Communication Congrès de l’ADERSE – RSE & Innovation Groupe Sup de Co., La Rochelle – 24 et 25 mars 2010 RSE OU DD ? CE QUE REVELE L’EMPLOI DES TERMES DANS LES STRATEGIES RELATIONNELLES DES ENTREPRISES DU SECTEUR BANCAIRE ET ASSURANCE Patrick GABRIEL Professeur des Universités Laboratoire ICI, Université de Bretagne Occidentale, Brest [email protected] Yann REGNARD Maître de conférences IAE de Bretagne Occidentale, Université de Brest [email protected] 0 RSE ou DD ? Ce que révèle l’emploi des termes dans les stratégies relationnelles des entreprises du secteur bancaire et assurance Les termes développement durable (DD) et responsabilité sociale d’entreprise (RSE) sont amplement employés par les acteurs économiques, au point que l’entendement commun semble substituer l’un à l’autre. Pourtant, chacun des termes renvoie à une chronologie et un entendement distincts. L’objectif de ce travail est d’observer, après avoir souligné les éléments principaux de la généalogie de chacun des concepts, le sens et l’orientation stratégique accordés aux termes par les entreprises elles-mêmes. Une analyse textuelle lexicométrique de rapports annuels d’entreprise du secteur bancaire et assurances permet de souligner que la référence au terme DD ou à celui de RSE procède d’une stratégie de légitimité particulière, compte tenu de la structure organisationnelle de l’entreprise et de la considération de son environnement. Mots clés : Développement durable, Responsabilité sociale, légitimité, banque, analyse textuelle Key words : Sustainable development, Social responsibility, legitimacy, bank, textual analysis 1 RSE ou DD ? Ce que révèle l’emploi des termes dans les stratégies relationnelles des entreprises du secteur bancaire et assurance Le développement durable (DD) autant que la responsabilité sociale d’entreprise (RSE) semblent largement répandus au sein des milieux d’affaires. Ce que confirment d’ailleurs de nombreuses études : le discours, sinon la pratique du DD concerne un nombre croissant d’entreprises, quels que soient leur taille et leur secteur d’activité (Eurostaf, 2005). Ce discours est de mieux en mieux maîtrisé (Alpha, 2006), même si de nombreuses études font valoir l’existence de marges de progression encore importantes quant à la qualité des informations émises (Novéthique, 2007 ; Capitalcom, 2007 ; Ethicity, 2006). Un discours qui d’ailleurs dispose de moyens et de supports particuliers : labellisation sociale, codes de conduite certifiés, rapports annuels… (Duong, 2005). Ces supports de communication utilisés par les entreprises font référence aussi bien au terme de RSE qu’à celui de DD ; quelquefois mêmes aux deux ensembles, lorsque des termes plus personnels ne sont pas utilisés (par exemple : rapport social et environnemental1). Pourtant, si ces termes de RSE et de DD sont officiellement proches, ils ne font pas référence aux mêmes champs de responsabilités. Ainsi, la définition du développement durable sans doute la plus employée, y compris par les entreprises, est issue du rapport Bruntland (1987) : le développement durable est « un développement qui répond aux besoins actuels sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. » Ce principe de « non dictature intergénérationnelle », selon le terme de Godard (2002 : 54), impliquant « une norme minimale de transmission intergénérationnelle d’un patrimoine naturel critique », inscrit le développement davantage dans le temps que dans l’espace. Cette dernière dimension est pourtant centrale au concept de RSE. Ainsi, la Commission Européenne, dans son Livre Vert de 2001, identifie-t-elle ce dernier concept comme « l'intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et à leurs relations avec leurs parties prenantes ». La préoccupation d’une coordination entre activités et intérêts divers semble se substituer à l’inquiétude d’une préservation d’un bienêtre dépendant de l’environnement. Pourtant, cette même Commission Européenne ajoute une année plus tard que « la RSE est intrinsèquement liée au concept de développement durable » (CE, 2002). Si les termes de DD et de RSE s’entremêlent de l’aveu même de certaines institutions chargées d’en assurer la diffusion, qu’en est-il auprès des entreprises utilisatrices ? A quelles considérations et à quels champs de responsabilité renvoie l’emploi de l’un ou l’autre terme par les acteurs économiques ? L’objet de ce travail est triple ; il s’agit d’une part de souligner les points de convergence et les points de divergences perçus dans les discours des entreprises, entre le concept de DD et celui de RSE. D’autre part, le but est de souligner la perception et l’entendement par les acteurs eux-mêmes de leur responsabilité organisationnelle, selon la référence à l’un ou l’autre des concepts. Enfin, et s’il y a lieu, une interprétation des stratégies de positionnement par rapport aux parties prenantes pourra être avancée, selon l’emploi des termes RSE et DD. Les réponses à ces objectifs sont structurées en trois parties. La première permet de développer une brève synthèse de la généalogie des termes de DD et de RSE, afin de situer les champs théoriques de signification et d’utilité de l’un et l’autre concept. Dans une seconde partie, ce positionnement théorique est confronté aux acteurs appliquant les concepts. Les 1 Voir pour illustration le recensement des sites et rapports dédiés des entreprises du CAC 40 sur : http://www.rsenews.com/public/dossier_eco/reporting-cac40.php 2 discours écrits d’entreprises, notamment en provenance du secteur bancaire et assurance, font l’objet d’une analyse textuelle. Enfin, une phase de discussion permettra d’établir un certain nombre d’hypothèses sur l’évolution et l’utilisation des termes de RSE et de DD. 1. DD et RSE : des concepts issus de sources distinctes Que recouvrent les concepts de DD et de RSE ? Quelle est l’origine de ces concepts ? Avant de comparer la signification des deux notions à travers l’utilisation qui en est faite dans les discours d’entreprises, la généalogie très succincte des termes permet d’identifier le sens originel et théorique que les acteurs institutionnels ont souhaité accorder aux expressions de DD et de RSE. L’utilité de cette partie se situe donc davantage dans le positionnement théorique des concepts que dans leur description exhaustive. 1.1. Le DD : un concept récent fondé sur la nécessité d’un consensus En théorie comme en pratique, le DD a fait l’objet d’une considération beaucoup plus récente que la RSE, même si l’on peut penser que les racines conceptuelles d’une « philosophie écologique » ou sociale vont jusqu’au 19ème siècle (Tyburski, 2008). L’expression DD a réellement émergé suite au travail de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, en 1987, sous l’égide de l’ONU. La tâche de cette commission n’était pas simple, en ce qu’elle faisait suite à différents conflits ou mésententes ayant bloqué jusqu’alors les travaux entre pays. Deux types de mésententes sont particulièrement notables. L’une est illustrée par le Club de Rome, dont le rapport commandé à des scientifiques dénonce en 1972 la poursuite d’un développement économique à l’encontre d’un maintien écologique (Meadow, 1972). L’autre est représentée par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN, devenue par la suite l'Union mondiale pour la nature), qui propose dès 1980 une « Stratégie mondiale de la conservation », document dans lequel apparaît pour la première fois l’expression «développement durable». Mais cette stratégie est de courte durée, certains pays moins développés ne se sentant pas suffisamment écoutés par les autres nations ni représentés par cette stratégie de conservation proposée. La tâche de Mme Brundtland, présidente de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, regroupant des représentants des pays du Sud et du Nord, était donc délicate : relancer le dialogue sur des bases consensuelles en direction d’une conciliation sur des nécessités économiques, écologiques et sociales. « Parvenir à une définition du « développement soutenable » qui serait acceptée par tous reste un défi que se doivent de relever tous ceux qui sont engagés dans le processus de développement. » Dans l’esprit de la Commission Brundtland, le développement durable est essentiellement un compromis. Constatons que cette considération du développement durable est devenue depuis celle la plus diffusée, aussi bien dans le secteur des affaires que dans les secteurs non marchands. Elle stipule que « le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. » Elle souligne parallèlement que deux concepts sont inhérents à cette notion de développement durable : le concept de « besoins », et « l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir. » Ces concepts ainsi que celui de compromis placent au centre de la solution les capacités productives : « l’hypothèse centrale est que la réduction de l’exclusion sociale et de la misère n’est pas concevable sans extension de la production » (Godard, 2002, p. 54). Il apparaît ainsi et pour sa réalisation que le DD repose avant tout sur le développement économique, source de son ambiguïté pour certains : il permet de ne pas remettre en cause les modèles 3 économiques, et en son nom, de recourir à un capitalisme inchangé (Rees, 1998 ; Dollar et Kraay, 2000). Ce développement nécessaire en réponse à des besoins mais limité techniquement tend à s’interpréter de différentes manières en termes de solutions possibles. Haughton et Hunter (1994) puis Hopwood et al. (2005) ont par exemple souligné l’existence de deux approches de la durabilité. La « durabilité faible » tend à regrouper les positions considérant la technologie comme solution possible pour compléter les manques du monde naturel dus aux humains (i.e. le manque de ressources ou les dommages faits à l’environnement). La « durabilité forte » donne la primauté de l’intérêt à l’environnement, en soulignant que la technologie ne peut remplacer une multitude de processus vitaux pour l’Homme, tels que la couche d’ozone, la photosynthèse ou le cycle de l’eau. Gladwin et al. (1995) reprennent sous d’autres termes cette conception dichotomique, en l’expliquant en référence à des ensembles de croyances, de valeurs et, plus généralement, de visions du monde existant avant l’émergence du concept de DD, et sur lequel ce dernier s’est greffé. Le paradigme technocentrique considère ainsi que la Nature change graduellement, suffisamment rapidement pour être détectée, suffisamment lentement pour être contrôlée. De sorte que le progrès scientifique peut être développé et appliqué de manière sage et en limitant l’incertitude. Le paradigme écolocentrique2 considère à l’inverse que les dommages naturels peuvent être irréversibles, et conduire au chaos. La technologie peut combler quelques manques actuels, mais ne modifient pas à elle seule le cours des choses. Seule une évolution plus ou moins radicale des comportements humains y participera. A ces deux voies paradigmatiques antérieures s’ajoute avec l’arrivée du concept de DD une troisième voie, le paradigme « duracentrique » (sustaincentric). Il suppose que l’économie et les activités humaines sont inextricablement liées aux systèmes naturels. C’est sur ce paradigme que pourrait croitre le concept de développement durable. Pourtant, Gladwin et al. (1995) le constatent eux-mêmes : la considération technocentrique est aujourd’hui dominante, surtout dans les milieux d’affaires et dans le milieu académique. 1.2. La RSE : Un concept aux approches multiples Le concept de RSE est à la fois plus ancien, et dans la littérature académique, plus polysémique que celui du DD. De nombreux auteurs accordent à l’économiste Howard Bowen (1953) et à ses réflexions sur les relations entre le fonctionnement d’un système économique et le bien-être social l’origine de la formalisation du concept de RSE (Acquier et Gond, 2005 ; Allouche et al., 2004 ; Attarça et Jacquot, 2005 ; Matten et Moon, 2008), au point que Carroll (1999) considère cette année 1953 comme marquant « les débuts de la période moderne de la littérature sur ce sujet » (p. 269). Il faut pourtant attendre 1993 pour que les européens se saisissent « institutionnellement » de ce concept, à travers un appel de la Commission Européenne vers les entreprises afin de prendre part à la bataille contre l’exclusion sociale (Bronchain, 2003). En dépit de l’ancienneté du concept, force est de constater qu’aucune définition unanimement partagée ne se dégage (Matten et Moon, 2008 ; Combes, 2005 ; Wan, 2006), voire même ne peut se dégager (van Marrewijk, 2003). Les raisons en sont multiples, et au vu de la littérature, peuvent être classées en trois points : d’une part, dans la mesure où la RSE a pour objet la relation entre l’entreprise et son environnement au sens large, le concept est dépendant du contexte politico-économique dans lequel se trouve l’organisation. D’autre part, et plus largement, le concept touchant à l’entreprise comme partie de la société dans laquelle 2 Les auteurs font référence au terme ecocentric. La proximité sémantique de ce terme avec une interprétation de type « centrée sur l’économie » nous incite à le traduire comme « écolocentrique ». 4 elle agit, la RSE est sensible dans son interprétation, voire dans ses applications, à la culture dans laquelle baignent les individus devant l’appliquer. Enfin, et de manière plus académique, le concept peut faire référence à des approches théoriques et des courants de recherche différents, pas forcément compatibles et quelquefois en concurrence. Les interprétations sur le sens, la portée et l’intérêt de la RSE différeront donc logiquement. Dans cette veine académique, de multiples approches et définitions de la RSE ont été développées. La plupart de ces tentatives peut être classée selon un courant structurel et normatif, ou selon un courant fonctionnel. Le premier renvoie à un effort portant sur l’identification des dimensions intrinsèques du concept, le second sur la manière dont l’entreprise et son rôle dans son environnement sont perçus. La RSE a pu être précisée selon ses dimensions intrinsèques, ou plus largement, selon les catégories de responsabilités que le concept pourrait intégrer. Cette approche structurelle est historiquement la plus ancienne. Ainsi Carroll, dès 1979, considère que la RSE est déterminée par le niveau de la responsabilité sociale, l’engagement pour des solutions sociales, et les valeurs qui animent le sens de la responsabilité sociale de l’entreprise. A partir de ces fondements, et « pour une définition de la responsabilité sociale qui aborde pleinement l’éventail complet des obligations que les affaires ont envers la société, elle doit intégrer les catégories économique, légale, éthique et discrétionnaire de la performance des affaires » (Carroll, 1979, p. 499)3. Ces catégories sont pour Carroll hiérarchisées (Carroll, 1991) : la responsabilité économique, représentant celle de vendre des biens avec profit, est la plus importante4. Vient ensuite la responsabilité légale, qui est l’obligation pour les firmes de respecter la loi. La responsabilité éthique, plus floue, représente les attentes de la société en direction des affaires qui se situeraient au-delà de la loi. La responsabilité discrétionnaire, appelée par la suite philanthropique, couvre les contributions philanthropiques et autres actes non marchands. Celle-ci se révèle être davantage une option, et ne doit pas être poursuivie si les trois autres catégories ne sont pas réalisées. Cette mise à l’écart ajoutée à la nature de la philanthropie, dénoncée comme ne devant pas représenter une responsabilité, explique que le modèle pyramidal a été par la suite modifié, en évinçant cette dernière catégorie (philanthropique) (Carroll, 1999 ; Schwartz et Carroll, 2003). Ces dimensions intrinsèques et, implicitement, universelles, de la RSE peuvent figer dans le temps et dans l’espace un concept soumis, en pratique, à des interprétations culturelles, contextuelles et historiques, à travers lesquelles se jouent des rapports de force et de pouvoir (Gond et Mullenbach, 2003). Cela occulte surtout une vision particulière de l’entreprise et du rôle de son environnement, à laquelle se plie implicitement la considération de la RSE. Rendre explicite cette vision a permis d’exprimer la RSE à partir de cadres paradigmatiques servant initialement à concevoir les contours de l’entreprise et ses interactions avec son environnement. Il n’est pas dans l’objectif de cette réflexion d’analyser l’ensemble de ces théories. Au moins peut-on constater que la théorie de la dépendance en ressources, les approches théoriques des parties prenantes, la théorie des ressources et compétences, la théorie de l’agence, les théories néo-institutionnelles, la théorie du contrat social sont parmi celles qui inspirent le plus les chercheurs pour expliquer l’adoption du concept de RSE par les entreprises. En synthèse, les considérations majeures du DD et de la RSE sont résumés dans le tableau 1. 3 Traduction libre ; les mots en italique le sont également dans le texte original. 4 « the first and foremost social responsibility of business ». 5 Tableau 1 : Considérations principales du DD et de la RSE Développement durable Organismes initiateurs Intentions initiales Interprétations au niveau microéconomique Apports Institutions internationales Rapprocher développement économique (satisfaction des besoins) et conservation de la Nature (générations futures). Rapprocher les pays du Nord et ceux du Sud. Compromis ; Rassembler vers un projet commun. a) Recours à la technologie permettant de conserver l’idée de progrès et les modèles économiques traditionnels. b) Modification des comportements (de consommation, de production). Eclaire les attentes informelles de la société en plaçant le développement économique dans une problématique plus large. Responsabilité sociale de l’entreprise Entrepreneurs et universitaires L’entrepreneur / l’entreprise a une responsabilité morale, notamment vis-à-vis de l’environnement social sur lequel il/elle agit et duquel il/elle tire ses ressources. Les affaires ont des obligations envers la société. Responsabilité économique, légale et éthique des entreprises. Les affaires s’inscrivent dans un cadre de normes officielles et attendues de la part de la société. Souligne l’intégration de l’entreprise en société, laquelle est composée d’un ensemble de parties prenantes aux attentes diverses. La généalogie de chacun des termes, DD et RSE, fait donc apparaître des notions ayant émergé indépendamment l’une de l’autre, ciblant initialement des acteurs également différents dans un cas par rapport à l’autre (les institutions politiques dans le cas du DD, les entrepreneurs et entreprises dans le cas de la RSE), dont la réflexion et diffusion initiales sont également particulières (les institutions internationales et nationales dans le cas du DD, les entrepreneurs et experts académiques pour la RSE). En dépit de ces différences initiales, ces deux termes sont maintenant largement utilisés par les entreprises ; Cette convergence dans les termes employés correspond-elle à une convergence des environnements des entreprises ? Ces dernières étant davantage « en société » plutôt qu’en marché, elles adaptent leur discours à travers des expressions connues de la société et de ses institutions. Le terme de RSE ne serait alors plus distinct de celui de DD. Ou bien l’utilisation des termes exprime-t-elle un positionnement différent de la part de l’entreprise, une compréhension particulière de sa place et de son rôle au sein de son environnement ? Une analyse des discours des acteurs économiques pourrait permettre d’apporter des réponses à ce questionnement. 2. Le discours des acteurs économiques : méthodologie et résultats principaux 2.1. Méthodologie adoptée L’objet de l’étude proposée est d’analyser la manière dont les entreprises évoquent « officiellement », à travers leurs discours écrits, la RSE et le DD. Le but recherché est d’identifier, s’il y a lieu, les points de convergence et de divergence perçus entre ces deux expressions. 6 La sensibilité de l’opinion publique aux externalités potentiellement négatives d’une activité économique étant de plus en plus grande, le thème de la responsabilité sociale fait l’objet d’une communication institutionnelle importante. Celle-ci est logiquement objet d’études académiques, sur la base de rapports annuels (par exemple, Sweeney et Coughlan, 2008 ; Attarça et Jacquot, 2005) ou autres supports médiatiques (notamment les sites Web ; voir Basil et Erlandson, 2008). L’étude présente propose de même d’analyser les discours à partir des rapports annuels, dédiés ou non. L’échantillon de travail est constitué d’entreprises du secteur bancaire et des assurances intervenant majoritairement sur le marché français. La contextualisation des pratiques et des interprétations des démarches RSE et DD incite en effet à privilégier des entreprises appartenant à un secteur d’activité semblable et intervenant dans un contexte culturel identique. L’hypothèse sous-jacente est que les banques et les compagnies d’assurances, par l’imbrication des métiers (bancassurance et assurfinance), partagent cet effet de contextualisation. La sélection des sujets s’est opérée selon trois critères : l’importance économique de l’activité de l’entreprise dans son secteur (critère de représentativité sur un plan national) ; l’existence d’un discours officiel sur le DD ou la RSE, par le biais d’une partie ou de l’ensemble du rapport d’activité ; enfin, une orientation clairement affichée, au moins à travers les titres du rapport d’activité, vers l’expression DD ou vers celle de RSE. Au total, douze entreprises composent l’échantillon effectué en début 2008 (cf. tableau en annexe 1) : - six du secteur bancaire (Banque Populaire, Crédit Agricole, Caisse d’Epargne, Crédit Mutuel, BNP-Paribas, Société Générale) ; - six du secteur des assurances (Groupama, La Mondiale, AXA, AGF, SCOR, MAIF). Il faut noter l’absence d’un acteur majeur dans cet échantillon en raison d’un manque d’utilisation des concepts DD et RSE dans les rapports annuels : Covéa, qui réunit MMA, MAAF, GMF et Azur. Cet échantillon est donc de taille réduite, ce qui constitue une limite à l’étude. Comme souligné précédemment, l’avantage tient à une validité interne renforcée : le contexte culturel est homogène, élément important dans le cas d’une analyse de l’interprétation des termes utilisés. Les discours sélectionnés sont issus des rapports annuels des entreprises au cours ou au titre de l’année 2006, qu’ils soient dédiés au développement durable ou non. Le choix de l’année s’est fait en fonction des données disponibles les plus récentes pour l’ensemble des entreprises de l’échantillon au moment de l’étude. Afin d’homogénéiser des formes et des longueurs différentes de rapports (notamment entre les rapports dédiés ou non à la responsabilité de l’entreprise), des éléments communs à tous constituent les discours étudiés : ces discours intègrent la partie introductive du rapport (le mot du PDG ou du DG dans les rapports dédiés, ou la page introductive du chapitre dédié pour les rapports annuels non spécifiques), ainsi que les titres de niveau 1 et de niveau 2 du rapport dédié ou de la partie consacrée au thème du développement durable ; la partie introductive des titres 1 a également été intégrée dans le corpus d’analyse. Cet ajout des titres dans l’analyse des discours permet d’équilibrer, voire de contrebalancer une vision à la fois stratégique et pas toujours opérationnelle de la démarche mise en avant dans les parties introductives. De plus, les titres représentent une synthèse du développement, en renforçant l’équité des rapports d’entreprise dissemblables en termes de nombre de pages. La méthode d’analyse des discours repose sur une analyse textuelle lexico-métrique, à l’aide du logiciel Alceste v4.7. Cet outil permet une recherche exploratoire par l’analyse textuelle (Reinert, 1998). Il combine l’analyse lexicale, l’analyse de contenu et l’analyse de données. L’approche lexicométrique s’appuie sur la fréquence des mots et le calcul de co-occurrences. L’analyse de contenu procède à un découpage du texte en Unités de Contexte Elémentaire 7 (U.C.E.). L’U.C.E. est la plus petite unité sémantique du texte : ce peut être une phrase ou une portion de phrase. L’analyse de données fait appel à la technique d’analyse factorielle des correspondances. Dans le cas présent, il s’agit de transformer le verbal en éléments quantitatifs. A la différence de certains logiciels d’analyse de contenu comme TROPES, où un sens peut être déduit à partir d’un mot, ALCESTE établit le lien entre les mots et l’énoncé à partir d’un dictionnaire de mots-racines. L’architecture ainsi révélée laisse l’analyste libre de son interprétation. La dénomination des classes d’U.C.E., l’explication de leurs proximités ou de leurs éloignements (sur un dendogramme) et le sens des axes de l’analyse factorielle des correspondances sont de la responsabilité de ce dernier. Les formes lexicales peu présentes dans le corpus sont éliminées par le logiciel. La qualité du traitement peut être appréciée par le pourcentage d’U.C.E. classées (les U.C.E. classées représentent les U.C.E. retenues pour la présentation de l’architecture du corpus). Pour que les résultats produits aient un sens, un pourcentage minimum de 50 ou 60 % est nécessaire. La condition d’utilisation du logiciel passe par l’hypothèse préalable que les différents documents constituant le corpus forment une unité de sens. Le thème de la responsabilité sociale et environnementale constitue ici le point central. Unité de sens du corpus ne signifie pas homogénéité ou unicité des pratiques et discours des subdivisions qui le composent. A ce titre, la première partie de cet article a clairement mis en avant la polysémie des concepts de développement durable et surtout de responsabilité sociale des entreprises. Les données textuelles retenues sont issues de rapports annuels d’activités ou des rapports thématiques de DD ou de RSE, sans qu’il ait été procédé à des rajouts. Toutefois, pour enrichir le corpus et en faciliter l’interprétation des résultats, des informations alphanumériques complémentaires – appelées « mots étoilés » sous ALCESTE car commençant par le signe * pour les distinguer des données textuelles à analyser – sont attachées à chaque discours : le nom de l’entreprise, la qualification a priori du discours (DD ou RSE selon les termes retenues par l’entreprise elle-même) le secteur historique d’appartenance (banque ou assurance) et le statut juridique principal de l’entreprise (actionnariale ou mutualiste). 2.2. Les principaux résultats des études menées L’analyse textuelle des discours est effectuée en deux temps : les discours des entreprises de l’ensemble de l’échantillon sont d’abord étudié ; puis, afin d’approfondir les résultats, sont conduites de manière indépendante deux études, chacune sur les entreprises privilégiant soit le thème de la RSE, soit celui du DD. L’étude globale, menée sur l’ensemble de l’échantillon, permet d’identifier la teneur des discours de responsabilisation des entreprises. Elle autorise également une première différenciation entre celles évoquant le thème de la RSE par rapport à celles soulignant celui de DD. Dans la mesure où l’échantillon est représentatif d’entreprises nationales dans le secteur de la bancassurance, la prédominance des discours qualifiés DD constitue une première observation notable de l’étude (8 DD contre 4 RSE). La structure sémantique des discours des entreprises, tous discours confondus, peut être observée en analysant la proximité des unités sémantiques utilisées. 194 U.C.E. sont analysées sur les 249 composants le corpus total, soit 77,91 %. Celles-ci sont regroupées en quatre classes de mots, selon un test du X2 mesurant la force de l’association de l’U.C.E. à la classe. L’interprétation de chaque classe est effectuée selon l’importance de l’association des termes à la classe, et selon la quantité et la proximité sémantique de ces termes. Le tableau 2 présente les résultats sur lesquels se fondent cette interprétation. La classe 1 est celle de la performance managériale : les termes d’objectif, d’ambition, de collaborateurs et d’équipe y sont le plus souvent associés. Cette classe est représentative de la 8 variable illustrative (ou mot étoilé) DD. Elle regroupe 37 U.C.E. soit 19,07 % du corpus analysé. La classe 2 est celle des résultats ou de la responsabilité économique. Les termes les plus représentatifs sont ceux de résultats, croissance, et activités. Elle regroupe 28 U.C.E. soit 14,43 % du corpus analysé. La classe 3 est celle d’une gouvernance sociétale. Elle inclut notamment les termes environnemental, responsabilités, responsable, gouvernance, et social. En identifiant les textes associés, le sens des responsabilités mises en exergue est plutôt celui du respect de dispositions réglementaires ou de responsabilités légales. Cette classe est représentative de la variable illustrative (ou mot étoilé) RSE. Elle regroupe 87 U.C.E. soit 42,78 % du corpus analysé. La classe 4 est représentative d’actions citoyennes de proximité (ou actions communautaires), pour un territoire ou une région : les termes populaire, banque, financement, solidaire, coopératif et durable sont les plus fréquents. Elle regroupe 46 U.C.E. soit 23,71 % du corpus analysé. Elle est représentative plutôt des entreprises mutualistes. Tableau 2 : Résultats du traitement sous Alceste des discours DD et RSE5 Classe et Termes utilisés dans la classe (unités sémantiques)a interprétation Classe 1 Objectif+(9) ambition(9) qualité(7) distribution(5) gagne+(5) produit+(9) Performance collaborateurs(10) collaboration(1) stratégi+(9) préférée(5) équipes(6) managériale protection(6) marche(6) marches(1) Classe 2 Résultat+(16) augmentation(5) euro+(9) euros(7) revenus(4) modèle(5) Responsabilité hausse(7) croissance(11) confirme+(4) net+(4) forte+(5) acteur(2) actifs(3) économique action+(4) activité+(14) activités(9) affaires(5) leader(3) externe(3) chiffre+(7) Classe 3 Environnemental+(10) principes(13) responsabilité+(20) responsable(10) Gouvernance responsables(4) gouvernance(9) prévention(12) social+(19) sociaux(5) sociétale impact+(8) parties(7) interne+(7) reporting(6) Classe 4 Populaire+(44) banque+(51) financement+(14) épargne(8) coopératif(3) Actions coopération(3) coopérative(1) asset(5) solidaire+(12) énergie+(7) soutien(4) communautaires finance+(4) durable+(21) solidarité(8) écologi+(4) a) : Entre parenthèses : les fréquences d’apparition des formes de mot, présentées dans l’ordre décroissant de la valeur du khi deux lié à leur association à la classe de référence. Les discours sur la responsabilisation de l’entreprise sont donc construits majoritairement autour de quatre classes de mots, interprétées comme faisant référence à la performance managériale, à la responsabilité économique, à la gouvernance sociétale et aux actions citoyennes de proximité ou actions communautaires. Une analyse typologique, à travers une classification descendante hiérarchique, permet de pousser l’analyse en évaluant la proximité des classes entre elles. La figure 1, présentant le dendogramme correspondant à cette classification, permet deux observations : en premier lieu, les classes C1 et C2 s’avèrent les plus proches l’une de l’autre. Elles représentent globalement un discours orienté vers la performance. En second lieu, ce groupe « performance » se distingue du groupe de classes C3 5 Ne sont présentées que les formes les plus significatives au sens du test du X2 mesurant la force de l’association de l’U.C.E. à la classe. Entre parenthèses, nous spécifions le nombre de fois que la forme apparaît dans la classe. 9 et C4, plus hétérogène, évoquant la gouvernance sociétale et les actions citoyennes de proximité. Figure 1 : Dendogramme des classes de mots ----|----|----|----|----|----|----|----|----|----| C1 (perf. managériale) |---------------+ |-------------------------------+ C2 (resp. économique) |---------------+ | |+ C3 (gouv. sociétale) |-------------------------------+ | |---------------+ C4 (actions cit.) |-------------------------------+ Le dendogramme fait donc valoir, en particulier, que les classes représentatives du DD (C 1) ou de la RSE (C3) sont éloignées l’une de l’autre. L’analyse factorielle des correspondances menée sur certaines variables d’identification (les classes de mots, ainsi que les termes RSE, DD, les noms des institutions ainsi que leur nature) permet de pousser plus loin l’analyse, et d’identifier un certain nombre de dimensions latentes, révélant ainsi la structure sous-jacente à l’ensemble de variables étudiées. Les résultats de l’analyse permettent d’identifier trois facteurs (ou dimensions), les deux premiers permettant d’expliquer 74,5% de la variance des points du nuage. La carte perceptuelle en figure 2 est conçue à partir de ces deux facteurs. Figure 2 : Analyse factorielle des correspondances à partir des variables d’identification 16 15 14 13 12 11 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 +-----|---------|---------|---------+---------|---------|---------|-----+ | *mutualiste | | | | #02 | | | (Resp. Resp. économiques) économiques) | | | | | *crédit_agricole | | *dd | | *caisse d’épargne | | | *banque .*banque_populaire | | | #04 | | | (Action citoyenne) | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | +-----------------------------------+-----------------------------------+ | | | | | | | *crédit_mutuel | *axa | | | #01 | | *la_mondiale | (Perf. Managériales) | | | | | | | | | | | *groupama *assurance | | | | *rse | *scor | | | | | *maif | | | | | | #03*agf #03 *bnp_paribas*société_générale | | (Gouvernance) | *actionnariale| +-----|---------|---------|---------+---------|---------|---------|-----+ A partir de la carte perceptuelle, deux observations au moins méritent d’être soulignées : d’une part, les classes de mots identifiées précédemment constituent bien des segments différents les uns des autres : chaque classe est présente dans un cadre différent de la carte. D’autre part, la RSE et le DD sont franchement opposés sur l’axe vertical, confirmant les résultats du dendogramme. Ces deux variables sont peu associées à une classe particulière de 10 mots, même si celle représentant la responsabilité économique est proche de la variable DD, tandis que les scores de la classe Gouvernance sociétale sont à rapprocher de ceux de la RSE. La distinction possible entre RSE et DD incite à étudier séparément la teneur des discours des entreprises évoquant l’un ou l’autre terme exclusivement. L’analyse des discours des entreprises évoquant principalement la RSE permet de distinguer quatre classes, tandis que les entreprises évoquant le thème du DD ont un discours plus hétérogène, décomposé en six classes de mots. Le tableau 3 permet de résumer les classes de mots associées à chaque thème, en illustrant les formes de mots les plus représentatives compte tenu de leur fréquence dans la classe et de leur valeur du khi deux. Tableau 3 : Classes de mots associés à chaque thématique exclusive, RSE ou DD6 Thème : RSE(a) Thème : DD(a) sociétaires(8) ; gouvernance(6) ; groupe(10) ; résultat+ (11) ; crédit(8) ; augmentation(5) ; service(4) ; meilleur(6) revenus(4) ; croissance(9) (b) (c) Souci de pérennisation (17,5%) Performance économique (13,5%) Social+(18) ; développement+(16) ; entreprise+(14) ; environnemental+(8) ; valeur+(10) ; environnement(8) ; responsab+ (22) Responsabilité sociétale (40%) populaire+ (27) ; banque(30) ; cooperati+f (5) ; culture(3) ; solidarité(6) ; engagement(10) ; Engagement mutualiste (11,2%) culturel(8) ; prévention(12) ; mécénat(8) ; ag+ir (4) ; sante(6) ; démarche(4) ; adhésion(4) Procédure volontaire (17,5%) fixe+ (4) ; long(8) ; solidité(4) ; terme(8) ; objectif+ (6) ; ambition(4) chiffre+ (8) ; nouvel+ (6) ; affaires(6) ; modèle(4) ; résultat+ (8) distribution(5) ; produit+(8) ; innovation+(4) ; gagne+(4) ; réseau+(4) ; offre+(4) ; équipes(5) ; Dynamique commerciale (9,5%) Performance économique (25%) Relations économiques (11,2%) faveur(6) ; renouvel+er(6) ; énergies(5) ; local+(4) ; financement(6) Responsabilité citoyenne (7,3%) environnemental+(11) ; rapport+(9) ; gestion+(20) Démarche (47,2%) (a) : Les formes de mots sont associées aux classes dans l’ordre décroissant de la valeur du khi deux associée. Entre parenthèses : les fréquences d’apparition. (b) : Interprétation des classes, en fonction des mots représentatifs et des contextes (les phrases) desquels ils sont issus. (c): Part des U.C.E. présentes dans la classe, sur l’ensemble du corpus analysé. 6 La présentation du tableau 2 répond à un souci de commodité de lecture ; il n’y a aucune correspondance sémantique et statistique entre la première et la deuxième colonne. Ce tableau se lit donc en colonne, non en ligne. 11 Compte tenu de la structure des discours propres à l’évocation du thème de la RSE ou à celle du DD, plusieurs points de similarité et de dissimilarité apparaissent. En termes de similarité, notons que la dimension économique est fortement présente dans les deux cas ; cela n’a rien d’anormal, les discours provenant de rapports d’activité. Cette dimension économique est l’expression recourant à la plus grande diversité : les dendogrammes issus des discours RSE et DD, représentés en figure 3, permettent d’observer une proximité des classes C1 et C4 dans le cas de la RSE, C1, C3 et C4 dans le cas du DD, l’ensemble de ces classes se rapportant à une dimension économique. La structure globale des discours est également similaire. Après regroupement des classes dans les dendogrammes correspondants (figure 3), les discours sur la thématique du DD comme sur celle de la RSE sont composés de trois dimensions principales : une dimension économique, bien séparée d’une dimension plus sociétale (de teneur légèrement différente pour les deux thèmes), et d’une dimension procédurale. Figure 3 : Dendogramme DD ----|----|----|----|----|----|----|----|----|----| Cl. 1 (Perf. Eco.) Cl. 3 Cl. 4 Cl. 2 Cl. 5 Cl. 6 |---------------+ |-------------------------------+ (Relation éco) |---------+ | | |-----+ | (Dyn. comciale)|---------+ | |+ (Mutualiste) |--------+ | |----------------------+ | (Resp. cit.) |--------+ | | |---------------+ (Démarche) |-------------------------------+ Dendogramme RSE ----|----|----|----|----|----|----|----|----|----| Cl. 1 (Pérenne) |-------------------+ |----------------------------+ Cl. 4 (Perf. Eco.) |-------------------+ | + Cl. 2 (Resp. soc.) |---------------------------+ | |--------------------+ Cl. 3 (Procédures) |---------------------------+ L’analyse séparée des discours entre DD et RSE fait également émerger plusieurs différences. D’une part, les discours se référant au thème du DD paraissent plus diversifiés, compte tenu du nombre supérieur de classes correspondant. Egalement, si l’on tient compte du regroupement des classes en dimensions structurant les discours, le « poids » des dimensions diffèrent selon le thème RSE ou DD abordé. Le discours sur le DD aborde majoritairement la dimension « démarche », laquelle regroupe 47,2% du total des UCE traitées (tableau 3). Autre dimension fortement présente dans le discours DD des entreprises, la dimension économique (34% en total cumulé des classes correspondantes à cette dimension). « résultat », « crédit », « long », « produit », « distribution » sont autant de mots représentatifs de cette dimension. Les discours centrés sur la RSE font de même émerger fortement une dimension économique (42,5% en total cumulé des classes correspondantes à cette dimension). Cependant, si parmi les mots représentatifs de celle-ci se trouvent « chiffres » ou « affaires », on y repère également « sociétaires », « gouvernance », « groupe ». Autrement dit, le discours RSE, dans sa dimension économique même, semble emprunt d’un souci de rassemblement. D’ailleurs, la 12 seconde dimension importante des discours RSE est le thème de la responsabilité sociétale, représentée par les mots « social », « développement » et « environnement ». 3. Discussion et conclusion Une première limite apparaît à cette étude comparant les discours orientés DD ou RSE : deux fois moins d’entreprises de l’échantillon font référence au terme RSE qu’à celui de DD. Cette limite comporte pourtant une information : dans le secteur bancassurance, l’expression DD est davantage en vogue. Ce qui en soit peut constituer une surprise : s’il existe un glissement sémantique progressif d’un terme (le DD) à l’autre (la RSE) ces dernières années (Lauriol, 2004), cela n’apparaît pas évident dans le secteur bancassurance. Mais surtout, le terme de RSE, dans sa référence directe au social, aurait pu sembler a priori plus approprié que celui de développement durable pour des sociétés de service, dont beaucoup de mutuelles. Le terme développement durable implique une dimension écologique, laquelle touche logiquement moins les services que les industries. Si l’affiliation au concept de RSE s’avère moins répandue en bancassurance, son emploi fait référence à un ensemble plus homogène de discours, le nombre de classes de mots y étant plus réduit. Cet ensemble de résultats constitue une autre surprise : concept théoriquement plus ancien et plus hétérogène dans son approche académique, la RSE apparaît au contraire dans l’étude comme un concept d’usage moins répandu et plus homogène. Néanmoins, cette différence dans la précision des concepts peut être logique : le DD étant fondé originellement sur l’idée de compromis, il nécessite pour sa diffusion un certain « consensus mou » sur la base de concepts malléables (Gabriel et Gabriel, 2005). Cet état d’esprit paraît être sous-jacent à la structure thématique des discours sur le DD, en cohérence avec les observations de plusieurs auteurs quant aux contours régulièrement flous du concept de DD, voire de RSE (Gond et Mullenbach, 2003 ; Matten et Moon, 2008 ; Combes, 2005). L’enseignement principal de l’étude menée tient en ce que les discours centrés sur le DD ou sur la RSE ne peuvent être confondus. S’ils se distinguent, ce n’est pas dans leur structure, les deux affichant des dimensions (économique, sociétale et procédurale) globalement semblables. Cette similitude apparente des concepts, déjà constatée par Acquier et Aggeri (2008), serait pour ces auteurs due à l’influence des consultants favorisant un nouveau langage managérial, se détachant ainsi de l’origine distincte des concepts et des recherches académiques propres à chaque champ conceptuel. S’il faut donc considérer une différence entre les discours DD et RSE, celle-ci réside dans la teneur des dimensions employées, donc dans la signification même et dans l’intention du discours. Les rapports d’activité mettant en valeur la notion de RSE plutôt que celle de DD sont, comparativement à cette dernière, centrés sur le thème de gouvernance sociétale ; les résultats issus de la première étude soulignent que les mots « responsabilité » ou « responsable », mais aussi « principes » ou « gouvernance » par exemple sont représentatifs de ce thème. Ces résultats comparatifs sont renforcés par ceux en provenance de la seconde étude, centrée sur les discours principalement RSE des entreprises. Une grande partie de ces discours est fondée sur une dimension sociétale, représentée par les mots « social+ », « environnement+ », « développement » et « responsable ». La dimension économique est également très présente dans le discours, centrée principalement sur la notion de performance économique (« chiffres », « modèle », « résultat »). Autrement dit, le discours RSE paraît à la fois très clair et structuré en termes thématiques, davantage que peut l’être le discours DD. Le thème économique évoqué dans les discours RSE est précisément orienté vers la performance des affaires. Le thème sociétale reprend dans les mots représentatifs (développement, social, environnement, valeur) les termes classiquement attendus à l’évocation de la responsabilité 13 sociétale. Tout se passe comme si, à travers le discours RSE, les entreprises s’adressent à deux parties prenantes distinctes, aux attentes différentes, et auxquelles il est besoin de répondre précisément : des parties prenantes de nature économique d’une part, de nature « civique » d’autre part. Cette méthode distinguant à la fois les interlocuteurs, leurs attentes et les discours associés est représentée par ce que les institutionnalistes nomment le découplage : la nécessité d’être légitime conduit les entreprises à adopter un discours formel conforme aux attentes des interlocuteurs, sans préjuger de la réalité des pratiques qui, pour des raisons d’efficacité ou d’efficience, peut être tout autre (Meyer et Rowan, 1977). Dans cette veine d’une stratégie de légitimation, Handelman et Arnold (1999) préconisent de séparer les actions stratégiques et rationnelles visant directement la performance économique, des actions dites institutionnelles et symboliques, dirigées davantage vers des acteurs locaux sociétaux. Il apparaît que les discours RSE des entreprises étudiées appliquent cette préconisation, en distinguant les termes du discours selon la nature des récipiendaires et leurs attentes présupposées. Elles opéreraient alors une légitimité cognitive selon les termes de Suchman (1995), une légitimité définie selon les intentions exprimées, ou par rapport à la manière dont la communication de l’action de l’entreprise est menée et comprise par les populations d’intérêt. Les discours DD des organisations étudiées est, en revanche, moins clairement structuré. Comparativement aux discours RSE, et de manière peut être contre-intuitive, les discours DD font référence dans la première étude à une dimension économique plus prononcée, à travers notamment l’utilisation de termes tels que « résultat », « augmentation », « croissance »… Cette considération de la dimension économique par le prisme des affaires et de la concurrence est validée par la seconde étude, détaillant les discours uniquement DD. Le souci de la performance économique, des relations économiques et de la dynamique commerciale sous-tend une orientation « affaires » dans le discours DD. Cette opinion doit cependant être nuancée à travers deux constats issus directement des résultats obtenus. D’une part, la dimension économique des discours de DD est diffusée dans davantage de classes de mots que ceux de la RSE (3 contre 2), soulignant une homogénéité et (peut être) une portée assez faible. D’autre part, la dimension économique dans les discours DD est d’un poids sensiblement moindre que celui des discours RSE (34,2% contre 42,5%). Ainsi, bien que la partie économique du discours soit identifiable, elle comporte des faiblesses. Ajoutons par ailleurs que la dimension sociétale du discours occupe une place relativement faible (18,5% du corpus analysé), et de plus est divisée entre le thème mutualiste et le thème responsabilité citoyenne. Autrement dit, le discours DD n’est pas aussi clair ni structuré par partie prenante que peut l’être le discours RSE. Peut être parce que la notion de développement durable est elle-même, pour les acteurs, plus diffuse ; il est possible aussi qu’elle soit prise en compte par davantage d’organisations mutualistes, qui du fait de leur structure, doivent embrasser des parties prenantes plus diversifiées ; enfin, le positionnement mutualiste des organisations n’aide peut être pas à rendre distinct un positionnement développement durable du fait d’une certaine cannibalisation d’actions sociales par exemple. Si une stratégie de légitimation par découplage n’est donc pas évidente dans les discours DD, il semble en revanche que ces derniers soulignent une forme complémentaire de légitimation : une légitimité procédurale. La plus grande part des discours DD est en effet occupé par la dimension procédurale : 47,2% du corpus analysé fait référence à la démarche DD. Ce type de légitimité n’est pas fondé sur un éventuel consensus quant à la finalité de l’action. Elle a l’avantage de ne pas devoir recourir à une convergence d’intérêts ou à un consensus a priori sur les résultats de l’action ; cette dernière peut néanmoins être légitimée par l’ensemble des acteurs dans la mesure où ceux-ci accordent du crédit à la démarche entreprise pour son élaboration (Gabriel et Cadiou, 2005). Cette stratégie de légitimation est donc particulièrement utile dans les cas où l’environnement des entreprises est complexe et flou ; ce cas est représenté par des parties prenantes dont les attentes sont difficilement appréciables, 14 ou des attentes particulièrement nombreuses et divergentes. Observons que la légitimité procédurale est alors adaptée aux organisations mutualistes, pour lesquelles, par exemple, les sociétaires sont à la fois externes et internes à l’entreprise, clients et acteurs de cette dernière. En conclusion, si les termes DD et RSE peuvent avoir une compréhension commune en ce que les dimensions sous-jacentes se recoupent dans les discours analysés, leur emploi correspond néanmoins à la fois à une considération particulière par l’entreprise de son environnement (en termes de parties prenantes), et à une stratégie relationnelle spécifique avec cet environnement. Les discours DD aussi bien que RSE ont en commun des tentatives de participer au renforcement de la légitimité de l’organisation ; en ce sens, la perspective stratégique de la légitimité est fortement affirmée (Buisson, 2005). Le choix d’une légitimité (cognitive ou procédurale) et de la méthode sous-jacente (par découplage ou non) paraissent être liés fortement à la structure de l’organisation. De nombreuses suites à cette étude sont possibles : un travail similaire auprès d’entreprises d’autres secteurs pourrait permettre de confirmer que l’emploi de l’un ou l’autre terme n’est pas dû au hasard. Mais il serait également intéressant d’observer la compréhension que reçoivent les parties prenantes auxquelles les rapports DD ou RSE sont destinées. L’emploi de l’un ou l’autre terme pour ces parties implique-t-il lui-même une orientation interprétative concordante avec ce que souhaitent signifier les entreprises ? 15 Références bibliographiques Acquier A. et Aggeri F. (2008), Une généalogie de la pensée managériale sur la RSE, Revue Française de Gestion, 180, 131-157. Acquier A. et Gond J.-P. (2005), Aux sources de la responsabilité sociale de l’entreprise. (Re)lecture et analyse d’un ouvrage fondateur : Social Responsibilities of the businessman d’Howard Bowen, Journée du Développement Durable, AIMS, Aix-en-Provence. Afnor (2003), Guide SD 21000 – Guide pour la prise en compte des enjeux du développement durable dans la stratégie et le management de l’entreprise, 1er tirage 2003, mai. Allouche J., Huault I., Schmidt G. 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