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octobre / novembre / décembre 2010 • 15
DOSSIER
Une loi sur l’économie sociale devrait
être votée d’ici la fi n de l’année en
Espagne. Elle a été adoptée en conseil
des ministres le 16 juillet dernier.
C’est une loi portée par le ministère
du Travail, qui veut redonner un
cadre général pour le secteur, étant
entendu que les régions autonomes
continuent, par subsidiarité, de fi xer
les modalités pratiques. L’exposé des
motifs rappelle d’ailleurs les étapes
de la reconnaissance du secteur,
que ce soit en Espagne, avec la loi
de 1999, qui a créé un Conseil pour
le développement de l’économie
sociale, ou à l’échelon européen
(statut de société coopérative
européenne, rapports du Conseil
économique et social).
A l’origine du texte, il y a plus
directement les demandes du
Cepes, la confédération des
entreprises de l’économie sociale, et
les travaux d’une sous-commission
parlementaire. Ce texte, qui a pour
objectifs premiers d’assurer une
reconnaissance, une sécurisation
juridique et une meilleure visibilité
du secteur, donne une place toute
particulière aux coopératives, citées
dès les premières lignes du projet de
loi et présentées comme exemples
d’entreprises qui donnent la primauté
aux personnes et à la fi nalité
sociale, avec une gestion autonome,
démocratique, transparente et
participative.
Loi sur l’économie sociale
En Espagne, le sociétariat respecte des rè-
gles très strictes, en fonction du nombre
d’associés. « Si la coopérative a moins de
25 associés, elle ne peut employer qu’un
maximum de 25 % de travailleurs non
membres, indique Rafael Chaves, cher-
cheur à la faculté d’économie de Valence.
Si elle a plus de 25 associés, la limite est à
15 %. Par exemple, une coopérative, qui
compte 100 travailleurs membres, ne peut
embaucher que 15 salariés non membres.
En revanche, elle peut employer des per-
sonnes en CDD ou des intérimaires. Il y a
actuellement un débat en Espagne, pour
évaluer quel serait le niveau acceptable
du nombre d’emplois intérimaires et pré-
caires dans les coopératives. »
Au Pays basque, Mondragon est
incontournable
Profi tant de ce cadre général, des com-
munautés autonomes font des efforts
particuliers pour permet-
tre aux salariés de créer
leur propre entreprise ou
d’entrer dans une forme
coopérative déjà en fonc-
tionnement. Au-delà des
frontières du Pays Basque
espagnol, le nom de
Mondragon est évocateur
de la taille que peut attein-
dre un groupe coopératif,
qui comprend des mar-
ques comme Fagor dans
l’électroménager ou les
supermarchés Eroski. La
Fonderie Ederlan fait aus-
si partie de Mondragon
Corporacion Cooperativa.
Il y a quelques dizaines d’années, Peio
Uhalde y a travaillé comme salarié-coopé-
rateur, avant de devenir PDG de la Scop
Alki qui fabrique des meubles à Itxassou
(Pyrénées-Atlantiques).
« Au Pays Basque Sud, c’est naturel de
travailler dans une coopérative, rapporte
Peio Uhalde. Lors des assemblées géné-
rales, ce n’est pas rare que la population
de villages tout entiers soit concernée. La
solidarité entre coopératives s’y exprime
de plusieurs manières. Les plus petites
peuvent être sous-traitantes des plus im-
portantes. En temps de crise, elles peu-
vent échanger leurs salariés, pour éviter
d’avoir à les licencier. » Les coopératives
du Pays Basque ont aussi des outils pro-
pres pour se développer : des écoles et
des centres de formation ainsi qu’une
banque coopérative, la Caja Laboral et
une mutuelle. La fonderie Ederlan, dans
laquelle Peio Uhalde a travaillé, est une
des plus grandes d’Europe, avec 600 sala-
riés. Maier, une entreprise de plasturgie
a une taille équivalente. Dans les années
2000, Olaberria, la Scop
dont Benat Castorene est
le PDG à Ustaritz (Pyrénées-
Atlantiques), a fourni à
Maier des moules à injec-
tion. Il remarque pour sa
part que les entreprises affi -
liées au groupe Mondragon
sont très pragmatiques : «
elles n’hésitent pas à aller
chercher les produits les
moins chers en Asie et en
Europe de l’Est. Aujourd’hui,
leur développement est in-
ternational ».
Mondragon est un acteur
économique majeur de la
province basque. Xavier
Itçaina, professeur à Sciences Po Bordeaux
rappelle que MCC représente plus de 85
000 emplois, avec un taux de sociétariat
Il y a
actuellement
un débat en
Espagne, pour
évaluer quel
serait le niveau
acceptable du
nombre d’emplois
intérimaires et
précaires dans
les coopératives.
de 88 % dans les branches industrielles et
confi rme que le groupe s’est lancé dans
la compétition internationale depuis
les années 90, en n’hésitant pas à ouvrir
l’échelle des salaires pour attirer des ca-
dres à même de leur faire gagner des
parts de marché. « Avec une tendance
à la désindustrialisation, indique Xavier
Itçaina, les coopératives basques diver-
sifi ent désormais leurs secteurs d’inter-
vention, en répondant aux besoins émer-
gents : insertion, social (avec le nouveau
statut de coopérative d’initiative sociale
en 2000), services à la personne, fi nan-
ces solidaires (réseau Reas Euskalerria) et