations de l’introduction, si f est un polynôme homogène réel en trois indéterminées de degré d, alors :
1. Si d est pair, XR est une réunion d’ovales, et [XR ] est nul dans H1 (RP2 , Z) 4 ,
2. Si d est impair, XR est réunion d’une unique pseudo-droite et d’ovales, et [XR ] est non
nul dans H1 (RP2 , Z).
Démonstration. D’abord, une courbe non singulière contient au plus une pseudo-droite. En
effet, si D est une pseudo-droite de XR , RP2 \ D est homéomorphe au plan R2 . Les autres
composantes connexes de XR peuvent alors être vues dans R2 et sont des ovales (leur intérieur
est homéomorphe au disque).
Soit maintenant p : S2 −→ RP2 le revêtement universel de RP2 . On considère dans S2
un chemin γ reliant deux points antipodaux n’appartenant pas à p−1 (XR ) et intersectant
transversalement p−1 (XR ). Alors si C est un ovale, alors γ intersecte p−1 (C) un nombre pair
de fois tandis que si C un nombre impair de fois. À chaque fois que l’on traverse p−1 (XR ), le
polynôme f change de signe. Soit il y a une pseudo-droite dans XR , c’est la seule et on change
un nombre impair de fois de signe, et donc f prend des valeurs de signe opposé en des points
antipodaux donc est de degré impair. Soit il n’y a pas de droite et f prend la même valeur
en des points antipodaux et est donc de degré pair.
Theorème 4.3 (Inégalité de Harnack-Klein). Pour un polynôme homogène réel non singulier
de degré d, le nombre de composantes connexes de XR est au plus g(d) + 1 où g(d) est désigne
(d − 1)(d − 2)
le genre de la surface de Riemann correspondante X, à savoir g(d) =
.
2
Exemple 1. Grâce à ce résultat, on peut classifier les positions relatives possibles en degré
d = 2, auquel cas il y a au plus une composante et donc soit XR est vide (possibilité obtenue
avec f = X02 + X12 + X22 ), soit XR est un ovale (avec f = X02 + X12 − X32 ).
Démonstration. Cette démonstration repose sur la théorie de Smith. En effet, on a :
dim H∗ (XR , Z/2Z) ≤ dim H∗ (X, Z/2Z).
(L’étoile indique que l’on considère la dimension totale de l’homologie du complexe, c’est-àdire la somme des dimensions des modules d’homologie).
Mais X est une surface de genre g donc H0 (X) = Z/2Z, H1 (X) = (Z/2Z)2g et H2 (X) =
Z/2Z. Ainsi, dim H∗ (X, Z/2Z) = 2g + 2
D’autre part, comme XR est une réunion d’espace homéomorphes au cercle et que l’homologie transforme union en somme directe, H0 (X) ' (Z/2Z)nombre d’ovales , H1 (X) ' (Z/2Z)nombre d’ovales
4. voir la première partie pour l’homologie de RP2
13
donc dim H∗ (XR , Z/2Z) = 2 · nombre d’ovales.
Le résultat en découle.
Dans la suite, on se restreint aux polynômes homogènes de degré pair, égal à 2k. On
rappelle qu’alors XR est réunion d’ovales.
Définition 4.1. On appelle nid un ensemble d’ovales totalement ordonné pour l’inclusion.
On dit qu’un ovale est inclus dans un autre si le premier ovale est inclus dans l’intérieur du
second. C’est clairement une relation d’ordre partiel sur l’ensemble des ovales.
On appellera ovale le plus profond d’un nid l’ovale du nid qui ne contient pas d’autres
ovales du nid.
Theorème 4.4 (Hilbert). Le nombre d’ovales dans un nid est au plus k. Le nombre d’ovales
dans deux nids disjoints est au plus k. (On rappelle que 2k est le degré de la courbe).
Exemple 2. On possède assez d’information pour voir ce qu’il se passe en degré d = 4. Il
y a au plus 4 ovales par le théorème de Harnack. Par le théorème ci-dessus, soit il y a deux
ovales emboı̂tés auquel cas ce sont les seuls, soit les ovales ne sont pas emboı̂tés, auquel cas il
peut y en avoir un, deux, trois ou quatre.
14
Figure 1 –
f (X, Y ) = (X 2 + Y 2 − 1)
Figure 3 –
f (X, Y ) =
X2
2
X2 + Y 2 − 1
!
+ 2Y
X2
2
2
−2
Figure 2 –
− 0.05
f (X, Y ) = (X 2 + Y 2 − 1)
X2
2
!
+ 2Y
2
−1
+ 0.01
!
+Y
2
−1
+ 0.01
Figure 4 –
f (X, Y ) =
X2 + Y 2 − 1
X 2 + Y 2 + 1 + 0.01
Démonstration. C’est une application du théorème de Bézout sur les intersections de courbes
projectives.
Pour la première assertion, on considère une droite projective passant par l’intérieur de
l’ovale le plus profond du nid. Alors il coupe la courbe en au moins 2#nid points, mais en a
au plus 2k par le théorème de Bézout. Le résultat s’en déduit.
Pour la deuxième assertion, on considère une droite projective passant par un point de
l’intérieur de l’ovale le plus profond pour chacun des deux nids.
On peut donner des généralisations de ce résultats à des nombres quelconques de nids
grâce au résultat suivant.
Proposition 4.5. Étant donné un corps k et un entier positif d, par
passe au moins une courbe de degré d.
d(d + 3)
points de P2 (k)
2
Démonstration. On considère l’espace kdhom [X0 , X1 , X2 ] des polynômes
homogènes de degré
N =d+2
d à coefficients dans k. C’est un espace de dimension
. De plus, si P ∈ CP2 est un
2
point, l’espace {f ∈ kdhom [X0 , X1 , X2 ] | f (P ) = 0} ⊂ kdhom [X0 , X1 , X2 ] est un hyperplan.
L’intersection de k hyperplan des de dimension au moins N − k donc si on choisit N − 1
points, P1 , . . . , Pn ∈ CP2 , l’espace {f ∈ kdhom [X0 , X1 , X2 ] | f (P1 ) = . . . = f (PN −1 ) = 0} est
15
Figure 5 –
f (X, Y ) =
X2 +
1 2
Y −
−1
2
X2
2
!
+2∗Y
2
−1
+ 0.01
dimension au moins 1. Il y a donc au moins un polynôme non nul s’annulant en ces points,
donc il existe une courbe plane de degré d passant par ces points.
Nous allons distinguer deux types d’ovales. D’abord, on introduit les deux quantités :
B + = {[x0 : x1 : x2 ] ∈ RP2 | f (x0 , x1 , x2 ) ≥ 0}
B − = {[x0 : x1 : x2 ] ∈ RP2 | f (x0 , x1 , x2 ) ≤ 0}
Le signe de f en un point de RP2 est bien défini du fait que f soit de degré pair, et quitte à
changer f en −f , on peut supposer f < 0 à l’extérieur de tous les ovales.
On distinguera les ovales pairs contenus dans un nombre pair d’ovales, et les ovales impairs
contenus dans un nombre impair d’ovales.
La caractéristique d’Euler de B + est donnée par
χ(B + ) = P − N
On peut voir cela en dessinant un nid unique et en remarquant que B + est composé de
couronnes délimitées par les ovales, et d’un disque fermé au centre si et seulement si P = N +1.
On conclut en utilisant que la caractéristique d’Euler d’une couronne est 0, celle d’un disque
1 et celle d’une union la somme des caractéristiques d’Euler.
5
Revêtements ramifiés de variétés
Définition 5.1 (Revêtement ramifié). Soient X et Y deux variétés et p : X −→ Y une
application continue. On dit que p est un revêtement ramifié de X si tout point y de Y a une
carte centrée φ : U −→ V ⊂ C × Rn−2 telle qu’il existe un homéomorphisme ψ : p−1 (U ) −→
V × F , tels que l’application
φ ◦ p ◦ ψ −1
restreinte à x × F soit de la forme (x, z, v) −→ (z k(x) , v) pour un certain entier k(x) et pour
tout x dans la fibre F .
16
On remarque que k(x) ne dépend pas des cartes choisies puisque c’est le nombre d’antécédent
par p d’un élément a ∈ V \ y dans V . On l’appelle indice de ramification de p en x. Un point
x avec r(x) > 1 est appelé point de ramification. On nomme lieu de branchement de p l’image
des points de ramification de p. On le note B(p). Si X \ B(p) connexe, alors le cardinal des
fibres des éléments x ∈ X \ B(p) est constant et on l’appelle degré du revêtement.
Proposition 5.1. Le lieu de branchement B(p) est une sous-variété de X de codimension 2.
Démonstration. C’est assez clair au vu de la nature locale de la propriété de ramification. En
effet, les points de ramification inclus dans U sont exactement les points de φ−1 ({0}×Rn−2 ∩V )
et donc φ|U ∩p−1 (B(p)) : U ∩ p−1 (B(p)) −→ {0} × Rn−2 ∩ V donne une carte.
Proposition 5.2 (Caractéristique d’Euler d’un revêtement ramifié double). Soit Y −→ X
un revêtement ramifié double. On note B le lieu de branchement. Alors on a :
χ(Y ) = 2χ(X) − χ(B).
Démonstration. On munit X d’une structure de complexe simplicial de sorte que B soit un
sous-complexe, ce qui peut se faire en munissant B d’une triangulation et en étendant cette
triangulation à tout X. De plus, on impose aux différents simplexes de la triangulation d’être
inclus dans des ouverts trivialisant le revêtement. Ainsi, on peut relever cette triangulation
en une triangulation de Y . Chaque simplexe non contenu dans B se relève en deux simplexes
distincts, chaque simplexe contenu dans B se relève en un seul simplexe. Ainsi, χ(Y ) est la
quantité 2χ(X) à laquelle on doit retirer χ(B) car on a compté deux fois chaque simplexe de
B alors qu’ils n’apparaissent qu’une seule fois dans Y .
6
Quelques résultats sur les formes quadratiques entières
Nous aurons besoin pour étudier la forme d’intersection plus loin de disposer de certains
résultats de nature arithmétique sur les formes quadratiques entières sur des Z-modules de
type fini. Notre modèle sera Zr où r est un entier. On note une fois pour toutes
· : M × M −→ Z
la forme bilinéaire entière considérée.
La référence pour cette partie est [Ser96].
Définition 6.1. On appelle signature de · la quantité p − n où (p, n) est la signature de · vue
comme forme quadratique sur l’espace vectoriel réel M ⊗ R.
On dit que · est de type II si pour tout x ∈ M , x · x est pair.
On dit qu’un élément u ∈ M est caractéristique si
u · x ≡ x · x (mod 2)
pour tout x ∈ M .
Theorème 6.1. La signature d’une forme quadratique entière de discriminant ±1 de type II
est divisible par 8.
17
7
Variétés presque complexes
On introduit ici un objet intermédiaire entre les variétés réelles et les variétés complexes.
Il s’agit des variétés presque complexes obtenues en définissant une structure complexe sur le
fibré tangent.
Définition 7.1. On appelle variété presque complexe une variété réelle M dont le fibré
tangent est muni d’un difféomorphisme
J : T M −→ T M
agissant linéairement sur les fibres et tel que J 2 = −1.
Le premier résultat sur les variétés presque complexes est le suivant.
Proposition 7.1. Une variété presque complexe connexe est orientable et de dimension paire.
Démonstration. Soit x un point de M . Alors Jx est un endomorphisme du R-espace vectoriel
Tx M satisfaisant Jx2 = −1. En prenant le déterminant, on trouve det(Jx )2 = (−1)dim M et
donc dim M est paire.
En notant 2n la dimension de M , dans une base bien choisie, la matrice de Jx est diagonale
par bloc, avec n blocs de la forme
0 −1
.
1 0
En fait, Jx a deux espaces propres pour les valeurs propres 1 et −1 envoyés l’un sur l’autre par
J. Il existe donc une famille (e1 , . . . , en ) de vecteurs de Tx M telle que (e1 , . . . , en , Je1 . . . , Jen )
forme une base de Tx M . De plus, un calcul de déterminant montre que deux bases de cette
forme induisent la même orientation de Tx M . La matrice de changement de base est en effet
de la forme
A B
,
−B A
de déterminant | det(A + iB)|2 > 0 où A et B sont réelles, plus précisément où A = R(M )
et B = I(M ) pour M ∈ GLn (C) la matrice de passage de la base (e1 , . . . , en ) à (f1 , . . . , fn ).
On se donne donc pour chaque x ∈ M une base de Tx M de la forme (e1 , . . . , en , Je1 . . . , Jen ).
On montre qu’on définit ainsi une orientation globale de M . Il suffit pour cela de montrer que
l’orientation définie est localement cohérente, c’est-à-dire qu’en tout point, il existe 2n sections locales indépendantes de T M définissant la même orientation sur chaque plan tangent
que celle définie ci-dessus.
Soit donc U un ouvert sur lequel T M est trivial et x ∈ U :
'
φ : T U −→ U × R2n .
Soit (e1 , . . . , en , Je1 . . . , Jen ) une base de Tx M comme précédemment définie. On définit sur
U :
ψ : U −→ R
par ψ(y) = det(φ−1 (y, pr2 (φ(e1 )), . . . , φ−1 (y, pr2 (φ(en )), Jφ−1 (y, pr2 (φ(e1 )), . . . , Jφ−1 (y, pr2 (φ(en ))).
Cette fonction est continue sur U et non nulle en x donc il existe un ouvert V contenant
x et n sections continues de T V , e1 , . . . , en , définies par ei (y) = φ−1 (y, φ(ei )), telles que
e1 , . . . , en , Je1 , . . . Jen sont 2n sections de T V indépendantes, et définissant la même orientation que celle précédemment définie sur chaque plan tangent. Ainsi M est orientable.
18
Proposition 7.2. Une variété complexe M possède une structure presque complexe.
Démonstration. On note n la dimension de n. On munit le C-espace vectoriel Cn de sa C-base
canonique (e1 , . . . , en ). On munit le R-espace vectoriel Cn de la base (e1 , . . . , en , ie1 , . . . , ien ).
Dans cette base, l’endomorphisme de multiplication par i admet pour matrice :
0 −In
.
In 0
On considère un atlas holomorphe maximal de M . Soit x ∈ M et (U, φ) une carte en x. On
définit Jx (v) = Tx φ−1 (iTx φ(v)) pour tout v ∈ Tx M . La définition de Jx ne dépend pas de la
carte en x car si (V, ψ) est une autre carte en x, pour tout v ∈ Tx M , on a :
Tx ψ −1 (iTx ψ(v)) =
Tx (ψ ◦ φ−1 ◦ φ)−1 (iTx (ψ ◦ φ−1 ◦ φ)(v))
=
(Tφ(x) (ψ ◦ φ−1 ) ◦ Tx φ)−1 (iTφ(x) (ψ ◦ φ−1 ) ◦ Tx φ(v))
= (Tx φ)−1 ◦ Tφ(x) (ψ ◦ φ−1 )−1 (Tφ(x) (ψ ◦ φ−1 )(iTx φ(v)))
car comme ψ ◦ φ−1 est holomorphe, la multiplication par i commute avec Tφ(x) (ψ ◦ φ−1 ).
On en tire
Tx ψ −1 (iTx ψ(v)) = Tx φ−1 (iTx φ(v))
et donc Jx est bien défini, indépendamment de la carte choisie.
Maintenant, pour x ∈ M , Jx2 (v) = −v clairement.
Enfin, J : T M −→ T M est un automorphisme du fibré tangent de M car J induit un
isomorphisme sur chaque fibre et est continu. En effet, une carte
φ : U −→ φ(U )
induit une trivialisation du fibré tangent :
T φ : T M|U −→ φ(U ) × Cn .
Si l’on note
I : φ(U ) × Cn → φ(U ) × Cn
,
(x, v)
7→
(x, iv)
sur U , J est donnée par J|T U = (T φ)−1 (I(T φ)(·)).
On a donc bien définit avec J une structure presque complexe sur M .
8
Variétés et involutions
On peut définir une variété réelle projective à partir de l’inclusion RPn ⊂ CPn donnée à
partir de l’inclusion R ∈ C. On va donner ici une définition a priori plus générale.
Définition 8.1. Une variété algébrique réelle est un couple (X, T ) où X est une variété
algébrique complexe munie d’une involution anti-holomorphe T . Les points réels de X sont
alors les points fixes de T .
19
La première chose qui nous intéresse est donnée par la proposition suivante.
Proposition 8.1. La partie réelle d’une variété algébrique complexe est une variété algébrique
réelle lisse, de dimension moitié de celle de X.
Démonstration. On s’appuie sur le résultat de géométrie riemannienne suivant.
Lemme 8.2. Soit (X, g) une variété riemannienne et S ⊂ Iso(X, g) un ensemble d’isométries
de (X, g). Alors l’ensemble des points fixés par les éléments de S est une sous-variété totalement géodésique (éventuellement non-connexe).
Plus de précisions peuvent être trouvées dans [Pet06]
Preuve du lemme. On rappelle d’abord qu’une variété N ⊂ (M, g) est dite totalement géodésique
si N est localement paramétrée par l’application exponentielle expp restreinte à Tp N ⊂ Tp M
ou de manière équivalente si toute géodésique sur (N, g|N ) est une géodésique sur M .
Notons F l’ensemble des points fixes de S. Soit p ∈ F . On note V l’ensemble des vecteurs
v ∈ Tp M fixés par dp T : Tx M −→ Tx M pour T ∈ S. C’est exactement l’espace tangent
à N en p. En effet, si v ∈ V , alors expp (tv) ∈ F puisque φ : t −→ expp (tv) décrit une
géodésique, d’origine p et de vecteur vitesse à l’origine v, et T ◦ φ décrit aussi une géodésique
d’origine T (p) = p et de vecteur vitesse à l’origine dp T v = v, donc exp(tv) ∈ F pour tout t et
v = dp (expp (tv)) est la vitesse d’un chemin tracé sur F .
Inversement, soit v ∈ Tp N et γ : [−, ] −→ F tel que γ(0) = p et γ 0 (0) = v. On a la
relation T γ = γ qui, différenciée, donne dp T (γ 0 (0)) = γ 0 (0), et donc v ∈ V .
Soit maintenant > 0 tel que l’exponentielle expp réalise un difféomorphisme expp :
D(0, ) ⊂ Tp M −→ D(p, ) ⊂ M . Il nous suffit de montrer que
expp : V ∩ D(0, ) −→ F ∩ D(p, )
est une bijection. Ce sera alors un difféomorphisme.
Si v ∈ V , alors expp (v) est l’extrémité du chemin expp (tv) qui, on l’a vu ci-haut, est inclus
dans F . Donc expp (v) ∈ F .
Pour la surjectivité, soit q ∈ F ∩ D(p, ). Soit γ : [0, 1] −→ B(p, ) l’unique géodésique de
p à q. Si T ∈ S, les points initial et final de γ sont fixés par T et T γ est une géodésique de
p à q. Ainsi, T γ = γ et γ ⊂ F ∩ D(p, ). En outre, q = expp (v) où v ∈ D(0, ) et expp (tv)
est la géodésique γ (éventuellement un autre paramétrage) et donc T expp (tv) = expp (tv). En
différenciant cette relation en 0, il vient dp T v = v, d’où le résultat.
Remarque 1. Cette preuve donne en plus la dimension de F qui est celle de V . Dans le cas où
S = {T } est une conjugaison sur une variété presque complexe (X, J), dp T est diagonalisable
et a deux espaces propres E1 et E−1 qui sont interchangés par multiplication par J par la
propriété dp T (Jv) = −Jdp T (v). Par conséquent, dim V = 21 dim X.
On voit qu’il suffit alors de construire une métrique riemannienne sur X qui soit T invariante (pour laquelle T est une isométrie). Comme X est paracompacte (comme toute
variété), il existe une métrique riemannienne ω sur X (On construit ω en considérant un
recouvrement localement fini de X composé d’ouverts trivialisant son fibré tangent, et on
20
se ramène à un problème local par une partition de l’unité associée à ce recouvrement. Sur
chaque ouvert U du recouvrement, on ramène la métrique riemannienne sur U ×Rdim M induite
par le produit scalaire usuel sur Rdim M par la trivialisation).
On considère alors g = ω + T ∗ ω, qui est une métrique riemannienne sur X T -invariante (où
T ∗ ωx (u, v) = ωT (x) (dx T u, dx T v) pour x ∈ X et u, v tangents à X en x).
9
Théorie de l’intersection
Étant données N1 et N2 deux sous-variétés orientées d’une même variété orientée M de
dimensions complémentaires et qui s’intersectent transversalement. On suppose que l’une de
ces trois variétés est compacte. Alors on peut définir leur nombre d’intersections. D’abord,
le nombre d’intersection de N1 et N2 au point x ∈ N1 ∩ N2 est défini comme étant +1 si
l’orientation somme directe de Tx N1 ⊕ Tx N2 est la même que celle de Tx M , −1 sinon. On le
note ix (N1 , N2 ). Alors le nombre d’intersections de N1 et N2 est la quantité :
X
N1 ◦ N2 =
ix (N1 , N2 ).
x∈N1 ∩N2
10
Théorie des fibrés
Nous avons besoin de connaı̂tre un peu de théorie des fibrés pour la suite. Les livres [Hat03]
et [BT82] contiennent ce dont nous aurons besoin par la suite.
Définition 10.1. Soit E et B deux espaces topologiques et p : E −→ B une application
continue. On dit que E est un fibré vectoriel sur B de dimension n si chaque fibre p−1 (b) pour
b est munie d’une structure d’espace vectoriel tel que :
L’espace B est recouvert par des ouverts Ui tels que pour tout ouvert U du recouvrement,
il existe un homéomorphisme hU : p−1 (U ) −→ U × Rn agissant linéairement sur les fibres et
faisant commuter le diagramme suivant.
hU
p−1 (U )
p
#
U
{
/U
× Rn
pr1
On introduit maintenant plusieurs fibrés sur CP2 que nous utiliserons dans la preuve du
théorème de Rokhlin.
Définition 10.2.
1. Le fibré tautologique sur CP2 est le fibré dont la fibre en x ∈ CP2
est la droite x ⊂ C3 . On le note p : γ −→ CP2 . C’est un fibré complexe en droites.
2. On définit γ ∗ le fibré dual du fibré tautologique.
3. Pour un entier positif ou nul k, on note (γ ∗ )⊗k la puissance tensorielle k e du fibré
tautologique. On le notera aussi Lk .
Preuve que le fibré tautologique est un fibré. Soit x ∈ CP2 . Il existe un voisinage U de x dans
CP2 tel que si y ∈ CP2 alors x et y ne sont pas orthogonales (pour le produit scalaire hermitien
21
usuel sur C3 ) donc la projection orthogonale de y sur x est un isomorphisme linéaire que l’on
note px . On définit alors la trivialisation :
hU : p|U → U × p−1 (x)
.
v 7→ (p(v), px (v))
Les points 2. et 3. définissent bien des fibrés puisque sont obtenus à partir d’opérations
élémentaires sur le fibré tautologique.
11
11.1
Théorème de Rohklin pour les M -variétés
La signature des involutions
Dans cette partie, on se donne une variété fermée X de dimension 4n, orientable. Soit
H (X; R) le 2ne groupe de cohomologie de X à coefficients réels. Le cup produit donne une
forme quadratique sur H :
2n
Q : H ×H →
R
(φ, ψ) 7→ (φ ^ ψ)[M ]
où [M ] désigne une classe fondamentale de M , ou classe d’orientation.
Si T est une involution lisse de X préservant l’orientation (c’est-à-dire T∗ [M ] = [M ]), alors
T∗ : H −→ H
vérifie T∗2 = I donc T∗ est diagonalisable avec valeurs propres ±1. En notant H1 et H−1 les
espaces propres associés, on a la décomposition
H = H1 ⊕ H−1 .
De plus, cette décomposition est orthogonale vis-à-vis de la forme bilinéaire symétrique Q.
Cela demande une petite justification.
Démonstration. Premièrement, ψ ^ φ = (−1)2n φ ^ ψ = φ ^ ψ donc Q est symétrique.
De plus, si φ ∈ H1 et ψ ∈ H−1 ,
(T ∗ φ ^ T ∗ ψ)[M ] = (φ ^ ψ)T∗ [M ] = (φ ^ ψ)[M ]
en utilisant la formule explicite du cup produit et le fait que T préserve l’orientation, mais
aussi
(T ∗ φ ^ T ∗ ψ)[M ] = −(φ ^ ψ)T∗ [M ]
en utilisant que φ et ψ sont dans les espaces propres associés aux valeurs propres ±1. En
combinant c’est deux égalités, il vient (T ∗ φ ^ T ∗ ψ)[M ] = 0 ce qui prouve l’orthogonalité de
H1 et H−1 .
L’orthogonalité nous permet en particulier d’avoir les égalités
(p, n) = (p1 , n1 ) + (p−1 , n−1 )
22
si (p1 , n1 ) (resp. (p−1 , n−1 )) désigne la signature de Q restreinte à H1 (resp. H−1 ), et donne
en particulier
σ(X) = σ1 + σ−1
où σ1 = p1 − n1 et σ−1 = p−1 − n−1 .
Définition 11.1 (Signature de l’involution). La quantité σ1 − σ−1 est appelée signature de
l’involution.
On a alors un théorème donnant la signature en terme d’auto-intersection.
Theorème 11.1 (Atiyah-Singer). La signature de l’involution est égale à la signature de
l’auto-intersection F ◦ F où F désigne l’ensemble des points fixes de T .
Démonstration. Admis pour l’instant.
Theorème 11.2. Soit T une conjugaison sur une variété presque complexe X de dimension
réelle 4n. Alors la signature de l’involution est égale à (−1)n χ(XR ).
Démonstration. On va démontrer ce théorème à partir du précédent. On munit X de l’orientation induite par la structure presque complexe. Alors T préserve cette orientation puisque
une base d’un espace tangent (e1 , . . . , e2n , Je1 , . . . , Jen ) est envoyée par l’application tangente
à T sur (T e1 , . . . , T en , −JT e1 , . . . , −JT e2n ) en vertu de la propriété d’anti-linéarité de la
conjugaison. Comme il y a 2n signes moins, on ne change pas l’orientation en les enlevant et
donc T préserve l’orientation.
Par conséquent, par ce qui précède, la signature de T est bien définie.
Pour calculer l’auto-intersection, on se place dans un voisinage tubulaire de F . Mais on a
le lemme suivant.
Lemme 11.3. Dans le cas d’une variété presque complexe munie d’une conjugaison, le fibré
normal est isomorphe au fibré tangent par multiplication par J.
Ainsi, on peut calculer l’auto-intersection dans le fibré tangent de XR . L’auto-intersection
de X dans le fibré tangent est de dimension 0 et donc c’est le nombre de points, comptés avec
certains signes. Cette somme vaut χ(X).
On va définir ici de façon a priori plus générale ce qu’est la partie réelle d’une variété
complexe avant d’énoncer le théorème de Rohklin concernant ces objets.
Définition 11.2. Une conjugaison sur une variété complexe X est une involution T : X −→
X pour laquelle l’application tangente est antilinéaire, c’est-à-dire que si v ∈ Tx X, alors
T (iv) = −iT (v).
Par exemple la conjugaison complexe sur CPn .
Pour une variété presque complexe munie d’une conjugaison, T , on notera XR l’ensemble
des points fixes de T .
Par la théorie de Smith, on rappelle que l’on a l’inégalité :
dim H∗ (XR ; Z/2Z) ≤ dim H∗ (X; Z/2Z)
23
(1)
Définition 11.3 (M -variétés). On dit que (X, T ) est une M -variété si l’on a égalité dans
(1).
Theorème 11.4. Si (X, T ) est une M -variété réelle de dimension 4n, alors
χ(XR ) ≡ σ(X)
(mod 16).
On introduit un formalisme assez similaires avec la cohomologie entière cette fois. Le lien
entre les deux est fait par la formule des coefficients universels.
On pose donc
E = H 2n (X, R)/(tor)
qui est un groupe abélien de type fini. On a une forme quadratique entière sur E définie par
le cup-produit évalué sur une classe fondamentale :
S : E×E →
Z
(φ, ψ) 7→ (φ ^ ψ)[M ]
Par la dualité de Poincaré, cette forme quadratique est non singulière, c’est-à-dire que l’application
Q : E →
Hom(E, Z)
φ 7→ (ψ 7→ (φ ^ ψ)[M ])
(2)
est un isomorphisme de groupes.
Par la formule des coefficients universels en homologie, on a un isomorphisme naturel
E ⊗ R ' H.
Démonstration. En effet, on peut écrire cette formule :
0 → H 2n (X; Z) ⊗ R → H 2n (X; R) → Tor(H2n+1 (X; Z), R) → 0
Comme H 2n (X; Z) est un Z-module de type fini, il est isomorphe à E ⊕ (tor) et (tor) ⊗ R = 0.
Donc H 2n (X; Z) ⊗ R ' E ⊗ R. D’autre part, comme R est sans torsion, Tor(H2n+1 (X; Z) = 0.
Cela donne l’isomorphisme voulu que l’on note h. La naturalité est la commutativité du
diagramme :
H 2n (Y ; Z)
hX
f∗
H 2n (Y ; R)
f∗
/
/ H 2n (X, Z)
hY
H 2n (X, R)
pour tous espaces X et Y et toute fonction continue f : X −→ Y . Elle provient du fait
que la formule des coefficients universels est naturelle tout comme tous les isomorphismes
intermédiaires que l’on a considérés.
On dispose maintenant de deux formes quadratique, la première sur E ⊕ R, notée Q et
l’autre sur E, notée S. En fait, elles sont liées grâce au diagramme commutatif suivant, obtenu
par naturalité de la formule des coefficients universels en homologie.
E⊗Z×E⊗Z
id⊗i×id⊗i
E⊗R×E⊗R
où i est l’injection de Z dans R.
24
/Z⊗Z
S
Q
/
id⊕i
Z⊗R
Démonstration. Avec les notations précédentes, le théorème précédent donne l’égalité
σ1 − σ−1 = (−1)n χ(R)
Comme σ1 + σ−1 = σ(X), si n est pair
σ(X) − χ(XR ) = 2σ−1
et si n est impair,
σ(X) − χ(XR) = 2σ1
Il nous suffit donc de montrer que σ−1 (resp. σ1 ) est divisible par 8 si n est pair (resp. impair).
En vertu de la partie sur les formes quadratiques, il suffit de montrer les deux lemmes suivants.
Lemme 11.5. Les restrictions de Q à E1 et E−1 sont de déterminants ±1.
Lemme 11.6. Si n est pair (resp. impair), QE−1 (resp. QE1 ) est de type II.
Preuve du lemme 11.5. Premièrement, on a E = E1 ⊕ E−1 Les deux espaces sont en somme
directe puisque comme on l’a déjà vu dans le cas réel, ils sont orthogonaux relativement à S. On
n’a donc qu’à montrer que E1 + E−1 = E. Mais par la théorie de Smith (le corollaire énoncé),
T ∗ est l’identité sur H 2n (X; Z/2Z). En outre, par la formule des coefficients universels, on a
un diagramme commutatif :
/
0
H 2n (X; Z) ⊗ Z/2Z
T∗
0
/
/
H 2n (X; Z/2Z)
T∗
H 2n (X; Z) ⊗ Z/2Z
/
/
Tor(H 2n+1 (X; Z), Z/2Z)
T∗
H 2n (X; Z/2Z)
/
Tor(H 2n+1 (X; Z), Z/2Z)
/
/
0
0
La commutativité du carré de gauche et le fait que la flèche du bas est injective implique que
x ± T x = 0 dans H 2n (X; Z) ⊗ Z/2Z et donc x ± T x est divisible par 2 dans H 2n (X; Z) = E.
Une élément x ∈ E se décompose alors sous la forme
1
1
x = (x + T ∗ x) + (x − T ∗ x)
2
2
d’où la somme directe voulue.
Maintenant, par l’isomorphisme de (2), le discriminant de S est ±1 (puisque c’est le
déterminant de la matrice de l’isomorphisme de Z − modules 2), et comme la décomposition
ci-dessus est orthogonale relativement à S, on en déduit
disc(S|E1 )disc(SE−1 ) = disc(S) = ±1
donc comme disc(SE1 ) et disc(SE−1 ) sont des entiers, ils sont égaux à ±1, ce qu’il fallait
démontrer.
Preuve du lemme 11.6. On considère la forme quadratique
Q : H 2n (X; Z/2Z) × H 2n (X; Z/2Z) →
Z/2Z
(φ, ψ)
7→ (φ ^ ψ)[M ]
(3)
où H 2n (X; Z/2Z) est un Z/2Z-espace vectoriel de dimension finie (la dimension finie provient
de la suite exacte de Mayer-Vietoris et de l’existence d’un recouvrement par un nombre fini
25
d’ouverts homéomorphes à Rd ainsi que leurs intersections pour toute variété compacte de
dimension d). On considère l’application
L : H 2n (X; Z/2Z) → Z/2Z
x
7→ x · x
Celle-ci est linéaire et est donc représentée par un élément v2n ∈ H 2n (X; Z/2Z) appelé classe
de Wu.
Lemme 11.7. La classe de Wu v2n est la réduction modulo 2 d’une classe y, qui est dans E1
(resp. E2 ) si n est pair (resp. impair).
On repousse la preuve de ce lemme à plus tard.
On montre que si n est pair (resp. impair), SE−1 (resp. SE1 ) est de type II. Soit x ∈ E−1
(resp. x ∈ E1 ) si n est pair (resp. impair). On a
x̄ · x̄ = x̄ · v2n = x · y = 0
grâce au lemme 11.7 ce qui prouve notre assertion et le lemme 11.6.
Preuve du lemme 11.7. Se référer pour l’instant à l’article [Wil77].
Définition 11.4 ((M −1)-variétés). La théorie de Smith nous assure que dim H∗ (XR ; Z/2Z) ≡
dim H∗ (X; Z/2Z) (mod 2), et donc on dit que (M, T ) est une (M − 1)-variété si
dim H∗ (XR ; Z/2Z) = dim H∗ (X; Z/2Z) − 2.
On a alors un théorème similaire au théorème de Rohklin.
Theorème 11.8 (Kharlamov, Gudkov, Krahknov). Si (X, T ) est une (M − 1)-variété de
dimension 4n, alors
χ(XR ) ≡ σ(X) ± 2 (mod 16).
Démonstration. On se référera à l’article de Wilson [Wil77]. La preuve est similaire à celle du
théorème de Rokhlin, quoique nécessitant davantage de travail pour l’évaluation du déterminant
de la forme d’intersection et pour avoir des lemmes similaires au lemme 11.6.
12
Application des résultats à la démonstration du théorème
de Rokhlin pour les ovales
On reprend les notations du début, avec XR , X, P et N les nombres d’ovales contenus
dans un nombre pair (resp. impair) d’ovales.
Dans ce contexte, on dit que X est une M -courbe si le nombre de composantes connexes
de XR est maximal, c’est-à-dire égal à g + 1 où g = (2k − 1)(k − 1) est le genre de la surface
de Riemann X.
Theorème 12.1 (Rohklin). Avec ces notations, pour une M -courbe X de degré 2k, on a la
congruence :
P − N ≡ k 2 (mod 8).
26
L’idée pour démontrer ce théorème est d’appliquer les résultats précédents à un revêtement
double de CP2 .
Rappelons les notations de la partie sur les fibrés vectoriels. On note γ = OCP2 (−1) le fibré
tautologique sur CP2 qui à chaque point de CP2 associe la droite complexe de C3 sous-jacente.
On note γ ∗ = OCP2 (1) le fibré dual à γ et (γ ∗ )⊗k = OCP2 (k) pour k ≥ 0 la puissance tensorielle
k e de γ ∗ .
Proposition 12.2. Un polynôme homogène de degré k, f ∈ Chom
[X0 , X1 , X2 ], définit une
k
2
section globale du fibré OCP2 (k) −→ CP .
Démonstration. On définit notre section associée à f de la manière suivante :
sf : CP2 → OCP2 (k)
.
D 7→
f|D
On peut maintenant définir le revêtement Y −→ CP2 .
Définition 12.1. On définit :
Y = {v ∈ OCP2 (k) | v 2 = f (p(v))}
où p : OCP2 (k) = Lk −→ CP2 .
Cela a bien un sens puisque pour x ∈ CP2 , f (x) désigne f|x donc f (p(v)) ∈ OCP2 (2k)|{p(v)}
et v ∈ OCP2 (k)|{x} donc v 2 ∈ OCP2 (2k)|{x} .
Proposition 12.3. L’espace Y est une variété complexe.
Démonstration. On note Lk = OCP2 (k) pour tout k.
On travaile dans les cartes standards. On montre que Y ∩ Lk|U0 est une variété complexe (où
U0 = {[x : y : z | x 6= 0]}). Comme U0 est contractile, Lk|U0 et L2k|U0 sont triviaux. En prenant
une trivialisation pour Lk
hk : Lk|U0 →
C2 × C
v
7→ (p(v), g(v))
(puisque U0 est biholomorphe à C2 ), l’application suivante donne une trivialisation pour L2k :
h2k = hk ⊗ hk : L2k|U0 →
C2 × C
.
v
7→ (p(v), g ⊗ g(v))
De plus, avec ces trivialisations, si v ∈ Lk|U , alors v 2 = v ⊗v ∈ L2k|U et h2k (v 2 ) = (p(v), g(v)⊗
g(v)) = (p(v), g(v)2 ).
Par commutativité du diagramme
Lk|U0
hk
/ C2
id⊗id
L2k|U0
h2k =hk ⊗hk
27
/ C2
×C
id×·2
×C
on peut localement remplacer f par f 0 : C2 −→ C, polynôme non singulier en deux
variables et Y par
Y 0 = {(x, v) ∈ C2 × C | f (x) = v 2 }.
On note :
F : C2 × C →
C
.
(x, v) 7→ v 2 − f (x)
Il suffit de montrer que F est une submersion en tout point de Y . Or, pour (x, v), (x0 , v 0 ) ∈
C2 × C,
d(x,v) (x0 , v 0 ) = 2vv 0 − dfx (x0 ).
Si v 6= 0, alors en prenant x0 = 0 est en faisant varier v 0 , on voit que d(x,v) est surjective
(sur C). Si v = 0, alors f (x) = 0 et comme f est non singulier en x par hypothèse, d(x,v) f est
aussi surjective. Par conséquent, on a bien ce que l’on voulait.
Proposition 12.4. La variété complexe Y est un revêtement ramifié double de CP2 au-dessus
de X.
Démonstration. On montre que p : Y \ p−1 (X) −→ CP2 \ X est un revêtement double.
On note Lk = OCP2 (k) pour tout k.
Si :
hk : Lk|U →
U ×C
v
7→ (p(v), g(v))
est une trivialisation locale de Lk , alors par définition même,
h2k = hk ⊗ hk : L2k|U →
U ×C
v
7→ (p(v), g ⊗ g(v))
en est une de L2k . De plus, si v ∈ Lk|U , alors v 2 = v ⊗ v ∈ L2k|U et h2k (v 2 ) = (p(v), g(v) ⊗
g(v)) = (p(v), g(v)2 ).
Par commutativité du diagramme
Lk|U
id⊗id
hk
L2k|U
h2k =hk ⊗hk
/
/
U ×C
id×·2
U ×C
on peut localement remplacer f par f 0 : U −→ U × C, section holomorphe du fibré
complexe en droites trivial et Y par
Y 0 = {(x, v) ∈ U × C | f (x) = v 2 }.
On suppose que f 0 ne s’annule pas sur U quitte à restreindre cet ouvert.
f 0 : U −→ C
28
ne s’annule pas donc admet sur U exactement deux racines carrées holomorphes, r et −r. On
a donc :
Y 0 = {(x, r(x)) | x ∈ U } t {(x, −r(x)) | x ∈ U }
et chacun des deux ouverts de cette union disjointe s’applique biholomorphiquement sur U .
Par conséquent, Y 0 est un revêtement double de U et par la discussion précédente, Y \ p−1 (X)
est un revêtement double de CP2 .
Cela prouve que Y −→ CP2 est un revêtement ramifié.
Lemme 12.5. La variété complexe Y est connexe et simplement connexe.
Démonstration. L’image directe d’une composante connexe C de Y est connexe, fermée car p
est fermée (car propre puisque c’est une application de revêtement fini), et ouverte car p est
analytique. Par conséquent, p(C) = CP2 et p applique chaque composante connexe de Y sur
CP2 . Comme les éléments de X ⊂ CP2 n’ont qu’un seul antécédent par p, Y ne peut avoir
qu’une seule composante connexe. Ainsi, Y est connexe.
Pour l’instant, on se réfèrera à la construction de Wilson dans [Wil77] pour montrer que
Y est simplement connexe.
Proposition 12.6. L’homologie entière de Y est donnée par :
1. H0 (Y ; Z) ' H4 (Y ; Z) ' Z
2. H1 (Y ; Z) = H3 (Y ; Z) = 0
3. H2 (Y ; Z) ' (2 + 2g)Z
où g = (2k − 1)(k − 1) est le genre de X.
Démonstration. Par le théorème d’Hurewicz (π1 (Y ) ' H1 (Y ; Z)), H1 (Y, Z) = 0.
Comme Y est connexe, H0 (Y ; Z) ' Z.
Par dualité de Poincaré, on a des isomorphismes :
Hk (Y ; Z) ' H 4−k (Y ; Z)
pour k ∈ {0, . . . , 4} et la formule des coefficients universels en cohomologie s’écrit :
0 → Ext1 (Hn−1 (Y ; Z), Z) → H n (Y ; Z) → Hom(Hn (Y ; Z), Z) → 0.
où l’on rappelle que Ext1 (Hn−1 (Y ; Z), Z) = 0 si Hn−1 (Y ; Z) est sans torsion et que Hom(Hn (Y ; Z), Z)
est sans torsion.
On montre maintenant que l’homologie de Y est sans torsion.
Comme H0 (Y ; Z) est sans torsion, H 1 (Y ; Z) est sans torsion et donc H3 (Y ; Z) est sans
torsion.
Comme H1 (Y ; Z) est sans torsion, H 2 (Y ; Z) est sans torsion et donc H2 (Y ; Z) est sans
torsion.
29
Enfin H4 (Y ; Z) est sans torsion car c’est le groupe d’homologie en degré 4 qui est la dimension de Y comme variété réelle lisse.
On a H4 (Y ; Z) ' H 0 (Y ; Z) ' Z car Y est connexe.
On a H3 (Y, Z) ' H 1 (Y ; Z) ' Hom(H1 (Y ; Z); Z) ' 0.
Il ne reste plus qu’à calculer H2 (Y, Z). Il suffit pour cela de calculer son rang puisqu’on
sait que c’est un groupe abélien de type fini. Cela peut se faire en évaluant la caractéristique
d’Euler de Y . D’une part, elle vaut :
χ(Y ) = 2 + rank H2 (Y, Z),
d’autre part, vu que Y est un revêtement ramifié double de CP2 de lieu de branchement X,
χ(Y ) = 2χ(CP2 ) − χ(X)
avec χ(CP2 ) = 3 et χ(X) = 2 − 2g puisque c’est une surface de genre g.
Par conséquent,
rank H2 (Y, Z) = 2 + 2g
d’où H2 (Y ; Z) ' Z2+2g .
Comme Y \p−1 (X) −→ CP2 \X est un revêtement à deux feuillets, son groupe d’automorphisme est isomorphe à Z/2Z. On note T l’automorphisme de Y non trivial. L’automorphisme
θ envoie v sur −v. C’est une involution de Y dont l’ensemble des points fixes est X. On dispose
d’une autre involution de Y qui est donnée par la conjugaison complexe. Voyons comment est
définie la conjugaison complexe sur Y .
On a la conjugaison sur CP2 :
c :
CP2
→
CP2
[x0 : x1 : x2 ] 7→ [x¯0 : x¯1 : x¯2 ]
qui envoie une droite sur la droite conjuguée.
On peut voir le fibré tautologique γ comme un sous-fibré du fibré CP2 × C3 de la manière
suivante :
γ = {(x, v) ∈ CP2 × C3 | v ∈ x}.
Les conjugaisons sur CP2 et sur C3 induisent donc une conjugaison sur γ. Par dualisation, γ ∗
est aussi muni d’une conjugaison. Puis (γ ∗ )⊗k est muni d’une conjugaison par v1 ⊗ . . . ⊗ vk =
v¯1 ⊗ . . . ⊗ v¯k . Par suite, Y est muni de la conjugaison obtenue à partir de celle sur Lk par
restriction.
Comme CP2 est compact, (γ ∗ )⊗k se plonge dans un certain fibré trivial CP2 ×CN (N ∈ N).
On peut voir la conjugaison sur (γ ∗ )⊗k comme la restriction à cet espace de la conjugaison sur
CP2 × CN . On note T cette conjugaison. L’action de la conjugaison sur un vecteur v du fibré
conjugue alors le point de base et le vecteur v. Par conséquent, les points fixes sont les points
v ∈ Y tels que x = p(v) ∈ RP2 ⊂ CP2 et v est réel. Donc comme v 2 = f (x), cela équivaut à
f (x) ≥ 0. Ainsi, en notant YR+ l’ensemble des points fixes de T + forme un revêtement double
de B + branché sur XR . De la même manière, en notant T − = T + ◦θ = θ ◦T + et YR− l’ensemble
des points fixes de cette autre involution, YR− est un revêtement double de B − branché sur
XR .
30
Proposition 12.7. L’homologie modulo 2 de YR− est :
H0 (YR− ; Z/2Z) ' H2 (YR− ; Z/2Z) ' (N + 1)Z/2Z;
H1 (YR− ; Z/2Z) ' 2P Z/2Z.
Démonstration. Les nombres P et N sont définis au début. On rappelle qu’ils désignent respectivement le nombres d’ovales contenus dans un nombre pair d’ovales et dans un nombre
impair d’ovales.
La partie YR− est un revêtement double de B − branché sur XR . Comme B − a N +
1 composantes connexes, YR− a également N + 1 composantes connexes. Cela détermine
H0 (YR− ; Z/2Z) :
H0 (YR− ; Z/2Z) ' (Z/2Z)N +1 .
Ce résultat vaut aussi pour H 0 (YR− ; Z/2Z) :
H 0 (YR− ; Z/2Z) ' (Z/2Z)N +1 .
En outre, par dualité de Poincaré, on a :
H2 (YR− ; Z/2Z) ' H 0 (YR− ; Z/2Z)
ce qui montre :
H2 (YR− ; Z/2Z) ' (Z/2Z)N +1 .
Pour évaluer H2 (YR− ; Z/2Z), il suffit de calculer la caractéristique d’Euler de YR− :
χ(YR− ) = 2χ(B − ) − χ(XR ).
Mais XR est une union d’ovales chacun homéomorphe à S 1 , la caractéristique d’Euler est
additive et χ(S 1 ) = 0 donc χ(XR ) = 0. D’autre part, RP2 = B + ∪ B − , où B + et B − se
recollent selon XR . Par conséquent,
1 = χ(RP2 ) = χ(B + ) + χ(B − ) − χ(XR ) = P − N + χ(B − ).
Finalement,
χ(YR− ) = 2 − 2(P − N )
et l’on en déduit rank(H1 (YR− ; Z/2Z)) = 2(N + 1) − χ(YR− ) = 2P
d’où
H1 (YR− ; Z/2Z)s ' (Z/2Z)2P .
Proposition 12.8. La variété réelle (Y, T − ) est une M -variété si et seulement si X est une
M -courbe.
Démonstration. Les propositions précédentes donnent les deux égalités :
dim H∗ (Y ; Z/2Z) = 4 + 4g
et
dim H∗ (YR− ; Z/2Z) = 2 + 2(P + N )
donc (Y, T − ) est une M -variété si et seulement si 4 + 2g = 2 + 2(P + N ), si et seulement si
P + N = g + 1, ce qui équivaut à dire que X est une M -courbe.
31
Pour appliquer le théorème de Rokhlin sur les M -variétés, il ne nous reste plus qu’à calculer
la signature de la variété Y .
Lemme 12.9. La signature de Y est donnée par la formule :
σ(Y ) = 2 − 2k 2 .
Démonstration. Comme H 2 (CP2 ; R) ' R, la forme d’intersection qui est non dégénérée par
dualité de Poincaré est soit définie positive, soit définie négative donc σ(CP2 ) = ±1. Or, si D1
et D2 sont deux droites complexes dans CP2 , elles s’intersectent en un point P . On se donne
e1 (resp. e2 ) un vecteur engendrant le C-espace vectoriel tangent à D1 (resp D2 ). On suppose
que D1 et D2 s’intersectent transversalement (ce qui revient à supposer ici D1 6= D2 ). Alors
(e1 , e2 , Je1 , Je2 ) (où J est la structure presque complexe sur CP2 induite par sa structure
complexe)est une base de l’espace tangent à CP2 donnant l’orientation canonique de CP2 .
Donc l’intersection de ces deux droites vaut 1. Par suite, l’auto-intersection d’une droite vaut
1 et σ(CP2 ) = 1.
Ensuite, le revêtement ramifié :
Y −→ CP2
donne
σ(Y ) = 2σ(CP2 ) − [X ◦ X]Y .
Enfin,
1
1
[X ◦ X]Y = [X ◦ X]CP2 = (2k)2 = 2k 2 .
2
2
Ainsi,
σ(Y ) = 2 − 2k 2 .
Preuve du théorème de Rokhlin. On rappelle que ce théorème assure que pour une M -courbe
de degré pair égal à 2k, on a la congruence :
P − N ≡ k2
(mod 8).
Le théorème de Rokhlin pour les M -variétés donne :
χ(YR− ) ≡ σ(Y )
(mod 1)6
avec ici, σ(Y ) = 2 − 2k 2 et χ(YR− ) = 2 − 2(P − N ), donc :
2(P − N ) ≡ 2k 2
(mod 1)6
ou encore
P − N ≡ k2
(mod 8),
ce qui est exactement le théorème de Rokhlin.
32
13
Le cas des courbes séparantes
Dans cette partie, on étudie une nouvelle idée qui est celle des courbes dites séparantes.
On considère une courbe réelle plane X de degré d non nécessairement pair, ainsi que sa partie
réelle XR ⊂ X. Notre but est de donner une autre preuve du théorème de Harnack qui ne
repose pas sur la théorie de Smith.
Lemme 13.1. On conserve les notations précédemment introduites.
Si on retire de X toutes les composantes connexes de XR sauf une, l’espace obtenu est connexe.
Démonstration. Si l’on retire de X une seule composante de XR , l’espace obtenu a soit une
seule composante connexe, soit deux. S’il en a deux, soit la conjugaison complexe T laisse
stable chaque composante connexe, soit elle les échange. Mais T ne peut pas les laisser stable
puisque c’est une conjugaison, et don les échange. En effet, le modèle local de X est [−1, 1] +
i[−1, 1] ⊂ C et XR est [−1, 1] ⊂ [−1, 1] + i[−1, 1] :
R
XR
X
La conjugaison échange donc les deux composantes connexes de [−1, 1] + i[−1, 1] \ [−1, 1] dans
C. Donc XR n’a qu’une seule composante dans ce cas.
On peut appliquer le même argument à chaque fois que l’on retire une composante de XR
pour se rendre compte que si on les a toutes enlevées sauf une, l’espace obtenu est connexe.
Définition 13.1. On dit que la courbe X est une courbe divisante si X \XR est non connexe.
Proposition 13.2. On a les faits suivants.
1. Une M -courbe est toujours divisante
2. Une (M − t)-courbe n’est jamais divisante si t est impair, où une (M − t)-courbe est
une courbe X telle que XR possède t composantes de moins que le maximum g + 1.
La preuve de cette proposition contient une deuxième démonstration du théorème de
Harnack.
Corolaire 13.3 (Inégalité de Harnack-Klein). Le nombre maximal de composantes connexes
de XR est g + 1 où g est le genre de la courbe X.
Démonstration. On montre qu’une M -courbe divise toujours. On s’appuiera sur le théorème
de classification des surfaces compactes à bord que l’on peut trouver dans [Mas67] :
33
Theorème 13.4. Soient M1 et M2 deux surfaces compactes à bord telles que leurs bords
aient le même nombre de composantes connexes. Alors M1 et M2 sont homéomorphes si et
seulement si M1 ∗ et M2∗ sont homéomorphes, où Mi∗ est la surface compacte sans bord obtenue
à partir de Mi en attachant un disque sur chaque composante connexe du bord de Mi .
Comme on sait que le genre classifie les surfaces compactes orientables sans bord, le genre
(égal au nombre d’anses) et le nombre de trous (égal au nombre de composantes connexes du
bord) classifie les surfaces compactes orientables à bord.
Lemme 13.5. Soit S une surface compacte à bord de genre g et à r trous et γ ⊂ S un cercle
plongé tel que S \ γ soit connexe. Alors S \ γ ∗ est une surface compacte connexe à bord, à
(g − 1) anses et (r + 2) trous, où γ ∗ désigne un voisinage tubulaire dans S.
Revenons à notre situation. On dispose de X, surface de genre g sans bord et XR ⊂ X
possède g + 1 composantes connexes. On retire successivement de X des voisinages tubulaires
de chacune des composantes de XR . Une fois sur l’on en a enlevés g, la surface obtenue est
de genre 0 et possède 2g trous (c’est une sphère trouée). Comme tout plongement du cercle
dans le sphère la déconnecte, une fois enlevée la g + 1e composante de XR , l’espace obtenu
est non connexe. Donc une M -courbe est divisante. Au passage, on voit que XR ne peut pas
avoir plus de g + 1 composantes car une fois que l’on a retiré g + 1, l’espace obtenu possède
deux composantes connexes inter-changées par la conjugaison complexe et donc il n’y a plus
de points fixes de la conjugaison complexe. Cela donne une nouvelle preuve du théorème de
Harnack.
Prouvons la deuxième partie du théorème. Si X est divisante, alors une fois que l’on a
retiré toutes les composantes connexes de XR , il doit rester un nombre pair d’anses puisque
qu’il y en a autant pour chaque composante (la conjugaison réalise un homéomorphisme de
l’une sur l’autre). Une (M − t)-courbe laisse t anses à la fin du procédé et donc si t est impair,
elle ne peut pas être divisante.
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