3
familial, psycho-social et affectif, joue un rôle de filtre de perception au travers duquel seront décodés
par l’électeur les enjeux circonstanciés de chaque élection. De longue date, les études portant sur la
socialisation politique ont établi l’importance des mécanismes d’identification dans la transmission
parentale des choix politiques aux Etats-Unis comme en France (Jennings et Niemi, 1981, Percheron,
1985)
En France, où le système politique est multi-partisan contrairement au bipartisme propre aux pays
anglo-saxons, l’identification partisane fonctionne mal (Converse, 1964, 1981). C’est l’orientation
idéologique mesurée par l’appartenance à la gauche, à la droite ou ni à la gauche ni à la droite, qui
remplit le rôle d’identification affective et de repérage politique élémentaire des individus (Deutsch,
Lindon et Weill, 1996, Percheron et Jennings, 1981, Michelat, 1990, Michelat et Tiberj, 2007),
intervenant à la charnière des deux strates de l’entonnoir, les prédispositions sociales et familiales
d’une part et l’offre politique d’autre part. En France, le clivage gauche/droite est un équivalent de
l’identification partisane, notamment parce qu’il permet une simplification du système politique
ramené à un affrontement entre deux camps. Cette simplification facilite l’arrimage et l’ancrage
affectif des identités politiques dans l’histoire des familles (Muxel et Percheron, 1988). Les
identifications à la droite ou à la gauche renvoient à des appartenances sociales, religieuses et
culturelles différenciées et recoupent des univers de valeurs et de références qui commandent des
choix électoraux eux aussi différenciés.
Le paradigme de Michigan a été critiqué et en partie remis en cause. Plusieurs études ont été amenées
à nuancer le poids des prédispositions sociales et familiales dans la stabilité des orientations comme
des comportements politiques (Nie, Verba et Petrocik, 1976). Tablant sur la réalité d’un électeur plus
affranchi de sa condition sociale comme de ses loyautés partisanes, et plus enclin à prendre en compte
les enjeux propres du scrutin, c’est un modèle moins déterministe qui s’impose au travers de la montée
du vote sur enjeux et de la prise en compte de modèles économiques et rationnels (rational choice) du
comportement électoral (Rose et Mac Allister, 1987, Lavau, 1986, Habert, 1996) ou plus
consuméristes (Himmelveit, 1981). Toutefois, si la nécessité de prendre en compte certaines
évolutions significatives du système politique et partisan lui-même, de tenir compte des changements
dans les médiations qui organisent les choix politiques, et de reconnaître l’émergence de nouveaux
types de comportements électoraux, à la fois plus réflexifs et plus individualisés, s’impose, il n’en
reste pas moins que les processus de socialisation politique des individus joue toujours un rôle
déterminant dans la fabrique des citoyens (Gaxie, 2002, Percheron, 1993). Le rôle du contexte familial
dans l’apprentissage politique et dans l’orientation des choix comme des systèmes de valeurs est
confirmée dans un certain nombre de travaux récents (Throssell, 2009, Verba S., Lehman Schlozman
K., Burns N., 2005, Zuckerman, 2005). L’inscription dans une filiation politique par rapport aux choix
politiques parentaux concerne une très large majorité de Français. Pour les deux tiers d’entre eux
(66%) la continuité des choix politiques de leurs parents, de gauche, de droite ou ni de gauche ni de
droite, prévaut alors que les cas de rupture et de changement de bord politique ne concernent qu’une
faible minorité (11%).3
Si des différences importantes peuvent être constatées selon les milieux sociaux, le groupe primaire, et
tout particulièrement le conjoint dans la relation conjugale, peut avoir en dernier ressort un rôle décisif
dans la constitution des choix comme des comportements politiques. Un effet de renforcement de la
participation électorale au sein de la maisonnée, dès lors que les membres d’une même famille vivent
ensemble, a pu être mesuré (Buton, Lemercier, Mariot, 2012). Le couple a un effet d’entraînement et
peut être un facteur de mobilisation électorale. Il est reconnu que le lien conjugal est un élément
moteur du vote (Lancelot, 1968, Mossuz-Lavau et Sineau, 1978). Celui-ci peut en effet compenser un
déficit de participation toujours plus patent dans les milieux populaires, et tout particulièrement au
sein de la population féminine (Braconnier, 2012). Par ailleurs, l’effet des transitions conjugales ou
familiales sur les conditions de la participation politique a été montré, faisant apparaître des
3 Résultats produits par mes soins dans le cadre de l’exploitation de l’enquête post-électorale du CEVIPOF,
réalisée en ligne, mai-juin 2012 (n=2509)