DECISIONS
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obligatoire à aucun égard, ou bien que son caractère obligatoire doit être nié
seulement en ce qui concerne les réclamations des Syriens et des Libanais.
Dans le premier cas, on ne saurait s'expliquer pourquoi l'agence mexicaine a
passé sous silence cet argument au cours des discussions relatives aux affaires
traitées antérieurement devant la Commission (cas Pinson; Bourillon,Jacques
y Cia; Lombard Hermanos y Cia; Compafiia Azucarera Paraiso Novillero),
puisque le même argument eût pu être invoqué alors dans ces affaires. Dans
le dernier cas, ce silence antérieur s'expliquerait, mais il resterait absolument
dans l'ombre quels rapports particuliers existent entre la situation des pays
sous mandat et l'article 18 du Pacte de la Société des Nations. Bien que, par
conséquent, la portée de l'argument soit tout à fait incertaine, de sorte qu'il
y aurait lieu de ne pas en faire cas dans cette sentence, pour des motifs alliés
à la fameuse
exceptio obscurï
libelli,
je tiens à ne pas le laisser de côté, étant donné
qu'il touche à des questions de principe et que l'arbitrage actuel est, que je
sache, le premier dans lequel la portée de l'article 18 ait été discutée en ce qui
concerne les relations juridiques entre un Etat membre de la Société et un
Etat non membre. Ce faisant, j'entendrai l'argument dans le premier sens,
vu que je n'ai pas été à même de saisir le moindre point de contact spécial
entre l'enregistrement des traités prescrit par l'article 18 et la Syrie et les autres
pays sous mandat.
Evidemment, l'argument tiré de l'article 18 doit avoir été entendu par
l'agence mexicaine en supposant tacitement:
1) qu'un tribunal arbitral ou commission mixte qui ne dépend en rien de
la Société des Nations, ni ne lui est lié en quoi que ce soit, est tout de même
autorisé à en faire application, voire même y est obligé;
2) que le simple fait par la Partie défenderesse de dire que la Partie deman-
deresse a négligé de prouver l'enregistrement, suffit à barrer la route à l'appli-
cation de la convention en question;
3) que l'article produit des effets juridiques même dans les rapports entre
un Etat membre et un Etat non membre de la Société;
4) que l'Etat non membre peut, en vertu d'un droit propre, l'invoquer en sa
faveur, notamment devant un tribunal indépendant de la Société des Nations.
4 (Ad 1). — II ne peut, naturellement, être question d'entrer dans une réca-
pitulation et un examen critique de toutes les doctrines auxquelles l'article 18
du Pacte a donné naissance. Quand bien même je serais personnellement d'un
autre avis, — ce qui n'est pas le cas, —j'éprouverais une grande hésitation à
défendre dans cette sentence une opinion qui diffère de celle qui, après de
longues discussions au sein de la Société des Nations elle-même, a été admise
comme correspondant le mieux à la portée évidente de la disposition dans le
cadre du droit international traditionnel; dans des cas pareils, où une disposi-
tion conventionnelle se prête à différentes interprétations, il doit exister de
très graves doutes sur la correction de l'interprétation courante, ou de très
graves raisons de la modifier, pour ne pas accepter comme acquise l'interpré-
tation qu'en a fixée le groupe d'Etats dont elle est destinée à régir les rapports
mutuels. J'admets, par suite, l'interprétation acquise, selon laquelle l'article 18
— sans porter atteinte à la force obligatoire, entre les Parties contractantes,
de la convention dûment ratifiée, mais pas enregistrée, de sorte qu'elles ne
peuvent plus se rétracter unilatéralement, ni conclure avec d'autres Puissances
des conventions incompatibles avec la première — empêche tout de même que
les Parties contractantes en fassent valoir les stipulations en justice, l'une
envers l'autre, non seulement devant les organes de la Société des Nations,
notamment l'Assemblée et le Conseil, et devant la Cour permanente de Justice
internationale, créée par ladite Société, mais encore devant tout autre tribunal