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économiques, et en son nom, de recourir à un capitalisme inchangé (Rees, 1998 ; Dollar et
Kraay, 2000).
Ce développement nécessaire en réponse à des besoins mais limité techniquement tend à
s’interpréter de différentes manières en termes de solutions possibles. Haughton et Hunter
(1994) puis Hopwood et al. (2005) ont par exemple souligné l’existence de deux approches de
la durabilité. La « durabilité faible » tend à regrouper les positions considérant la technologie
comme solution possible pour compléter les manques du monde naturel dus aux humains (i.e.
le manque de ressources ou les dommages faits à l’environnement). La « durabilité forte »
donne la primauté de l’intérêt à l’environnement, en soulignant que la technologie ne peut
remplacer une multitude de processus vitaux pour l’Homme, tels que la couche d’ozone, la
photosynthèse ou le cycle de l’eau. Gladwin et al. (1995) reprennent sous d’autres termes
cette conception dichotomique, en l’expliquant en référence à des ensembles de croyances, de
valeurs et, plus généralement, de visions du monde existant avant l’émergence du concept de
DD, et sur lequel ce dernier s’est greffé. Le paradigme technocentrique considère ainsi que la
Nature change graduellement, suffisamment rapidement pour être détectée, suffisamment
lentement pour être contrôlée. De sorte que le progrès scientifique peut être développé et
appliqué de manière sage et en limitant l’incertitude. Le paradigme écolocentrique
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considère
à l’inverse que les dommages naturels peuvent être irréversibles, et conduire au chaos. La
technologie peut combler quelques manques actuels, mais ne modifient pas à elle seule le
cours des choses. Seule une évolution plus ou moins radicale des comportements humains y
participera. A ces deux voies paradigmatiques antérieures s’ajoute avec l’arrivée du concept
de DD une troisième voie, le paradigme « duracentrique » (sustaincentric). Il suppose que
l’économie et les activités humaines sont inextricablement liées aux systèmes naturels. C’est
sur ce paradigme que pourrait croitre le concept de développement durable. Pourtant, Gladwin
et al. (1995) le constatent eux-mêmes : la considération technocentrique est aujourd’hui
dominante, surtout dans les milieux d’affaires et dans le milieu académique.
1.2. La RSE : Un concept aux approches multiples
Le concept de RSE est à la fois plus ancien, et dans la littérature académique, plus
polysémique que celui du DD. De nombreux auteurs accordent à l’économiste Howard
Bowen (1953) et à ses réflexions sur les relations entre le fonctionnement d’un système
économique et le bien-être social l’origine de la formalisation du concept de RSE (Acquier et
Gond, 2005 ; Allouche et al., 2004 ; Attarça et Jacquot, 2005 ; Matten et Moon, 2008), au
point que Carroll (1999) considère cette année 1953 comme marquant « les débuts de la
période moderne de la littérature sur ce sujet » (p. 269). Il faut pourtant attendre 1993 pour
que les européens se saisissent « institutionnellement » de ce concept, à travers un appel de la
Commission Européenne vers les entreprises afin de prendre part à la bataille contre
l’exclusion sociale (Bronchain, 2003).
En dépit de l’ancienneté du concept, force est de constater qu’aucune définition unanimement
partagée ne se dégage (Matten et Moon, 2008 ; Combes, 2005 ; Wan, 2006), voire même ne
peut se dégager (van Marrewijk, 2003). Les raisons en sont multiples, et au vu de la
littérature, peuvent être classées en trois points : d’une part, dans la mesure où la RSE a pour
objet la relation entre l’entreprise et son environnement au sens large, le concept est
dépendant du contexte politico-économique dans lequel se trouve l’organisation. D’autre part,
et plus largement, le concept touchant à l’entreprise comme partie de la société dans laquelle
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Les auteurs font référence au terme ecocentric. La proximité sémantique de ce terme avec une interprétation de
type « centrée sur l’économie » nous incite à le traduire comme « écolocentrique ».