psycho
Pourquoi est-ce important d'en parler ?
«Notre appareil psychique étant fondé sur la parole, mettre
des mots sur la maladie aide à se la représenter mentalement,
se l'approprier, bref, à mieux la "penser" », souligne Marie-
Frédérique Bacqué1, psychologue clinicienne. Il est donc
important de réfléchir àla manière dont, une fois le choc du
diagnostic «digéré», on va l'annoncer. Puis d'en parler
à sesproches et, au-delà, en se trouvant des pairs dans des
5groupes de parole afin d'apaiser son anxiété.
I Quand?
z Quand on se sent prête. «Annoncer le diagnostic, ce n'est
zpas forcément asséner "un coup de bambou" », assure
'i Marie-Frédérique Bacqué qui conseille, par une narration
zprogressive, de préparer le terrain avais peut être
Jremarqué que j'étais fatiguée...»- et de laisser l'autre
|s'exprimer en donnant, pour finir, des explications sur le
S traitement et, c'est fondamental, sur un espoir.
sComment?
ïmes proches :famille, amis... Pas de mode d'emploi
stype. «Ce qui compte, insiste Isabelle Moley-Massol2,
zi psychanalyste et psycho-oncologue, c'est de se sentir libre
gd'en parler... ou non. Ce n'est peut-être pas nécessaire avec
Ides parents très âgés que l'on ne voit presque jamais, mais
S essentiel avec ceux qui partagent notre quotidien. »On se
itait parfois, pensant les préserver. «Or, les proches ont besoin
f; de mettre des mots sur ce qui se passe. Reste à trouver le
bon dosage entre le "trop dire", qui peut être très violent, et
le "non dire", toxique. » Seretenir ne les protège pas et peut
c être source de malentendus. Pour garder la juste distance, on
essaie de conserver le mode de relation qui existait avant :
léger avec lescopains qui me font rire -j'en aibien besoin!-,
plus grave avec l'ami(e) avec qui je peux me «lâcher», confier
ce qui me fait peur, pleurer. L'important est de «sortir du
tabou en formulant clairement ses demandes, pour les
encourager à dire leurs doutes : "Je ne sais pas si c'est bien de
t'appeler après tes résultats... Dis-moi ce que tu préfères."
Au-delà desmots, note Isabelle Moley-Massol, on maintient
un lien authentique capital. »
Dans mon couple. «La maladie, en bousculant lesrôles
le conjoint devenant parfois un est un
"amplificateur de relations" qui peut provoquer un malaise,
faute d'exprimer ses attentes »,analyse Isabelle Moley-
Massol. L'autre doit s'autoriser à dire «Jen'en peux plus» et
accepter ses limites. Et lamalade doit oser revendiquer un
espace de liberté : «Arrête de m'infantiliser! » Dans la phase
de la maladie, si le couple fait corps, le décalage le plus
délicat survient, paradoxalement, au moment de la rémission
et de la guérison. Lui veut tourner la page, parler d'autre
chose. Revivre comme avant. La guérie, elle, se sent
vulnérable. Et différente. «Dans le travail de laguérison, il y
atoujours le deuil "d'avant" », prévient Marie-Frédérique
Bacqué. Il faut donc en parler ensemble et, si c'est trop dur,
se faire aider par un psychologue.
mes enfants. Quel que soit leur âge, il est essentiel de
mettre des mots sur ce qu'ils perçoivent. Faire peser sur eux
un secret est bien pire et déstructurant. Attention, «leur
silence est une marque de détresse», observe Marie-
Frédérique Bacqué. Les plus jeunes, en pleine ambivalence
pensent avoir été «méchants» et provoqué la
maladie. «Dialoguer remet de l'ordre dans ce "chaos
émotionnel" et leur permet de vivre leur vie d'enfant»,
ajoute Isabelle Moley-Massol, pour qui on n'a pas besoin de
tout dire tout le temps, mais uniquement «ce qui les
concerne». En partant d'éléments concrets ressentis par
l'enfant- «Tu assans doute remarqué que j'étais un peu
énervée ces derniers temps...»-, on peut faire le récit de sa
maladie, sans occulter le mot cancer, en expliquant que l'on
va être bien soignée pour le rassurer. Les ados ont également
besoin qu'on leur parle, en restant vigilant vis-à-vis d'un
changement (troubles alimentaires, troubles du sommeil...)
Quitte à devoir aifronter des échanges parfois «rock'n roll»,
comme cette ado criant sa peur à samère, qui la croyait
indifférente, d'un «Tu me avec ton cancer, j'en peux
Tous droits de reproduction réservés
Date : 01/11/2013
Pays : FRANCE
Page(s) : 58-62
Rubrique : psycho
Diffusion : (202300)
Périodicité : Mensuel
Surface : 455 %
Editions de l'Archipel