ASSEMBLÉE NATIONALE TREIZIEME LEGISLATURE ANNÉE 2007 BULLETIN de la DÉLÉGATION POUR L’UNION EUROPÉENNE No 2 septembre - octobre 2007 ________ Publié par le Service des Affaires européennes Délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne SOMMAIRE Pages REUNIONS DE LA DELEGATION ............................................119 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15 .................121 z Libéralisation du service postal..................................................121 Communication de M. Jérôme Bignon sur le projet de directive sur la libéralisation du service postal (E 3285)..............121 z Examen de textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution.......................137 z Informations relatives à la Délégation .......................................140 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures .............141 z Conférence intergouvernementale .............................................141 Débat sur les travaux de la Conférence intergouvernementale (CIG) avec MM. Elmar Brok, Enrique Baròn Crespo et Andrew Duff, observateurs du Parlement européen (débat ouvert à la presse) .........................................................................141 z Répartition des sièges au Parlement européen .........................156 Audition, ouverte à la presse, de MM. Alain Lamassoure et Adrian Severin, rapporteurs du Parlement européen sur la répartition des sièges au Parlement européen après les élections européennes de 2009 .....................................................156 Bulletin n° 2 Réunion du mardi 25 septembre 2007 à 15 h 30 ......................165 z Travaux de la Conférence intergouvernementale et prélèvement européen ...............................................................165 Audition commune, ouverte à la presse, avec la Commission des affaires étrangères de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes, sur les travaux de la Conférence intergouvernementale et le prélèvement européen....165 z Examen d’un texte soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution.......................185 Réunion du mardi 2 octobre 2007 .............................................187 z Missi dominici ..............................................................................187 Comptes rendus des missions des missi dominici sur le suivi de la Conférence intergouvernementale et certains dossiers de l’Union ..........................................................................................187 z Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution .......................207 z Informations relatives à la Délégation .......................................208 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures ....................209 z Réglementation des organismes génétiquement modifiés (OGM) ........................................................................................209 Communication de M. Marc Laffineur sur la réglementation des organismes génétiquement modifiés (OGM) dans l'Union européenne ....................................................................................209 z Missi dominici ..............................................................................224 Comptes rendus des missions des missi dominici sur le suivi de la Conférence intergouvernementale et certains dossiers de l’Union ..........................................................................................224 Bulletin n° 2 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 16 h 15 ........................235 z Politique industrielle européenne et stratégie de Lisbonne .....235 Audition, ouverte à la presse, de Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi, sur la politique industrielle européenne et la stratégie de Lisbonne.......235 Réunion du mardi 9 octobre 2007 .............................................249 z Elargissement ...............................................................................249 Communication de Mme Chantal Brunel sur la conclusion de l’accord de stabilisation et d’association avec le Monténégro (E 3578 et E 3585) ........................................................................249 z Protection des consommateurs ...................................................257 Communication de Mme Marietta Karamanli sur le Livre vert sur la révision de l’acquis communautaire en matière de protection des consommateurs (E 3447).......................................257 z Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution .......................263 z Multilinguisme .............................................................................269 Audition, ouverte à la presse, de M. Leonard Orban, Commissaire européen chargé du multilinguisme........................269 Réunion du mardi 17 octobre 2007 ...........................................281 z Composition du Parlement européen ........................................281 Communication du Président Pierre Lequiller sur la résolution du Parlement européen du 11 octobre 2007 sur la composition du Parlement européen (E 3650) ..................................................281 z Changement climatique ..............................................................287 Débat, ouvert à la presse, avec M. Guido Sacconi, Président de la commission temporaire sur le changement climatique au sein du Parlement européen, et M. Karl-Heinz Florenz, rapporteur......................................................................................287 Bulletin n° 2 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30 ...........................299 zEspace de liberté, de sécurité et de justice..................................299 Communication de M. Thierry Mariani sur les accords de réadmission entre la Communauté européenne et la République de Moldova, la République de Serbie, l’ancienne République yougoslave de Macédoine, la République du Monténégro, de la Bosnie-et-Herzégovine et de l’Ukraine, et sur l’élargissement de l’espace Schengen (E 3516, E 3600, E 3602, E 3603, E 3604, E 3621 et E 3622) .................................299 z Examen de deux textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution (E 3625 et E 3626) ........................................................................................309 z Conseil européen informel des 18 et 19 octobre 2007...............310 Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes, sur le Conseil européen informel des 18 et 19 octobre 2007..................310 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15 ...........................324 z OCM vitivinicole et bilan de santé de la PAC...........................324 Audition, commune avec la Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, de Mme Mariann Fischer-Boel, commissaire en charge de l’agriculture, sur l’OCM vitivinicole et le bilan de santé de la politique agricole commune, ouverte à la presse..........................324 Désignation de Rapporteurs......................................................345 ACTIVITES EXTERIEURES DE LA DELEGATION ..................347 z COSAC .................................................................................349 Bulletin n° 2 L’UNION EUROPEENNE A L’ASSEMBLEE NATIONALE ..............................................................................351 z Questions au Gouvernement réservées aux thèmes européens....................................................................................353 Séance du mercredi 17 octobre 2007............................................353 Séance du mardi 23 octobre 2007.................................................353 z Discussion de l’article 31 du projet de loi de finances pour 2008, relatif au prélèvement européen ....................................353 Séance du vendredi 19 octobre 2007 ............................................353 Bulletin n°2 119 REUNIONS DE LA DELEGATION Bulletin n°2 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15 121 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15 Présidence de M. Pierre Lequiller, Président z Libéralisation du service postal Communication de M. Jérôme Bignon sur le projet de directive sur la libéralisation du service postal (E 3285) M. Jérôme Bignon, rapporteur, a noté qu’il appartenait à la Délégation d’examiner aujourd’hui une proposition de directive visant à l’achèvement du marché intérieur des services postaux, constituant le dernier volet d’un long processus entamé par la Communauté en 1992 et qui a déjà donné lieu à l’adoption de deux directives en 1997 et en 2002. Dans cette nouvelle proposition de directive, la Commission européenne confirme son intention d’ouvrir totalement à la concurrence le marché postal à compter du 1er janvier 2009. Cette mesure implique la disparition du « domaine réservé », c’est-à-dire le maintien, au profit du prestataire du service universel, d’un monopole sur la correspondance d’un poids inférieur à 50 grammes. Avant de procéder à un examen de ses propositions et de l’état des négociations, il paraît nécessaire de formuler quelques observations préalables. Tout d’abord, la perception de la poste par les Français dépasse amplement la seule dimension économique de ce secteur d’activité. Elle joue un rôle social, qui ne peut être réduit à l’aménagement du territoire. Elle intervient aux points de fragilité du lien social, notamment dans les territoires ruraux. La deuxième remarque préalable vise à rappeler que certaines missions assurées par La Poste relèvent de missions de service public distinctes de la mise en œuvre du service universel. Il convient pourtant de bien distinguer les obligations liées à l’aménagement du territoire de celles induites par la fourniture du service universel, même si le service universel impose, par lui-même, le maintien d’un réseau de points de contact plus dense que celui qui serait requis par la seule logique commerciale. Dans un rapport de 2003, la Cour des comptes estimait que le réseau actuel, composé de 17 000 points de contact, 122 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15 Bulletin n° 2 répondait à une volonté d’aménagement du territoire, mais que la stricte fourniture du service universel pourrait être assurée par 9 000 points de contact. La logique commerciale, impliquant la rentabilité ou tout au moins l’équilibre financier de tous les points de contact, aboutirait à maintenir 6 000 d’entre eux seulement. Il importe de souligner que même si leur nature juridique a pu évoluer, il existe actuellement autant de points contact qu’en 1954. La troisième observation a pour objet de souligner que la proposition de directive se contente de prévoir un cadre général et laisse aux Etats membres de larges compétences au niveau de la mise en œuvre. De nombreuses questions évoquées dans la présente communication devront donc être tranchées par le législateur français à un stade plus tardif, au moment de la transposition de la directive. C’est le cas, en particulier, de la question du mode de financement du service universel après la suppression du secteur réservé. Enfin, il est nécessaire de préciser que cette intervention se situe dans le cadre de la procédure classique prévue par l’article 88-4 de la Constitution, mais elle a été précédée par un contrôle de subsidiarité et de proportionnalité, effectué à la fin de la précédente législature par nos collègues Jérôme Lambert et Didier Quentin. Il s’agissait alors de satisfaire à une demande de la COSAC, préfigurant la mise en œuvre du contrôle de subsidiarité et de proportionnalité tel qu’il était envisagé par le projet de Traité établissant une Constitution pour l’Europe. La Délégation avait adopté un projet d’avis considérant que la proposition communautaire n’appelait pas d’observation au regard du principe de subsidiarité, mais exprimant des réserves au regard du respect du principe de proportionnalité, du fait de l’impossibilité de maintenir un secteur réservé pour financer le service universel. Ce texte avait été adopté à l’identique par la commission des affaires économiques, sur le rapport de M. Jean Proriol, et transmis à la Commission européenne. Le rapporteur a évoqué les principaux enseignements de ce contrôle sur le plan communautaire. On doit d’abord noter que 27 chambres parlementaires représentant 21 Etats membres ont participé à ce contrôle. Cela signifie donc que 12 assemblées n’ont pas souhaité prendre part à cette procédure. Seule la Chambre des députés luxembourgeoise a constaté une violation du principe de subsidiarité. Sept chambres parlementaires ont considéré que le principe de proportionnalité n’était pas respecté ou ont émis des réserves à ce sujet. Bulletin n°2 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15 123 Il s’agit des deux assemblées françaises, des deux chambres belges ainsi que des parlements grecs, irlandais et luxembourgeois. La Commission européenne a souhaité répondre aux commentaires ainsi exprimés. Elle se contente de renvoyer aux études qu’elle avait fait réaliser préalablement au dépôt de la proposition de directive et de rappeler les modes de financement du service universel préconisé par cette proposition. La réponse de la Commission se révèle plutôt décevante et elle conforte nos interrogations plutôt que d’apporter des éclaircissements. Depuis le début des négociations, elle fait montre d’une forte inflexibilité. Selon nos informations, cette attitude serait dictée par la « rivalité » existant entre la direction générale Marché intérieur et services (sous l’autorité du commissaire Charlie McCreevy) et la direction générale de la Concurrence (dépendant de la commissaire Neelie Kroes). La procédure de contrôle de la subsidiarité et de la proportionnalité de la directive postale a cependant été riche en enseignements, tant sur le plan institutionnel que sur les perspectives d’évolution dans la négociation de cette directive. Le secrétariat de la COSAC a tiré deux conclusions de cette procédure. Premièrement, les parlements nationaux devraient développer une entente commune sur le sens des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Deuxièmement, les parlements semblent avoir compris que le principe de proportionnalité se prête davantage à des réserves de leur part que le principe de subsidiarité. D’autres conclusions peuvent être tirées relatives à la « procédure d’alerte renforcée » prévue par le projet de Traité modificatif. Le test effectué sur la directive postale a mis en évidence les problèmes que les parlements nationaux auraient pu rencontrer dans la mise en œuvre de cette procédure. Il est apparu, en particulier, que le délai de six semaines attribué aux parlements pour donner un avis motivé était trop bref. S’agissant du contrôle de la directive postale, seules 10 chambres parlementaires (sur les 27 s’étant prononcées) ont été en mesure de respecter ce délai. Dès lors, on peut considérer que le projet de Traité modificatif actuellement négocié par la Conférence intergouvernementale est susceptible d’introduire des évolutions positives, notamment en portant le délai à huit semaines. D’autres enseignements ont pu être tirés quant aux rapports de force dans la négociation de la directive postale. Avant même que la Commission ne publie sa proposition de directive, les opérateurs postaux 124 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15 Bulletin n° 2 de dix pays avaient signé une déclaration conjointe pour exprimer leur inquiétude sur l’efficacité des mesures envisagées pour le financement du service universel. La liste des signataires, rassemblés dans le « groupe Epicure », laissait apparaître un clivage entre l’Europe du Nord, d’une part, et l’Europe du Sud et de l’Est, d’autre part. Ce clivage ne se retrouve pas vraiment dans les résultats du test de subsidiarité. Ainsi, par exemple, les assemblées espagnoles et italiennes se sont abstenues de prendre position. La démarche de libéralisation engagée par la Commission n’a donc pas fait l’objet d’une forte contestation. Les négociations au sein du Conseil et le vote en première lecture du Parlement européen ont confirmé cette appréciation. Au stade actuel de l’examen de la proposition, on peut donc affirmer que le principe même de la libéralisation totale du marché postal semble acquis. Le rapporteur a constaté qu’en l’état des négociations, les positions des différents partenaires sont désormais bien connues et un accord politique se dessine à l’occasion de la réunion du Conseil « Télécommunications » du 1er octobre prochain. En novembre 2006, date à laquelle l’Assemblée nationale s’est déjà prononcée sur cette proposition, l’affichage d’un soutien au maintien du secteur réservé avait encore un sens. Les négociations en étaient à leur début et la France pouvait espérer obtenir l’appui d’autres Etats dans sa volonté de préserver un secteur réservé. Aujourd’hui, il serait illusoire de continuer à demander la préservation du secteur réservé. Une telle position conduirait à une marginalisation de la France dans les négociations. La plus claire illustration de cette affirmation a été donnée à l’occasion de l’examen du texte par le Parlement européen. En séance plénière, le 11 juillet 2007, c’est à une très large majorité (512 voix pour, 155 contre et 13 abstentions) que le Parlement européen s’est prononcé en faveur de la libéralisation du marché. Depuis cette date, les négociations menées au sein du groupe Poste en vue de la préparation du Conseil « Télécommunications » du 1er octobre se bornent à la discussion des modalités de cette libéralisation. La présidence portugaise a d’ailleurs rendu publique, le 5 septembre, une proposition de compromis qui s’inspire grandement du texte voté par le Parlement européen. Les négociations se concentrent sur les points suivants : la date de la libéralisation et la question liée de la clause de réciprocité, ainsi que l’opportunité d’imposer des critères sociaux aux opérateurs postaux lors de la délivrance des autorisations par les régulateurs. Bulletin n°2 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15 125 La Commission européenne a proposé une ouverture complète du marché à la concurrence à compter du 1er janvier 2009. Elle continue de soutenir cette échéance. Le Parlement européen retient une autre solution. Il propose d’abord de repousser la date butoir de l’ouverture à la concurrence de deux ans, au 1er janvier 2011. Le Parlement européen préconise également une ouverture en deux étapes, puisqu’un délai exceptionnel de deux ans supplémentaires (1er janvier 2013) serait accordé aux nouveaux Etats membres, aux Etats « faiblement peuplés » ou aux Etats qui ont une « topographie particulièrement difficile (de multiples îles, par exemple) ». Cette dissociation des dates de libéralisation conduit le Parlement à introduire une « clause de réciprocité », en vertu de laquelle les marchés postaux ouverts à la concurrence après la publication de la directive pourraient être fermés aux opérateurs bénéficiant encore d’un secteur réservé et aux sociétés qui les contrôlent dans les Etats membres ayant repoussé l’échéance à une date postérieure à 2009. Sur ces points, le compromis établi par la présidence portugaise reprend, pour l’essentiel, les propositions du Parlement. Il ne s’en écarte que sur les modalités de détermination des Etats susceptibles de demander le bénéfice du report à l’échéance ultime de 2013. Les critères démographiques et topographiques introduits par le Parlement ont, en effet, donné lieu à de nombreuses interprétations du fait de leur subjectivité. Aussi, la présidence portugaise préfère-t-elle une approche nominative, sans d’ailleurs mentionner le nom des Etats concernés. Elle maintient en conséquence la clause de réciprocité. Cette dernière a toutefois fait l’objet de vives critiques. Le service juridique du Conseil, en particulier, a estimé que la clause envisagée discriminait selon un critère trop subjectif, trop proche de la nationalité, ressemblant à une « clause punitive ». Le compromis de la présidence est donc rédigé de telle sorte que la clause de réciprocité ne pourrait s’appliquer que durant les deux années de dérogation supplémentaires (2011 et 2012). La portée de la clause de réciprocité s’en trouverait fortement minimisée, tout au moins pour l’opérateur français. La Poste étant une industrie de main-d’œuvre, où le risque de dumping social existe, le Parlement européen a prévu que les Etats membres devaient exiger que tous les opérateurs respectent pleinement les législations du travail, conformément au droit national, ainsi que la législation en matière de sécurité sociale et les conventions collectives conclues entre les partenaires sociaux. En outre, il est demandé à la 126 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15 Bulletin n° 2 Commission de présenter, au plus tard trois ans après l’ouverture du marché, un rapport sur l’évolution globale de l’emploi dans le secteur et sur les conditions de travail. La présidence portugaise ne suit pas le Parlement sur ce point. Elle se limite à mentionner les conditions de travail et les régimes de sécurité sociale dans la liste des raisons générales de nature non économique qu’un Etat membre peut invoquer pour imposer des conditions à la prestation de services postaux. La prise en compte des conditions de travail dans la délivrance des autorisations est renvoyée dans un court considérant – de moindre valeur juridique. La question des critères sociaux est surtout sensible en Allemagne, où un accord vient d’ailleurs d’être conclu pour imposer un salaire horaire minimum à l’ensemble des opérateurs du secteur postal. Dans ces négociations, les autorités françaises n’ont pas d’hostilité de principe à l’égard de la libéralisation du marché postal, qu’elles préfèreraient voir intervenir à une date unique pour l’ensemble des Etats membres. Le gouvernement français ne souhaite manifestement pas apparaître comme un défenseur acharné du monopole, ce qui l’isolerait dans les négociations. Il est à souligner que La Poste défend une approche similaire et que seuls les syndicats – tout au moins ceux auditionnés par le rapporteur (CGT-PTT, Sud-PTT et FO Communication) – se déclarent ouvertement opposés à l’ouverture du marché. La position officielle de notre pays s’appuie sur une analyse prenant en compte les effets attendus de l’ouverture à la concurrence, l’état de préparation de La Poste et les perspectives de développement de la concurrence en France. Le marché postal est actuellement en décroissance. En France, le volume d’objets distribués a diminué sur tous les segments du marché en 2005, à l’exception de celui du colis. Chacun a bien conscience qu’avec la messagerie électronique, un risque fort de substitution existe. La concurrence, en poussant à l’innovation, serait susceptible de dynamiser ce marché et pourrait, par exemple, stimuler le courrier des PME, qui constitue probablement un gisement de croissance. Trois Etats membres (la Finlande, le Royaume-Uni et la Suède) ont déjà procédé à l’ouverture complète de leur marché. Ces expériences donnent souvent lieu à de très vives critiques des opposants à la proposition de directive. Ces critiques apparaissent excessives. On peut noter que ces trois Etats affichent des niveaux de performance élevés pour la distribution à J + 1 : 91 % pour le Royaume-Uni et 95 % Bulletin n°2 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15 127 pour la Suède et la Finlande en 2004 (à la même date, ce taux n’était que de 75 % en France). Le nombre de personnes desservies par un bureau de poste est relativement proche dans ces pays de celui constaté en France. Quant aux tarifs pratiqués, le prix du timbre en Suède et en Finlande – si l’on prend en compte les parités de pouvoir d’achat – est équivalent à celui de la France. Au final, un indice prouve manifestement que les particuliers et les entreprises des pays ayant déjà ouvert leur marché à la concurrence ne perçoivent pas une dégradation du service postal et lui accordent toujours leur confiance : la Finlande est le pays d’Europe où l’on observe le plus grand nombre d’envois de lettres par habitant (412 lettres par habitant et par an contre 321 en France). S’agissant de l’état de préparation de La Poste, il convient de rappeler qu’en octobre 2003, la Cour des comptes a publié un rapport sur « les comptes et la gestion de La Poste (1991-2002) », dressant un bilan très alarmant sur la productivité de cet opérateur. Depuis la publication de ce rapport, La Poste – avec le soutien de l’Etat – a mis en œuvre des mesures de rattrapage. Ces ajustements se sont accompagnés d’une meilleure qualité de service, avec 81 % du courrier distribué à J + 1 en 2006, contre 75 % en 2004. Mais La Poste doit encore poursuivre ses efforts pour porter sa compétitivité au meilleur niveau européen. Un « plan stratégique » 2008-2012 doit être annoncé dans les prochaines semaines et se substituer au « contrat de plan » signé en 2004. Si La Poste continue sa mise à niveau, il y a tout lieu de penser qu’elle sera en mesure d’affronter la concurrence à l’horizon 2010/2011. En ce qui concerne les perspectives de développement de la concurrence en France, les spécificités du marché postal sont très différentes de celui des télécommunications. A la différence de ce dernier, on est en présence d’une industrie de main d’œuvre où les possibilités d’évolutions techniques sont faibles. La concurrence visera donc des segments spécifiques où elle pourra tirer avantage de modèles d’organisation moins coûteux que La Poste. En clair, elle devrait chercher à se développer dans la distribution en zones urbaines de courriers en nombre envoyés par les entreprises dans des délais supérieurs à J + 1. Selon le Président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), la cible ainsi déterminée représenterait au total 40 % des volumes postaux. Cela ne signifie pas que La Poste devrait perdre automatiquement et 128 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15 Bulletin n° 2 immédiatement l’intégralité de ces parts du marché postal. Sur cette question, deux points de vue s’opposent. L’ARCEP tend à penser que la concurrence ne se développera que de façon progressive en raison de la réticence des émetteurs à scinder leur trafic entre plusieurs opérateurs. La Poste considère, quant à elle, que cette barrière n’existe pas chez les grands émetteurs et qu’elle peut être contournée par l’intermédiaire des routeurs. L’opérateur fait également valoir la forte densité de la répartition de la population dans notre pays, ce qui en ferait un marché très attractif. Pour l’heure, le principal concurrent de La Poste, la société Adrexo, annonce des objectifs plutôt modestes, puisqu’elle se propose de conquérir 3 à 4 % de parts du marché l’année de l’ouverture à la concurrence (ce qui correspondrait à un chiffre d’affaires de 180 à 240 millions d’euros, dans la mesure où le courrier adressé relevant aujourd’hui du secteur réservé représente 6,1 milliards d’euros en 2006). A titre de comparaison, l’opérateur alternatif sur le marché suédois s’est attribué 8 % de parts du marché. Une menace bien plus importante pourrait provenir de certains opérateurs étrangers. La Deutsche Post ne cache pas son ambition de développer ses activités à l’extérieur, notamment en France. Compte tenu de ce qui vient d’être exposé sur l’état de préparation de La Poste, les autorités françaises se montrent opposées à une libéralisation au 1er janvier 2009 mais sont prêtes à accepter un report au 1er janvier 2011, comme le préconisent le Parlement européen et le compromis de la présidence portugaise. La France se prononce, en revanche, pour une date unique, sans dérogation. Sur la clause de réciprocité, la rédaction du compromis de la présidence portugaise apparaît plus satisfaisante, car elle ne s’appliquerait qu’à compter du 1er janvier 2011 et à l’encontre d’un nombre limité d’Etats. On peut se demander aussi s’il ne faudrait pas accepter de libéraliser dès le 1er janvier 2009 le secteur du publipostage (autrement dit, de la publicité adressée). La société Adrexo plaide pour cette ouverture et l’ARCEP soutient cette demande, qui ne serait probablement pas de nature à mettre La Poste en difficulté et traduirait une approche constructive de notre pays facilitant, peut-être, un accord sur la publication de « lignes directrices » sur la détermination du coût du service universel, qui constitue la principale exigence de la France. Le rapporteur ne prétend pas résoudre cette question, mais souhaite qu’elle soit étudiée. Bulletin n°2 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15 129 Le rapporteur a ensuite fait part des interrogations persistantes sur le financement du service universel, tout en précisant que la proposition de directive ne remet aucunement en cause les contours du service universel déterminés par la directive 96/97/CE modifiée en 2002, qui satisfont à des exigences de haut niveau. En vertu du principe de subsidiarité, les autorités françaises ont fixé des normes plus élevées encore en prévoyant, dans la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, que les services de levée et de distribution devaient être assurés tous les jours ouvrables, sauf circonstances exceptionnelles, soit six jours par semaine (et non pas cinq seulement). C’est sur le financement du service universel que les négociations de la proposition de directive se focalisent. Les interrogations suivantes n’ont toujours pas reçu de réponses pleinement satisfaisantes : le service universel a-t-il un coût ? Quel mécanisme pour remplacer le secteur réservé ? Existe-t-il des risques sur l’évolution des tarifs ? Le financement des missions de service public distinctes du service universel est-il garanti ? Dans une approche intuitive, on pourrait supposer que l’obligation d’assurer le service universel se traduit forcément par un coût supplémentaire pour le ou les opérateurs en charge de cette mission. Pourtant, la question de l’existence d’un coût net est sérieusement posée par les plus fermes partisans de la libéralisation, en particulier la Commission européenne. Répondre à cette interrogation se révèle une tâche ardue, car on s’aperçoit rapidement – non sans étonnement – qu’il n’existe aucune estimation sérieuse du coût du service universel. Les modalités de calcul du coût du service universel n’ont pas fait l’objet de travaux approfondis car, jusqu’à présent, les Etats membres ont calé la délimitation de leur secteur réservé dans les limites exactes autorisées par la directive en vigueur, sans se demander si la nécessité d’un secteur réservé de cette taille, était ajusté aux obligations à accomplir. Dans notre pays, La Poste affirme qu’elle est probablement en charge du service universel dont le coût est le plus élevé, compte tenu des hautes exigences de qualité retenues par les autorités nationales et de la répartition de la population. Sa comptabilité analytique ne lui permet pas malheureusement de fournir des estimations précises, à l’exception du coût de la distribution de la presse, obligation spécifique à la France. Le ministère de l’industrie avance un chiffrage d’un milliard d’euros pour le 130 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15 Bulletin n° 2 coût global du service universel, mais il ne s’agit que d’un ordre de grandeur, pas véritablement étayé par des études détaillées. Le choix d’une méthode de calcul du coût du service universel a une importance capitale dans la détermination du mode de financement le plus approprié. Dans ces conditions, les autorités françaises jugent indispensable d’insérer en annexe de la directive des « lignes directrices » donnant des orientations communes pour établir le calcul du coût net du service universel, ce qui renforcerait la sécurité juridique des mécanismes destinés à se substituer au secteur réservé. En première lecture, le Parlement européen a partiellement entendu la demande française, en prévoyant que la Commission devrait, d’une part, assister les Etats membres en leur donnant « des orientations pour le calcul des coûts nets » avant le 1er janvier 2009 et, d’autre part, examiner les plans nationaux de financement du service universel inspirés des orientations précédentes. Pour notre pays, cette disposition a l’inconvénient de repousser la publication des orientations à une date postérieure à l’adoption de la directive. Le compromis élaboré par la présidence portugaise apparaît plus satisfaisant puisqu’il comporte une annexe sur le calcul du coût net du service universel. La question du mécanisme susceptible de remplacer le secteur réservé est fondamentale, mais ne se posera réellement qu’à l’étape de la transposition de la directive. La proposition de directive énumère plusieurs options envisageables. En France, le choix pourrait apparaître comme déjà effectué. L’article 15 de la loi du 20 mai 2005 précitée institue un « fonds de compensation du service universel postal » financé par les contributions de chaque prestataire postal au prorata de leur chiffre d’affaires réalisé dans le champ du service universel. Le débat pourrait néanmoins être réouvert à l’occasion de la transposition de la présente directive, car La Poste juge ce mécanisme injuste, conduisant à taxer l’opérateur en charge du service universel de façon disproportionnée. Après avoir d’abord défendu un système dit de « pay or play », dans lequel les nouveaux entrants devraient prendre en charge une partie des obligations du service universel ou sinon contribuer au fonds de compensation, elle estime aujourd’hui qu’il serait impossible à mettre en œuvre. La Poste préconise donc désormais d’alimenter le fonds de compensation, non plus par une taxe sur le chiffre d’affaires, mais par une taxe à l’objet, reposant sur les volumes. Pour l’heure, l’ARCEP s’oppose à une taxe à l’objet et ne pense pas qu’un fonds de compensation sera en mesure de collecter un montant Bulletin n°2 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15 131 supérieur à 200 millions d’euros en faveur de La Poste (soit un montant très éloigné du milliard d’euros généralement avancé pour estimer le coût net du service universel), sous peine d’être contesté comme constituant une « barrière à l’entrée ». Il faut souligner que le prix unique du timbre pour les particuliers français n’est absolument pas menacé. Chaque Etat conserve la possibilité d’appliquer un tarif unique pour les envois tarifés à l’unité qui restent le service le plus fréquemment utilisé par les particuliers et les petites et moyennes entreprises. Une dépéréquation pourra, en revanche, être appliquée aux envois en nombre qui représentent l’essentiel de l’activité postale (les entreprises représentent 87,5 % des expéditeurs dans l’ensemble de l’Union européenne et les envois entre particuliers ne constituent plus que 5 % du trafic postal). Selon l’ARCEP, la dépéréquation des envois en nombre sera « le cœur du financement du service universel ». Elle permettra à La Poste d’assurer la préservation des ressources nécessaires à la prise en charge des obligations du service universel. S’agissant de l’impact de la libéralisation sur le niveau des tarifs postaux, il convient de rappeler qu’un rééquilibrage tarifaire est déjà en cours. En application de la mission qui lui a été confiée par la loi du 20 mai 2005, l’ARCEP a ainsi décidé que La Poste pourrait augmenter les tarifs du service universel dans la limite d’une enveloppe globale de 2,1 % chaque année en 2006, 2007 et 2008. Le service universel constitue un socle garanti à tous les citoyens de l’Union, mais chaque Etat peut souhaiter que l’opérateur postal assure des missions de service public plus étendues. La Poste participe également à une mission d’aménagement du territoire que la loi du 20 mai 2005 a identifiée comme complémentaire aux obligations d’accessibilité imposées à l’opérateur au titre du service universel. Le réseau actuel, composé de 17 000 points de contact, est justifié par la mission d’aménagement du territoire. La loi du 20 mai 2005 prévoit ainsi que 90 % de la population se situe à moins de 5 kilomètres et 20 minutes d’un point de contact de La Poste. Il serait donc nécessaire d’obtenir des clarifications et des assurances sur le financement des missions de service public confiées par les Etats membres à leur prestataire du service universel. La sécurité juridique des compensations de service public a certes été renforcée par « le paquet Monti » (encore appelé « paquet Altmark »), étudié par la Délégation en octobre 2005 sur 132 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15 Bulletin n° 2 le rapport de MM. Bernard Derosier et Christian Philip (rapport n° 2619). Néanmoins, il serait aussi opportun que la Commission actualise sa communication sur les aides d’Etat dans le secteur postal datant de 1998. Un débat a suivi l’exposé du rapporteur. M. Pierre Forgues a relevé que, quelles que soient les sensibilités des usagers, ces derniers ont créé des associations pour soulever les problèmes récurrents posés par le fonctionnement du service public de La Poste. Considérant que ce dernier devait veiller à fournir aux citoyens des services de qualité et à respecter les principes d’universalité et d’équité territoriale, il a constaté que, dans l’ensemble, le service public de La Poste fonctionnait bien et que les Français en avaient une image positive, ce qui l’a conduit à douter de l’opportunité de le libéraliser. A ses yeux, l’application du principe de concurrence à La Poste, ne peut, à la différence d’autres services marchands, emporter des effets bénéfiques, comme le montre l’exemple des trois Etats ayant procédé à une libéralisation totale. Au demeurant, il a mis en garde contre les difficultés qui pourraient résulter de l’éventuelle suppression des deux tiers des points de contact. S’interrogeant sur la portée du principe de subsidiarité qui, d’après lui, se limiterait seulement au choix de la couleur du timbre, il a déploré que l’Union européenne puisse encourager la destruction des services publics qui, comme La Poste, fonctionnent correctement. Il a également contesté la notion de libre concurrence et non faussée, se référant aux sommes considérables dépensées par le Conseil de la région Midi-Pyrénées pour permettre l’accès des usagers à Internet et à l’ADSL, alors que les opérateurs leur facturent dans le même temps des prestations à des coûts élevés. En conclusion, il s’est prononcé contre l’adoption de la proposition de directive puisqu’elle aura pour effet de tirer le service public vers le bas au lieu de contribuer à son renforcement. M. Jérôme Lambert, déclarant partager les observations de M. Pierre Forgues, a regretté que la Délégation soit invitée à examiner un tel texte, à l’heure où les Etats membres sont saisis du projet de Traité modificatif. Il a estimé que la proposition de la Commission ne pouvait que donner une image négative de l’Europe aux Français du fait des difficultés qui résulteront du processus de libéralisation. Bulletin n°2 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15 133 Rappelant que, sur le terrain, avec les élus de toutes tendances, il a défendu le service public de La Poste, menacé, du fait des évolutions actuelles et futures liées à l’ouverture à la concurrence, il a considéré qu’il lui apparaîtrait difficile d’adopter une position différente au sein de la Délégation. A cet égard, il a déclaré que le rapport qu’il avait présenté avec M. Didier Quentin sur l’application du contrôle de subsidiarité et de proportionnalité avait déjà mis en exergue les difficultés qui ne manqueraient pas d’apparaître du fait de la libéralisation de La Poste. C’est pourquoi il a déploré que, comme le rappelle le premier point des conclusions proposées par le rapporteur, la Commission européenne n’ait nullement tenu compte de l’avis de l’Assemblée nationale rendu au titre du contrôle de l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Dès lors, en l’état actuel, il a jugé qu’il ne serait pas sérieux d’approuver la proposition de directive, d’autant que fait défaut une estimation approfondie du coût du service universel. De surcroît, il a affirmé que la proposition de directive ne manquera pas d’entraîner une augmentation du montant des subventions versées par les autorités publiques, alors que le système actuel est financé sur la base de la solidarité tarifaire. A ses yeux, la directive permettra aux opérateurs d’accroître leurs profits, tandis que le financement des déficits du service universel incombera aux autorités publiques. Devant de tels risques qu’il a jugés possibles, M. Jérôme Lambert a déclaré s’opposer à l’adoption de la proposition de directive. M. Christian Paul, contestant que son groupe puisse être accusé d’être hostile à l’application du principe de concurrence, a considéré que celui-ci pouvait aboutir à des résultats positifs comme le montre la condamnation pour abus de position dominante de Microsoft par le Tribunal de première instance. En revanche, il s’est élevé contre son application lorsque, comme c’est le cas de la proposition de directive, il a pour effet de réduire à marche forcée la part des services publics. Evoquant les propos du rapporteur, il a estimé que ce dernier n’indiquait pas clairement ses orientations, puisque, à ses yeux, la Délégation serait davantage contrainte de subir les propositions de la Commission, qu’en mesure d’influencer celle-ci. En termes de maillage, que doit souhaiter la Délégation, 17 000 ou 6 000 points de contact ? Quel devra être le degré de service fourni au public ? M. Christian Paul a considéré que c’est seulement à partir de la réponse à ces objectifs que la 134 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15 Bulletin n° 2 Délégation pourra voir si la proposition de directive est acceptable et définir les garanties susceptibles d’être mises en œuvre. A défaut de tels préalables, il a craint que l’Assemblée nationale ne soit confrontée à une dégradation continue du service public postal, que les Français constatent depuis plusieurs années. Affirmant que ce processus risquait de s’accélérer, il a appelé à un renversement de la démarche et a demandé que des précisions soient apportées, en ce qui concerne les garanties et les outils financiers dont pourrait bénéficier le service public de La Poste. Le rapporteur a estimé que la perception de la concurrence telle qu’elle venait d’être exprimée, perception qui n’était pas la sienne, était de nature à remettre en cause l’objectif de l’Union européenne de mise en place d’un grand marché unique des biens et services fonctionnant selon les règles de la concurrence. La position du Gouvernement, que la majorité partage, tient compte de ce que la libéralisation et la suppression du secteur réservé sont dorénavant inexorables, étant l’aboutissement d’un processus engagé en 1992. Le débat doit donc se concentrer sur deux objectifs. Il s’agit, en premier lieu, du report de la libéralisation au 1er janvier 2011, de manière à permettre à La Poste d’achever sa mue. Il faut qu’elle conserve cette place centrale chère au cœur des Français, tout en se modernisant et en se mettant en mesure d’affronter la concurrence. Il n’est pas question de supprimer 17 000 points de contact, nombre au demeurant quasiment inchangé depuis 1954. Tout juste faut-il rappeler qu’en 2003 la Cour des comptes avait estimé que 9 000 suffiraient pour assurer les obligations de service universel et qu’on considère que, dans une optique commerciale pure et dure, 6 000 seulement seraient nécessaires. Il n’a jamais été dit que l’on irait là. Au contraire, les obligations législatives relatives à l’aménagement du territoire imposent de maintenir ces points de contact. Le second objectif concerne le financement du service universel. La proposition de directive prévoit le maintien du service universel, comme la France l’a demandé. Mais, il faut insérer, en annexe, des lignes directrices claires pour en calculer le coût. Il y a actuellement débat sur le coût réel de ce service, la fourchette étant particulièrement étendue, allant d’une somme faible à 1 milliard d’euros. Il faudra à l’avenir mettre en place une comptabilité analytique et recourir à des expertises indépendantes. Bulletin n°2 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15 135 Dans l’ensemble, le service universel et les obligations de service public liées à l’aménagement du territoire sont un élément du cadre qui a permis à La Poste de se moderniser, améliorant son score de délivrance du courrier à J + 1, qui est de 82 % en 2006 contre 75 % en 2004. La Poste se positionne comme une entreprise moderne, présente sur le territoire et qui va pouvoir s’affirmer sur le marché européen, et contribuer ainsi pour une plus grande part au PIB de la France. En conclusion, il s’agit pour La Poste de s’adapter au marché selon le futur cadre juridique. Le Président Pierre Lequiller a estimé qu’il y avait en la matière un débat de principe et a souligné que le report de l’échéance à 2011 permettrait de procéder aux adaptations nécessaires. A l’issue de ce débat, la Délégation a adopté – les membres du groupe SRC votant contre – les conclusions suivantes : « La Délégation pour l’Union européenne, Vu l’article 88-4 de la Constitution, Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne l’achèvement du marché intérieur des services postaux de la Communauté (COM [2006] 594 final / E n° 3285), Vu l’avis de l’Assemblée nationale sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité par la proposition de directive précitée, Vu les observations de la Commission européenne sur des questions de l’Assemblée nationale de la République française, 1. Regrette l’insuffisante motivation des observations de la Commission européenne sur l’avis de l’Assemblée nationale rendu au titre du contrôle de l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité ; 2. Estime que l’ouverture complète du marché postal à la concurrence ne peut être mise en œuvre dans l’ensemble des Etats membres avant le 1er janvier 2011 ; 3. Exprime sa préférence pour une date butoir unique ou, tout au moins, pour une limitation du nombre d’Etats membres 136 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15 Bulletin n° 2 susceptibles de maintenir, à titre dérogatoire, un secteur réservé pendant deux années supplémentaires ; 4. S’oppose à l’adoption d’une clause de réciprocité applicable à compter du 1er janvier 2009, avant même la date butoir fixée pour l’ensemble des Etats ne bénéficiant pas d’une dérogation ; 5. Invite le Gouvernement à étudier la possibilité de ne plus inclure le publipostage dans le secteur réservé dès le 1er janvier 2009 ; 6. Souhaite que les Etats membres exigent de tous les opérateurs postaux qu’ils respectent pleinement les législations du travail, conformément au droit national, ainsi que la législation en matière de sécurité sociale et les conventions collectives conclues entre les partenaires sociaux ; 7. Insiste particulièrement sur la nécessité d’insérer en annexe de la proposition de directive des lignes directrices donnant des orientations communes pour établir le coût net du service universel ; 8. Se félicite que chaque Etat membre conserve la possibilité d’appliquer un tarif unique pour les envois tarifés à l’unité ; 9. Considère qu’il ne serait pas cohérent dans un marché postal libéralisé d’imposer au prestataire du service universel de tenir compte des « coûts évités » pour appliquer une flexibilité tarifaire en faveur des envois en nombre ; 10. Invite la Commission européenne à actualiser sa communication sur les aides d’Etat dans le secteur postal, afin de renforcer la sécurité juridique du financement des missions de service public confiées par les Etats membres à leur prestataire en complément du service universel ». Bulletin n°2 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15 137 z Examen de textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a examiné des textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution. Point A Aucune observation n’ayant été formulée sur les sept textes suivants, la Délégation les a approuvés. ¾ PESC et relations extérieures - proposition de décision du Conseil relative à la signature et à l'application provisoire d'un protocole à l'accord euro-méditerranéen entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et le Royaume du Maroc, d'autre part, pour tenir compte de l'adhésion à l'Union européenne de la République de Bulgarie et de la Roumanie. Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole à l'accord euro-méditerranéen entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et le Royaume du Maroc, d'autre part, pour tenir compte de l'adhésion à l'Union européenne de la République de Bulgarie et de la Roumanie (document E 3592) ; - proposition de décision du conseil relative à la signature et à l'application provisoire d'un protocole à l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'Etat d'Israël, d'autre part, visant à tenir compte de l'adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne. Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole à l'accord euro-méditerranéen entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'Etat d'Israël, d'autre part, visant à tenir compte de l'adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne (document E 3608). 138 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15 Bulletin n° 2 ¾ Santé - proposition de règlement du Conseil portant création de l'entreprise commune pour l'initiative en matière de médicaments innovants (document E 3548) ; - proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les annexes du règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (document E 3583). ¾ Transports - proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la gestion de la sécurité des infrastructures routières (document E 3264) ; - proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil abrogeant le règlement (CEE) n° 954/79 du Conseil concernant la ratification par les États membres de la convention des Nations Unies relative à un code de conduite des conférences maritimes ou l'adhésion de ces États à la convention (document E 3440). ¾ Divers - proposition de décision du Parlement européen et du Conseil sur la participation de la Communauté à un programme de recherche et développement visant à améliorer la qualité de vie des personnes âgées par le recours à de nouvelles technologies de l'information et des communications (TIC) entrepris par plusieurs États membres (document E 3566). Point B ¾ Politique sociale - proposition de décision du Parlement européen et du Conseil concernant la mobilisation du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation (document E 3598). M. Michel Herbillon, rapporteur, a rappelé que la Commission européenne proposait de répondre positivement aux deux premières demandes de mobilisation du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation (FEM), récemment mis en place. Celles-ci sont sollicitées par la France pour aider des salariés des sous-traitants de l’industrie automobile, de PSA comme de Renault, en l’espèce. Bulletin n°2 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15 139 La proposition de décision n’appelle pas d’observation particulière. Il faut donc surtout observer qu’elle donne des éléments sur ce qu’est un choc dû à la mondialisation justifiant l’intervention du FEM, que le nombre des salariés bénéficiant de mesures cofinancées par le FEM peut être inférieur au nombre des 1 000 licenciements exigés pour sa mise en jeu, et que les premières orientations d’une révision des modalités d’intervention du fonds (ouverture des critères, allègement des procédures) commencent à poindre. M. Jérôme Lambert a indiqué qu’il souhaitait rappeler les réserves qu’il avait émises lors de la création du FEM. Il serait préférable que l’Europe adopte une politique en faveur de l’emploi plutôt que de compensation des effets négatifs de la mondialisation, opération qui devrait incomber aux entreprises qui font des profits croissants et dont la capitalisation augmente fortement. Ce système de privatisation des profits et d’intervention de l’Europe pour secourir les salariés mis à la rue, est très contestable. L’objectif politique doit être de créer les conditions pour qu’il n’y ait plus de licenciements. En réponse à une question de M. Christian Paul, le rapporteur a précisé que le seuil des 1 000 licenciements concernait les licenciements notifiés, et était apprécié sur une base sectorielle et territoriale. Il a ajouté, en réponse à une demande de M. Pierre Forgues, que les sous-traitants concernés étaient ceux qui n’avaient qu’un seul donneur d’ordre comme ceux qui en avaient plusieurs, dès lors que les entreprises correspondantes disparaissaient ou que des emplois étaient supprimés. Le rapporteur a ensuite précisé que la mise en jeu du FEM n’était pas exclusive d’une politique de l’emploi. Il ne faut pas faire la politique de l’autruche face aux effets de la mondialisation, et ne pas dénier à l’Europe la possibilité de participer, en complément et non en substitution aux mécanismes existants, à des actions concrètes en faveur des salariés privés d’emploi. Suivant l’avis du rapporteur, la Délégation a approuvé la présente proposition. 140 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15 z Informations Bulletin n° 2 relatives à la Délégation Sur proposition du Président Pierre Lequiller, la Délégation a nommé rapporteurs d’information : – Mme Chantal Brunel, sur le processus européen de la Serbie (et du Kosovo), du Monténégro et de la Bosnie-Herzégovine ; – Mme Odile Saugues, sur le processus européen de l’Albanie. La Délégation a confié une communication à : – M. Marc Laffineur, sur la réglementation des organismes génétiquement modifiés (OGM) dans l’Union européenne ; – Mme Chantal Brunel, sur la conclusion de l’accord de stabilisation et d’association avec le Monténégro (E 3578 et 3585). Bulletin n°2 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures 141 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures Présidence de M. Pierre Lequiller, Président z Conférence intergouvernementale Débat sur les travaux de la Conférence intergouvernementale (CIG) avec MM. Elmar Brok, Enrique Baròn Crespo et Andrew Duff, observateurs du Parlement européen (débat ouvert à la presse) Le Président Pierre Lequiller a remercié MM. Elmar Brok, Enrique Baròn Crespo et Andrew Duff, représentants du Parlement européen au sein de la Conférence intergouvernementale (CIG), ainsi que M. Jacques Toubon, député du Parlement européen, de venir débattre des travaux de cette Conférence sur le Traité modificatif, en soulignant le vif intérêt porté par la Délégation pour l’Union européenne aux négociations en cours afin de doter l’Europe d’un cadre institutionnel adapté à ses nouvelles dimensions et ses nouveaux défis. Il a indiqué que leur audition serait suivie de celle de MM. Alain Lamassoure et Adrian Severin, rapporteurs du Parlement européen sur la répartition des sièges au Parlement européen après les élections européennes de 2009. Il s’est félicité de l’épanouissement des relations entre le Parlement français et le Parlement européen, dont témoignent ces auditions qui font suites à de nombreux échanges interparlementaires intensément développés durant la XIIe législature. L’implication renforcée des parlements nationaux et européen dans les débats communautaires, d’ailleurs fortement encouragée par le projet de Traité modificatif qui étend considérablement les prérogatives parlementaires, tant du point de vue européen (avec l’élargissement de la procédure de codécision) que du point de vue des parlements nationaux (avec, notamment, la mise en place de mécanismes efficaces d’alerte de subsidiarité), est un nouveau gage de démocratie susceptible de rapprocher les peuples de l’Europe. A cet égard, il n’est pas indifférent de constater que l’Assemblée nationale est la première à recevoir les représentants du Parlement européen à la CIG. Cette audition devrait 142 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures Bulletin n° 2 permettre aux membres de la Délégation pour l’Union européen de prendre la mesure de l’avancée des travaux de la CIG, d’identifier les difficultés éventuelles et d’apprécier les chances de conclusion d’un accord sur le nouveau traité lors du prochain Conseil européen du 18 octobre. M. Elmar Brok, député du Parlement européen, s’est à son tour déclaré très favorable à la coopération entre les parlements nationaux et le Parlement européen qui avait notamment fait preuve de sa qualité et de son efficacité lors des travaux de la Convention européenne chargée de rédiger une Constitution pour l’Europe. Soucieux d’informer de manière aussi précise que possible les parlementaires français, il a décrit les divers enjeux qui structurent les négociations sur le Traité modificatif au sein de la CIG. L’une des questions les plus difficiles est celle de la pondération des voix au sein du Conseil de l’Union européenne. Or, il apparaît que le Conseil européen de juin dernier a fixé un mandat extrêmement détaillé et clair : le principe de double majorité (55 % des Etats représentant 65 % de la population) doit devenir la norme intangible et définitive s’agissant des votes à la majorité qualifiée, au terme de la période transitoire de 2014-2017 durant laquelle un Etat membre peut demander qu’il soit fait recours aux pondérations fixées dans le traité de Nice. La seule question encore ouverte concerne la possibilité accordée à un nombre d’Etats membres significativement inférieur au seuil de minorité qualifiée (moins de 75 % des seuils de population et d’Etats jusqu’en 2017 puis moins de 55 % après cette date) de suspendre le vote sur un projet de décision et de débattre de cette question afin de parvenir à une solution dans un délai « raisonnable » (dit « compromis de Ioannina »). Il apparaît notamment que les Polonais ont une conception peu raisonnable de ce délai « raisonnable » qui, selon M. Elmar Brok, ne saurait dépasser un semestre, sauf à accorder dans les faits un droit de veto à presque chaque Etat membre et à vider le concept de majorité qualifiée de sa substance. S’il est vrai que cette question ne ressortit pas à proprement parler du traité lui-même, elle peut être utilement précisée dans les déclarations annexées ou, à tout le moins, faire l’objet d’un consensus préalable parmi l’ensemble des Etats membres. A cet égard, la coïncidence des élections parlementaires polonaises avec le Conseil européen d’octobre fait incontestablement peser un risque sur la conclusion rapide d’un accord sur le traité. Bulletin n°2 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures 143 Une autre question importante concerne la mise en place d’un « Parquet européen » dont le projet de traité, reprenant les dispositions afférentes du traité établissant une Constitution pour l’Europe, prévoit qu’il peut être institué par le Conseil statuant à l’unanimité. Il semble à ce jour que le nombre d’Etats partisans de cette création n’a pas encore atteint le seuil critique pour permettre d’emporter la conviction des plus réticents ou de mettre en œuvre une coopération renforcée facilitée par le traité en la matière. La politique étrangère et de sécurité commune (PESC) concentre, comme de coutume, les divergences les plus tranchées, entre les deux pôles que constituent la France, qui plaide, à raison selon M. Elmar Brok, pour la naissance d’une Europe forte apte à parler d’une seule voix et capable d’équilibrer le dialogue transatlantique, enjeu décisif aujourd’hui comme le montrent les développements de la crise iranienne, et le Royaume-Uni, plus soucieux de conserver sa proximité stratégique avec les Etats-Unis et favorable au maintien d’une coopération, principalement si ce n’est exclusivement, intergouvernementale. Dans ce contexte, le statut et les moyens concrets du Haut représentant pour la PESC revêtent une importance considérable. En particulier, il apparaît décisif qu’il soit responsable devant le Parlement européen dans les mêmes conditions que ses autres collègues de la Commission, sauf à retirer toute utilité à sa « double casquette » de membre de la Commission et de mandataire du Conseil pour la PESC, d’ailleurs définie à l’initiative, bienvenue, de la France. Une dernière difficulté est liée à la décision du Conseil européen de juin dernier de dissocier, dans le mandat de la CIG, l’élaboration des règles relatives à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions européennes ou les Etats membres dans l’exercice du droit communautaire selon qu’elles relèvent ou non de la PESC. Dans le second cas, la législation serait adoptée en codécision, tandis que dans le premier cas elle ne relèverait que du Conseil, sans que le Parlement ne soit associé et en dehors de tout contrôle par la Cour de justice des Communautés européennes. Cette question, cernée de redoutables aspects concrets (avec notamment les échanges transatlantiques de fichiers), appelle une vigilance toute particulière, y compris de la part des parlements nationaux, sauf à faire le lit des traditionnelles critiques de la bureaucratie toute puissante et sans frein de Bruxelles. 144 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures Bulletin n° 2 M. Enrique Baròn Crespo, député du Parlement européen, a ensuite brièvement décrit les modalités pratiques de participation des parlementaires européens à la CIG. Il a notamment indiqué que les représentants du Parlement européen ont été associés au Conseil informel des Affaires générales (« Gymnisch ») des 7 septembre et 13 octobre, au sein desquels les principaux arbitrages politiques préalables à la réunion du Conseil européen sont réalisés. Cette participation est d’autant plus importante qu’en dépit de son exhaustivité et de sa précision, le mandat donné à la CIG par le Conseil européen de juin dernier laisse inévitablement subsister des « zones d’ombre » qui appellent un règlement politique. C’est en particulier le cas s’agissant du concept de citoyenneté européenne. En contraste avec le traité de Maastricht qui avait réalisé une avancée décisive en intégrant dans le corps des Traités la citoyenneté européenne et en définissant des droits associés (dont la non-discrimination et le droit de vote aux élections locales et européennes), le projet de Traité modificatif n’apporte aucun progrès significatif. En précisant que la citoyenneté de l’Union « complète » la citoyenneté nationale (lorsque le traité établissant une Constitution pour l’Europe disposait qu’elle « s’ajoute », qui faisait disparaître l’idée de subordination), en gommant sa référence au sein des dispositions générales fondatrices de l’Union (lorsque le traité établissant une Constitution pour l’Europe posait le principe de la double légitimité de l’Union en disposant en son article premier que la Constitution est « inspirée par la volonté des citoyens et des Etats d’Europe de bâtir leur avenir commun »), le projet de traité constitue un recul regrettable. Le « ravalement » de la Charte des droits fondamentaux au rang de protocole n° 11 annexé au projet de traité, tandis qu’elle constituait la deuxième partie de la Constitution européenne, est une autre déception importante. L’idée de proclamer solennellement la Charte à l’issue du Conseil européen d’octobre prochain et de la publier en intégralité dans la partie législation du journal officiel de la Communauté européenne fait opportunément son chemin. Cette solution serait bienvenue, bien qu’elle ne compense pas le fait que le nouveau traité sera vidé de la seule partie intelligible à l’ensemble des citoyens de l’Union. De même, les « opt-out » accordés en la matière au Royaume-Uni et, peut-être, à la Pologne sont très regrettables en ce qu’ils privent les citoyens de ces Etats de la possibilité d’invoquer Bulletin n°2 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures 145 auprès de leurs tribunaux les droits fondamentaux qui constituent le socle la citoyenneté européenne et dont beaucoup apportent des progrès humains et sociaux significatifs. De manière plus générale, M. Enrique Baròn Crespo s’est indigné du fait que le projet de traité ménage de nombreuses possibilités d’opt-out au profit d’Etats réticents à continuer dans la marche vers l’intégration européenne sans prévoir de solides possibilités d’opt-in pour ces mêmes Etats lorsqu’ils désirent, à l’inverse, rejoindre en marche le train de l’Europe. Il a ainsi rappelé que le Royaume-Uni avait lui-même su adhérer en 1997 à la Charte sociale européenne après s’en être expressément exclu lors de son adoption dans le traité de Maastricht en 1992. D’une manière générale, l’Europe « à la carte » devient un danger pressant contre lequel il serait utile de prévoir des procédures compensatrices. L’euro-scepticisme peut évoluer, à l’image des traditions les plus solides, ce dont témoignent notamment les réflexions actuelles de Londres sur l’opportunité de doter le Royaume-Uni d’une Constitution écrite ou de définir une citoyenneté britannique. En ce moment, les travaux des experts sont suspendus car il existe des difficultés d’interprétation et de compréhension de la manière dont cette question doit s’appliquer au domaine de la justice et des affaires intérieures. Les experts britanniques ont une conception restrictive de cette application, en recul même par rapport au traité de Maastricht. Ceci peut poser des problèmes pour le fonctionnement du Parlement européen, ainsi qu’au sein des Etats membres, comme en témoigne l’arrêt de 1993 de la Cour constitutionnelle allemande relatif au traité de Maastricht, qui affirme le principe de la proportionnalité du contrôle démocratique par rapport aux transferts de souveraineté. Des problèmes risquent de se poser également en Espagne. M. Enrique Baròn Crespo a indiqué que ses collègues et luimême souhaitaient un traité mais pas à tout prix. Il a ensuite abordé la question du calendrier, qui est très restreint et ne laisse pas de marge si l’on souhaite une entrée en vigueur au 1er janvier 2009 ou même avant les élections du printemps 2009 au Parlement européen. La déclaration du président de la République, dans laquelle il exprimait le souhait que la France soit la première à ratifier le traité, est très positive. Il serait en effet souhaitable que les deux pays qui ont rejeté le Traité constitutionnel, la France et les Pays-Bas, ouvrent le 146 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures Bulletin n° 2 processus de ratification puis qu’il soit poursuivi par les trois Etats membres qui n’ont rien fait, pour bien montrer que l’Union européenne doit reposer sur la loyauté réciproque et la solidarité. M. Andrew Duff, député du Parlement européen, après avoir remercié le Président Lequiller pour son invitation, a douté de la conclusion d’un accord politique sur le traité le 18 octobre prochain, en raison de la persistance de problèmes politiques profonds. Mais un accord le 20 octobre à 5 heures du matin, comme c’est souvent le cas lors des Conseils européens, ne serait pas improbable. Il a ensuite abordé la question de la situation du Royaume-Uni dans le domaine de la justice et des affaires intérieures (JAI). Il est très difficile pour le Royaume-Uni d’accepter la fin des trois piliers. Ce pays essaie de se dégager des obligations du deuxième pilier sur la PESC et il accepte difficilement la suppression du troisième pilier sur la JAI (concernant la coopération policière et judiciaire en matière pénale) et son intégration au premier pilier. Les Britanniques ont obtenu de la présidence allemande des « opt-in » et « opt-out » pour tout le domaine de la justice et des affaires intérieures, ce qui représente une extension de ces possibilités par rapport à la situation actuelle où elles ne peuvent jouer que pour certains aspects. On peut craindre que le Royaume-Uni ne commence par négocier des opt-in pour finir par négocier des opt-out. Il conviendrait d’interroger les autorités britanniques sur leurs intentions exactes afin de sortir de cette démarche au coup par coup. La CIG n’est pas en train de rédiger un code de bonne conduite pour la prochaine saison politique mais un traité destiné à durer au-delà des changements de gouvernement. Si l’actuel ministre des affaires étrangères, M. David Miliband, est sans doute un Européen convaincu comme il le dit, il doit penser à son successeur qui sera peut-être un conservateur. Il faut donc veiller à ce que les instruments dont disposent les Britanniques soient définis de manière scrupuleuse pour être bien utilisés dans l’avenir. La transposition de l’acquis du troisième pilier dans le premier pose également problème dans la mesure où les instruments et disciplines visés devront permettre à la jurisprudence de la Cour de justice de s’appliquer. Enfin, il conviendra de commencer à exploiter les dispositions relatives aux coopérations renforcées. Une première Bulletin n°2 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures 147 application pourrait concerner la création du poste de procureur public européen. Ses compétences sont limitées à la protection des intérêts financiers de l’Union européenne, alors que, face aux menaces croissantes à la sécurité intérieure et extérieure, il serait nécessaire de les étendre, par exemple à la lutte contre le crime organisé. Or, les dispositions prévues ne permettent pas de recourir au mécanisme des coopérations renforcées pour une telle extension de compétences. M. Pierre Moscovici a exprimé son plaisir de retrouver ses anciens collègues du Parlement européen et leur a adressé ses encouragements. Il a estimé que l’on était loin de la ratification et qu’il était prématuré d’envisager la fin. Le projet a cependant le mérite d’exister et met un terme à la traversée d’un « no man’s land » par l’Europe depuis deux ans. Il serait audacieux de parler de Traité simplifié, à en juger par le nombre de notes de bas de page figurant dans le mandat du Conseil européen. On ne peut pas non plus parler de traité réformateur, mais plutôt d’un Traité modificatif qui reprend beaucoup d’éléments du Traité constitutionnel mais en exclut d’autres. Le projet se caractérise aussi par de nombreux « opt-out », délais et manques. M. Pierre Moscovici s’est déclaré en faveur d’une Europe fédérale et a exprimé sa déception à propos de l’abandon des symboles, ainsi que de la place de la Charte des droits fondamentaux, ramenée au statut d’un protocole n° 11. Puis, il a fait part de sa vigilance, en tant que socialiste, sur les questions économiques et sociales, sur les services publics, ainsi que sur la gouvernance de la zone euro, indépendamment du débat entre la France, l’Eurogroupe et la Banque centrale européenne. Enfin, il a demandé aux observateurs du Parlement européen à la CIG quelle était leur attitude en tant que rapporteurs du Parlement européen sur les sujets du vote à la majorité qualifiée, des « opt-out », du statut de la Charte des droits fondamentaux, du Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et de sa capacité à dialoguer avec la Commission et le Parlement européen. M. Pierre Moscovici a indiqué que lorsqu’il était membre du Parlement européen, il avait voté le rapport de MM. Brok et Baròn Crespo sur la feuille de route pour la poursuite du processus constitutionnel de l’Union, dont le niveau d’exigence était supérieur à celui du Conseil européen. Il est nécessaire que le Parlement européen conserve ce niveau d’exigence et agisse comme un aiguillon. La ratification sera plus rapide si on atteint 148 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures Bulletin n° 2 la meilleure qualité possible et des améliorations sont encore nécessaires. M. Jacques Myard, après avoir rappelé le vote massif de la France et des Pays-Bas, par ailleurs toujours très europhiles, contre la démarche constitutionnelle, a souligné qu’il ne fallait pas essayer de faire rentrer en catimini les dispositions du projet de Traité constitutionnel dans le Traité simplifié, mais qu’il fallait au contraire faire sortir l’Europe de l’intégrisme constitutionnel. La situation impose en effet d’être très pragmatique et de constater que l’Europe est en crise et le sera certainement encore pendant une dizaine d’années. Il y a eu trop de compétences abandonnées à Bruxelles, ce qui a entraîné une inflation des acquis communautaires. L’Europe s’est élargie, il faut qu’elle s’amaigrisse pour guérir de la maladie du système jacobin que nous lui avons transmise. Il a considéré que la mise en œuvre absolument nécessaire du principe de subsidiarité était une lacune de ce Traité simplifié et que la Charte des droits fondamentaux ne servait à rien. En effet tous les Etats de l’Union sont membres de la Convention européenne des droits de l’homme et la Charte des droits fondamentaux contient des dispositions contraires à celle-ci. Il a estimé que cette concurrence présentait des risques sérieux d’opposition jurisprudentielle et qu’elle traduisait en réalité une rivalité entre la Cour de justice des Communautés européennes et la Cour européenne des droits de l’homme. Il faut que l’Union européenne adhère à la Convention européenne des droits de l’homme pour y mettre fin. Il a enfin jugé, au nom du réalisme, que la politique étrangère à 27 n’existera jamais et qu’il est inutile de créer un service diplomatique pour régler uniquement des questions de protocole. L’Europe est en train de rater la remise à plat de la coopération européenne en créant des institutions irréalistes. Face à la mondialisation, il est nécessaire de s’en tenir à l’essentiel, la subsidiarité et le réalisme. Le Président Pierre Lequiller, après avoir rappelé qu’il appartenait à la même formation politique que M. Jacques Myard avec qui il a souvent travaillé, s’est déclaré très heureux de la relance de l’Europe à partir du Traité simplifié proposé par le Président Nicolas Sarkozy. Il s’est félicité de la procédure en cours car ce Traité simplifié Bulletin n°2 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures 149 est certes différent du projet de Traité constitutionnel sur de nombreux points, mais il préserve l’essentiel. Il s’est ensuite interrogé sur les conséquences des élections polonaises en craignant qu’elles ne compliquent les négociations actuelles. Abordant la question de l’opting-out sur la Charte, il a souhaité savoir si la Pologne demandait à bénéficier du même régime dérogatoire que le Royaume-Uni. Concernant le contrôle de la subsidiarité, il a souligné le renforcement des pouvoirs des parlements nationaux par rapport aux dispositions du Traité constitutionnel. Il s’est enfin interrogé sur la position du Royaume-Uni dans le domaine essentiel de la justice et des affaires intérieures qui concerne notamment les problèmes de l’immigration ainsi que la citoyenneté européenne. Ce pays veut en effet participer pleinement à la négociation sur le fond tout en demandant à être exonéré des obligations qui en découleraient. M. Elmar Brok a considéré qu’il n’y aurait pas de retard du fait des élections polonaises car le Président ne change pas et le futur gouvernement de ce pays ne sera de toute façon pas en place avant le mois de décembre prochain. La question européenne ne jouera pas de rôle dans ces élections. La Charte des droits fondamentaux ne concerne que le législateur européen et ne crée aucune compétence nouvelle. En particulier le droit de la famille ressortira toujours à la compétence du législateur national. Les retards actuels sont plus le fait des juristes que de la campagne électorale polonaise plutôt dominée par le sentiment anti-allemand. Le Président Kasczynski a d’ailleurs déclaré en public que le compromis était acceptable et la Pologne satisfaite. M. Elmar Brok a reconnu que se posait toujours la question du déficit démocratique et qu’un peu de transparence avait été perdue avec le Traité simplifié, encore plus difficile à comprendre que le Traité constitutionnel. En revanche, du point de vue de la subsidiarité, le rôle des parlements nationaux sera, au début du processus législatif, très renforcé dans la mesure où ils pourront saisir la Cour de justice des communautés européennes s’ils estiment ce principe non satisfait. Ce texte, meilleur, permettra de mieux contrôler la bureaucratie. Il faut se 150 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures Bulletin n° 2 concentrer sur les compétences européennes et non sur des détails qui ne relèvent pas du droit primaire mais de simples aptitudes. M. Enrique Baròn Crespo a tout d’abord salué la volonté du Président de la République d’essayer de simplifier des situations complexes et s’est félicité du retour de la France au centre de l’Europe. Ce Traité simplifié doit être réformateur et les questions encore non résolues doivent être abordées sans se laisser aller à des critiques excessives, notamment à l’égard du président de la Banque centrale européenne et du Haut représentant pour la PESC. En revanche, on ne parle jamais des ministres de l’économie alors que le débat est ouvert depuis Maastricht et n’a pas été résolu à la Convention. En matière économique et sociale, ce Traité simplifié est un cadre, pas un programme politique et il faut chercher l’accord le plus large possible sans se laisser entraîner dans des débats partisans. En réponse à M. Jacques Myard, il a insisté sur le fait qu’il faut se respecter mutuellement et ne pas oublier que si deux pays ont repoussé le Traité constitutionnel, dix-huit autres l’ont approuvé, représentant les deux tiers des pays de l’Union et la majorité des populations. Il ne faut pas non plus déconsidérer les valeurs car la Charte ajoute des dispositions très importantes qui ne se trouvent pas dans le traité. Concernant la Pologne, les frères Kasczynski honoreront leur parole mais il est important de ne pas faire l’Europe à la carte car le système d’opt-out constitue une discontinuité dans le traité comme l’est l’absence du Royaume-Uni de l’Europe financière du fait de sa non-adoption de l’euro. Il a estimé en conclusion que le moment était venu de dire qu’il était inacceptable de légiférer et de sortir ensuite du système. M. Andrew Duff a fait observer que, dans leur plaidoyer en faveur du Traité modificatif, ni lui, ni M. Elmar Brok, ni M. Enrique Baron Crespo, ne l’ont présenté comme un résultat parfait pour régler le problème constitutionnel. Mais le Traité modificatif constitue un pas en avant dans la mesure où il renforce la capacité d’agir de l’Union européenne et consolide l’Etat de droit et la démocratie. En ce sens, il apporte des améliorations au projet de Traité constitutionnel de 2004. De même , en incluant la lutte contre les changements climatiques, la politique commune de l’énergie avec notamment les problèmes Bulletin n°2 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures 151 d’approvisionnement, les critères de Copenhague ainsi que la politique relative aux futurs élargissements, et en renforçant la procédure de déficit excessif, le Traité modificatif affermit l’Union européenne. Il est vrai qu’il ne va sans doute pas aussi loin que les représentants du Parlement européen ainsi que M. Pierre Moscovici l’auraient souhaité, notamment dans les domaines de la gouvernance politique et sociale. En tant que libéral, M. Andrew Duff aurait par exemple souhaité que soit précisée la dimension sociale du marché européen. Quoi qu’il en soit, les progrès sont indéniables. Relevant les critiques à l’encontre de la Charte des droits fondamentaux, il a rappelé que son but est de protéger les citoyens contre les abus des grandes puissances centralisées et qu’elle représente donc une avancée pour la citoyenneté et les droits de l’homme. Il s’est étonné que de telles critiques, si elles peuvent s’expliquer au Royaume-Uni où ces droits sont considérés comme des « droits exportés » en provenance de Bruxelles, puissent être formulées au Parlement français alors que la Charte devrait y être saluée avec force et fierté. Répondant plus particulièrement à M. Pierre Moscovici, il a précisé qu’il leur avait été demandé de transformer le mandat et d’élaborer un traité en bonne et due forme. Même s’ils sont conscients des problèmes rencontrés tant techniques que politiques, ils vont, tout compte fait, plaider en faveur d’un « package deal » dans la mesure où les améliorations pour l’Union européenne, le Parlement européen, les parlements nationaux et la démocratie parlementaire sont considérables. S’agissant de la Pologne, beaucoup de travail reste à accomplir. La Présidence allemande avait engagé des discussions avec les deux principaux candidats à l’élection présidentielle française et la même procédure pourrait être suivie avec la majorité et l’opposition en Pologne. Afin d’encourager une telle approche bipartisane, les députés français pourraient faire valoir leurs liens politiques avec les élus polonais. Le Président Pierre Lequiller a indiqué qu’un déplacement en Pologne avait dû être annulé en raison des élections, mais qu’il aurait lieu après. M. Régis Juanico a souligné combien les citoyens français sont sensibles à la question des services publics. Ce matin même, la Délégation pour l’Union européenne a traité de la libéralisation du 152 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures Bulletin n° 2 service postal. Il s’est réjoui de l’abandon de la notion de concurrence libre et non faussée comme objectif de l’Union et a souhaité que des précisions soient apportées sur le contenu et la portée exacts du protocole sur les services d’intérêt général afin de pouvoir l’expliquer à l’opinion publique. Approuvant les remarques sur les dangers d’une Europe à la carte qui ne serait bâtie que sur les convenances de quelques Etats, il a fait part, en revanche, de son désaccord avec les propos de M. Jacques Myard sur la portée de la Charte des droits fondamentaux qui constitue un vrai progrès pour tous les citoyens européens. M. Guy Geoffroy a d’abord tenu à saluer les parlementaires européens pour leur volonté unanime et profonde et leur détermination de faire aboutir le traité. En effet, si le mandat de la Conférence intergouvernementale est clair, la mission qui lui a été confiée est délicate. Le traité est certes indispensable pour relancer la machine européenne. Il faut cependant garder à l’esprit que la très grande majorité des acteurs de l’aventure européenne veulent que ce Traité simplifié ou réformateur soit en tous points un progrès et n’entraîne pas des régressions, sous prétexte qu’il représente – globalement – un progrès par rapport à l’état de crise actuel. La détermination des trois représentants doit être soutenue afin que, par un jeu de contreparties à l’octroi de nouveaux droits liés par exemple à la subsidiarité, on ne soit conduit à accepter des reculs par rapport aux traités existants. Il s’est ensuite inquiété des propos de M. Andrew Duff sur la dynamique de la création d’un Procureur européen, après avoir examiné cette question sous la précédente législature en tant que rapporteur de la Commission des lois sur une proposition de résolution de la Délégation pour l’Union européenne. Il y a cinq ans, la Commission européenne avait posé la question de la création d’un parquet européen qui pourrait engager des poursuites exclusivement pour protéger les intérêts financiers européens. L’ambition était trop limitée par rapport à l’importance de la criminalité transfrontalière. L’Assemblée nationale avait adopté une résolution qui proposait la création, à terme, d’un Procureur européen chargé non seulement de la protection des intérêts financiers européens mais aussi pourvu de la capacité d’engager et de coordonner des poursuites contre tous les agissements de criminalité transnationale. M. Guy Geoffroy a regretté que le traité en revienne à la proposition initiale de la Commission européenne et a interrogé les trois représentants sur la possibilité, dans le cadre de la négociation actuelle, Bulletin n°2 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures 153 de renforcer la proposition de création d’un Procureur européen, afin de ne pas trop s’éloigner de l’idée, esquissée alors par la France et l’Allemagne, de créer un véritable parquet européen à partir de la mise en place d’Eurojust. M. Daniel Garrigue a constaté que d’une façon générale, ce Traité simplifié est particulièrement bien accueilli et mieux compris que ne l’a été le Traité constitutionnel, parce qu’il s’est centré sur l’aspect institutionnel. Il traduit la volonté d’améliorer le processus de décision au sein de l’Union même si le passage à la double majorité est reporté à une date préoccupante. Le Traité simplifié donne aussi une plus grande continuité à l’action de l’Union à travers la présidence du Conseil européen. Il a également le mérite de clarifier les relations entre l’Union et les Etats, notamment dans le contrôle de la subsidiarité qui paraît bien supérieur à celui prévu dans le Traité constitutionnel. Il s’est cependant interrogé sur le bien-fondé du maintien d’un système compliqué d’opting-in et opting-out alors qu’il existe dans le traité un autre instrument, les coopérations renforcées, qui a montré son efficacité tant pour l’Euro que pour Schengen et limite les inconvénients des engagements à géométrie variable. M. Enrique Baròn Crespo a souligné que l’attachement aux services publics n’est pas un monopole français et qu’il est partagé par tous les maires des communes européennes. Le protocole sur les services d’intérêt général est un pas en avant important. Au-delà de ce protocole, il existe une réalité qui s’est traduite dans la directive « services » réécrite par le Parlement européen après un débat politique révélateur des visions différentes des conservateurs et des partis de gauche. Concernant la concurrence libre et non faussée, il a rappelé la condamnation, la semaine dernière, de Microsoft par la Cour de justice européenne et considéré que la concurrence n’était pas de droite, contrairement aux privilèges de la naissance et du pouvoir. La concurrence est ce que l’Union européenne est en train de mettre en place pour contrer Microsoft et le capitalisme mandarin chinois. C’est la même démarche qui a conduit les Etats-Unis à créer les lois anti-trust et la République fédérale d’Allemagne, après la guerre, à instituer la libre concurrence car elle avait l’expérience des Konzern représentant un pouvoir économique non contrôlé. La concurrence est un élément 154 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures Bulletin n° 2 essentiel de la construction européenne et il est étonnant qu’en France, être contre la concurrence soit jugé comme plus progressiste. En tant qu’homme de gauche, il se prononce clairement pour la concurrence sans laquelle par exemple, les élections ne seraient pas possibles. A M. Jacques Myard soulignant la nécessité de lier concurrence et politique industrielle, il a rappelé que la France avait dépensé beaucoup pour l’industrie de l’acier finalement rachetée par les Indiens et qu’en Espagne où il n’existe pas de monopole de la poste, ce service fonctionne parfaitement et est rentable. L’existence de services publics est une chose , leur gestion par une entreprise nationalisée en est une autre. M. Andrew Duff a indiqué qu’il était toujours surpris de constater que les Français, membres de la Communauté européenne depuis sa création, n’en finissaient pas de découvrir le rôle de la concurrence dans l’intégration européenne. Le protocole sur les services d’intérêt général devrait permettre de préciser les compétences de l’Union, tout en sachant que la Commission assure d’ores et déjà que la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes ne sera pas modifiée. L’Union aura tout intérêt à développer sérieusement les coopérations renforcées, face à la prolifération des exceptions de tous types (opting-out ou opting-in) prévues par le projet de Traité modificatif. Ces coopérations renforcées permettront à certains Etats d’aller plus vite et plus loin et d’influer sur la décision grâce à la majorité qualifiée applicable une fois le groupe rejoint. La question du parquet européen est très sensible. Il est essentiel de renforcer la collaboration des parquets nationaux au travers du réseau Eurojust, mais aussi, parallèlement, d’accroître les compétences du futur Procureur européen. On ne peut se contenter de limiter ses compétences à la préservation des intérêts financiers de l’Union à une époque où la criminalité transfrontalière se développe. Dans ce domaine, une coopération renforcée apparaît comme la seule voie envisageable compte tenu du refus du Royaume-Uni d’approuver une telle évolution. Pour ne pas hypothéquer l’avenir, le Traité modificatif doit être aussi souple que possible sur ce point. M. Elmar Brok a souligné que la libéralisation des services d’intérêt général ne visait pas à détruire la cohérence des marchés Bulletin n°2 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures 155 nationaux. Pour tenir compte de l’intérêt des usagers et des différences culturelles, il convient de conjuguer l’intérêt général et la cohérence du marché intérieur. Le développement des coopérations renforcées doit être envisagé avec prudence. Il faut d’abord faire en sorte que l’Union fonctionne à 27. Il n’est pas souhaitable que des questions importantes soient traitées « à la carte ». Il est certain qu’après l’adoption du Traité modificatif, un grand débat devra être organisé, peut-être à l’occasion des prochaines élections européennes, sur les frontières et les objectifs de l’Union européenne. M. Jacques Toubon, député du Parlement européen, a souhaité préciser que le Parlement européen venait d’adopter en juillet 2007 un rapport d’initiative sur le réexamen du marché unique. Ce rapport demande à la Commission européenne de prendre des initiatives sur les services d’intérêt général et sur les services d’intérêt économique général. Il serait souhaitable que la Délégation travaille sur la future communication de la Commission sur la stratégie du marché intérieur. Le Président Pierre Lequiller a remercié les trois représentants du Parlement européen à la Conférence intergouvernementale pour leurs réponses, qui ont clairement illustré que les clivages au niveau national ne se retrouvent pas à l’identique au niveau européen. C’est une fierté pour la Délégation d’avoir été la première instance nationale à recueillir les réactions des représentants du Parlement européen. C’est également un honneur de recevoir MM. Alain Lamassoure et Adrian Severin, pour la présentation de leur rapport au Parlement européen sur la modification des dispositions du traité concernant la composition du Parlement européen après les élections européennes de 2009. Ils vont ainsi pouvoir expliquer l’alchimie qui leur a permis de faire une proposition tenant compte des trois contraintes suivantes : un plafond de 750 députés, un maximum de 96 et un minimum de 6 pour chaque Etat. 156 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures z Répartition Bulletin n° 2 des sièges au Parlement européen Audition, ouverte à la presse, de MM. Alain Lamassoure et Adrian Severin, rapporteurs du Parlement européen sur la répartition des sièges au Parlement européen après les élections européennes de 2009 M. Adrian Severin a rappelé que la mission confiée aux deux rapporteurs du Parlement européen implique de relever trois défis. Le premier est d’identifier, puis de rendre explicites et opérationnels, des principes guidant la répartition des sièges au Parlement qui soient tout à la fois justes, objectifs, explicites et durables, afin de parvenir à une représentation parlementaire légitime et démocratique. L’article I-20 du traité établissant une Constitution pour l’Europe a défini le principe de « proportionnalité dégressive », qui devrait être repris en l’état dans le Traité modificatif (projet d’article 9 A du traité sur l’Union européenne tel que modifié par le projet de Traité modificatif examiné par la Conférence intergouvernementale). Cependant, l’essentiel, et la difficulté principale, résident dans la définition politique concrète de ce principe qui prête à diverses interprétations. Un deuxième défi est de bâtir un consensus aussi large et durable que possible autour de règles claires présidant à la composition du Parlement. Deux conférences intergouvernementales ont antérieurement échoué dans cette tâche. La présente audition devant les parlementaires français, qui fait suite à une démarche comparable auprès du Parlement néerlandais la semaine dernière, s’inscrit clairement dans cet effort de pédagogie et de persuasion qui seul peut permettre d’atteindre un consensus solide. Un troisième défi, qui n’est pas le moindre, est de ne pas « polluer » les débats relatifs à l’élaboration et à la conclusion du Traité modificatif par la question indépendante de la répartition des sièges au Parlement. Il faut en effet rappeler que, pour la première fois, le Traité modificatif, comme le traité établissant une Constitution pour l’Europe, ne comporteront pas la définition précise du nombre de députés européens par Etat. Seul un plafond de sièges sera fixé, la répartition détaillée relevant d’une décision du Conseil européen, adoptée à Bulletin n°2 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures 157 l’unanimité, sur initiative du Parlement européen et avec son approbation. Compte tenu de l’exigence, figurant dans le protocole n° 10 sur les dispositions transitoires annexé au projet de Traité modificatif, que cette décision soit adoptée « en temps utile avant les élections parlementaires européennes de 2009 », la question de la répartition des sièges est posée en même temps que celle du Traité institutionnel. Mais il demeure essentiel que, dans les faits, elle ne fasse pas émerger une difficulté de plus dans la négociation du traité, ce qui implique de faire preuve d’une certaine flexibilité. M. Adrian Severin a ensuite décrit le faisceau de contraintes qui limitent les modalités concrètes de résolution de la question de la répartition des sièges. En premier lieu, le projet de Traité modificatif, reprenant en l’espèce la disposition afférente du traité établissant une Constitution pour l’Europe, limite le nombre de députés européens à 750. C’est un progrès en soi : le traité de Nice a fixé le plafond des sièges à 736 à compter de 2009. Il est vrai que les parlementaires européens sont aujourd’hui 785, conformément à l’article 189 du traité instituant la Communauté européenne dans sa rédaction issue du traité de Nice et de l’article 3 de l’Acte d’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie. Mais ce nombre ne s’applique que durant la courte période entre l’adhésion des deux nouveaux Etats membres et l’élection du nouveau Parlement en 2009. L’état actuel du droit européen impose en tout état de cause une réduction du nombre de députés, d’ailleurs atténuée par le projet de Traité modificatif. De toute évidence, si la réduction du nombre de députés devrait être appréciée par une opinion publique souvent prompte à dénoncer la dérive bureaucratique et pléthorique des institutions européennes, elle ne peut qu’affecter la représentation de chaque Etat membre en nombre absolu de députés. A cet égard, les raisonnements traditionnels en terme de gains et pertes nets (tel Etat qui s’offusque de voir le nombre de ses représentants diminuer de tel nombre lorsque tel autre se satisfait d’un accroissement de son effectif brut) n’ont guère de sens puisque, dans l’ensemble, c’est le nombre total de députés qui doit être ramené de 785 à 750. Les gains ou pertes ne peuvent dans ce contexte être relatifs, et ne prennent de sens que lorsqu’ils sont 158 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures Bulletin n° 2 rapprochés des contingents nationaux définis pour 2009 par le traité de Nice. Une deuxième contrainte trouve sa source dans les ambiguïtés du concept de proportionnalité dégressive. Si la proportionnalité peut être efficacement dégagée d’une formule mathématique, tel n’est pas le cas pour la dégressivité, par définition subjective. Le travail des rapporteurs est donc de déterminer l’ampleur pertinente de cette dégressivité, qui implique de répondre à des questions par essence politiques. Une troisième contrainte tient à l’essence du parlementarisme européen. Le Parlement doit en effet, à la fois, représenter les citoyens européens (ce qui milite pour une représentation proportionnelle à la population) mais aussi les communautés nationales (ce qui implique notamment de tenir compte des différentes sensibilités politiques présentes dans le débat politique interne à chaque Etat membre). La frontière entre les deux exigences est complexe et mouvante, et impose des arbitrages difficiles. En dépit de ces contraintes fortes, il importe de relever qu’il n’existe qu’une seule alternative à l’adoption d’une répartition nouvelle et équilibrée : le retour aux dispositions prévues par le traité de Nice, dont on a vu qu’elles imposent une réduction du nombre de parlementaires européens plus forte encore que celle proposée dans le projet de Traité modificatif, et que chacun s’accorde à trouver insatisfaisantes. Dans ce contexte, le vrai risque est de bloquer les négociations de la conférence intergouvernementale voire d’obérer l’accord du Conseil européen d’octobre prochain sur le traité, en raison de divergences nationales sur la répartition des sièges dont il faut pourtant rappeler qu’elle relève d’une procédure totalement autonome. Cinq Etats membres, l’Allemagne, la Finlande, l’Irlande, l’Italie et la Pologne ont d’ores et déjà formulé des réserves sur la répartition proposée par le rapport. Cela ne doit pas dissimuler l’urgence de parvenir à un consensus aussi large que possible pour régler, une fois pour toutes, cette question récurrente. Un large vote d’adhésion du Parlement européen autour de la proposition des rapporteurs, même amendée, serait un gage de succès sans doute décisif. A cet égard, M. Adrian Severin a jugé utile de répondre aux principales objections soulevées par ses propositions. En particulier, le Bulletin n°2 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures 159 désir italien de proportionner dégressivement les sièges en fonction du nombre de ressortissants des Etats membres et non de leurs citoyens ne peut emporter l’adhésion, dans le mesure où le Parlement a précisément pour objet de représenter les citoyens européens. Par ailleurs, le souhait de l’Italie de fixer une représentation égale des grands pays se heurte au principe de proportionnalité dégressive qui a pour conséquence de casser des groupes artificiels. M. Alain Lamassoure a indiqué que l’article 9 A du projet de traité prévoyait une modification de la manière dont les différents Etats membres sont représentés au Parlement européen. La Convention sur l’avenir de l’Europe avait débattu de cette question et fait des propositions qui figuraient dans le Traité constitutionnel et sont reprises dans le projet de Traité modificatif. La solution retenue est très originale et différente des systèmes fédéraux, dans lesquels une chambre représente les citoyens, avec un suffrage par citoyen, et une chambre représente les Etats, soit de manière égale, soit en prenant en compte dans une certaine mesure les différences de population. Dans le projet de traité, le mécanisme de la double majorité au Conseil sera un mélange des deux systèmes, les décisions devant être approuvées par plus de la moitié des Etats membres et plus de deux tiers de la population. Il s’agit d’une concession faite par les Etats peu peuplés, qui en contrepartie continuent à être surreprésentés au Parlement européen. Le projet d’article 9 A fixe un plafond global de 750 députés, avec un maximum de 96 par Etat et un minimum de 6, ce qui fait varier la représentation des Etats de un à seize, alors que l’éventail des populations varie de un à deux cents (Malte compte 400 000 habitants et l’Allemagne 82 millions). Le traité apporte un élément novateur en prévoyant que la représentation des citoyens doit être assurée selon un système de proportionnalité dégressive. La question est de savoir comment on interprète cette proportionnalité dégressive car elle ne repose pas sur une formule mathématique précise. M. Alain Lamassoure a expliqué que la proposition qu’il avait élaborée avec M. Adrian Severin reposait sur l’idée que l’on avait intérêt à utiliser toutes les marges de manœuvre du futur traité, et donc qu’il fallait passer de 785 membres actuellement (avec 99 Allemands et 5 Maltais) à 750 membres (avec 96 Allemands et 6 Maltais). La seconde idée est qu’il fallait éviter pour des raisons politiques de diminuer le nombre de députés des Etats dont celui-ci avait déjà diminué après 160 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures Bulletin n° 2 l’entrée en vigueur du traité de Nice. Ce fut le cas pour tous les Etats sauf l’Allemagne. Une nouvelle diminution ne serait pas acceptable au Conseil, alors que son unanimité est requise. Le rapport propose une répartition de la réserve de sièges entre 736 et 750 au profit des Etats membres dont le nombre actuel de sièges ne respecte pas la proportionnalité dégressive. Celle-ci est ainsi définie : plus le nombre d’habitants est élevé, plus l’avantage diminue. Elle se mesure au fait que plus un Etat est peuplé, plus le nombre d’habitants représentés par un député européen doit être élevé. Si l’on applique cette définition, il y a actuellement des anomalies. Ainsi, un député espagnol au Parlement européen représente 875 000 habitants, un italien 816 000, un français 873 000, un allemand 832 000. Afin de corriger ces anomalies, le rapport propose 2 sièges supplémentaires pour la France, qui passerait de 72 à 74, un siège au Royaume-Uni, 4 à l’Espagne, un aux Pays-Bas, 2 à la Suède, 2 à l’Autriche, un à la Bulgarie, à la Lettonie et à la Slovénie. Le rapport propose que le siège supplémentaire qui reste soit attribué à la Pologne, ce qui respecte la proportionnalité dégressive et est susceptible de faciliter la négociation dans le contexte politique actuel. Lors des négociations sur le traité de Nice, la Pologne avait demandé le même traitement que l’Espagne, puisque les deux Etats avaient 39 millions d’habitants. Sept ans plus tard, l’Espagne a 4,5 millions d’habitants en plus et la Pologne un million en moins. Il faut en tenir compte. Le principe de la proportionnalité dégressive oblige à changer le mode de raisonnement du traité de Rome, qui, au Parlement européen comme au Conseil, amenait à distinguer des catégories d’Etats, grands, moyens grands, moyens, petits et micro. Ces distinctions sont appelées à disparaître au Conseil avec la double majorité, et au Parlement avec la proportionnalité dégressive. Il convient de tenir compte des évolutions démographiques intervenues depuis le traité de Nice. M. Alain Lamassoure a ensuite souligné que le rapport avait soulevé quelques objections, plus modestes que ce à quoi on pouvait s’attendre. L’Italie a manifesté une certaine tristesse, ce qui est inhabituel. Elle garde 72 députés, tandis que la France en gagne deux et le Royaume-Uni un. La population a un peu augmenté mais le taux de natalité s’effondre et le niveau de l’immigration ne compensera pas ce Bulletin n°2 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures 161 phénomène. De plus, si l’Italie avait un siège de plus, il en faudrait également un pour l’Espagne. L’Irlande connaît un fort dynamisme démographique, alors que sa population déclinait depuis 150 ans du fait de l’émigration. Depuis trois à quatre ans, en raison de sa très forte réussite économique, elle connaît une immigration massive, puisqu’elle compte 600 000 habitants de plus depuis le traité de Nice, ce qui porte sa population à 4,2 millions. Mais elle a déjà 12 députés, et si l’on passait à 13, il faudrait faire de même pour le Danemark qui a un million d’habitants de plus. La Finlande demande que soit prise en compte la situation particulière des îles d’Aland, qui sont suédophones et disposent d’un statut dérogatoire, en bénéficiant d’un siège supplémentaire qui les représenterait. Mais le Parlement européen n’a pas à tenir compte des particularités politiques, en vertu du principe de subsidiarité. En outre, la Finlande est moins peuplée que la Slovaquie et le Danemark et a le même nombre de sièges qu’eux. Enfin, M. Alain Lamassoure a évoqué le débat apparu au sein du groupe PPE en raison du souhait de la CDU-CSU d’instaurer un système dans lequel la proportionnalité intégrale se substituerait – pour 23 des 27 Etats autres que l’Allemagne et les plus petits – au système de proportionnalité dégressive, en retenant le principe de 800 000 habitants par siège de député. Il a considéré qu’une telle proposition ne respectait ni la lettre ni l’esprit de l’article 9 A du projet de Traité modificatif, puisqu’elle aboutirait à accroître le nombre de députés de grands pays – de 12 députés pour la France et de 10 pour l’Espagne –, alors que, à l’inverse, de nombreux petits pays (autres que les tout petits bénéficiant du minimum) enregistreraient – de façon inacceptable – une réduction. M. Alain Lamassoure a estimé qu’avant le 18 octobre 2007, délai imparti par le Conseil, le groupe PPE pourrait convaincre la CDUCSU de renoncer à sa proposition. Dès que cette question aura été réglée et après le vote de la résolution, le 2 octobre au sein de la Commission des affaires constitutionnelles et le 11 octobre 2007 en séance plénière, il conviendra de se donner du temps pour parvenir à un accord sur un système, applicable après 2009, qui, tout en étant facile à expliquer aux citoyens, puisse tenir compte de façon automatique des évolutions 162 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures Bulletin n° 2 démographiques et prévenir les difficultés liées aux élargissements, sans avoir à renégocier à chaque nouvelle adhésion. Le Président Pierre Lequiller s’est interrogé sur la pertinence de la proposition de la CDU-CSU, compte tenu du souci affiché par l’Allemagne de prendre en compte les intérêts des petits pays. M. Jacques Toubon a souligné que la proportionnalité dégressive amoindrissait la représentation des grands pays et a considéré que la proposition de la CDU-CSU de substituer la règle de proportionnalité intégrale à celle de proportionnalité dégressive pourrait avoir pour effet d’interrompre tout accord. M. Jacques Myard a estimé que les difficultés évoquées étaient imputables au fait que l’on s’était départi de la règle consacrée par le traité de Rome, fondée sur la représentation de chaque peuple. Il a déclaré souhaiter que les quatre grands Etats puissent disposer du même nombre de représentants, tout en reconnaissant qu’un tel système ne règlerait pas les difficultés liées à l’évolution démographique que connaissent certains pays – par exemple l’Allemagne – dont la population tend à diminuer. Ce système serait toutefois conforme – selon lui – à l’idée de communauté de nations, et ne s’inscrirait pas dans la perspective d’un Etat fédéral, dont les propositions de la CDU-CSU montrent bien les limites et les difficultés. M. Adrian Severin a précisé qu’une clause de révision devrait permettre de faire face aux difficultés liées à l’évolution de la démographie. Le Président Pierre Lequiller a souhaité connaître l’évolution des sièges en fonction des élargissements futurs et de l’évolution démographique prévisible. M. Jacques Toubon a indiqué que les deux rapporteurs proposaient un système pour 2009, ce qui imposera de rediscuter ultérieurement d’une nouvelle clé tenant compte de l’évolution démographique affectant certains Etats, par exemple les nouveaux Etats membres dont la population diminuerait à cause de l’émigration de leurs citoyens. M. Adrian Severin a rappelé que les principes de calcul retenus étaient influencés par l’évolution démographique et qu’en Bulletin n°2 Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures 163 l’absence d’instrument mathématique, ces calculs reflétaient des décisions politiques. M. Didier Quentin a demandé s’il existait une clause de révision tenant compte de l’évolution démographique afin de prévenir des difficultés comparables à celles que rencontre la France lors de l’établissement des cartes électorales, à la suite de chaque recensement. M. Alain Lamassoure a fait observer qu’en pratique une révision sera nécessaire du fait des nouvelles adhésions, celles de la Croatie et de la Macédoine par exemple. Il a précisé que plusieurs membres de la Commission des affaires constitutionnelles avaient contesté les critères de population tirés des statistiques d’Eurostat, lesquelles prennent en compte le nombre d’habitants vivant dans un Etat et non pas celui des citoyens. Un tel mode de calcul fait apparaître des différences importantes puisque, par exemple, la Grèce compte 8 millions de citoyens résidant à l’étranger et que les Italiens ont accordé la double nationalité aux ressortissants argentins d’origine italienne, au temps du régime militaire. De même, les Britanniques d’origine pakistanaise se voient reconnaître le droit de vote aux élections locales, nationales et européennes. Chaque Etat membre a des règles de citoyenneté différentes et un certain nombre de conventions particulières ont été adoptées. Il en résulte qu’en France on prend en compte la population des départements d’outre-mer mais pas celle des territoires d’outre-mer. Après avoir acquiescé à la remarque du Président Pierre Lequiller qui notait qu’un million et demi de Français de l’étranger ne votaient pas aux élections européennes, il a indiqué que les Français de l’étranger résidant dans un Etat membre étaient comptabilisés dans cet Etat et que les ressortissants de l’Union européenne résidant en France étaient comptabilisés dans la population française. Bulletin n°2 Réunion du mardi 25 septembre 2007 165 Réunion du mardi 25 septembre 2007 à 15 h 30 Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Délégation pour l’Union européenne, et de M. Axel Poniatowski, Président de la Commission des affaires étrangères z Travaux de la Conférence intergouvernementale et prélèvement européen Audition commune, ouverte à la presse, avec la Commission des affaires étrangères de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes, sur les travaux de la Conférence intergouvernementale et le prélèvement européen M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l’Union européenne, a accueilli le ministre en lui faisant part, au cours de cette réunion conjointe dont il s’est félicité, du vif intérêt de la Délégation pour l’Union européenne et de la Commission des affaires étrangères pour les travaux de la Conférence intergouvernementale (CIG) chargée de finaliser le projet de Traité modificatif. Il a rappelé que la semaine dernière, la Délégation avait entendu les représentants du Parlement européen au sein de la CIG, MM. Elmar Brok, Enrique Baròn Crespo et Andrew Duff. Plusieurs membres de la Délégation sont allés ou vont se rendre dans les capitales européennes pour défendre auprès de certains de nos partenaires le Traité modificatif, recueillir leurs opinions et débattre des priorités qu’ils souhaitent voir assigner à l’Union. Le Président, accompagné de MM. Jérôme Lambert et André Schneider, s’est ainsi rendu le 20 septembre à Berlin où il a pu constater les profondes convergences de vues qui structurent les approches françaises et allemandes sur ce sujet. Il a souhaité à cet égard connaître le sentiment du ministre sur les chances de succès de la CIG qu’il tend à évaluer pour sa part avec un optimisme raisonnable, avant de l’interroger sur les perspectives de la Présidence française de l’Union au second semestre 2008 et la préparation, avec la République tchèque et la Suède, du programme conjoint pour 2008-2009 ainsi que sur le prélèvement européen qui sera discuté dans le cadre de la loi de finances pour 2008. 166 Réunion du mardi 25 septembre 2007 à 15 h 30 Bulletin n° 2 M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères, après s’être félicité du développement de la pratique des auditions communes à la Délégation pour l’Union européenne et à la Commission des affaires étrangères, et remercié à son tour le ministre pour sa disponibilité, a souhaité au préalable porter à sa connaissance le contenu d’une lettre qu’il a adressée au ministre des Affaires étrangères à propos du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif aux implantations communes de missions diplomatiques et de postes consulaires. La Commission des affaires étrangères a souhaité attirer l’attention du Gouvernement sur le fait que les implantations communes entre les deux Etats, que l’accord-cadre permettra de réaliser, ne doivent pas conduire, à terme, à faire cohabiter des ambassades ou des missions économiques au sein d’Etats qui ont une importance stratégique pour le commerce extérieur de la France. M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes, a dans un premier temps fait le point sur la Conférence intergouvernementale pour constater que ses travaux se déroulent à un rythme tout à fait satisfaisant, la Présidence portugaise faisant preuve d’une diligence et d’une compétence exceptionnelles permettant d’envisager la soumission du texte au Conseil européen des 18 et 19 octobre prochain. Il importe de relever qu’en dépit de l’ampleur de la rénovation de la mécanique institutionnelle indispensable pour adapter les processus de décision au quasi-doublement des membres de l’Union, ce Traité ne devrait guère différer dans sa forme des traités d’Amsterdam et de Nice, méritant pleinement sa dénomination de « Traité modificatif ». Le premier Conseil informel des affaires générales (« Gymnisch ») du début de mois de septembre n’ayant pas identifié de problèmes exigeant un arbitrage politique et s’étant déroulé dans une atmosphère de bonne volonté commune, les experts juridiques poursuivent sereinement leur examen de façon à lever toute ambiguïté. La qualité des travaux trouve sa source dans la précision et la clarté des arbitrages politiques qui les ont précédés. Ne subsistent que deux principales difficultés. La première tient à la coïncidence du Conseil européen d’octobre avec les élections législatives polonaises. Or chacun sait que la revendication polonaise d’intégrer dans le Traité le « compromis de Bulletin n°2 Réunion du mardi 25 septembre 2007 167 Ioannina », qui ouvre la possibilité à un nombre d’Etats membres inférieur au seuil de minorité qualifiée de suspendre le vote sur un projet de décision et de débattre de cette question afin de parvenir à une solution dans un délai « raisonnable », se heurte jusqu’à présent au refus unanime des 26 autres délégations de revenir sur le mandat arrêté et accepté par les Polonais lors du Conseil européen de juin dernier. Il en va de même pour la question de l’augmentation du nombre des avocats généraux à la Cour de justice de l’Union européenne, qui n’avait jamais été abordée antérieurement et qui ne peut, selon les Traités, être décidée que sur demande de la Cour elle-même. M. Jean-Pierre Jouyet a cependant estimé que la position polonaise devrait évoluer au Conseil européen d’octobre. Une deuxième difficulté, de nature technique, réside dans les modalités concrètes de l’exercice par le Royaume-Uni de son opt-out dans les matières relevant de l’espace de liberté, de sécurité et de justice et de l’élargissement de la compétence de la Cour à l’ensemble de ce qui constitue à ce jour le troisième pilier de l’Union. Une question difficile porte en particulier sur les modalités concrètes selon lesquelles le Royaume-Uni pourrait choisir de participer ou non aux mesures prises dans le cadre du domaine dit de Schengen, l’espace de libre circulation des personnes qui prévoit, outre la suppression des frontières internes, le renforcement des frontières extérieures. Dans quelle mesure les autres Etats membres pourront-ils veiller à la cohérence et à l’efficacité des mesures adoptées si le Royaume-Uni peut librement choisir, à la carte, les contraintes qu’il s’impose et les coopérations auxquelles il adhère ? La position française est de veiller à l’efficacité opérationnelle de l’espace de Schengen, préoccupation à laquelle répondent pleinement les travaux au sein du groupe de travail présidé par M. Jean-Claude Piris, le jurisconsulte du Conseil des ministres. Une période transitoire pourrait également être aménagée avant d’étendre la compétence de la Cour de justice (en particulier s’agissant des recours en manquement pour non-transposition des directives) à l’ensemble des actes existants relevant de l’espace de liberté, de sécurité et de justice qui, dans le cadre des Traités actuels, ne sont pas soumis à ce type de contrôle. Ces questions en suspens, en nombre limité, ne doivent pas masquer la volonté évidente de l’ensemble des Etats membres de parvenir à un accord dès le prochain Conseil européen. Tous sont en effet conscients que l’Europe bénéficie d’une fenêtre d’opportunité qui 168 Réunion du mardi 25 septembre 2007 à 15 h 30 Bulletin n° 2 ne devrait rester ouverte guère longtemps, et l’on voit mal une semblable conjonction d’éléments favorables (bienveillance de l’opinion publique, consensus large et confirmé sur les principaux enjeux) se reproduire à brève échéance. M. Jean-Pierre Jouyet s’est en suite attaché à décrire l’état de préparation de la Présidence française de l’Union au second semestre 2008. Premier rendez-vous privilégié de la France avec l’Europe après le référendum de 2005, cette présidence sera l’occasion de confirmer sa capacité à donner des impulsions décisives au projet européen. Son contexte sera à bien des égards particulier et unique. Tout d’abord, il reviendra à la France de préparer la mise en œuvre concrète des principales innovations institutionnelles du Traité modificatif, qui devrait entrer en vigueur début 2009 : présidence stable du Conseil européen et organisation de ses relations avec le président de la Commission et le Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, mise en place du service européen d’action extérieure, etc. Or ce travail sera concomitant à la poursuite des travaux prospectifs du groupe de sages chargé de réfléchir à « Quelle Europe en 2020-2030 ? » qui doit dégager les ambitions, les valeurs et les relations de l’Europe avec ses voisins et ses grands partenaires, américains, russes et chinois en particulier. Ce chantier de réflexion, dont la conclusion est prévue pour la fin du premier semestre 2009, devrait nourrir un fort débat sur l’identité européenne. Ensuite, la situation de la France en toute fin des mandats du Parlement européen et de la Commission, renouvelés en 2009, implique de procéder aux ultimes arbitrages politiques sur les nombreux travaux législatifs de la présente mandature. L’espace de liberté, de sécurité et de justice, mais aussi l’environnement et le développement durable et le marché commun de l’énergie devraient concentrer des dizaines de projets en suspens sur lesquels un accord politique devra être trouvé. Le réseau diplomatique français sera d’ailleurs fortement impliqué dans ces domaines dès le début de 2008 en raison de l’appui qu’il apportera à la Slovénie pour sa première présidence de l’Union au premier semestre. Bulletin n°2 Réunion du mardi 25 septembre 2007 169 Dans le même temps, il appartiendra à la France de lancer les réflexions sur le réexamen d’ensemble des politiques européennes et leur financement après 2013, en particulier avec la rénovation de la politique agricole commune et la réforme du système des ressources financières communautaires. Il importe d’être ambitieux dans ces deux domaines afin de ne pas repousser les choix difficiles au plus près des échéances de 2013. La refondation de la PAC revêt en particulier une importance fondamentale pour notre pays, afin de mieux prendre en compte les nouveaux défis que constituent la sécurité alimentaire, le respect de l’environnement et la forte progression des besoins mondiaux au moment même où le contexte d’une hausse des cours mondiaux offrent l’opportunité de redéfinir les ambitions et les moyens de notre agriculture commune. Mais la révision des autres politiques européennes et de leur financement à horizon 2013 devrait mobiliser tout autant la France, attachée à la culture d’évaluation et de contrôle des dépenses publiques qu’elle promeut aujourd’hui dans ses finances internes. L’examen vigilant et méthodique des politiques, pour s’assurer que chaque euro dépensé soit un euro utile, est la condition sine qua non afin de dégager des marges de manœuvre pour nos priorités communes que sont l’éducation et la recherche en particulier. La Présidence française sera en même temps marquée par d’importantes échéances internationales : elle débutera en même temps que les jeux olympiques de Pékin qui pourraient permettre d’accroître fortement la visibilité symbolique de l’Union et elle aura à développer les premiers contacts avec les nouveaux présidents russes puis américains. En outre, un sommet entre l’Union et la Chine sera organisé au cours du second semestre 2008. L’ensemble de ces rendez-vous suffirait à remplir l’agenda d’une présidence ambitieuse. Mais le Gouvernement veut aller plus loin, convaincu que le succès d’une présidence tient essentiellement à quelques priorités bien identifiées. Notre première priorité peut se résumer grâce au concept de sécurité, dans toutes ses dimensions : l’immigration, bien sûr, et l’ensemble des coopérations dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice, mais aussi l’intégration et la protection contre les menaces 170 Réunion du mardi 25 septembre 2007 à 15 h 30 Bulletin n° 2 environnementales, qui appellent par exemple la mise en place d’incitations fiscales pour atteindre les engagements européens en matière d’énergie renouvelable ou de contrôle des émissions de gaz carbonique, mais aussi le lancement d’un vaste débat sur les énergies « propres ». M. Jean-Pierre Jouyet, a souhaité insister sur l’enjeu du nucléaire, aujourd’hui au cœur des préoccupations européennes, qui sollicite aussi les questions de sécurité et de sûreté, prégnantes en particulier parmi les nouveaux Etats membres possédant un parc nucléaire. L’Union doit contribuer à garantir la sûreté nucléaire et progresser dans la voie du traitement des déchets. En ce qui concerne la sécurité sous l’angle des affaires intérieures et de la justice, seront notamment au cœur de la Présidence française la lutte contre le terrorisme, l’amélioration de la coopération en matière judiciaire et le mandat européen. De même la France marquera un attachement particulier à tous les aspects de la sécurité sanitaire et alimentaire. Pour la sécurité civile, on peut espérer des initiatives en matière de lutte contre les inondations et de lutte contre les incendies. S’agissant de la politique commune en matière d’immigration et d’intégration, les préoccupations sont de plus en plus convergentes entre les Etats membres compte tenu des tendances démographiques lourdes que sont, d’une part, le vieillissement de l’Europe et, d’autre part, le dynamisme et la jeunesse des autres parties du monde. L’Europe ne peut donc plus fonctionner avec des politiques opposées les unes aux autres et il est nécessaire de confronter les expériences en matière d’intégration. La deuxième priorité de la Présidence française sera la lutte contre le réchauffement climatique et la politique de développement durable. L’Europe se doit d’être exemplaire en ce qui concerne les énergies renouvelables, la place des biocarburants, la préparation de l’après-Kyoto. Il ne s’agit pas d’éléments défavorables mais, à l’opposé, de facteurs favorables au renforcement de la compétitivité européenne, au développement de l’emploi et des PME. Les outils fiscaux et commerciaux devront ainsi être utilisés pour créer ce modèle de développement durable qui nous affirmera par rapport à nos partenaires, et notamment aux pays émergents. L’Europe de la défense constituera la troisième priorité. La Présidence française s’attachera à trouver la juste articulation entre cette Bulletin n°2 Réunion du mardi 25 septembre 2007 171 politique européenne et celle de l’organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN). L’une doit soutenir l’autre. Il convient de reconnaître d’une manière pragmatique ce qui doit permettre de développer les moyens et les initiatives de la politique européenne de défense. Il faut faire en sorte que cet aspect soit bien compris par nos partenaires dans notre dialogue avec le Royaume-Uni comme avec les Etats-Unis. Il s’agit d’un équilibre entre deux piliers. La révision de la stratégie européenne de défense devra intervenir à l’occasion du 10e anniversaire de l’Accord de Saint-Malo entre la France et le Royaume-Uni. Il conviendra de mettre en place un véritable centre opérationnel et de planification européen. La quatrième priorité concerne l’ensemble des éléments relatifs à l’Europe de la connaissance, de l’innovation et de la création. Il s’agira notamment d’élargir le champ du programme Erasmus, qui pourrait n’être plus restreint aux domaines universitaire et scolaire, mais devrait aussi concerner la formation professionnelle et l’apprentissage. L’objectif est de faire de l’Europe un acteur global de la mondialisation qui sache défendre ses intérêts, notamment commerciaux, sans complexe. Sur le plan du développement, plusieurs des propositions envisagées par M. Hervé Gaymard dans le cadre de son rapport sur le rôle de la France dans les nouveaux pays émergents devront être reprises. Une même approche globale sera recherchée dans le dialogue avec les grands pays émergents. Les réunions d’Accra et de Doha seront également des rendez-vous importants sur l’aide et le financement du développement. La question des droits de l’homme sera notamment marquée par le 60e anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l’homme. Enfin, sur le plan des politiques internes, une attention particulière sera apportée à la coordination des politiques économiques des pays de la zone euro avec un accent sur le sujet situé au cœur des préoccupations de la régulation financière. Le ministre a par ailleurs évoqué la question du prélèvement européen sur les recettes du budget de l’Etat. La prévision 2007 se situe désormais, compte tenu des éléments connus à ce stade, autour de 17 milliards d’euros, contre 18,7 milliards inscrits en loi de finances initiale. Cet écart est dû principalement à une sous-exécution du budget 172 Réunion du mardi 25 septembre 2007 à 15 h 30 Bulletin n° 2 2006 qui vient directement minorer le prélèvement 2007. La sous-consommation des crédits 2006 est liée à certaines contraintes propres à la Commission et notamment aux divers règlements financiers qui ralentissent l’exécution budgétaire en matière de politique extérieure et de politique de recherche, ainsi que dans le domaine des réseaux de transport et d’énergie (RTE). Sur le plan strictement budgétaire, cette réduction du prélèvement sur recettes est pour la France une marge de manœuvre supplémentaire pour la maîtrise du déficit public en 2007. S’agissant du projet de loi de finances pour 2008, le prélèvement sur recettes est de l’ordre de 18 milliards d’euros, ce qui est sensiblement conforme aux estimations découlant de la mise en œuvre des perspectives financières. Plusieurs orateurs sont ensuite intervenus. Le Président Axel Poniatowski a demandé si la ratification du Traité modificatif entraînerait nécessairement une révision constitutionnelle et a souhaité connaître la date à laquelle le projet de loi de ratification correspondant serait déposé. S’agissant de la Présidence française, il a rappelé que la Commission des affaires étrangères et la Délégation pour l’Union européenne avaient constitué un groupe de travail commun et estimaient nécessaire d’associer le Parlement à sa préparation comme à son déroulement. M. Pierre Moscovici s’est inquiété des risques de recul dans la dernière phase des réunions de la Conférence intergouvernementale, notamment de ceux résultant des demandes hors mandat et des opt-out de la Pologne et du Royaume-Uni vis-à-vis de la Charte des droits fondamentaux. Il s’est également déclaré préoccupé du calendrier, la République tchèque, qui exercera la présidence au premier semestre 2009, ayant estimé irréaliste le délai prévu de 12 mois pour la ratification par les 27 Etats membres. Cet Etat estime une durée de 18 mois plus adaptée. En ce qui concerne enfin la ratification, si l’éventuel obstacle aux Pays-Bas est contourné puisqu’il n’y aura pas de référendum, qu’en est-il du Royaume-Uni ? M. Pierre Moscovici a ensuite demandé des précisions sur l’articulation entre la relance de la défense européenne et la réintégration éventuelle par la France des structures militaires intégrées de l’OTAN, la première ayant été présentée par le Président de la République comme une condition de la seconde. Quelles initiatives va donc prendre la Bulletin n°2 Réunion du mardi 25 septembre 2007 173 France en la matière ? Quel est le lien exact entre ces deux objectifs et quel est le calendrier correspondant ? Il a ensuite rappelé que le ministre avait indiqué au comité de réflexion sur la réforme des institutions qu’il souhaitait que l’on revienne sur l’obligation d’un référendum pour les nouvelles adhésions au-delà du 28e Etat membre. Pourquoi cette question relève-t-elle du seul Président de la République alors que, comme l’a proposé le Président du comité de réflexion, M. Edouard Balladur, il semble opportun de prévoir une option entre la voie référendaire et la voie parlementaire ? Quelle est la position exacte de l’Exécutif sur cette question ? M. Roland Blum a demandé des éléments sur la consultation récemment lancée par la Commission européenne sur le réexamen à mi-parcours des perspectives financières. Il a souhaité savoir si l’enveloppe du budget communautaire consacré à la PESC, 200 millions d’euros par rapport aux 7 milliards affectés aux actions extérieures de l’Union, pouvait être accrue et a demandé si la décision « ressources propres » qui met en œuvre la diminution du rabais britannique était bien en cours de ratification par tous les Etats membres, notamment le Royaume-Uni. En réponse aux différents intervenants, M. Jean-Pierre Jouyet a fourni les précisions suivantes : – selon le ministère des affaires étrangères, une révision constitutionnelle apparaît nécessaire, dans la mesure où la Constitution française fait référence au « Traité constitutionnel », alors que le texte aujourd’hui en discussion est qualifié de « Traité modificatif ». Par la suite, la ratification par le Parlement pourrait intervenir durant les deux premiers mois de l’année 2008, car le Gouvernement souhaite aller vite ; – l’association du Parlement à la Présidence française sera importante et devrait emprunter deux voies principales. D’abord, le ministre sera à la disposition des assemblées pour rendre compte régulièrement de la préparation et de l’exécution de cette présidence. Ensuite, à l’image de ce que chaque camp a mis en œuvre lors de la campagne présidentielle française, il serait souhaitable d’organier une mobilisation citoyenne, passant par des débats décentralisés auxquels participeraient les élus locaux, nationaux, européens, les associations ou encore les syndicats, pour discuter de tous les sujets susceptibles d’être traités lors de la Présidence française ; 174 Réunion du mardi 25 septembre 2007 à 15 h 30 Bulletin n° 2 – sur le déroulement de la Conférence intergouvernementale, on ne peut pas dire qu’il y ait beaucoup de demandes contraires au mandat. La seule demande exprimée est celle de la Pologne sur le compromis de Ioannina. Les autres points en suspens sont techniques et n’avaient pas fait l’objet d’un examen au Conseil européen. S’agissant de la Charte, son traitement est prévu par le mandat. La Pologne, qui avait réservé sa position, ne serait pas hostile à la partie de la Charte relative aux droits sociaux. Avec le Royaume-Uni, on peut obtenir un accommodement à condition de maintenir un cadre opérationnel satisfaisant. A ce jour, l’exécutif britannique privilégie une ratification par voie parlementaire et il ne faut pas surestimer les demandes de recours à un référendum. On peut plutôt penser que le Royaume-Uni va chercher à aller vite, pour éviter tout risque d’isolement ; – en ce qui concerne la politique de défense, on doit constater que, dans la pratique, il existe déjà une forte imbrication entre l’OTAN et la politique européenne dans ce domaine, puisque 21 des 27 Etats membres sont membres de la structure intégrée de l’OTAN. Les conditions posées par la France pour rejoindre ces Etats sont connues et ont trait à la relance parallèle de la politique européenne de défense et au renforcement de ses moyens. En tout état de cause, la France n’accepterait de s’intégrer qu’au niveau le plus élevé, avec des capacités décisionnelles accordées à l’échelon européen. Il est évident qu’il vaut mieux parfois privilégier une coopération avec l’OTAN, plutôt qu’avec nos partenaires européens, car ces derniers ne sont pas toujours prêts à consentir les sacrifices – notamment financiers – que les actions de défense impliquent. Dans ce domaine, il est probable que la France sera conduite à prendre des initiatives avant sa présidence de l’Union, mais il est encore trop tôt pour s’engager sur un calendrier ; – sur l’obligation constitutionnelle d’un référendum lors des prochains élargissements, il appartient au seul Président de la République de décider s’il souhaite ne plus être lié par cette contrainte et s’il convient donc de réviser la Constitution sur ce point. A titre personnel, le secrétaire d’Etat aux affaires européennes estime préférable de revenir au statu quo ante laissant une alternative entre le choix de la voie parlementaire et celle du recours au référendum. Ce dernier ne paraît pas s’imposer lorsqu’un élargissement n’a pas d’incidences sur le plan intérieur ; Bulletin n°2 Réunion du mardi 25 septembre 2007 175 – les autorités tchèques, à en juger par un récent déplacement dans ce pays, ne semblent pas particulièrement préoccupées par le calendrier de ratification, mais plutôt par les modalités permettant de leur assurer une présidence de l’Union de plein exercice ; – sur les questions budgétaires, les propositions de la Commission relatives au réexamen des perspectives financières fournissent de bons éléments de cadrage pour l’appréciation de la performance actuelle de certaines politiques. Par ailleurs, il est certain que le budget de la PESC devra être accru, même s’il ne doit pas être apprécié en tenant compte de la seule ligne budgétaire qui lui est consacrée. Ce budget est également alimenté par un fonds de stabilisation, par des crédits dépendant du Fonds européen de développement (FED) ou encore liés au processus de démocratisation. Il faut ajouter aussi les contributions apportées par les Etats membres lors de la mise en œuvre d’opérations extérieures. Enfin, la réflexion sur les ressources propres est un préalable à toute reconfiguration du budget communautaire. Elle implique, en particulier, de mettre fin à tous les anachronismes, ce qui signifie que la question du rabais britannique devra être étudiée avec les autorités de ce pays. Mme Elisabeth Guigou a interrogé le ministre sur l’état des travaux de rédaction du Traité concernant la Charte des droits fondamentaux et a demandé confirmation de son caractère contraignant, ne fût-ce que par le biais d’un article s’y référant. Elle a ensuite souhaité savoir si les dispositions relatives aux services publics, présentes dans les parties I et III du projet de Traité constitutionnel, ainsi que dans la Charte des droits fondamentaux, qui autorisent notamment l’adoption d’une directive-cadre, seraient maintenues dans le futur traité. Elle a demandé au ministre si la France encouragerait une telle directive-cadre lorsqu’elle exercera la présidence de l’Union. Mme Elisabeth Guigou a ensuite posé une question sur l’existence de solutions dans le futur traité permettant une pleine utilisation des crédits de la recherche européenne, qu’elle a jugés déjà très insuffisants. Abordant la question des relations avec l’Alliance atlantique, elle a souligné que le Président de la République avait posé deux conditions au retour de la France dans les structures militaires intégrées de l’OTAN : le développement de l’Europe de la défense et la modification des modes de décision pour les opérations de l’OTAN. Elle a demandé au ministre quelles garanties la 176 Réunion du mardi 25 septembre 2007 à 15 h 30 Bulletin n° 2 France peut obtenir qu’elle ne sera pas entraînée dans des opérations qu’elle n’approuverait pas. M. Jean-Michel Boucheron s’est interrogé sur les moyens à attribuer à une Europe de la défense. Passent-ils par un renforcement de l’Agence européenne de défense ? Des projets spécifiques en matière d’équipement ? Quels seraient les nouveaux partenaires financiers prêts à aller plus loin que l’existant ? Il a ensuite estimé que la réintégration de la France – quasiment réalisée – dans les structures militaires intégrées de l’OTAN ne constituait pas la question principale. L’essentiel est de savoir quel sera le type d’OTAN dans lequel nous aurions vocation à rentrer totalement. S’agit-il d’une alliance de défense ayant vocation à intervenir dans une zone géographique délimitée ou, au contraire, comme le souhaitent les Américains, d’une organisation globale des pays occidentaux destinée à manifester sa présence dans l’ensemble du monde, ce qui n’est pas une conception acceptable. M. Renaud Muselier a posé une question sur l’avancement des réflexions et sur les initiatives qui seront prises concernant le projet d’Union méditerranéenne, après s’être étonné du fait que le ministre n’ait pas mentionné ce sujet important dans son intervention. M. Jean-Pierre Jouyet a apporté les éléments de réponse suivants : – un article du projet de Traité fera référence à la Charte des droits fondamentaux, qui aura bien un caractère contraignant. Conformément au mandat de la CIG, le Royaume-Uni sera dispensé de son application. La Pologne doit encore se prononcer mais il ne s’agit pas du point le plus dur des négociations car ce pays est très attaché aux droits sociaux ; – le projet de Traité fera également référence aux services publics, par un protocole qui aura une valeur juridique contraignante, supérieure à celles d’une directive-cadre. La France a aussi pu obtenir des lignes directrices sur le financement des services publics dans certains secteurs, notamment en ce qui concerne le service universel postal. M. Jean-Pierre Jouyet s’est déclaré favorable, à titre personnel, à ce que la France, lorsqu’elle exercera la présidence de l’Union, encourage l’adoption d’une directive-cadre sur les services publics. Bulletin n°2 Réunion du mardi 25 septembre 2007 177 Après avoir précisé que le programme détaillé de la Présidence française n’était pas encore arrêté, il a estimé que le renforcement des services publics doit être au cœur du dispositif. Dans les négociations sur la Poste, l’énergie, la France a montré quelle était attachée au bon fonctionnement des services publics et opposée à leur démantèlement ; – en matière de recherche, comme dans certains autres secteurs prioritaires de la stratégie de Lisbonne, la France souhaite identifier, à travers la revue des politiques déjà évoquée, quels sont les facteurs d’ordre réglementaire ou administratif qui empêchent la pleine utilisation des crédits. Il s’agit par exemple de réglementations financières, qui ralentissent l’action de la Commission dans les procédures d’appels d’offres et de marchés. Il faut poser la question de l’adaptation de ces règlements, qui obèrent l’action de la Commission, d’autant plus que d’autres secteurs comme les transports, la culture et l’audiovisuel sont également concernés. Faisant référence à la question posée par M. Roland Blum, le ministre a estimé que la capacité d’action extérieure de la Commission, en cas de crise, était aussi affectée ; – concernant l’Alliance atlantique, le ministre, après avoir fait observer qu’il n’était pas en charge de la défense, a estimé que la France devait obtenir des garanties afin d’éviter d’être entraînée dans des opérations qu’elle désapprouve et de disposer d’un rôle opérationnel dans l’OTAN, de façon à peser sur les instances de décision et les choix. On peut faire preuve d’un optimisme raisonné, compte tenu des règles de consensus appliquées au sein de l’OTAN. La France souhaite faire jouer le levier de l’OTAN pour augmenter la capacité européenne de défense. Il s’agit de disposer d’une capacité opérationnelle et d’une stratégie de planification à Bruxelles, d’obtenir la mise en place de moyens nouveaux pour la politique européenne de sécurité car ceux-ci sont actuellement très limités, de renforcer de l’Agence européenne de Défense, mais surtout la coopération européenne en matière d’industries de défense. Il existe des intérêts antagonistes entre les industriels français, britanniques, espagnols et italiens mais le besoin de coopération existe, même du côté britannique, et il est possible de progresser dans ce domaine. Cette ambition suppose des discussions financières avec certains partenaires car actuellement ce sont les Français, les Allemands et les Britanniques qui font l’essentiel des efforts dans ce domaine. Pour les autres, l’OTAN représente une sécurité financière dans la mesure où ils ne contribuent pas financièrement et 178 Réunion du mardi 25 septembre 2007 à 15 h 30 Bulletin n° 2 disposent d’une sécurité à moindre frais. Il s’agit d’un avantage important, notamment pour l’Italie. Une autre solution consisterait à prendre en compte dans la politique budgétaire au niveau de l’Union l’effort de défense fait par certains pays mais cela paraît plus difficile. Le ministre a ensuite indiqué que l’OTAN devait rester dans son cadre actuel et qu’il n’avait pas eu connaissance de demandes particulières tendant à en faire une alliance globale, ce qui rendrait nécessaire une réflexion sur son articulation avec la politique européenne de défense ; – l’Union méditerranéenne est en effet une priorité mais il s’agit d’un sujet complexe. La France souhaite favoriser la coopération essentiellement entre les pays qui sont de l’autre côté de la Méditerranée et essayer de projeter la démarche fondatrice de l’Union européenne, en partant de solidarités concrètes comme la protection de l’environnement, la sécurité maritime, l’immigration, le dialogue interculturel. Il convient de donner une visibilité politique à ce projet, afin d’éviter de reproduire les frustrations qui existent dans le cadre du processus de Barcelone, considéré comme un processus financier global, qui ne vise pas suffisamment de projets concrets et repose sur des prêts dont les conditions ne sont pas beaucoup plus avantageuses que celles du marché, en échange desquels les Etats doivent prendre des engagements en matière de contrôle des migrations. Il convient cependant de conserver certains instruments financiers car l’Union méditerranéenne n’aura pas les moyens de les renouveler. Il convient de réfléchir à la mise en œuvre de participations aux fonds propres ou de partenariats public-privé sur certains projets. Il faudra aussi expliquer à nos partenaires que nous avons des intérêts spécifiques en tant que pays riverain de la Méditerranée, tout en évitant de donner l’impression que l’Union méditerranéenne se construit sans tenir compte de l’Union européenne et des autres Etats membres. Il y a déjà des exemples d’instances de coopération régionale, comme le Conseil des pays riverains de la Baltique. On peut imaginer que les autres Etats membres aient un statut d’observateurs. La France souhaite que la Commission européenne, qui a une forte expertise, puisse apporter son aide dans le montage des projets et le rassemblement des concours des banques de développement. M. Alain Le Roy, ambassadeur qui dispose d’une grande expérience européenne et Bulletin n°2 Réunion du mardi 25 septembre 2007 179 multilatérale, va apporter son concours à ce projet, qui devrait faire l’objet d’une réunion des chefs d’Etat et de gouvernement en juin 2008. L’alternative est claire : soit nous ne faisons rien et la Méditerranée reste telle qu’elle est, sans coopération entre les Etats et avec des zones de conflits, ainsi que des frustrations croissantes dans le cadre du processus de Barcelone, soit nous tentons de dépasser ce cadre. C’est le choix qui a été fait, en tentant d’aller le plus loin possible, tout en préservant une politique de voisinage équilibrée entre l’est et le sud, ainsi que les coopérations bilatérales les plus avancées, par exemple entre l’Union européenne et le Maroc. M. Daniel Fasquelle, après avoir souhaité que la PAC soit refondée avant 2013 et rappelé les récents propos du Président de la République sur le retour à la préférence communautaire, a demandé quelles seraient les nouvelles orientations de la Politique agricole commune et des autres politiques. Concernant la recherche, il a souhaité savoir si le brevet communautaire allait être relancé dans la mesure où le Protocole de Londres ne réglait pas tous les problèmes. M. Jacques Myard a d’abord évoqué la demande de la Pologne concernant la perpétuation du compromis de Ioannina. Il s’est ensuite fait l’écho d’informations selon lesquelles la Commission financerait Galileo avec des crédits dévolus à la PAC. Puis il a regretté la hâte mise à supprimer l’intervention du peuple dans le processus d’adhésion de nouveaux membres. Abordant les problèmes de défense, il a rappelé la position d’un certain nombre de nos partenaires qui ne veulent pas dupliquer les efforts européens par rapport à l’OTAN. Il a estimé que la proposition française n’allait pas du tout dans le sens du renforcement de l’identité européenne par rapport à cette Organisation en rappelant le principe constitutionnel américain selon lequel il ne pouvait pas y avoir de soldats américains sous commandement étranger. Si l’Europe veut être un acteur global, il ne faut pas se tromper d’objectif : alors que l’on consacre 367 milliards d’euros aux fonds structurels, 22 millions d’euros sont alloués aux Accords de Lomé. La clé de la paix du monde se trouvant dans le Sud, il a demandé quelle action serait menée de ce point de vue. 180 Réunion du mardi 25 septembre 2007 à 15 h 30 Bulletin n° 2 M. Didier Quentin a demandé des précisions sur les perspectives de la politique de sécurité maritime qui intéresse la France au premier chef compte tenu de ses 55 000 km de côtes, après les « paquets » Erika I et Erika II. Il a souhaité savoir où en était le troisième « paquet » de sécurité maritime. Il a questionné ensuite le ministre sur l’action qui serait menée en faveur des petites et moyennes entreprises (PME) et de l’artisanat auxquels il faut donner toute leur place en Europe. Concernant l’Union méditerranéenne, il a estimé qu’il fallait certainement en faire un grand dessein comme cela avait été fait, autrefois, avec le dialogue euro-arabe. M. Jean-Paul Lecocq a souhaité que l’on explique clairement aux Français le Traité simplifié en leur indiquant quelle est la nature des modifications et s’est enquis de savoir si le débat allait reprendre dans le pays à ce propos. Il a ensuite interrogé le ministre sur les perspectives de l’OTAN. Après avoir plaidé pour le non-démantèlement des services publics, il a demandé si de tels services publics ne devraient pas être créés dans le cadre du « Grenelle de l’environnement » et si la Charte des droits fondamentaux le permettait. M. Christian Paul a rappelé que nos partenaires européens s’intéressaient beaucoup aux comptes publics de la France et a regretté la mauvaise communication des pouvoirs publics sur ces questions. Il a souligné qu’il était nécessaire de préciser les modalités de l’expression publique de l’Exécutif envers nos partenaires européens dans ce domaine. Considérant que la nouvelle politique à destination des pays de la Méditerranée n’avait pas mieux perçu la situation ni les moyens d’action que le processus de Barcelone qui, selon certains experts, devait être considéré comme un échec, il a désiré savoir quel destin on pouvait offrir à ces pays. Il s’est ensuite demandé si l’ouverture vers l’Atlantique était compatible avec cette politique. M. Michel Delebarre a souligné que le programme pour la présidence de la France était considérable mais qu’il était nécessaire que le gouvernement présente aux commissions du Parlement ce qui constituera le noyau dur de cette présidence. Bulletin n°2 Réunion du mardi 25 septembre 2007 181 L’immigration sera une question importante sur laquelle la France sera sollicitée pendant cette période et il faudrait que l’on puisse faire évoluer les Anglais pour régler les suites de l’affaire de Sangatte. La France doit se saisir du Livre vert sur la politique maritime de l’Union pour définir des orientations. Après avoir évoqué la situation des régions ultrapériphériques, il a mis l’accent sur la politique de cohésion et des fonds structurels européens dont dépendent les investissements des régions compte tenu de l’état de nos finances publiques. Il a enfin souhaité savoir, si on se dirigeait vers l’intégration à l’OTAN, quand et où de nouvelles bases seraient installées. M. André Schneider a demandé quel serait l’avenir de l’Assemblée de l’Union de l’Europe occidentale (UEO). En réponse, M. Jean-Pierre Jouyet a apporté les précisons suivantes : – la préférence communautaire est au cœur de la PAC depuis le début avec la régulation des marchés. Le Président de la République veut maintenir cette préférence communautaire en tenant compte des normes sociales et environnementales et en l’adaptant à un contexte nouveau. Il faut être ferme et volontaire sur l’accès aux marchés ; – le Protocole de Londres doit être ratifié pour que le français reste une langue scientifique. Il faut également avoir une juridiction communautaire puis relancer le brevet communautaire ; – la prolongation du compromis de Ioannina a déjà été négociée avec la Pologne et nous refusons la demande des Polonais d’inscrire celui-ci dans le traité ; – les fonds attribués au financement de Galileo proviennent des marges non utilisées des fonds de la PAC. Il y a eu un accord, comme dans le domaine de la recherche, avec la Commission pour procéder à cette opération de dépenser pour Galileo des sommes non utilisées sans devoir repasser par la procédure budgétaire et renégocier. Il n’y a aucun préjudice pour les agriculteurs ; – le but de la politique de défense européenne n’est pas d’intégrer la défense atlantique. Pour pouvoir peser, il faut une politique 182 Réunion du mardi 25 septembre 2007 à 15 h 30 Bulletin n° 2 de défense disposant de plus de moyens et plus forte. Il faut pouvoir faire de l’Europe un acteur global sur tous les fronts ; – on ne peut négliger les fonds structurels qui représentent la deuxième politique de l’Union européenne et qui ont fondé l’Europe et sa cohésion ; – il est important d’organiser, à l’occasion de la Présidence française, des manifestations en faveur des petites et moyennes entreprises. L’attitude de la Commission européenne, très réticente à la mise en place d’un « small business act » au sein de l’Union européenne, est regrettable. Nos partenaires internationaux comme le Canada et les Etats-Unis continuent d’appliquer une législation qui leur permet de réserver une part de leurs marchés publics aux petites et moyennes entreprises. Il serait souhaitable que la Commission saisisse l’occasion des négociations en cours à l’Organisation mondiale du commerce pour obtenir le bénéfice d’un tel mécanisme dans l’Union européenne. Si le marché intérieur fonctionne globalement bien pour les grandes compagnies, il convient de mieux prendre en compte les spécificités des petites entreprises et d’ adapter la réglementation et les règles fiscales à leurs caractéristiques comme cela est fait au niveau national ; – concernant le dialogue euro-arabe, la France sera présente au sein du Quartet. Cependant, le dialogue euro-arabe n’est possible que s’il existe un minimum d’entente entre les pays arabes, ce que le conflit israélo-palestinien rend difficile. Pour l’heure, la réflexion sur le périmètre de l’union méditerranéenne est encore en cours. Il est compliqué d’agir sur la Syrie ; les seuls pays sur lesquels il est possible de le faire – Algérie, Egypte, Libye, Maroc et Tunisie – constitueront le noyau dur pour amorcer cette union ; – la Présidence française sera l’occasion, lors de réunions décentralisées, d’organiser des débats et de donner des informations sur les changements et les innovations apportées par le projet de traité. De nouvelles missions de service public pourront être développées, en matière environnementale ou de développement durable notamment. En tout état de cause, le gouvernement reste très vigilant sur ce sujet des services publics ; – la situation des finances publiques françaises est dégradée et il est impératif de redresser les finances de l’Etat comme les finances sociales ; l’organisation de notre gestion publique doit être repensée, Bulletin n°2 Réunion du mardi 25 septembre 2007 183 compte tenu notamment de la décentralisation. Il nous appartient de respecter nos engagements pris en application du pacte de stabilité et de croissance et du traité de Maastricht. Si le contexte est favorable, le retour à l’équilibre pourra se faire en 2010 mais il sera plus probablement atteint en 2012. Le ministre a toutefois rappelé que cet engagement, pris en mars dernier, n’est pas une clause du pacte de stabilité et de croissance et la procédure de sanction ne peut pas être déclenchée. Nos partenaires européens ont compris qu’un ajustement est nécessaire en 2007 et 2008, compte tenu du rythme des réformes engagées. Mais par la suite, la France tiendra ses engagements relatifs à la réduction du déficit et de l’endettement ; – sur l’Union méditerranéenne, il a rappelé que cette union a pour but de faciliter la coopération entre les pays de cette zone, ce que n’a pas réussi à faire le processus de Barcelone. A travers la mise en œuvre de projets concrets, il s’agit de donner plus de lisibilité politique au monde méditerranéen pour lequel il n’existe aucun espace d’intégration ou de coopération, contrairement à l’Afrique, l’Asie avec l’ASEAN, l’Amérique du Sud et du Nord et l’Europe. Un dialogue normalisé avec les Etats-Unis ne s’oppose pas au renforcement des liens avec les pays de la zone arabe et méditerranéenne ; – la Présidence française s’est effectivement fixé un vaste programme. Elle débute en juillet et ce calendrier sera sans doute l’occasion de s’interroger sur le mode de fonctionnement des institutions européennes au mois d’août. Il s’est dit frappé par la réactivité dont a fait preuve cet été la Banque centrale européenne à l’occasion de la crise financière survenue aux Etats-Unis. Cet exemple devrait être gardé à l’esprit pour le mois d’août 2008 où les institutions devront continuer à fonctionner ; – la politique énergétique et environnementale, l’immigration, la sécurité et la défense constitueront incontestablement le noyau dur de la Présidence française qui assurera la continuité des travaux pour les autres sujets ; – concernant les régions ultrapériphériques, la Conférence intergouvernementale a intégré dans les Traités une référence aux îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, afin de tenir compte de leur nouveau statut ; 184 Réunion du mardi 25 septembre 2007 à 15 h 30 Bulletin n° 2 – s’agissant des fonds structurels, l’enveloppe de la France à ce titre est de 12 milliards pour la période 2007-2013. Un point sur la cohésion de ces fonds devra être fait à l’occasion de la révision des perspectives financières. Les vingt-sept Etats membres sont très attachés à cette politique de cohésion qui constitue un des pôles de croissance de l’Union européenne. Bulletin n°2 Réunion du mardi 25 septembre 2007 185 z Examen d’un texte soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution Point B ¾ Agriculture – proposition de règlement du Conseil portant dérogation au règlement (CE) n° 1782/2003 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, en ce qui concerne la mise en jachère pour l’année 2008 (document E 3636). Face à la flambée des cours des céréales due à de mauvaises récoltes, la Commission européenne propose, afin de contribuer à rééquilibrer le marché, de supprimer l’obligation de mettre en jachère 10 % des terres cultivables pour la campagne de commercialisation 2007/2008. Cette suppression devrait permettre de consacrer entre 1,6 et 2,9 millions d’hectares à la production agricole, correspondant à une production supplémentaire de 10 millions de tonnes de céréales. Cette mesure est facultative et transitoire et le bilan de santé de la politique agricole commune à la fin de l’année devrait permettre de prendre en considération l’ensemble des termes du débat, notamment les préoccupations environnementales et de politique énergétique. Sur le rapport de M. Jean Dionis du Séjour, la Délégation a approuvé cette proposition d’acte communautaire. Bulletin n°2 Réunion du mardi 2 octobre 2007 187 Réunion du mardi 2 octobre 2007 Présidence de M. Pierre Lequiller, Président z Missi dominici Comptes rendus des missions des missi dominici sur le suivi de la Conférence intergouvernementale et certains dossiers de l’Union ESPAGNE : MISSION DE MME MARIETTA KARAMANLI, LE 26 SEPTEMBRE 2007 Mme Marietta Karamanli a déclaré que son déplacement à Madrid lui avait apporté la confirmation de la position très proeuropéenne de la classe politique et de l’opinion espagnoles. Elle a considéré que cette attitude était liée aux conditions presque simultanées de l’instauration de la démocratie postérieurement à la mort de Franco et de l’entrée de l’Espagne dans l’Europe, laquelle a été regardée par les Espagnols à la fois comme l’aiguillon et la garantie du renforcement de la démocratie. Elle a précisé que cette vision très pro-européenne s’était reflétée dans la position exprimée par ses interlocuteurs dans les trois questions qu’elle a abordées : – les travaux de la CIG et le contenu du projet de Traité modificatif ; – la procédure de ratification et l’avenir de l’Union ; – les dossiers sectoriels. S’agissant des travaux de la CIG et du Traité modificatif, M. Alberto Navarro, Secrétaire d’Etat pour l’Union européenne, s’est déclaré satisfait de leur bon déroulement. Les questions en suspens résultant des revendications polonaises (touchant au compromis de Ioannina, à l’augmentation du nombre d’avocats généraux près la Cour de justice et aux modalités d’attribution des prêts de la Banque européenne d’investissement ont été jugées comme n’entrant pas dans le mandat de la CIG, tout comme le problème soulevé par l’Autriche concernant la possibilité pour un Etat membre de réglementer l’accès à l’Université des étudiants ressortissants des autres Etats de l’Union. Ces 188 Réunion du mardi 2 octobre 2007 Bulletin n° 2 questions seront examinées par le Conseil européen de Lisbonne, mais ne devraient pas empêcher la signature du Traité en décembre 2007, ni son entrée en vigueur au 1er janvier 2009. Quant au contenu du projet de Traité modificatif, M. Alberto Navarro a déclaré qu’il convenait, pour prévenir toute difficulté, de le comparer non pas au projet de Traité constitutionnel mais plutôt au Traité de Nice. Evoquant les dispositions du projet de Traité constitutionnel qui n’étaient pas reprises, M. Alberto Navarro a indiqué que la Charte des Droits fondamentaux sera signée par les trois autorités communautaires à l’issue du Conseil européen du mois d’octobre et publiée dans le Journal officiel des Communautés européennes. Il a estimé que la Charte accroît d’autant plus les droits des citoyens que ces derniers pourront l’invoquer, grâce à une Déclaration se référant à l’arrêt Costa Enel de la Cour de justice, qui a posé le principe de primauté du droit communautaire sur les droits nationaux. S’agissant de la suppression de la référence aux symboles, M. Alberto Navarro, tout en déplorant cette suppression, a constaté que le Parlement allemand y était très attaché et qu’il adopterait une résolution à l’issue des travaux de la CIG. Il a précisé que les Etats membres pourraient annexer une déclaration dans le même sens au Traité modificatif. Pour ce qui est des dispositions nouvelles, M. Alberto Navarro a souligné notamment l’importance de l’extension de la clause de solidarité à l’énergie, de la prorogation à huit semaines du mécanisme de l’alerte précoce, ainsi que de la disposition, introduite à la demande de l’Espagne, concernant les interconnexions énergétiques. Puis Mme Marietta Karamanli a abordé les questions de la procédure de ratification et de l’avenir de l’Union européenne. En ce qui concerne la procédure de ratification, M. Alberto Navarro a relevé que – à l’exception de l’Irlande, où devrait se tenir un référendum – la plupart des Etats membres recourront à la voie parlementaire. En Espagne, le Traité ne sera ratifié qu’après l’été, l’an prochain, puisque, du fait de la dissolution des Cortes en janvier 2008, la nouvelle législature ne débutera qu’en mai 2008. Bulletin n°2 Réunion du mardi 2 octobre 2007 189 Tout en soulignant que le contexte de l’Espagne était différent de celui de la France, Mme Marietta Karamanli a relevé que, pour ses interlocuteurs, la tâche à laquelle le Gouvernement et les partis politiques espagnols risquent d’être confrontés, pouvait être toutefois délicate vis-à-vis d’une opinion qui a adopté le projet de Traité constitutionnel, par référendum à la majorité de 76,7 % des voix, non sans toutefois une faible participation de 42 %. M. Carlos Fernandez Liesa, professeur de droit communautaire à l’Université Carlos III, a estimé que le Gouvernement demandera vraisemblablement aux partis politiques de faire une campagne discrète. A la différence du projet de Traité constitutionnel, qui a bénéficié d’un contexte exceptionnel – projet initié par M. José María Aznar, soutenu par le Parti Socialiste et enfin forte popularité de M. José Luis Rodríguez Zapatero – la ratification du projet de Traité modificatif interviendra dans un climat mélancolique, selon les propos du député catalan modéré Jordi Xucla, membre du CiU. Le professeur Fernandez Liesa a déclaré que les conditions d’élaboration du projet de Traité modificatif confirment qu’il aura été le fruit d’un travail intergouvernemental, dont l’opinion publique aura été exclue. M. Fernandez Liesa a aussi précisé que, pour une période de 10 à 20 ans, le processus de l’élargissement sera freiné, en raison de la question de l’adhésion de la Turquie. En Espagne, il est politiquement tabou de s’opposer à cette adhésion, l’opinion publique étant, en général, favorable à tout élargissement, comme à l’ensemble de la construction européenne. L’adhésion de la Turquie ne pose pas de problème pour l’opinion publique, à la différence de la classe politique qui y est officiellement favorable mais, au fond, opposée. Pour sa part, M. Alberto Navarro a indiqué que l’initiative du Président de la République d’instituer un groupe de sages avait été favorablement accueillie, même si plusieurs questions sont ouvertes, comme le nombre de sages, celle de savoir s’il convient ou non d’exclure des hommes politiques en activité – et le mandat du groupe, l’Allemagne ayant émis le souhait que le groupe puisse continuer d’exister au-delà de 2009. Evoquant les dossiers sectoriels, Mme Marietta Karamanli a relevé que sur l’immigration, l’Espagne souhaite très vivement que 190 Réunion du mardi 2 octobre 2007 Bulletin n° 2 l’Union européenne parvienne à élaborer une politique commune ou, qu’en tout cas, vienne en aide aux Etats qui, comme l’Espagne, sont confrontés à un afflux important d’immigrés. C’est pourquoi M. Alberto Navarro a estimé important de confronter les points de vue sur les questions touchant aux visas communs et aux gardes-frontières, et a déclaré que l’Espagne comptait beaucoup sur la Présidence française pour faire avancer une initiative que la Commission est en train de préparer pour 2008, destinée à garantir des droits minimaux à tous les immigrés légaux résidant dans l’Union. Parallèlement, l’Ambassadeur de France, M. Bruno Delaye, et M. Alberto Navarro n’ont pas manqué de souligner que la France et l’Espagne – qui assurera la Présidence en 2010 – ont tout intérêt à mettre tous les problèmes sur la table et à renforcer leur coopération. La visite prochaine, le 10 octobre 2007, de M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement, devrait permettre une meilleure appréciation des politiques suivies et d’effacer les divergences qui avaient pu naître à la suite des régularisations intervenues en Espagne. S’agissant du projet d’Union méditerranéenne, M. Alberto Navarro a indiqué que le projet du Président de la République avait été accueilli favorablement par le Gouvernement espagnol, tout en soulignant que ce dernier souhaitait que cette initiative contribue au renforcement du processus de Barcelone, lequel bénéficie d’un acquis depuis 1995 et repose sur un esprit de partenariat important. C’est pourquoi le Maroc exprime des réticences à l’encontre de ce projet regardé comme une initiative lancée sans concertation, bien que M. Bruno Delaye ait fait remarquer qu’il n’était pas encore définitivement arrêté. M. Alberto Navarro a considéré que le projet du Président ne pouvait apporter une valeur ajoutée par rapport au processus de Barcelone que s’il mobilise l’ensemble des Etats membres – et non pas seulement ceux riverains de la Méditerranée – l’Espagne étant désireuse de travailler avec la France dans ce sens. S’associant à ces propos, M. Juan Jose Toharia, Président de l’Institut de sondages Metroscopia, a constaté que, pour la première fois depuis 50 ans, la France jouissait en Espagne d’une confiance et d’un leadership forts. De ce fait,il a estimé que la France aurait tout intérêt à lancer une initiative qui, comme l’a déclaré également Mme Marietta Karamanli, viserait, sur le modèle de Bulletin n°2 Réunion du mardi 2 octobre 2007 191 l’intégration de l’Espagne dans l’Union, à tirer les pays du Maghreb vers le haut, contribuant ainsi à la fois à leur développement et à leur démocratisation. M. Jordi Xucla, député catalan modéré, a estimé toutefois que la démocratie n’était pas parvenue à un niveau comparable en Espagne et, par exemple, au Maroc, tout en convenant, comme Mme Marietta Karamanli, – mais à la différence de Mme Ana Torme, députée du Parti populaire – qu’il importait de promouvoir des mécanismes de codéveloppement avec les pays du Sud, à défaut desquels il sera difficile de s’attaquer efficacement aux filières d’immigration. Cela étant, le Professeur Fernandez Liesa a fait observer que les enjeux du processus de Barcelone étaient une affaire de spécialistes, largement inconnus de l’opinion publique. Pour ce qui est de l’Europe de la défense, tout en constatant que la France avait exprimé son souhait de réintégrer l’OTAN – sous conditions –, M. Alberto Navarro a estimé que la France pourrait lancer des initiatives utiles. L’Europe a, en effet, besoin de coopérations structurées, d’autant qu’aucun Etat membre n’est en mesure de faire face seul aux investissements nécessaires, de veiller à la formation avec la création d’une académie européenne de défense et de mettre en place une unité militaire d’urgence pour répondre à des catastrophes ou à des crises. Une Europe de la défense permettrait en tout cas à l’Espagne de contrebalancer le poids prépondérant des Etats-Unis, idée soutenue par une majorité écrasante – 80 % – des Espagnols. M. Bruno Delaye a estimé, pour sa part, que, même si pour le moment la Grande-Bretagne et l’OTAN étaient opposés au renforcement de l’Etat-major européen et aux capacités de planification de l’Europe, il n’est toutefois pas exclu que le Premier ministre britannique, M. Gordon Brown, puisse revenir à l’esprit de Saint-Malo. Sur la Banque centrale européenne (BCE), Mme Marietta Karamanli a relevé que ses interlocuteurs et l’Espagne de façon générale ne soutenaient pas les critiques formulées par la France à l’encontre du statut de la BCE et de la politique menée par M. Jean-Claude Trichet. M. Alberto Navarro a rappelé que l’évolution économique de l’Espagne – marquée par la réduction de 22 à 4 % du taux d’inflation et de 17 à 8 % du taux de chômage, incitait tout gouvernement à suivre fidèlement l’orthodoxie commune. Le Professeur Liesa a fait valoir que, pour les Espagnols, si la BCE n’avait pas existé, le taux d’inflation aurait été de 8 ou de 9 %. 192 Réunion du mardi 2 octobre 2007 Bulletin n° 2 Enfin, sur la politique agricole commune (PAC), M. Alberto Navarro a rappelé que l’Espagne avait prêté beaucoup d’attention et d’intérêt aux propos tenus par le Président de la République dans son discours de Rennes du 11 septembre 2007, en faveur de prix plus élevés sur le marché plutôt que de subventions et de l’attachement au principe de préférence communautaire, d’autant que le contexte mondial actuel est marqué par la hausse des prix des produits agricoles. Mme Marietta Karamanli a souligné qu’il importait toutefois de veiller à ce que le pouvoir d’achat des agriculteurs soit aussi garanti. Elle a également relevé que ses interlocuteurs avaient souligné l’apaisement des relations entre la France et l’Espagne, l’image des manifestations hostiles à l’encontre des camions de fraises provenant d’Espagne appartenant au passé. En conclusion, Mme Marietta Karamanli a déclaré que ce déplacement l’avait amenée à considérer que, pour être crédible, la construction européenne devait répondre à deux impératifs catégoriques : associer les peuples, ce qui suppose un dialogue permanent avec les citoyens, et coopérer avec le Sud, , comme le montrent les questions de l’immigration et de la lutte contre le réchauffement climatique. Le Président Pierre Lequiller a constaté que le déplacement de Mme Marietta Karamanli avait montré tout l’intérêt de recueillir les réactions d’un Etat membre qui avait ratifié le projet de Traité constitutionnel à une majorité écrasante. SUEDE SEPTEMBRE 2007 : MISSION DE M. GUY GEOFFROY, LES 19 ET 20 M. Guy Geoffroy a d’abord précisé que sa mission en Suède était intervenue dans un contexte particulier, puisque le secrétaire d’Etat aux affaires européennes, M. Jean-Pierre Jouyet, s’était lui-même rendu à Stockholm une semaine auparavant. Ce faible écart entre les dates des deux visites a été reçu comme un geste appréciable par les Suédois. La liste des personnalités rencontrées montre l’importance attachée par la Suède aux questions européennes. M. Håkan Jonsson, Secrétaire d’Etat aux affaires européennes, est ainsi à l’Office du Premier ministre, de même que son Exc. Mme Anna Odhner, ambassadrice, directeur de la coordination sur les questions européennes de ce même Office, et Mme Kajsa Haag, conseillère politique. Ont Bulletin n°2 Réunion du mardi 2 octobre 2007 193 également été rencontrés, au niveau parlementaire, Mme Anna Kinberg Batra, Présidente de la Commission pour l’Union européenne du Riksdag, députée du parti modéré, et Mme Sonia Karlsson, Viceprésidente de la Commission pour l’Union européenne, députée du Parti social-démocrate, et, au niveau administratif, M. Niklas Kebbon, directeur général adjoint au ministère de la justice, ce ministère étant chargé en Suède des questions d’asile et de migrations, ainsi que Mme Signe Burgstaller, directeur au ministère des affaires étrangères. M. Guy Geoffroy a ensuite indiqué qu’au-delà de l’identité de vues entre les deux Etats sur de nombreux sujets, la Suède était attachée à la France en matière européenne. Elles constituent, en effet, avec la République tchèque un trio des présidences, lesquelles se succèderont entre juin 2008 et décembre 2009. Les trois Etats membres sont d’ailleurs en train d’établir un programme conjoint. Entre autres, les Suédois sont attentifs aux valeurs de la libre concurrence et de compétitivité, à la lutte contre le réchauffement climatique. Ils sont intéressés par la réforme de la PAC. Sur ce dernier point, ils sont en phase avec le Président de la République sur la nécessité de s’attacher dès maintenant, sans se faire rattraper par les échéances, à ce dossier. S’agissant des questions institutionnelles, soucieuse de sortir de l’impasse actuelle, la Suède soutient le contenu et la démarche du traité modificatif et souhaite un dispositif final le plus proche possible du mandat. Elle envisage également une ratification assez rapide. Pour ce qui est de la PESC et de la PESD, la Suède, qui n’est membre d’aucune alliance, insiste beaucoup sur le maintien de l’intergouvernemental et de l’unanimité en la matière ainsi qu’au plan opératoire sur le renforcement des capacités de gestion des crises. La solution avancée par le rapport de MM. Alain Lamassoure (PPE, France) et Adrian Severin (PSE, Roumanie) sur la composition du Parlement européen est bien comprise, dès lors que les principes en sont clairs. En outre, on observera que cet Etat gagne un siège. Sur un autre plan, la Suède est un Etat membre particulièrement intéressant en ce qui concerne le contrôle parlementaire sur les questions européennes. Pour les négociations au sein du Conseil 194 Réunion du mardi 2 octobre 2007 Bulletin n° 2 comme du Conseil européen, le Gouvernement, les ministres ont un véritable mandat, qu’ils sont tenus d’appliquer. Ils doivent rendre compte et s’exposent ainsi au risque d’engager leur responsabilité politique. En outre, pendant les négociations, les ministres sont en relation étroite avec la Commission pour l’Union européenne du Riksdag, notamment sa présidente. Pour ce qui est des élargissements futurs, la Suède est favorable à l’adhésion de la Turquie, cet Etat étant perçu comme un « pont » avec le monde musulman et une clef des équations géostratégiques de l’Europe. Vis-à-vis de la stratégie de Lisbonne, les Suédois manifestent un intérêt très fort. Ils sont également très sensibles à un équilibre entre ses trois piliers, celui qui concerne la croissance et ceux relatifs au social et à l’environnemental, vus comme des garants de la croissance à long terme. Ils souhaitent la poursuite de cette stratégie au-delà de 2010, en l’alliant avec l’engagement européen chiffré, qui répond pleinement à leur sensibilité, d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre et du développement des énergies renouvelables d’ici 2020. L’accent est mis sur l’importance de l’effort de recherche et le renforcement de son efficacité, ainsi que sur l’ampleur des liens entre recherche, enseignement supérieur et entreprises. Pour ce qui concerne les migrations, question qui relève là-bas du ministère de la justice, la Suède souhaite conserver l’image d’un pays ayant une politique d’asile ouverte, même si certaines voix se sont élevées lors des dernières élections pour en contester la largesse. Ses autorités sont demandeurs d’une harmonisation communautaire sur les critères. Elles sont pragmatiques sur la question des migrations économiques relatives aux besoins de main-d’œuvre. La politique de codéveloppement recueille, quant à elle, leur approbation, sa poursuite et son renforcement permettant d’éviter le pillage des ressources humaines des pays d’émigration. Enfin, la mission a permis de constater d’une manière générale, et fort heureusement, que les conséquences négatives du « non » au référendum de mai 2005, clairement perçu comme un « blocage », s’estompaient largement. Bulletin n°2 Réunion du mardi 2 octobre 2007 REPUBLIQUE TCHEQUE : MISSION GARRIGUE, LES 11 ET 12 SEPTEMBRE 2007 195 DE M. DANIEL M. Daniel Garrigue s’est rendu à Prague afin d’apprécier l’accueil que réservent les autorités tchèques au Traité modificatif et de cerner leurs premières priorités pour la présidence de l’Union qu’ils assumeront au premier semestre 2009. Au cours de ces deux jours, il a pu s’entretenir avec le vice-Premier ministre chargé des affaires européennes, M. Alexandr Vondra, ODS, parti de droite libérale, le Président de la Commission des affaires européennes de la Chambre des députés, M. Ondrej Liska, vert, trois vice-présidents de la Commission des affaires européennes, Mmes Anna Curdova et Ladislava Zelenkova, démocrates-sociales, et M. Petr Krill, ODS, divers hauts fonctionnaires responsables de la stratégie de Lisbonne et de l’immigration ainsi que M. Libor Secka, directeur général de l’Union européenne au ministère des affaires étrangères ainsi que le directeur adjoint de l’Institut tchèque des relations internationales, M. Petr Kratochvil. Après s’être félicité de l’intérêt constant que la Délégation pour l’Union européenne manifeste à l’endroit des nouveaux Etats membres, et avoir regretté que les élections législatives anticipées n’aient pas permis d’organiser une mission comparable en Pologne, M. Daniel Garrigue s’est dans un premier temps attaché à décrire le contexte politique tchèque en estimant que l’euroscepticisme traditionnel de l’ODS, parti majoritaire de la coalition gouvernementale tchèque, semble s’atténuer dans l’exercice du pouvoir. En contraste avec les gouvernements sociaux démocrates du tournant des années 2000 qui se sont attachés à préparer avec enthousiasme l’entrée de la République tchèque dans l’Union, le nouveau gouvernement de coalition rassemblant les démocrates civiques, ODS, de droite libérale, les verts et les démocrates chrétiens, constitué sur une base parlementaire extrêmement étroite (la chambre des députés est divisée à stricte parité entre les deux coalitions de droite et de gauche), affiche en effet de réelles réserves sur l’intégration européenne. L’ODS n’a jamais dissimulé son hostilité au projet fédéral, en particulier par la voix de son dirigeant historique, le Président de la République Vaclav Klaus, critique vigilant des progrès de l’intégration communautaire. 196 Réunion du mardi 2 octobre 2007 Bulletin n° 2 Cette tradition explique le refus de la majorité de ratifier le Traité établissant une Constitution pour l’Europe, à contre-courant des autres nouveaux Etats membres à l’exception notable de la Pologne. Elle éclaire aussi l’attachement de Prague à veiller à ce que la Pologne ne soit pas isolée au cours des négociations du Conseil européen de juin dernier. Cette tradition éclaire enfin les liens étroits qui unissent l’ODS aux conservateurs britanniques, les deux partis envisageant de former un groupe commun au parlement européen. Cette approche eurosceptique permet de rendre compte des deux grands axes qui structurent aujourd’hui l’approche tchèque des dossiers européens. En premier lieu, Prague éprouve une forte méfiance à l’égard de l’intégration politique européenne. Dans ce contexte, la relation transatlantique demeure le point d’ancrage de sa diplomatie dont témoignent sa participation à la guerre en Irak et, plus récemment, l’accueil de la troisième base du bouclier antimissile américain dont la ratification parlementaire pose cependant problème face à l’hostilité de l’opinion publique. Dans le même esprit, les Tchèques se font les défenseurs d’un élargissement continu aux Etats balkaniques et à la Turquie. Ils critiquent les discriminations dont seraient victimes à leurs yeux les nouveaux Etats membres. Ils veillent ainsi à ce que l’espace de Schengen soit étendu au début de 2008 à l’ensemble des Etats de l’élargissement. Ils regrettent les restrictions à la libre circulation des travailleurs mises en place dans la quasi-totalité de l’Union à 15 alors même qu’ils ont ouvert leur marché du travail, en besoin criant de main d’œuvre, aux Bulgares et aux Roumains. Ils s’indignent contre le non-respect de notre promesse d’attribuer les sièges des nouvelles agences européennes aux Etats de l’Est. L’autre axe de la diplomatie tchèque est le libéralisme économique. Cette approche libérale a inspiré un radical programme interne de libéralisation de l’économie en voie d’être définitivement adopté, qui prévoit l’introduction d’un impôt unique sur le revenu (flat tax) et un allégement drastique de l’impôt sur les sociétés compensés par un fort relèvement des droits sur la consommation et des coupes dans les prestations sociales et les effectifs de la fonction publique. L’approche libérale dicte aussi les priorités que les Tchèques souhaitent voir assigner Bulletin n°2 Réunion du mardi 2 octobre 2007 197 à l’Union. Hostile à l’harmonisation fiscale et sociale, mal à l’aise avec la Charte des droits fondamentaux, le gouvernement tchèque souhaite promouvoir un agenda européen de dérégulation ambitieux et aspire à une révision en profondeur de la PAC. M. Daniel Garrigue a cependant poursuivi en constatant, au cours de ces divers entretiens, une nette inflexion des opinions eurosceptiques au sein de la coalition majoritaire. L’essentiel tient à un fait sociologique. L’opinion publique tchèque demeure profondément attachée à la construction européenne. De manière plus surprenante, la sociologie électorale des partis est à front renversé : la très nette majorité de l’électorat de la droite libérale est enthousiaste à l’égard de l’Union lorsque ses dirigeants, fortement influencés par l’autorité charismatique et intellectuelle du Président Vaclav Klaus, adoptent une posture très eurosceptique. L’inverse est vrai : l’électorat des sociaux démocrates et, plus encore, des communistes, leurs partenaires de coalition qui restent très influents en République tchèque (15 % des votes environ), est méfiant à l’égard de l’Europe, en contradiction avec les positions de leurs dirigeants. De nombreux membres de l’ODS semblent prendre conscience de ce phénomène et évoluer vers un « euro-réalisme » (selon leur terme) mieux en phase avec les aspirations de leurs électeurs. Ensuite, le Gouvernement dépend d’une coalition fragile dans laquelle les verts joue un rôle disproportionné à leur poids électoral. Or ces derniers sont déterminés à avancer dans la voie de l’intégration européenne, et parviennent à infléchir significativement les positions gouvernementales. Un dernier facteur d’évolution tient au très grand pragmatisme des autorités tchèques, habiles à promouvoir leurs intérêts bien compris. D’un point de vue économique, leurs convictions libérales sont parfois atténuées au plus près des choix concrets. Par exemple, les Tchèques, comme la France, bénéficient d’un opérateur énergétique, notamment nucléaire, très puissant et résolument exportateur qu’ils souhaitent préserver des appétits des investisseurs étrangers, en particulier russes, et d’une libéralisation trop rapide à l’échelle européenne. Les positions concrètes des deux Etats en ce domaine en sont dès lors rapprochées. 198 Réunion du mardi 2 octobre 2007 Bulletin n° 2 Il n’est jusqu’à la politique de défense qui ne soit, elle aussi, ouverte à des options plus européennes. Si l’attachement des tchèques à la protection américaine demeure le fondement décisif de la politique étrangère, il n’est pas exclusif d’un intérêt pour la construction d’une Europe de la défense dès lors qu’elle serait pleinement respectueuse du cadre de l’OTAN. M. Daniel Garrigue a ensuite indiqué que ces évolutions politiques permettent d’envisager avec un raisonnable optimisme l’adhésion de la République tchèque au Traité modificatif, dénommé Traité « modifié » dans ce pays. Prague est en particulier très satisfaite des concessions qu’elle a contribué à obtenir de ses partenaires. L’acceptation de sa revendication d’inscrire le principe de « flexibilité à double sens » permettant le retour de compétences communautaires aux Etats est vécue comme un franc succès. De même, l’abandon des symboles européens et de la démarche constitutionnelle, comme le renforcement du rôle des parlements nationaux, répondent pleinement aux préoccupations tchèques. Au regard de ces « avancées », il ne semble pas que la délégation tchèque soulèvera d’objections significatives sur les autres dossiers. Elle ne devrait guère relayer la volonté polonaise d’inscrire le compromis de Ioannina dans les Traités et semble résignée à l’adoption de la règle de double majorité. Si elle regrette la multiplication des optout au profit du Royaume-Uni, c’est sans en revendiquer l’usage à son profit. Les quelques objections qui ont été soulevées sur l’intégration de l’espace de liberté, de sécurité et de justice dans le cadre des politiques internes devraient pouvoir être levées sans encombre. Prague est en effet, pour l’essentiel, attachée au respect scrupuleux du mandat du Conseil européen. Les autorités tchèques semblent plutôt se concentrer sur les modalités concrètes de l’exercice de leur présidence de l’Union au premier semestre 2009, enjeu revêtu de la plus haute importance dans le pays. Le projet de Traité prévoit en effet une entrée en vigueur dès le 1er janvier 2009, ce qui implique qu’à cette date le Conseil serait présidé par le nouveau Président du Conseil nommé pour deux ans et demi. Manifestement, Prague souhaiterait bénéficier, pendant au moins une courte période, d’une présidence « pleine » réservant un rôle important à Bulletin n°2 Réunion du mardi 2 octobre 2007 199 ses plus hautes autorités, et bien des réserves soulevées par ailleurs semblent liées à ce désir compréhensible. Pour le reste, une ratification rapide reste la solution la plus probable. Un référendum reste improbable (une loi préalable serait nécessaire pour en déterminer les conditions) et les majorités requises au Parlement semblent satisfaites en dépit des quelques réserves exprimées par le Sénat. Abordant le dernier thème de son intervention, M. Daniel Garrigue a constaté que le Gouvernement tchèque travaille activement à la préparation de sa présidence de l’Union de 2009, qui succèdera à la présidence française. Il est certes vrai que, sur le papier, les priorités tchèques et françaises sont divergentes. Prague souhaite en effet promouvoir « l’Europe sans frontière », en levant toutes les barrières qui obèrent les quatre libertés de circulation. Ses positions sur la PAC sont radicales. Elle reste hostile à tout pas en avant en matière d’harmonisation sociale ou fiscale. Cependant, des convergences restent possibles. Il a été vu qu’il en va ainsi dans des questions concrètes, comme la libéralisation du secteur énergétique, les positions sont moins tranchées qu’il n’y paraît. De même, la nécessité de doter l’Europe des armes propres à défendre ses intérêts industriels et technologiques est ici bien comprise, les Tchèques demeurant très méfiants à l’égard de la puissance économique et des tentations hégémoniques de son grand voisin russe en particulier. S’agissant du développement durable, les opinions fracassantes du Président Vaclav Klaus, qui nie l’existence du réchauffement climatique, ne paraissent pas partagées par la majorité de la classe politique. L’immigration quant à elle reste un sujet de consensus : les Tchèques sont plutôt favorables à une harmonisation européenne dès lors qu’elle tient compte de leur besoin de main-d’œuvre étrangère et respecte le souci des nouveaux Etats membres de ne pas se voir priver de leurs meilleurs talents s’exilant vers les pays les plus riches, en particulier l’Allemagne. M. Daniel Garrigue a conclu en estimant important de développer les relations entre la France et la République tchèque, pays avec lequel des convergences politiques profondes sont possibles. Il a néanmoins regretté le faible enthousiasme qu’a suscité au sein des 200 Réunion du mardi 2 octobre 2007 Bulletin n° 2 Etats fondateurs la réconciliation de l’Europe en 2004 et les sentiments contrariés qu’ont pu en développer les nouveaux Etats membres. Beaucoup reste à faire pour sensibiliser notre opinion publique à l’extraordinaire richesse que constitue l’élargissement à des pays particulièrement dynamiques et profondément européens. Les échanges développés par la Délégation pour l’Union européenne sont des pas qui vont clairement dans la bonne direction. Le Président Pierre Lequiller a confirmé le vif intérêt que porte la Délégation pour l’Union européenne aux pays de l’élargissement en rappelant que la République tchèque en particulier figurent parmi les Etats les plus fréquemment rencontrés, et ses représentants parmi les délégations les plus souvent accueillies par l’Assemblée nationale. HONGRIE SEPTEMBRE 2007 : MISSION DE M. CHRISTOPHE CARESCHE, LE 26 M. Christophe Caresche a déclaré que sa mission en Hongrie avait permis de ressentir les effets de la visite du Président de la République française dans ce pays, le 14 septembre, et d’en retirer une double impression. D’abord, malgré les difficultés, la ferveur européenne de la Hongrie ne se dément pas. Ce pays connaît des difficultés économiques et sociales importantes avec le ralentissement de la croissance, un déficit budgétaire de plus de 10 % en 2006 qu’il s’efforce de réduire de manière drastique pour se qualifier à l’euro et une situation politique dans laquelle l’opposition réclame des élections anticipées. Néanmoins, ces difficultés n’entament pas la détermination d’interlocuteurs politiques pour lesquels l’intégration européenne est le seul projet politique envisageable et fait l’objet d’un large consensus dans le pays. Ensuite, la visite du Président de la République française a beaucoup marqué les Hongrois. Les initiatives de la France en faveur d’un Traité simplifié ainsi que dans d’autres domaines ont été comprises et soutenues. Cette visite a été un succès pour deux raisons. Le Président a su parler de la grandeur de la Hongrie à un peuple vivant toujours dans le souvenir douloureux du Traité de Trianon de 1920. Le démantèlement de l’empire austro-hongrois a créé un problème politique toujours actuel : les droits des 2,5 millions de Magyars d’outre-frontières résidant dans les Etats voisins auxquels les Bulletin n°2 Réunion du mardi 2 octobre 2007 201 dix millions de Hongrois sont très attachés. Le Président a évoqué Trianon avec beaucoup de franchise et abordé la question des minorités de façon positive et les Hongrois y ont été très sensibles. Le Président a ensuite refermé un malentendu entre notre pays et les Etats membres d’Europe centrale et orientale, en déclarant que, dans l’Europe en construction, il n’y avait pas de petits ni de grands pays mais des Etats égaux en droits et en devoirs. Il a confirmé la réalité de ce discours en proposant à la Hongrie un partenariat stratégique fondé sur une volonté commune de changer l’Europe. Ce partenariat pourrait concerner notamment la politique agricole commune, l’énergie, la sécurité et la défense, la transparence des marchés financiers, la coopération entre les pôles de compétitivité français et hongrois. M. Christophe Caresche a rencontré au cours de cette mission M. Gábor Iván, Secrétaire d’Etat technique aux affaires européennes et M. Matyas Eörsi, Président de la commission des affaires européennes du Parlement, principalement sur le thème du Traité modificatif et de la Conférence intergouvernementale (CIG) ; Mme Krisztina Berta, Directrice de la Direction consulaire du Ministère des affaires étrangères, sur les questions migratoires ; MM. István Vilmos Kovacs et Attila Hajba, respectivement vice-président et directeur adjoint de l’Agence nationale de développement, sur la stratégie de Lisbonne. Concernant le Traité modificatif et la Conférence intergouvernementale (CIG), M. Gábor Iván a d’abord rappelé que la Hongrie avait été, après la Lituanie, le deuxième Etat membre à ratifier le Traité instituant une Constitution pour l’Europe, par la voie parlementaire, et qu’elle avait déploré la lenteur de la période de réflexion qui a suivi le non au Traité constitutionnel lors des référendums en France et aux Pays-Bas. Elle s’est réjouie que la France et l’Allemagne aient pu relancer le processus avec ce Traité modificatif. La Hongrie peut accepter d’abandonner les symboles si l’essentiel est préservé : les valeurs, les objectifs, les politiques, les institutions. M. Gábor Iván s’est déclaré optimiste sur la possibilité d’aboutir à un accord général car le mandat de la CIG est précis et il est 202 Réunion du mardi 2 octobre 2007 Bulletin n° 2 difficile de s’en écarter. Si l’on peut comprendre que le mécanisme de Ioannina soit une question politique importante pour la Pologne, même si elle ne réjouit pas ses partenaires, il serait préférable pour l’efficacité du processus de décision qu’il ne figure pas dans le Traité mais dans une déclaration. Il est en revanche plus inquiet pour la ratification qu’il faudrait achever avant le printemps 2009 et le début d’un nouveau cycle politique de cinq années pour le Parlement européen et la Commission. La ratification n’est pas une difficulté pour la Hongrie, mais il suggère que les pays qui n’ont pas ratifié – France et Pays-Bas – soient les premiers à le faire. La Hongrie accepte une composition de la Commission resserrée à partir de 2014 sur un nombre de commissaires correspondant aux deux tiers du nombre d’Etats membres, à condition de respecter l’égalité entre les Etats membres et de ne pas créer des « junior » commissaires de deuxième catégorie. Cette exigence est d’autant plus légitime que la Hongrie est en train de perdre sur les droits de vote au Conseil dans la nouvelle pondération des voix à la majorité qualifiée. La Hongrie l’accepte néanmoins parce qu’elle en attend un meilleur processus de décision mettant fin aux lenteurs du système actuel. Contrairement à la multiplication des dérogations (opt-out) conduisant à une Europe fragmentée, la Hongrie approuve le mécanisme des coopérations renforcées qui ont un objectif clair et servent l’Union européenne. Le document de stratégie politique européenne de la Hongrie se place résolument dans la perspective de l’édification d’une union politique, en mettant l’accent non pas sur les institutions et un Etat fédéral, mais sur ce qui est compréhensible par tout citoyen et est de nature à produire des résultats tangibles pour lui, en particulier l’Euro pour la stabilité et Schengen pour la sécurité. Après avoir salué la visite du Président Sarkozy et son évocation du Traité de Trianon, le Président Matyas Eörsi a considéré que cette visite ouvrait la voie à une intensification des relations bilatérales franco-hongroises aux niveaux économique, politique et européen. Bulletin n°2 Réunion du mardi 2 octobre 2007 203 Se déclarant très favorable à une Europe fédérale, il a déclaré que les Hongrois comme leurs responsables politiques avaient vécu au début des années quatre-vingt-dix dans l’illusion d’un rattrapage rapide de l’Occident qui les a conduits à la situation budgétaire actuelle. Ils comprennent désormais qu’il leur faudra avancer malgré ces difficultés, y compris contre une certaine culture politique qui promet beaucoup et ne fait pas grand-chose. La Commission a besoin d’être réformée. La réforme de la composition du Parlement européen prévoit une baisse insatisfaisante des sièges pour la Hongrie, mais l’élargissement des compétences du Parlement européen dans le Traité modificatif est le plus important. Enfin, le contrôle du Parlement national sur les textes communautaires est fondé sur une sélection et l’élaboration d’une prise de position présentée au gouvernement qui ne l’oblige pas juridiquement. Mais s’il ne la suit pas, il doit politiquement motiver et justifier son choix. Les questions migratoires ne sont pas une question très sensible, parce que la Hongrie ne connaît pas d’immigration massive, en raison notamment du particularisme de sa langue. La Hongrie a mis en place sa gestion de l’asile au début des années quatre-vingt-dix pour faire face à l’afflux de plus de cent mille personnes, membres des minorités magyares sans difficulté d’intégration et réfugiés en provenance des Balkans repartis dès la fin du conflit. La Hongrie se déclare prête pour son entrée dans l’espace Schengen au 1er janvier 2008. Elle souhaite développer la coopération la plus large avec la France en ces domaines où elle ne connaît qu’un seul sujet sensible : les communautés magyares d’outre-frontières. Sa position est parfois un peu caricaturée car elle ne cherche pas à créer des difficultés à ses voisins. Sur cette question, la France est prête à reconnaître des droits individuels, non des droits collectifs. Concernant la stratégie de Lisbonne, la Hongrie essaie d’utiliser au mieux les fonds alloués en mettant en adéquation deux politiques : la stratégie de Lisbonne et le rétablissement de l’équilibre budgétaire national. Le deuxième plan de développement de la nouvelle Hongrie, approuvé par la Commission, a pour but d’établir une corrélation des 204 Réunion du mardi 2 octobre 2007 Bulletin n° 2 objectifs nationaux avec les objectifs généraux de la stratégie de Lisbonne. La Hongrie souhaite consacrer environ 50 % des fonds structurels alloués pour 2007-2013 aux objectifs de Lisbonne. Les très grands retards dans les infrastructures routières, ferroviaires et d’évacuation des eaux risquent cependant de freiner la pleine réalisation des objectifs de Lisbonne dans un pays confronté à la difficile tâche d’augmenter la qualité de ses infrastructures tout en réduisant leurs frais de fonctionnement. En conclusion, la Hongrie manifeste à l’égard de l’Europe une attente très forte, bienveillante, ni agressive ni désabusée. ALLEMAGNE : MISSION DU PRESIDENT PIERRE LEQUILLER, MM. JEROME LAMBERT ET ANDRE SCHNEIDER LE 20 SEPTEMBRE 2007 DE Le Président Pierre Lequiller a précisé qu’il s’était rendu à Berlin, en compagnie de MM. Jérôme Lambert et André Schneider. Cette délégation a été accueillie par le Président du Bundestag, M. Norbert Lammert, puis elle a rencontré le Président de la commission des affaires européennes du Bundestag, M. Gunther Krichbaum, en présence de nombreux membres de la commission. Elle a, enfin, eu des entretiens avec M. Günter Gloser, ministre délégué aux affaires européennes, et avec M. Joachim Wuermeling, Secrétaire d’Etat au ministère fédéral de l’économie et de la technologie. Sur le Traité modificatif ou réformé, selon les terminologies variables en Europe, il est clairement apparu que nos deux pays ont une vision similaire. Les Allemands ont souhaité que la France figure parmi les premiers Etats à le ratifier, ce qui constituerait un symbole fort après l’échec du référendum de 2005. En réponse à l’une de nos suggestions visant à organiser une ratification dans un délai proche en France et en Allemagne, ils ont souligné les contraintes spécifiques liées à la consultation des Länder, qui les conduiront probablement à ratifier plus tardivement que notre pays. Quant à notre proposition tendant à une relance des réunions parlementaires dans le cadre du Triangle de Weimar, ils ont expliqué qu’il convenait d’attendre le résultat des élections polonaises du 21 octobre prochain. A cet égard, nos interlocuteurs, comme tous nos partenaires européens d’ailleurs, se sont montrés hostiles à toute concession sur les modalités de vote au Conseil Bulletin n°2 Réunion du mardi 2 octobre 2007 205 et se sont dits raisonnablement optimistes sur les possibilités d’éviter un blocage du sommet des 18 et 19 octobre par la Pologne. Sur la répartition des sièges au Parlement européen, M. Günter Gloser a estimé qu’il appartenait au Parlement européen de trouver un accord. Les personnalités rencontrées ont insisté sur la nécessité de maintenir l’indépendance de la Banque centrale européenne (BCE). La délégation française leur a assuré qu’il s’agissait aussi de la position française, tout en soulignant que la BCE se devait d’instituer un dialogue avec le pouvoir politique, comme cela existe aux Etats-Unis d’ailleurs. Son Président, M. Jean-Claude Trichet, pratique déjà ce dialogue, mais de façon peut-être insuffisamment médiatisée. Il faut également comprendre que, pour la France, l’indépendance de la Banque centrale est une expérience récente, contrairement à l’Allemagne qui avait déjà accordé une telle indépendance à la Bundesbank. Nos collègues allemands ont souhaité obtenir des précisions sur la proposition du Président de la République d’instituer un comité des sages. Ils ont aussi estimé que ce comité devrait s’attacher à réfléchir aux politiques européennes à l’horizon 2020-2030, en esquivant la question des frontières de l’Union qui constitue un point de désaccord au sein de la « grande coalition ». La mission française a eu lieu le lendemain du jour où la Commission européenne rendait publiques ses propositions relatives au marché intérieur de l’énergie. Cela nous a donné l’occasion de faire part de nouveau de l’opposition de la France et de l’Allemagne à la séparation patrimoniale des activités de production et de distribution (unbundling). M. Joachim Wuermeling a évoqué la possibilité d’une initiative parlementaire commune franco-allemande, rappelant que neuf gouvernements avaient déjà, au cours de l’été, exprimé leur opposition à cette proposition. Interrogés sur l’énergie nucléaire, les députés allemands ont considéré que cette question ne pourrait pas évoluer tant que la grande coalition serait maintenue. Sur Galileo, la nécessité de prévoir un retour suffisant sur investissement dans chaque Etat membre a été réaffirmée par M. Günter Gloser, qui a rejeté un financement exclusivement communautaire. Le projet d’Union méditerranéenne suscite une certaine inquiétude diplomatique quant à ses conséquences éventuelles sur le processus de Barcelone. La délégation française a tenu à rappeler que la 206 Réunion du mardi 2 octobre 2007 Bulletin n° 2 position française n’était pas définitivement arrêtée, que ce projet visait à renforcer les liens entre le Nord et le Sud de la Méditerranée grâce à des solidarités concrètes, mais qu’il y aurait d’autres occasions d’en préciser les contours. En conclusion, le Président Pierre Lequiller a indiqué qu’il avait invité la commission des affaires européennes du Bundestag à se rendre à Paris prochainement. La Délégation pour l’Union européenne doit, en effet, poursuivre son rôle de diplomatie parlementaire, très appréciée de nos partenaires européens, même s’il est évident qu’elle ne remplace pas la diplomatie gouvernementale. Il a ensuite remercié tous les rapporteurs ayant rendu compte de leurs missions et précisé que d’autres rapports seront présentés lors de la prochaine réunion. L’ensemble des communications sera ensuite réunie dans un rapport global. La Délégation a décidé de déposer un rapport d’information (document parlementaire n° 248). Bulletin n°2 Réunion du mardi 2 octobre 2007 207 z Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution Point A Aucune observation n’ayant été formulée sur les deux textes suivants, la Délégation les a approuvés : ¾ Questions budgétaires et fiscales – Lettre rectificative n°1 à l’avant-projet de budget 2008 (document E 3632-1) ; – Avant-projet de budget rectificatif n° 6 au budget général 2007 - Etat des dépenses par section - Section III - Commission (document E 3389-6). 208 Réunion du mardi 2 octobre 2007 z Informations Bulletin n° 2 relatives à la Délégation Sur proposition du Président Pierre Lequiller, la Délégation a nommé rapporteurs d’information : – M. Christian Paul sur le processus euro-méditerranéen (avec M. Bernard Deflesselles) ; – Mme Arlette Franco et M. Régis Juanico sur le Livre blanc sur le sport (E 3590). La Délégation a confié une communication à : – M. Guy Geoffroy sur la proposition de directive prévoyant des sanctions à l’encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (E 3534) ; – Mme Marietta Karamanli sur la proposition de directive concernant l’utilisation des biens à temps partagé (directive « time share ») (E 3557) ; – Mme Odile Saugues sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les redevances aéroportuaires (E 3441) ; – M. Gérard Voisin sur le « paquet routier » (E 3541, E 3542 et E 3543). Bulletin n°2 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures 209 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures Présidence de M. Pierre Lequiller, Président z Réglementation des organismes génétiquement modifiés (OGM) Communication de M. Marc Laffineur sur la réglementation des organismes génétiquement modifiés (OGM) dans l'Union européenne M. Marc Laffineur, rapporteur a indiqué en préambule que les organismes génétiquement modifiés (OGM) ou organismes dont le matériel génétique a été modifié d’une manière non naturelle sont, depuis dix ans, le sujet de débats passionnés. Ces OGM ont été d’actualité l’été dernier avec les multiples actions de saccage de champ de maïs transgénique et le suicide d’un agriculteur la veille d’une manifestation anti-OGM. Il a rappelé que le Grenelle de l’environnement s’est saisi de la question des OGM et il a jugé important que la Délégation apporte un éclairage européen et comparatif dans ce débat. Les premiers végétaux transgéniques (des tomates) ont été mis en culture en 1994 aux Etats-Unis, l’essor de ces cultures débutant réellement en 1996 essentiellement aux Etats-Unis, au Canada et en Australie. En 2006, ces superficies sont, au niveau mondial, de l’ordre de 103 millions d’hectares, les Etats-Unis occupant la première place. L’Argentine, le Brésil, l’Inde et la Chine commencent à avoir des surfaces importantes. En 2006, 40 % de la surface mondiale en plantes transgéniques se trouvaient dans les pays en développement. Ces plantations croissent à un rythme élevé dans ces pays : + 21 % entre 2005 et 2006 contre + 9 % dans les pays développés. Il n’y a en Europe que très peu de cultures transgéniques : seules la Roumanie et l’Espagne en possèdent des superficies appréciables : Roumanie (en 2006) 115 000 hectares, Espagne 50 000 hectares. Les autres pays en ont très peu : France (22 000 hectares de cultures commerciales de maïs), République tchèque, Portugal, Allemagne et Slovaquie. 210 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures Bulletin n° 2 M. Marc Laffineur a ensuite évoqué les risques des OGM. Il y a d’abord une possibilité de transfert de gène à partir d’une plante génétiquement modifiée vers une autre de la même espèce ou entre des espèces différentes par dissémination des pollens. Cela pose le problème de la coexistence des cultures transgéniques et des cultures conventionnelles et biologiques. La faune peut également être perturbée : un laboratoire nantais a ainsi décelé la présence d’ADN de pollen transgénique dans la récolte d’abeilles. Les protéines produites par les plantes transgéniques peuvent présenter des risques de toxicité ou d’allergénicité pour les êtres humains. Enfin, les agriculteurs peuvent devenir dépendants des entreprises agro-industrielles qui ont breveté ces plantes modifiées. Concernant les avantages des OGM, des plantes résistantes aux maladies, aux prédateurs, et à des conditions d’environnement sévère pourraient entraîner une augmentation de la productivité agricole, notamment dans les pays en développement. L’utilisation de plantes transgéniques pourrait diminuer l’exposition des agriculteurs aux pesticides. Enfin ces plantes pourraient fabriquer à grande échelle des produits thérapeutiques comme l’hémoglobine ou industriels comme des matières plastiques. Le rapporteur a ensuite abordé la réglementation européenne des OGM en matière d’utilisation confinée, de dissémination volontaire pour la recherche et le développement et de mise sur le marché. La directive 90/219/CEE du 23 avril 1990 modifiée par la directive 98/81/CE du 26 octobre 1998 établit la réglementation pour l’utilisation confinée des OGM pour la protection de la santé humaine et de l’environnement. Ce texte établit des classes de risque et la fixation de différents niveaux de confinement. Cette directive modifiée a été transposée en droit français par les décrets n° 2006-1346 et 2006-1347 du 7 novembre 2006. La dissémination volontaire d’OGM à des fins de recherche est réglementée dans l’Union européenne par la directive 2001/18/CE entrée en application le 17 octobre 2002. La transposition en droit français a été faite par le décret n° 2007-358 du 19 mars 2007. En France, pour les plantes, les semences, les plants, les animaux et les produits phytosanitaires, c’est le ministre chargé de Bulletin n°2 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures 211 l’agriculture qui délivre cette autorisation, avec l’accord du ministre chargé de l’environnement. Un dispositif d’information du public est prévu : une fiche d’information est consultable dans les mairies et un arrêté du ministre de l’agriculture du 20 mars 2007 a institué un registre national, consultable par Internet, recensant, par canton, le nombre et la surface des parcelles semées en OGM. Le niveau du canton a été choisi pour garantir une certaine confidentialité quant à la localisation exacte des cultures. La mise sur le marché d’OGM a été d’abord réglementée par la directive 90/220/CE. Certains OGM ont fait l’objet d’une autorisation en 1997 et 1998. Lors de la révision de cette directive, en 1999, cinq Etats membres (Danemark, France, Grèce, Italie et Luxembourg) avaient souhaité que soient adoptées des mesures assurant la traçabilité des OGM pour permettre un étiquetage fiable des produits issus de ces OGM. Dans l’attente, ils avaient demandé, d’une part, que les nouvelles autorisations de mise en culture et de mise sur le marché d’OGM soient suspendues et, d’autre part, que soit établi un régime de responsabilité environnementale. Aucune autorisation de mise sur le marché n’a été accordée entre octobre 1998 et mai 2004. La mise sur le marché d’OGM et de produits en dérivant est soumise à des procédures communautaires définies par la directive 2001/18/CE et par le règlement 1829/2003 relatif aux denrées alimentaires et aliments génétiquement modifiés pour les animaux. Elle a introduit en particulier un certain nombre d’éléments : - un renforcement des dispositions relatives à l’étiquetage obligatoire des produits ; - des mesures visant à en assurer la traçabilité ; - un dispositif de suivi des produits mis sur le marché ; - une procédure communautaire centralisée ; - l’évaluation des risques pour l’environnement pour éviter les situations divergentes d’un pays à l’autre ; - la limitation des autorisations des OGM à un maximum de 10 ans avec possibilité de renouvellement ; - une procédure d’information et de consultation du public ; 212 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures Bulletin n° 2 - l’obligation de consulter l’Agence européenne de sécurité des aliments. Ces dispositions de la directive ont été transposées en France par le décret n° 2007-359 du 19 mars 2007. Puis M. Marc Laffineur a évoqué le problème de la coexistence des agricultures conventionnelle et biologique avec les cultures OGM qui n’est pas une question nouvelle car elle existe déjà entre les agricultures conventionnelle et biologique. Le seuil d’exemption d’étiquetage en cas de présence fortuite d’OGM dans les produits est fixé à 0,9 %. La Commission européenne a indiqué que ce même seuil s’appliquait aux filières conventionnelle et biologique. Le règlement (CE) n° 1829/2003 du 22 septembre 2003 a ajouté à la directive 2001/18/CE un article 26 bis prévoyant que « Les Etats peuvent prendre les mesures nécessaires pour éviter la présence accidentelle d’OGM dans d’autres produits ». En France, il y a un engagement des producteurs de maïs OGM de veiller à maintenir un intervalle de 50 mètres entre les cultures OGM et les autres. La recherche publique sur les plantes transgéniques est principalement réalisée, en France, à l’Institut de la recherche agronomique (I.N.R.A.), au Centre national de la recherche scientifique (C.N.R.S.), à l’Institut de recherche pour le développement (I.R.D.) et au Centre de coopération international en recherche agronomique pour le développement (C.I.R.A.D.). Il existe un programme national de recherches sur les OGM soutenu par l’Agence nationale de la recherche (A.N.R.). Le rapporteur a ensuite abordé la situation des pays européens. Elle est caractérisée par le partage entre les pays possédant des cultures transgéniques, au nombre de dix actuellement, et les autres. Il a tout d’abord évoqué les pays où se trouvent des cultures transgéniques. y Allemagne : cultures Sont cultivés 2 650 hectares, dont environ 2 600 hectares de commerciales, le reste étant constitué de parcelles Bulletin n°2 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures 213 d’expérimentation. Une loi sur les OGM transposant partiellement la directive 2001/18/Ce a été discutée en 2004. Un large débat sur les OGM a alors eu lieu principalement conduit par les partis politiques. Il n’y a pas eu de débat public depuis, même si certaines organisations animent périodiquement le débat. La population allemande se montre toujours majoritairement opposée aux produits issus d’OGM et le nombre de régions se déclarant sans OGM augmente régulièrement. y Espagne : Environ 70 000 hectares sont cultivés avec des maïs OGM, soit environ 20 % de la sole espagnole de cette plante. Il n’y a pas de réactions particulières de l’opinion ni des autorités publiques. Aucun débat n’a eu lieu depuis le début du développement de ce type de culture. y Finlande : Deux petites expérimentations sont en cours concernant des pommes de terre transgéniques et des bouleaux. y Hongrie : Il n’y a pas de cultures commerciales de plantes transgéniques. Des essais en plein champ ont concerné environ 3 hectares en 2006 et environ 2 hectares en 2007. Les pouvoirs publics hongrois ont une position très ferme sur les OGM et souhaiteraient que la Hongrie demeure exempte de productions d’OGM. y Pays-Bas : Il n’y a pas de cultures commerciales de plantes génétiquement modifiées. Des cultures expérimentales existent : environ 50 hectares de pommes de terre, 10-20 hectares de maïs et 1 hectare de pommiers. Un débat public a été organisé en 2001. Un certain consensus a été alors atteint et il y a actuellement une trêve sur ce sujet. Il existe dans ce pays une vision plutôt positive des innovations scientifiques : ainsi les Néerlandais ne refusent pas que les OGM puissent contribuer au développement durable, dans des conditions strictes. y Pologne : Selon des sources officieuses, 350 hectares de maïs génétiquement modifié seraient mis en culture. Dans ce pays, le débat est très passionné et la société est très majoritairement opposée à leur 214 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures Bulletin n° 2 utilisation. De nombreuses régions se sont déclarées « zones indemnes d’OGM ». y Portugal : La surface cultivée en maïs OGM a atteint, en 2007, 4 129 hectares avec une augmentation de 330 % par rapport à 2006. Les OGM suscitent un intérêt important mais aucun débat public n’a encore été organisé. y République tchèque : Il y a eu environ 5 000 hectares de cultures commerciales de maïs MON810 en 2007 et 14 hectares d’essais de maïs, de pommes de terre et de lin. Selon l’étude d’Eurobaromètre de 2006, la République tchèque est le pays qui soutient le plus les applications des biotechnologies dans l’Union européenne. y Roumanie : Actuellement, en 2007, 321 hectares portent une culture commerciale de maïs MON810. En 2006, 130 000 hectares étaient cultivés en soja transgénique. Depuis l’entrée de la Roumanie dans l’Union européenne le 1er janvier 2007, ce type de culture est interdit. Des cultures illégales de soja subsisteraient. Aucun débat public n’a été lancé sur ce thème. Un sondage effectué en mai-juillet 2007 a montré que 67 % des Roumains seraient hostiles aux OGM. y Royaume-Uni : Il n’y a aucune culture commerciale, seule une expérimentation portant sur deux hectares de pommes de terre est en cours. Le Gouvernement a conduit une large consultation publique. Celle-ci a été menée pour justifier aux yeux des consommateurs la reprise des homologations de variétés OGM dès la parution des règlements communautaires. Il avait indiqué qu’il pourrait être favorable à l’autorisation de certaines productions commerciales sur la base d’une approche au cas par cas. Le débat public de 2003 a montré que l’opinion estime que les OGM peuvent présenter des risques dans le domaine de l’environnement et de la santé publique. Elle n’en perçoit aucun bénéfice et pense, majoritairement, que seules les entreprises de biotechnologies ont un intérêt à leur développement immédiat. Bulletin n°2 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures 215 Les autres pays, sans cultures transgéniques, ont été enfin évoqués. Ces pays peuvent être regroupés selon l’état des débats. Une première catégorie regroupe une absence totale de débat public : Bulgarie, Lettonie, Danemark, Irlande, Malte. Mais quelques discussions peuvent avoir lieu. Un pays intermédiaire est la Belgique pouvant être caractérisé comme peu sensibilisé. Deux pays sont caractérisés par un débat « modéré » : l’Estonie et la Suède. Dans cinq pays un débat important a lieu. y Autriche : Ce pays affiche vis-à-vis des OGM une position claire et radicale, objet d’un consensus national. Elle défend ainsi sur la scène internationale l’idée que les risques des OGM à long terme sur la santé et l’environnement ne sont pas clairement écartés. A l’intérieur, l’Autriche affirme vouloir défendre une agriculture propre et saine. Il semblerait que son attitude soit essentiellement une défense de son agriculture caractérisée par l’importance du marché des produits bio, une spécialisation de ce pays, et par la petite taille des exploitations. y Chypre : Il y a un large débat public dans ce pays avec un consensus général pour l’interdiction des OGM animaux et végétaux. y Grèce : Les Grecs figurent parmi les consommateurs européens les plus sensibles à cette question. 81% de la population s’opposent à la présence d’OGM dans l’alimentation. La présence des OGM dans les produits alimentaires commercialisés en Grèce s’élèverait actuellement à 10% du fait, notamment, d’importations de soja des Etats-Unis. y Italie : Un débat important a lieu dans ce pays à ce sujet et concerne la coexistence avec les cultures traditionnelles et biologiques, très importantes en Italie ; le principe de précaution quant aux conséquences 216 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures Bulletin n° 2 à long terme sur la santé humaine ; la défense de la forte image des produits alimentaires italiens. Les consommateurs sont globalement réticents à l’utilisation des OGM. y Slovénie : Le débat est très ouvert sur ce sujet. En conclusion, le rapporteur a souligné que les plantes transgéniques n’ont pas vraiment pris le départ en Europe. Dans l’ensemble les réticences des opinions publiques semblent encore très fortes. Après avoir noté qu’un certain nombre de risques, et notamment la dissémination, ne sont pas maîtrisés, il a plaidé pour leur étude approfondie compte tenu de leurs avantages. Il a donc vivement souhaité que la recherche soit encouragée en s’entourant du maximum de garanties. Un débat a suivi l’exposé du rapporteur. Le Président Pierre Lequiller a rappelé que, comme de précédents travaux analogues, le rapport de M. Marc Laffineur était plus descriptif que conclusif, en vue d’apporter des éléments de comparaison, qui permettront d’étayer le débat sans vote à l'Assemblée nationale sur le Grenelle de l’environnement. M. Philippe Tourtelier, tout en considérant que le rapport apportait une intéressante description, a regretté qu’il n’ait pas abordé les problèmes posés par la transposition en droit français de la directive au moment même où l'Union européenne avait institué un moratoire. Le décret transposant la directive, en retenant le canton, s’est fondé sur des principes contraires à la transparence qui ont inspiré le moratoire et, de ce fait, favorisé les réactions hostiles. Il a jugé le délai de 15 ans évoqué par le rapporteur comme insuffisant pour avoir un recul en ce qui concerne les conclusions des études épidémiologiques sur les effets de la dissémination des OGM. Enfin, il a indiqué qu’il aurait été souhaitable de retenir non pas la notion d’avantages potentiels comme l’a suggéré le rapporteur, mais celle d’avantages incertains. Il a fait valoir, à cet égard, qu’il existait des risques importants de transfert de gènes et de développement de résistances par les insectes. Il a estimé que ces incertitudes ne sont pas Bulletin n°2 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures 217 levées, ce qui autorisait à émettre des doutes quant à l’absence d’atteintes à l’environnement par les OGM. En revanche, il a déclaré approuver les observations du rapporteur concernant les bienfaits qui pourraient en résulter pour la recherche, mais sous réserve que, conformément au principe de précaution inscrit dans la Constitution, soient examinés les dangers potentiels et irréversibles. Il a rappelé, sur ce point, que lors du débat sur le principe de précaution qui s’est tenu à l'Assemblée nationale, les OGM avaient été le seul exemple cité. En conclusion, il a considéré que si les OGM pouvaient servir utilement à la recherche, il serait toutefois très souhaitable d’examiner tous leurs effets sur l’environnement qui, pour le moment, sont entourés d’incertitudes. M. Noël Mamère, déclarant s’associer aux déclarations de M. Philippe Tourtelier, s’est félicité de l’initiative prise par la Délégation à travers le rapport de M. Marc Laffineur, qu’il a jugée louable, le jour même où l'Assemblée nationale procède à un débat sans vote sur le Grenelle de l’environnement. Il a constaté que bien que le contenu de ce rapport soit apparemment technique, il revêtait, à ses yeux, une dimension très politique en raison des nombreuses questions qu’il n’a pas posées. Rappelant que trois tribunaux français – ceux de Carcassonne, de Chartres et de Toulouse – avaient demandé le report du jugement de faucheurs volontaires, dans l’attente des conclusions du Grenelle de l’environnement, il y a vu un changement d’attitude notable de la justice, puisque celle-ci, à l’origine, avait assimilé le fauchage à un délit. En second lieu, il a déclaré qu’il aurait été judicieux de tenir compte de la position du professeur de droit M. Dominique Rousseau, selon laquelle le principe de précaution inscrit dans la Constitution impliquait que l’environnement soit regardé comme une propriété collective et le risque d’y porter atteinte comme une violation de la propriété d’autrui. Marquant son accord avec les observations de M. Philippe Tourtelier sur la notion de bénéfice que peuvent apporter les OGM, il a relevé que, précisément, M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture, s’était également interrogé sur un tel bénéfice. Ceci conduit à poser la 218 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures Bulletin n° 2 question de l’utilité sociale du progrès technique, le législateur devant, quant à lui, examiner les intérêts de la société afin d’éviter que les choix soient déterminés par les semenciers et les experts, ce qui impose la tenue d’un débat national. A cet égard, M. Noël Mamère a exprimé le souhait que le Grenelle de l’environnement y contribue réellement, d’autant que les Français n’ont pas été, jusqu’à présent, consultés. S’interrogeant sur les conditions dans lesquelles l’INRA effectue ses recherches, il a déploré que cet établissement public passe des contrats avec des semenciers, ce qui risque de porter atteinte à l’objectivité de ses recherches. Il a également regretté que le rapport ne fasse pas état des expérimentations menées sur les rats par la firme Monsanto, rappelant que seuls les efforts tenaces du CRIIGEN (Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique) et de certaines ONG ont permis de mettre en lumière les effets nocifs de telles expérimentations, protégées par le secret industriel. Il aurait souhaité, à cet égard, que le rapporteur évoque la reprise par un projet de loi de cette notion de secret industriel, qu’il juge scandaleuse parce que contraire au principe de transparence. Puis M. Noël Mamère a évoqué les atteintes à l’environnement provoquées par les OGM aux Etats-Unis et en Argentine où, d’après lui, plusieurs milliers d’hectares de culture seraient contaminés. Dans ces pays, le rôle prédominant joué par les semenciers, en particulier par Monsanto, pose la question du brevetage du vivant et de la pertinence – au regard de l’éthique et du droit – des procès intentés par cette entreprise aux agriculteurs qui utilisent d’autres semences. Au vu de ces éléments que, selon lui, M. Marc Laffineur aurait dû aborder, il a considéré qu’il était vain et regrettable de réduire les actions des faucheurs et les questions des écologistes sur les OGM à des manifestations d’obscurantisme. Rappelant que Jacques Ellul avait, dès 1953, dans son livre « La technique ou l’enjeu du siècle » mis en évidence que le progrès technique n’entraînait pas automatiquement le progrès humain, il a déclaré que les OGM pouvaient apporter effectivement des améliorations dans certains domaines, par exemple médical, à la condition que soient levées toutes les équivoques philosophiques et économiques. Sur ce point, comme M. Philippe Bulletin n°2 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures 219 Tourtelier, il a jugé que le délai de 15 ans ne permettait pas d’avoir un recul suffisant pour juger des effets irréversibles. Abordant la question de l’opinion des Français sur les OGM, M. Noël Mamère, tout en constatant qu’une majorité y était opposée, a jugé essentiel que les pouvoirs publics statuent en toute objectivité et, à cet effet, examinent la question des OGM au regard des bénéfices qu’ils pouvaient apporter à la société et des besoins des pays du Sud. A cet égard, il a relevé que le rapport ne mentionnait pas le cas des paysans indiens qui se suicidaient parce qu’ils n’étaient pas en mesure de payer les semences nécessaires. De même, citant le cas de la société Dagris, il a déploré qu’à travers celle-ci, la France utilise une démarche de type colonial en déstabilisant la production de coton au Mali et au Burkina Faso, puisqu’à ses yeux, le coton transgénique aura pour effet de ruiner les petits agriculteurs de ces pays. En conclusion, il a plaidé en faveur d’un débat qui clarifie tous les enjeux posés par la culture des OGM, afin de mettre un terme à ce qu’il a qualifié de lubies comme, par exemple, la contribution des OGM à la lutte contre la famine. Le rapporteur a estimé qu’au-delà des éléments qui relevaient de la seule tribune politique, et qui apparaissent comme le point de vue de ceux qui en Europe ont la capacité de se nourrir et de nourrir la population, un effort de recherche était légitime pour assurer les besoins d’une population mondiale croissante, d’actuellement 6 milliards de personnes, et qui approchera rapidement les 10 milliards. Ce serait une erreur de refuser la recherche face à de tels défis. En ce qui concerne les interventions en plein champ des adversaires des OGM, il a confirmé qu’il y a bien eu dans le Maine-etLoire des parcelles véritablement saccagées. Le Président Pierre Lequiller a rappelé que l’objet des études comparatives était de présenter la situation dans les autres pays afin d’informer les parlementaires, et non de trancher le débat au fond. M. Noël Mamère a considéré que ce débat éclairait aussi les parlementaires. M. Jean Dionis du Séjour a rappelé que ce sujet, extrêmement complexe, donnait lieu notamment dans le sud-ouest, à des tensions. La majorité de l’opinion publique est contre les OGM, mais il y 220 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures Bulletin n° 2 a également une exaspération du monde paysan. Entrer sans son autorisation sur la propriété d’un agriculteur et lui saccager sa récolte est ce qu’on peut lui faire de pire. Il faut régler cette question autour de laquelle s’affrontent des associations écologistes, des chercheurs, une partie du monde paysan et les producteurs de produits phytosanitaires. Lors du Grenelle de l’environnement, chacun a exposé sa position, mais cela ne permet pas de décider au fond. Pour sa part, l’étude comparative menée par le rapporteur montre, ce qui est très intéressant, la situation de chacun de nos partenaires européens. On ne peut en effet régler la question au niveau national, puisque les flux commerciaux permettent l’entrée dans notre pays de produits agroalimentaires espagnols ou américains, par exemple. Un règlement sur le fond repose sur l’expertise scientifique, notamment pour les questions très techniques telles que les distances de contamination, et il serait ainsi nécessaire de compléter l’étude comparative du rapporteur par une comparaison européenne sur ce point. Si l’on voit la faiblesse de l’INRA, M. Noël Mamère ayant indiqué que cet organisme avait des contrats avec des semenciers, il convient de mettre sur pied une expertise pluridisciplinaire et indépendante des milieux économiques. Après avoir indiqué qu’il ne souhaitait pas prendre part à cette disputatio sur la philosophie du progrès et le « contrôle démocratique du progrès » qui faisait penser à la période des « grands jours » de la Révolution française où l’on estimait que la République n’avait pas besoin de savants, M. Hervé Gaymard a estimé que tous les hommes de bonne volonté trouvaient insupportable le terrorisme intellectuel tant des partisans des OGM, qui invoquent la santé et la nutrition, les besoins des pays en développement ou encore la fin de la faim dans le monde, que des anti-OGM. Il a indiqué qu’une ONG avait ainsi sommé les candidats aux élections de se prononcer, dans un délai obligatoire, sur certaines questions, sous la menace d’être déclarés favorables aux OGM. La République prévoyant que tout mandat impératif est nul, M. Hervé Gaymard a précisé n’y avoir pas déferré, pour sa part. Bulletin n°2 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures 221 C’est également un domaine où il faut faire attention au vocabulaire, le mot « contamination » faisant référence en France à des scandales sanitaires. Sur le fond, on ne peut être actuellement certain que les OGM aient une utilité sociale pour la France, son économie et son environnement. Il faut regarder de près tous les éléments et ne pas prendre une décision hâtive que l’on pourrait regretter. L’étude comparative menée par le Rapporteur est d’un grand intérêt, car elle permet de voir comment les pays réagissent avec leur sensibilité propre. Elle présente également, ce qui est fort intéressant, l’état des surfaces d’OGM cultivées dans les différents Etats dans le monde. D’une part, cela permet à ceux que l’ampleur du débat sur la question auraient incité à croire que la France est ou est en passe de devenir un gros utilisateur d’OGM, que tel n’est pas le cas. D’autre part, on constate que les principaux utilisateurs sont les Etats-Unis, l’Argentine et le Brésil. Ce dernier pays ne fait d’ailleurs pas l’objet d’opérations de fauchage lorsque des anti-OGM se rendent aux réunions de Porto Alegre. En définitive, il convient d’être vigilant, de ne pas jouer avec le feu et de ne pas être irénique. Après avoir indiqué pleinement partager la référence à Jacques Ellul, M. Daniel Garrigue a considéré que les OGM étaient d’abord un problème scientifique, sur lequel il faut éviter toute attitude partisane, et qu’il convenait en effet de disposer d’une expertise indépendante. Sur le fond, il convient d’éviter de parler des OGM en général, mais de régler la question OGM par OGM, en fonction de la nature et de la finalité de chacun. M. Michel Herbillon a considéré que les convictions exprimées devraient être traitées avec respect, et qu’il n’y avait place ni pour l’excès sémantique ni pour la posture. Le fond du sujet est en effet sérieux et il appartient d’abord aux experts, avant que les élus et les citoyens ne se l’approprient. 222 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures Bulletin n° 2 Un débat avec les citoyens a d’ailleurs eu lieu lors de l’élection présidentielle, puisque l’un des candidats, M. José Bové, était bien identifié comme anti-OGM. Néanmoins, le sujet n’est pas clos et il convient de poursuivre les discussions en n’acceptant ni les coups de force ni les saccages, en évitant également tout excès et toute incantation. On ne sait pas actuellement s’il n’y a aucun avantage des OGM ou s’il y a au contraire des avantages attestés. Dans cette perspective, il faut être favorable à la recherche sur les innovations. En tout état de cause, il faut rester très vigilant sur le plan scientifique et être très précautionneux. M. Marcel Rogemont a observé que plusieurs candidats à l’élection présidentielle, sinon tous, avaient donné des leçons en la matière et que personne n’avait intérêt à ramener ce débat dans la question des OGM. Même M. Noël Mamère ne suivait pas automatiquement les positions du candidat le plus en flèche sur ce sujet. Ce rapport comparatif sur l’usage des OGM dans l'Union européenne est intéressant. Il montre, en effet, que cette question présente un intérêt pour la société, en particulier l’encouragement au développement de la recherche préconisé par le rapport, mais aussi pour les sociétés dans la mesure où le développement des OGM conduit à un modèle différent d’agriculture et de son organisation sociale dans certains pays. Ce rapport doit alimenter notre réflexion sur les conséquences de l’utilisation des OGM sur l’organisation de notre agriculture et sur la question du brevetage du vivant. M. Marc Laffineur, rapporteur, a déclaré que le rapport montrait que l’utilisation des OGM n’est pas un problème francofrançais et que le choix des autres pays varie entre ceux qui les cultivent de manière industrielle sur des millions d’hectares et les autres qui conduisent une réflexion plus ou moins avancée. Il est clair que ce sujet mérite de faire l’objet d’une recherche scientifique approfondie et c’est la raison pour laquelle il convient de retenir la proposition de M. Jean Dionis du Séjour d’un complément au rapport sur le contrôle scientifique réalisé dans les autres pays européens. Le Président Pierre Lequiller a remercié le rapporteur d’avoir réalisé cette excellente étude comparative dans des délais très Bulletin n°2 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures 223 courts et rappelé que cette pratique avait été introduite sous la précédente législature. Il a donné son accord pour publier le rapport et le compléter par une étude comparative sur les différents contrôles scientifiques dans les pays européens. M. Daniel Garrigue a souhaité que la Délégation étudie également le traitement des problèmes environnementaux par les autres pays européens, au moment où la France s’engage dans la démarche du Grenelle de l’environnement. Le Président Pierre Lequiller a déclaré que la Délégation ne pouvait pas tout traiter et qu’elle pourrait prendre deux ou trois angles d’attaque sur ce thème. M. Daniel Garrigue a cité l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Suède comme des pays très significatifs sur ce sujet. 224 z Missi Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures Bulletin n° 2 dominici Comptes rendus des missions des missi dominici sur le suivi de la Conférence intergouvernementale et certains dossiers de l’Union ITALIE : MISSION DE M. REGIS JUANICO, LE 20 SEPTEMBRE 2007 M. Régis Juanico, rapporteur, a indiqué qu’il s’était rendu à Rome, le 20 septembre dernier et qu’il avait pu y rencontrer des représentants des pouvoirs législatif et exécutif. A la Chambre des députés, il a eu un entretien avec Mme Franca Bimbi, Présidente de la Commission des affaires européennes, et avec M. Francesco Stagno d’Alcontres, vice-président de cette même commission. Du côté de l’exécutif, trois conseillers appartenant à l’équipe diplomatique de la Présidence de la République et aux services du ministère des affaires étrangères ont accepté de répondre à ses questions. Au retour de cette mission, trois enseignements semblent devoir être mis en avant. Premièrement, malgré une déception initiale, liée à l’abandon des symboles constitutionnels, l’Italie souhaite ratifier rapidement le Traité modificatif. Deuxièmement, l’importance attribuée au Parlement européen conduit à relativiser la procédure de contrôle de la subsidiarité, mais rend très sensible la question d’une nouvelle répartition des sièges après 2009. Troisièmement, une perception très positive de la concurrence dans la construction européenne n’empêche pas les Italiens de soutenir l’initiative franco-allemande sur la dimension extérieure de la stratégie de Lisbonne, visant à favoriser une concurrence loyale (en particulier avec la Chine). Au lendemain du Conseil européen de juin dernier, les réactions des principales autorités de ce pays traduisaient une certaine insatisfaction liée, à la fois, à l’abandon de la démarche constitutionnelle et au sentiment que la voix de l’Italie comptait peut-être moins que celle d’autres nations. Le Président de la République, M. Giorgio Napolitano, estimait que le Traité modificatif remettait en question « le résultat de dix années de travail et de réflexion dont le Traité de 2004 était une conclusion » et constatait : « Un pays comme le nôtre, qui a amplement soutenu ce traité, a dû céder à une minorité ». Il ajoutait néanmoins Bulletin n°2 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures 225 « Nous devons penser au futur et transformer notre insatisfaction actuelle en un tremplin pour demain ». Cette dernière phrase résume assez bien la position actuelle de l’Italie. Elle regrette la disparition de la notion de Constitution et des références aux symboles de l’Union européenne, mais en prend acte et comprend que le Traité modificatif permettra de nouveau d’aller de l’avant dans la construction européenne. A défaut de symboles tels que le drapeau, l’hymne ou la devise, les Italiens ont, en quelque sorte, reporté leur attention sur la Charte des droits fondamentaux. Mme Franca Bimbi, Présidente de la Commission des affaires européennes, a d’ailleurs assimilé cette Charte à un « drapeau » pour l’Europe. L’Italie préconise donc l’intégration de la Charte des droits fondamentaux dans le Traité. On peut avoir deux certitudes sur la ratification du Traité par l’Italie : premièrement, la ratification ne posera pas de problème dans ce pays dans la mesure où elle est soutenue par l’ensemble des forces politiques, à quelques exceptions mineures (Ligue du Nord et extrême-gauche) ; deuxièmement, la ratification sera réalisée par la voie parlementaire. Les responsables italiens se montrent favorables à une coordination des Etats membres pour que l’ensemble des ratifications intervienne dans un laps de temps resserré ; la diversité des situations propres à chaque pays rendant illusoire une ratification à une date unique. Une fois le Traité ratifié, l’Italie se déclare prête à participer à l’approfondissement de la construction européenne. Ce volontarisme la conduit notamment à vouloir participer aux coopérations renforcées, en particulier dans les domaines liés à la JAI (justice, immigration, lutte contre le terrorisme…). Le volontarisme européen de l’Italie l’incite ensuite à adopter une approche positive à l’égard de la proposition de création d’une Union méditerranéenne. Elle n’est pas perçue comme un moyen d’escamoter la question de l’élargissement à la Turquie, mais comme une ambition devant être partagée par l’ensemble des Etats membres et pas seulement par les pays bordant la Méditerranée. Les questions susceptibles d’être examinées dans ce cadre dépassent, en effet, la seule dimension régionale : changement climatique, immigration, paix en Méditerranée… Néanmoins, les Italiens souhaiteraient obtenir une information plus précise sur le cadre et les objectifs de l’Union méditerranéenne. 226 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures Bulletin n° 2 Il faut bien comprendre que la perception du rôle du Parlement européen est assez différente en Italie de celle que l’on connaît en France. La Présidente de la Commission des affaires européennes a ainsi souligné qu’il lui semblait souhaitable de développer les pouvoirs du Parlement européen en évitant les positionnements nationaux lors des votes, afin de contribuer à l’émergence d’un véritable gouvernement européen. Mme Franca Bimbi a aussi regretté que le travail de la Chambre des députés soit principalement consacré à l’intégration du droit communautaire dans le droit national. Elle a indiqué que le rôle du Parlement italien dans la « phase amont », celle de la négociation des projets communautaires, était devenu plus complexe du fait du transfert de compétences aux régions, en faveur desquelles des mécanismes de consultation obligatoire sont prévus dans certains cas. Pour ces raisons, la Commission des affaires européennes vient de confier à une mission d’information le soin d’évaluer les procédures actuelles de son fonctionnement. Parmi les évolutions envisagées figure la création d’un comité permanent chargé de sélectionner les dossiers à traiter en priorité. Comme l’avait laissé entendre MM. Alain Lamassoure et Adrian Severin lors de leur audition devant la Délégation la veille de la mission à Rome, leurs propositions sur la répartition des sièges au Parlement européen après les élections européennes de 2009 suscitent une forte réaction hostile en Italie. Selon les critères strictement démographiques retenus par les deux rapporteurs précités, l’Italie garderait les 72 sièges prévus par le Traité de Nice, mais ne serait plus à parité avec la France qui gagnerait 2 sièges (74) et le Royaume-Uni (73). Cette proposition est clairement vécue comme une rétrogradation du rang de l’Italie en Europe. Plusieurs arguments sont avancés pour s’opposer à une telle réforme, en particulier le fait que le Traité se réfère aux « citoyens » et pas à la population, ce qui nécessiterait de prendre en considération les nombreux citoyens italiens ayant émigré dans d’autres Etats membres. L’ouverture à la concurrence des marchés des biens et des services, prévue par le Traité de Rome et mise en œuvre par la Commission européenne, est aujourd’hui une démarche approuvée et soutenue par l’Italie, dont le Président du Conseil, M. Romano Prodi, est un ancien Président de la Commission européenne. Dans ces conditions, la requalification de la concurrence libre et non faussée en instrument de l’Union, et non plus en objectif de l’Union, avait donné lieu, à l’issue du Bulletin n°2 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures 227 Conseil européen de juin 2007, à de sévères critiques à l’encontre de la France et de son Président, à l’origine de cette mesure. Nos interlocuteurs ont de nouveau regretté cette concession accordée à la France. Cependant, un élément relativement nouveau mérite d’être souligné : la forte sensibilité de l’Italie aux risques liés à une concurrence déloyale de la part de la Chine. Toutes les personnes rencontrées prenaient l’initiative d’aborder ce sujet. L’économie italienne, qui s’appuie sur des PME performantes dans des domaines tels que la confection ou la maroquinerie, subit le choc des importations de produits à bas prix et de contrefaçons provenant de Chine. Les craintes liées aux conséquences de cette concurrence sur la compétitivité et l’emploi en Italie se traduisent par une certaine tension avec la communauté chinoise installée dans ce pays. Ces craintes conduisent surtout les autorités italiennes à demander à l’Europe de mieux s’organiser pour assurer la protection contre la concurrence déloyale. Dès lors, la lettre conjointe franco-allemande adressée à M. José Socrates le 10 septembre 2007 pour demander le renforcement de la stratégie de Lisbonne grâce à des mesures économiques externes, en favorisant une concurrence loyale dans un esprit de réciprocité, a forcément trouvé un accueil positif en Italie. En conclusion, l’Italie demeure un Etat au fort volontarisme européen, prêt à participer à l’approfondissement de la construction communautaire, mais ayant parfois l’impression de ne pas peser du poids qu’il mérite dans les décisions. C’est pourquoi il conviendra de veiller à ménager la susceptibilité nationale à l’occasion de la nouvelle répartition des sièges au Parlement européen. ROUMANIE : 2 OCTOBRE 2007 MISSION DE M. EMILE BLESSIG, LE M. Emile Blessig, rapporteur, a indiqué qu’il s’était rendu hier à Bucarest en Roumanie, pays nouvellement adhérent et qui connaît actuellement une situation d’incertitude politique, le gouvernement étant sous la menace de l’adoption d’une motion de censure. Par ailleurs, au mois de novembre prochain aura lieu l’élection des députés européens. D’une manière générale, les entretiens ont mis l’accent sur le sentiment europhile de la population et le contexte « euro-enthousiaste », l’Europe recueillant 70 % d’opinions favorables dans les sondages. L’attrait de la nouveauté l’emporte parfois sur une analyse approfondie des problématiques. 228 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures Bulletin n° 2 Les entretiens tant au ministère des affaires étrangères qu’au ministère de l’intérieur et de la réforme administrative ont permis une approche générale de la construction européenne. La visite à la commission du parlement pour les affaires européennes a été plus particulièrement consacrée à la place des parlements nationaux dans le processus de décision européen. Au ministère des affaires européennes, M. Adrian Vierita, secrétaire d’Etat en charge des affaires européennes, a abordé des préoccupations spécifiques comme la situation au Kosovo qui est une affaire européenne. Il a également insisté sur l’importance de l’élaboration d’une politique énergétique commune. Compte tenu de l’étendue des frontières de la Roumanie – plus de 2500 kilomètres allant de la mer noire aux Carpates – et des difficultés de surveillance tenant notamment au relief de cette zone, la Roumanie est très soucieuse de développer une politique de bon voisinage avec les pays frontaliers, et notamment avec la Moldavie dont elle souhaite l’intégration dans l’Union européenne. Cette politique de bon voisinage pose de façon plus générale le problème des frontières de l’Union qui n’est pas limité à la Turquie, certains Etats pouvant avoir un intérêt particulier à l’adhésion de pays limitrophes. S’agissant du traité simplifié, il est accepté sans réserve. La Roumanie est cependant consciente du chemin qui lui reste à parcourir pour répondre aux défis posés par l’adhésion à l’Union européenne, notamment en matière de justice et affaires intérieures. Ces défis ne pourront être relevés que par sa participation à l’approfondissement de la construction européenne. L’adhésion à la convention de Schengen est prévue pour 2012, et compte tenu des perspectives économiques, l’intégration dans la zone euro est envisagée en 2012. Au ministère de l’intérieur et des réformes administratives, M. Vassile Nitsa, sous-secrétaire d’Etat, a également fait part des difficultés de surveillance d’une frontière très étendue et de zones où la criminalité est très importante. Un système intégré de sécurité des frontières a été mis en place et la Roumanie participe à Interpol, Europol et à Frontex, l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières. La Roumanie est en tout état de cause très demanderesse d’une coopération européenne en la matière. Afin de répondre aux exigences posées par l’espace Schengen, le processus Bulletin n°2 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures 229 d’élaboration de passeports biométriques a été enclenché et un groupe de travail a été constitué sur ce dossier à Bruxelles. S’agissant de l’émigration, il existe une réelle inquiétude sur le départ des forces vives du pays, même si la Roumanie pense pouvoir compter sur les progrès économiques pour inciter la main-d’œuvre au retour et enclencher ainsi un mouvement de rééquilibrage, comme ce fut le cas pour l’Espagne ou le Portugal. Concernant la lutte contre la criminalité, l’adhésion à permis de délivrer 750 mandats d’arrêt européens depuis le 1er janvier 2007, contre une centaine en 2006. D’une manière générale, la Roumanie est favorable à l’élaboration de règles communes dans tous les domaines où l’Union européenne est appelée à intervenir, comme le régime d’asile européen et soutient l’idée de la France d’un pacte européen sur l’immigration. L’entretien à la commission du Parlement pour les affaires européennes avec MM. Vasile Puscas (PSD), Costache Mircéa (PRM), Bogdan Nicolae Niculescu-Duvaz (PSD) et Valer Pusca Mircéa (PNL), députés, a été l’occasion d’aborder les modalités de contrôle du Parlement sur le processus de décision européen. Cette commission est bicamérale et son activité est encore très nouvelle, notamment en ce qui concerne le contrôle de subsidiarité. Sur ce point, la commission élabore un mécanisme mais si deux simulations ont été faites, il n’est pas encore opérationnel. Les députés estiment que le délai de huit semaines dont disposent les parlements pour contrôler l’application du principe de subsidiarité n’est pas suffisant. Ils sont, sur ce point, favorables à une coopération entre les parlements nationaux, le cadre de la COSAC ayant été évoqué. En revanche, ils n’ont émis aucune critique sur le poids respectif des Etats dans la procédure de décision telle que prévue dans le traité simplifié. La ratification de ce traité ne posera, de l’avis unanime des interlocuteurs, aucun problème. Elle se fera par voie parlementaire selon la même procédure que pour le traité d’adhésion et pourra intervenir rapidement et, en tout état de cause, avant les élections européennes de juin 2009. 230 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures Bulletin n° 2 La qualité des personnalités rencontrées au cours de cette mission courte mais dense a largement contribué à un enrichissement réciproque. IRLANDE : 2 OCTOBRE 2007 MISSION DE MME ARLETTE FRANCO, LE Mme Arlette Franco, rapporteure, a indiqué qu’elle s’était rendue hier à Dublin, où elle a eu des entretiens avec plusieurs députés du Dail. Les commissions n’ayant pas encore été désignées, et compte tenu des contraintes de calendrier des missions, il était impossible de rencontrer les membres de la commission des affaires européennes mais Mme Arlette Franco a souligné qu’elle avait eu la possibilité de rencontrer des représentants des principaux groupes, ainsi que M. Dick Roche, ministre délégué aux affaires européennes. Elle a ensuite observé que plusieurs points avaient retenu son attention. Tout d’abord, l’Irlande sera le seul Etat membre à organiser un référendum sur le Traité modificatif. Après le rejet du projet de Traité constitutionnel par la France et les Pays-Bas en 2005, l’Irlande avait décidé de reporter la tenue du référendum tendant à la ratification (comme l’avait également décidé le Royaume-Uni). Bien que certains des interlocuteurs aient indiqué qu’un référendum sur le traité modificatif n’était peut-être pas obligatoire au plan juridique, tous se sont accordés pour dire que politiquement il était nécessaire. Le souvenir du rejet du Traité de Nice par référendum en 2001 est très présent. L’Irlande avait dû voter à nouveau en 2002, et le « oui » l’avait emporté. Les interlocuteurs ont fait preuve d’un certain optimisme sur l’issue du référendum, soulignant en premier lieu que tous les grands partis sont favorables au Traité modificatif (le Fianna Fail, principal parti de la coalition au pouvoir, le Fine Gael, le Labour et les Progressive Democrats). Les Verts, qui sont en Irlande traditionnellement hostiles à l’Europe, pourraient changer de position, en raison de leur participation à la coalition gouvernementale depuis les dernières élections en mai 2007. Les partenaires sociaux sont également favorables au Traité. Bulletin n°2 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures 231 Les obstacles évoqués sont de plusieurs ordres : - le risque d’une trop faible participation, comme cela avait été le cas pour le premier référendum sur le traité de Nice ; - les risques de tout référendum : les électeurs pourraient être tentés de répondre à d’autres questions que celle posée, d’ordre européen (ont été cités le rejet de l’harmonisation fiscale, l’Irlande ayant un taux d’impôt sur les sociétés très inférieur à la moyenne européenne, ainsi que la crainte de l’élargissement à la Turquie) ou interne ; - la reprise d’arguments récurrents dans les débats sur l’Europe : la critique de l’excès de réglementation et de la bureaucratie, la défense de la neutralité de l’Irlande. La question du nombre de sièges au Parlement européen a aussi été présentée comme problématique pour l’opinion publique ; - les possibilités de « contagion » du débat britannique, notamment en raison de la popularité de certains journaux britanniques très anti européens ; - et plus largement, une éventuelle focalisation de tous les eurosceptiques de l’Union sur le débat irlandais. La date du référendum n’a pas encore été arrêtée. La plupart des interlocuteurs rencontrés ont évoqué le printemps 2008, et lors de l’entretien avec le ministre délégué aux affaires européennes, celui-ci a exprimé son souhait que le référendum se tienne le 9 mai, journée Schuman. Un autre point encore en débat concerne la possibilité de coupler le référendum sur le Traité avec un autre référendum sur les droits de l’enfant. Les interlocuteurs rencontrés pensent qu’il serait préférable de distinguer les deux votes. Le ministre délégué aux affaires européennes M. Dick Roche, qui a l’expérience du deuxième référendum sur le Traité de Nice, a indiqué qu’il souhaitait mener une campagne très active, permettant une explication claire du Traité, tout en étant à l’écoute des problèmes de la population. Il existe en Irlande un Forum national sur l’Europe, qui se réunit tous les mois, et qui est une enceinte dans laquelle les partis, les partenaires sociaux et les membres de la société civile débattent de 232 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures Bulletin n° 2 l’Europe. Cette instance de discussion va jouer un rôle important en amont du référendum. L’Irlande n’a pas encore décidé si, dans le cadre du Traité modificatif, elle allait demander les mêmes dérogations que le RoyaumeUni dans le secteur de la justice et des affaires intérieures. Rappelons que l’Irlande ne fait pas partie de l’espace Schengen et partage un espace de libre circulation avec le Royaume-Uni. Concernant la coopération judiciaire, les milieux juridiques sont favorables à un alignement sur les positions britanniques, en se fondant sur les particularités des pays de common law. Le ministre délégué aux affaires européennes a indiqué qu’à titre personnel, il n’était pas favorable à ce que l’Irlande suive le Royaume-Uni à ce sujet, soulignant que le Traité n’apportait pas de changement négatif et qu’il ménageait des possibilités de « frein de secours ». L’Irlande est par ailleurs très attachée à la Charte des droits fondamentaux et ne demandera pas de dérogation comme l’ont fait les Britanniques. Les interlocuteurs ont tous souligné leur engagement pour l’Europe politique et leurs différences de vue avec les Britanniques à ce sujet. D’autres questions ont été soulevées par les interlocuteurs. Les personnes rencontrées ont souhaité des précisions sur la proposition du comité des sages faite par le Président de la République ; certaines ont exprimé la crainte que la composition de ce comité se limite à des experts « donneurs de leçons », ce qui ne serait pas suffisamment ouvert et démocratique. La Turquie a été plusieurs fois évoquée. L’opinion publique est défavorable à son entrée dans l’Union. Certains des interlocuteurs s’interrogent sur les conséquences d’un refus de l’adhésion sur la situation de la Turquie et ses relations avec l’Union européenne. Ont été aussi évoqués le rôle des « petits » pays dans l’Union européenne, et les inquiétudes sur l’avenir de la politique agricole commune, dossier sur lequel les Irlandais souhaitent un soutien mutuel avec la France. Bulletin n°2 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures 233 L’immigration est un sujet important en Irlande. Il s’agit d’une question nouvelle, puisque ce pays a connu une immigration très importante depuis 2003-2004, en raison de sa forte croissance économique et de l’élargissement de l’Union européenne. Le nombre d’étrangers résidant en Irlande est estimé à 10 % de la population totale, soit 400 000 personnes. L’ampleur de ce phénomène n’a pas été anticipée. L’Irlande applique depuis le 1er janvier 2007 des restrictions transitoires à la libre circulation des travailleurs roumains et bulgares. Les personnes rencontrées ont souligné que l’Irlande n’avait pas encore formulé de politique sur l’immigration, notamment sur l’intégration des immigrés. Elle est particulièrement attentive aux exemples de ses partenaires européens, comme le Royaume-Uni et la France. Des difficultés sont redoutées, en cas de ralentissement de l’économie (ce qui n’est pas le cas actuellement, puisque l’Irlande connaît une croissance de 6 % et un chômage de 4,5 %). La dépendance de l’économie vis-à-vis des multinationales et la crainte des délocalisations ont été soulignées à plusieurs reprises. M. Michel Herbillon a souhaité savoir si la mobilisation pour le futur référendum allait être similaire à celle que l’Irlande avait organisée pour le deuxième référendum sur le traité de Nice. Il a indiqué qu’il s’était rendu en Irlande à cette époque et avait été impressionné par l’ampleur de la campagne, dans laquelle le Premier ministre s’était fortement engagé et qui avait impliqué de nombreux acteurs de la société civile, notamment les chefs d’entreprises. Mme Arlette Franco a répondu que le ministre délégué aux affaires européennes avait parlé d’une campagne musclée, qui impliquerait les partenaires sociaux. Il fait lui-même preuve d’une forte conviction et d’un fort engagement. Le Président Pierre Lequiller a souligné l’intérêt des missions, qui permettent de faire le point sur le calendrier de ratification mais aussi d’avoir un aperçu sur les positions européennes et la vie politique interne. Bulletin n°2 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 16 h 15 235 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 16 h 15 Présidence de M. Pierre Lequiller, Président z Politique industrielle européenne et stratégie de Lisbonne Audition, ouverte à la presse, de Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi, sur la politique industrielle européenne et la stratégie de Lisbonne Le Président Pierre Lequiller s’est déclaré très heureux de recevoir la ministre sur le thème de la politique industrielle. Il a rappelé qu’au cours des derniers mois, les dossiers de politique industrielle ont occupé une place très importante en France et en Europe, avec la réforme de la gouvernance d’EADS et la fusion de Suez et GDF. Dans le domaine de l’énergie, les sujets de débat sont actuellement nombreux : volonté de la Commission de renforcer la libéralisation du marché énergétique européen avec la séparation entre les producteurs et leur réseau de transport, à laquelle l’Allemagne et la France, ainsi que sept autres Etats membres, sont opposés ; avenir du nucléaire en Europe avec les difficultés d’un certain nombre de pays comme l’Allemagne, dont la coalition est divisée sur ce sujet ; réflexion sur la recomposition du groupe Areva et son éventuel rapprochement avec Alstom, principal concurrent de l’allemand Siemens, qui détient actuellement 34 % de participation à Areva. Concernant la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l’emploi (qui depuis sa révision en 2005 inclut l’objectif de renforcement de la base industrielle), l’enjeu actuel est la définition d’un nouveau cycle pour la période 2008-2010. La Chancelière allemande et le Président de la République ont adressé récemment une lettre au Président du Conseil européen, dans laquelle ils demandaient un renforcement de la stratégie de Lisbonne grâce à des mesures économiques externes, permettant de garantir une concurrence loyale au plan mondial. 236 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 16 h 15 Bulletin n° 2 Après avoir demandé à la ministre quelle valeur ajoutée apportait l’Europe en matière industrielle, le Président Pierre Lequiller l’a interrogée sur les actions que la France et l’Allemagne entendent mener pour s’opposer aux récentes propositions de la Commission sur la séparation de la production et de la distribution du transport dans le domaine de l’énergie ; sur le financement de Galileo, avec l’opposition de l’Allemagne à un financement par des crédits communautaires ; sur les espoirs d’obtenir de la Commission européenne qu’elle demande une dérogation à l’OMC concernant l’accès des PME aux marchés publics, similaire à celle dont bénéficient déjà plusieurs de nos concurrents mondiaux ; sur la portée de la requalification de la concurrence libre et non faussée non plus en objectif de l’Union, mais en instrument dans le futur traité modificatif et enfin sur les priorités que le Gouvernement souhaite mettre en avant lors du prochain cycle de la stratégie de Lisbonne pour la période 2008-2010. me M Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi, a exprimé sa satisfaction d’intervenir devant la Délégation pour l'Union européenne sur la politique industrielle dans le cadre de l’Europe, d’autant plus que, jusqu’à une date récente, on parlait plus au plan communautaire de politique de concurrence que de politique industrielle. Dans le contexte de la mondialisation, on assiste à un retour en force du concept de politique industrielle. La ministre a salué le rapport d’information présenté en février dernier par MM. Jacques Myard et Jérôme Lambert sur la politique industrielle européenne. Le Gouvernement s’en est inspiré. Elle a souligné que la politique industrielle se bâtit avec le temps. Les années soixante-dix furent marquées par les grands programmes, les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix par la concurrence et la libéralisation et la politique industrielle n’était pas au cœur du projet de la Commission européenne. Il convient tout d’abord d’inventer l’avenir, par la promotion de la recherche et de l’innovation. L’engagement fixé à Lisbonne de parvenir d’ici 2010 à 3 % du PIB consacrés à la recherche et développement est loin d’être atteint. La France y a consacré en 2005 2,1 % de son PIB, ce qui la situe au-dessus de la moyenne européenne (1,77 %), mais en deçà de l’Allemagne (2,5 %), des Etats-Unis (2,68 %) Bulletin n°2 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 16 h 15 237 et du Japon (3,18 %). Ceci est insuffisant par rapport à l’objectif. Si les sommes investies par le secteur public sont importantes, l’investissement privé est en retard. Le projet de loi de finances pour 2008 prévoit donc un effort considérable pour la recherche, par le biais d’une amélioration substantielle du crédit d’impôt recherche. Celui-ci existe mais il est trop complexe et trop court compte tenu des objectifs de long terme des entreprises. Il est donc proposé de porter à 30 % le taux du crédit d’impôt sur la part en volume jusqu’à 100 millions d’euros de dépenses de recherche, puis à 5 % au delà de ce seuil. Par ailleurs, afin d’étendre l’assiette du crédit d’impôt à 100 % des dépenses de recherche, le plafond sera supprimé. Il s’agit d’un effort massif en faveur de la recherche des entreprises privées, qui représentera un coût budgétaire de 800 millions d’euros en 2009 et de 1,3 milliard d’euros en année pleine. La ministre a indiqué que des modifications visaient aussi à simplifier le mécanisme du crédit d’impôt recherche et à apporter plus de sécurité aux entreprises. Les pôles de compétitivité sont le deuxième instrument que le Gouvernement souhaite améliorer. Il existe aujourd’hui 71 pôles de compétitivité, dont 7 pôles mondiaux et 9 à vocation mondiale. Il faut maintenant leur donner le temps de faire la preuve de leur capacité à rassembler les différents acteurs, chercheurs, entreprises et pouvoirs publics. En 2008, une évaluation de l’efficacité de ces pôles sera mise en œuvre. La Commission européenne a souligné l’avance de la France dans son évaluation des programmes nationaux de réforme en 2006. C’est clairement la France qui a inspiré l’initiative européenne des « clusters ». Les agences au service de la recherche et du développement sont un troisième instrument que le Gouvernement souhaite rendre plus opérationnel. Il est souhaitable qu’OSEO et l’Agence de l’innovation industrielle se recentrent sur un effort en faveur des PME. Le Gouvernement va aussi continuer à soutenir les efforts de l’Agence nationale de la recherche, qui rapproche le monde académique et l’entreprise en mode projet. 238 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 16 h 15 Bulletin n° 2 Enfin, certaines politiques contribuent en parallèle à améliorer l’innovation. La France s’attache ainsi à créer un environnement réglementaire approprié pour que les technologies nouvelles de l’information et de la communication soient rapidement accessibles. C’est notamment le cas de la télévision mobile personnelle, qui permet aux détenteurs d’un téléphone mobile de recevoir la télévision. Il est nécessaire de disposer de mécanismes juridiques pour la protection de la propriété industrielle. C’est pourquoi le Gouvernement a engagé des démarches pour la ratification de l’accord de Londres et du protocole de Munich sur les brevets européens. Concernant la lutte contre la contrefaçon, il convient de mieux protéger la recherche et l’invention des entreprises françaises au plan international. La France défend également la création d’un brevet communautaire avec un contentieux de la validité et de la contrefaçon confié à une juridiction unique, la Cour de Justice européenne. La France a, à ce sujet, un débat fructueux mais pas toujours facile avec l’Allemagne. La politique industrielle doit aussi viser à améliorer le présent et la situation au quotidien. A ce titre, le Gouvernement souhaite favoriser le développement des PME. La lettre de mission adressée par le Président de la République fixe un objectif de création de 2000 entreprises de taille moyenne, pour conquérir les marchés étrangers, créer des emplois et participer à la recherche et à l’innovation. La France souhaite que l’Union européenne obtienne à l’OMC une dérogation permettant un accès préférentiel des PME aux marchés publics, qui placerait les PME européennes sur un pied d’égalité avec les PME américaines, japonaises, canadiennes et sud-coréennes. La France va poursuivre cette démarche ; le Président de la République a confié sur ce sujet une mission à M. Lionel Stoleru. Les résultats seront connus à la fin de l’année. La politique industrielle doit enfin permettre de gérer l’héritage et le passé, en anticipant puis en accompagnant les mutations industrielles. Il s’agit de dossiers parfois douloureux, qui comportent des restructurations, des suppressions de postes, la revitalisation de bassins d’emplois. Pour ce faire nous disposons d’une palette d’outils, comme la Bulletin n°2 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 16 h 15 239 gestion prévisionnelle des emplois et la revitalisation des territoires touchés par des restructurations. Ces outils font souvent appel à la négociation collective, car il faut associer les chefs d’entreprises, les salariés, les pouvoirs publics locaux. Cette dimension d’anticipation et de participation fait son chemin au plan européen. En 2006, sous l’impulsion de M. Michel Barnier et de M. Pascal Lamy, puis du Président José Manuel Barroso, a été créé un Fonds européen d’ajustement à la mondialisation, dont la vocation est d’intervenir dans les grandes restructurations industrielles. Ce fonds est doté de 500 millions d’euros et cette dotation va augmenter. PSA et Renault ont été les premiers à en bénéficier. La ministre a ensuite souligné l’intérêt d’une approche par filière, citant la mission confiée à M. de Calan, Délégué général adjoint de l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), sur la gestion de l’emploi dans la filière automobile. Dans une économie mondialisée et caractérisée par une forte concurrence, il convient d’avoir une réflexion globale, incluant les donneurs d’ordre et tous les sous-traitants. Cette approche par filière doit aussi concerner l’aéronautique, l’industrie chimique, l’agro-alimentaire. Il faut également l’appliquer aux secteurs d’avenir, par exemple les jeux informatiques, les biotechnologies, les nanotechnologies. S’agissant de Galileo, Mme Christine Lagarde a rappelé que, lors du Conseil des ministres des transports du 2 octobre 2007, aucun compromis n’avait pu être trouvé quant aux modalités de financement de ce programme. Elle a jugé nécessaire de convaincre l’Allemagne d’accepter, conformément aux propositions du Commissaire Jacques Barrot, le principe d’un financement communautaire de Galileo qui est un enjeu déterminant pour l’Europe et dans lequel l’Allemagne doit trouver naturellement sa place. Pour ce qui est de la filière nucléaire, la ministre a indiqué que la recapitalisation d’Areva – en dépit de sa pertinence – n’était pas à l’ordre du jour, Areva disposant d’une capacité technologique importante qui lui permet d’être très compétitive que ce soit par rapport à Westinghouse ou par rapport à d’autres concurrents – japonais ou General Electric – qui se profilent sur le marché. En ce qui concerne la séparation patrimoniale des activités de production et de transport d’énergie, la ministre a indiqué que la 240 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 16 h 15 Bulletin n° 2 France, avec ses autres partenaires – dont l’Allemagne – était hostile à une telle proposition qui n’apparaît pas nécessaire pour améliorer le service, ni pour assurer une concurrence libre et non faussée en faveur des tiers. Un débat a suivi l’exposé de la ministre. M. Jérôme Lambert, se référant au rapport d’information qu’il a établi avec M. Jacques Myard, a rappelé qu’en dix ans la part de l’emploi industriel dans l’Union européenne avait été ramenée de 21 % à 17,7 % et en France de 19,5 % en 1990 à 14,8 % en 2001. Par ailleurs, la France a perdu 1,4 million d’emplois au cours des 15 dernières années et l’Allemagne 3,5 millions d’emplois. Or, jusqu’à maintenant, l’Union s’est employée davantage à lutter contre les freins à la concurrence qu’à mener une véritable politique industrielle. Face à cette situation préoccupante dont on mesure aujourd’hui les conséquences, une volonté semble se faire jour pour adopter d’autres orientations lesquelles, malgré tout, manquent de clarté. Se référant à un article publié dans Le Figaro « le grand retour de la politique industrielle », signé par MM. Jean-Pierre Jouyet, Secrétaire d’Etat aux affaires européennes, et le commissaire Günter Verheugen, M. Jérôme Lambert a toutefois fait observer que le programme Galileo se heurtait à des difficultés. En matière énergétique, les rapports entre Areva et ses partenaires se détériorent. Quant au principe de la séparation patrimoniale entre les activités de production et de transport d’énergie proposé par la Commission, il suscite l’hostilité de plusieurs Etats membres, comme l’a rappelé la ministre. Dans ce contexte, M. Jérôme Lambert a souhaité savoir quels étaient aujourd’hui les grands projets industriels portés par l’Union européenne, compte tenu du fait qu’aucune volonté concrète ne semble se dessiner. M. Michel Herbillon a remercié la ministre pour son exposé qu’il a jugé très clair et lui a fait part de son appui enthousiaste aux propos qu’elle a tenus concernant le crédit d’impôt recherche, les pôles de compétitivité, le small business act, les priorités en faveur des PME, de la recherche et de l’innovation, l’approche industrielle par filières, observant à cet égard que tous ces problèmes ont été déjà évoqués au sein de la Délégation. Bulletin n°2 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 16 h 15 241 Puis il a demandé à la ministre quel était le jugement qu’elle portait sur la situation de la gouvernance économique de l’Union européenne. Evoquant la Présidence française, il a estimé qu’elle devrait être l’occasion pour la France de fixer certaines priorités et a demandé des précisions sur ces dernières, en particulier en ce qui concerne la stratégie de Lisbonne. Il a regretté que celle-ci ait accusé beaucoup de retard et qu’elle demeure peu lisible, ce qui exige davantage de pédagogie, effort que, d’après lui, la Présidence française pourrait accomplir utilement et que la Délégation pourrait, de son côté, relayer. Il a souhaité connaître quels étaient les points fondamentaux d’accord ou de divergence existant avec les autres partenaires sur la politique industrielle. Enfin, s’agissant d’OSEO, il s’est enquis de la pertinence des allégations selon lesquelles les activités d’OSEO seraient axées sur le soutien bancaire aux PME au détriment de la recherche, rappelant que ce groupe avait été créé à l’initiative de l’Etat et des gouvernements successifs pour être le fer de lance des PME, de la recherche et de l’innovation. Il a par ailleurs demandé à Mme Christine Lagarde dans quel délai le nouveau président d’OSEO serait désigné. En réponse, la ministre a fait part des éléments suivants. Le rapport précité établi par MM. Jacques Myard et Jérôme Lambert étaye son important travail d’analyse, de diagnostic et de proposition sur des chiffres extrêmement évocateurs dont il faut tenir compte. Il convient néanmoins de prendre acte des évolutions économiques. Les emplois perdus dans certains secteurs ne seront pas retrouvés dans ces mêmes secteurs. D’autres activités se sont développées, entre autres dans les services et plus particulièrement dans les services à l’industrie. La montée en puissance de la technologie exige un fort investissement en matière de recherche-développement. Celui-ci s’accompagne d’une amélioration du contenu des emplois. Par ailleurs, certains secteurs comme le textile peuvent rester présents en France grâce à des innovations. Pour ce qui concerne les grands projets industriels au niveau européen, EADS est le premier d’entre eux. Il faut, en effet, s’appuyer sur les projets anciens et ne pas les négliger. Le producteur d’avions a 242 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 16 h 15 Bulletin n° 2 certes pâti des retards de l’A380, mais Boeing souffre également de problèmes de nature comparable pour son dreamliner, même si ceux-ci sont moins connus. Galileo est un autre de ces grands projets. Il avance notamment grâce à l’action du commissaire européen aux transports, M. Jacques Barrot. Il représente un enjeu essentiel pour l’indépendance de l’Europe vis-à-vis du GPS américain. Pour l’avenir, il convient de rester ouvert sur la nature des projets industriels de demain. S’agissant de la gouvernance économique de l’Europe, ce même projet Galileo doit servir de champ d’expérimentation, avec obligation de résultats. Sur des projets avec de tels enjeux d’investissement, de technique et d’indépendance, il convient d’éviter tout esprit de repli des Etats membres qui veilleraient essentiellement à soutenir l’activité de leurs industries. Pour la future Présidence française, l’énergie et la défense ont déjà été identifiées comme des secteurs industriels sur lesquels des projets pourraient voir le jour. Ils sont des garants de l’indépendance nationale et régionale. Par ailleurs, il convient de développer les outils en faveur des PME. Il s’agit, d’une part, de l’équivalent du small business act pour l’Europe et, d’autre part, d’une réflexion sur le statut et les critères d’identification des PME. Les seuils actuels d’effectifs et de chiffre d’affaires sont-ils pertinents ? La dimension externe de la compétitivité constitue, en liaison avec les réflexions du commissaire chargé du commerce extérieur, M. Peter Mandelson, un sujet à évoquer. Il s’agit d’examiner les moyens avec lesquels, hors d’Europe, les Etats soutiennent leurs entreprises pour définir des conditions de réciprocité. La gamme d’intervention est large et va des aides d’Etat à la politique sociale en passant, le cas échéant, par des politiques monétaires appropriées. La France a demandé une étude sur ce point. S’agissant d’OSEO, qui résulte de la fusion entre la BDPME et l’ANVAR et dont le nouveau directeur sera nommé prochainement, sa vocation est de se concentrer sur les services bancaires aux PME tout en soutenant également l’innovation. En ce qui concerne les points d’accord ou de désaccord avec nos principaux partenaires européens, l’expérience montre que les accords interviennent plus aisément lorsqu’il y a un adversaire ou un compétiteur commun. Sur le niveau du change de l’euro avec le dollar, Bulletin n°2 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 16 h 15 243 le yen et le yuan, on constate progressivement une convergence sur la position exprimée très tôt par la France avec des ralliements tels que ceux de M. Jean-Claude Junker, le Président de l’Eurogroupe, et de M. Joaquin Almunia, commissaire européen aux affaires économiques et monétaires. En revanche, lorsque tel n’est pas le cas, il est plus difficile d’obtenir des accords. Il existe ainsi une divergence sur le rôle de la concurrence entre les pays du Nord et ceux du Sud. M. Daniel Garrigue s’est félicité des mesures annoncées notamment le développement du crédit d’impôt recherche, qui permet d’envisager le développement des entreprises, ainsi que du Protocole de Londres et de l’équivalent du small business act. L’examen des moyens et méthodes de la politique industrielle des autres grandes puissances à l’échelle mondiale montre l’importance des outils, qu’il s’agisse des instituts d’analyse comme au Japon, des grandes agences de recherche aux Etats-Unis, du budget de la défense ou encore des fonds souverains permettant de procéder à des investissements essentiels par-delà les frontières. Par comparaison, l’Europe est très faible car elle n’a pas de véritable stratégie. A part l’objectif d’atteindre le niveau de 3 % du PIB pour les dépenses de recherche et de développement, la stratégie de Lisbonne ne relève pas de la même catégorie car elle est largement déléguée aux Etats et les modalités en sont très incertaines. Il convient également de protéger et de ne pas remettre en cause les différents outils en vigueur, notamment les établissements financiers spécialisés qui peuvent jouer un rôle semblable à ceux des fonds souverains. Il faut aussi réfléchir sur les difficultés de l’articulation entre les instruments nationaux et européens de recherche, dont Galileo est un exemple. La construction d’une véritable défense européenne serait également un outil appréciable. S’agissant des enjeux, il y a des oppositions entre Etats membres sur la question énergétique, notamment sur le nucléaire. M. Christian Paul a souhaité évoquer les pôles de compétitivité et leurs liens avec le développement de la coopération industrielle en Europe. Le groupe socialiste n’est pas, a priori, hostile à la démarche de mise en place de pôles de compétitivité, mais il semblerait que certains acteurs critiquent aujourd’hui une trop forte centralisation des décisions, une mobilisation et des moyens financiers 244 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 16 h 15 Bulletin n° 2 insuffisants, ainsi qu’une gouvernance parfois aléatoire. Par ailleurs, on peut se demander si certains pôles n’ont pas un champ d’activité trop étroit pour pouvoir prétendre atteindre l’échelon européen, tandis qu’à l’inverse l’Etat ne devrait pas renoncer à soutenir d’autres pôles essentiels sur le plan régional. D’une façon plus sectorielle, à l’occasion du débat en séance publique sur le Grenelle de l’environnement, il paraît nécessaire de ne pas ignorer le secteur de captage et de séquestration du CO², dans la mesure où les centrales thermiques sont nombreuses en Europe et dans le monde, qu’Alstom est un intervenant majeur et que l’Allemagne est particulièrement concernée par cette question. M. Hervé Gaymard a remercié la ministre pour la clarté de son intervention et son volontarisme. Il a souhaité aborder la question de la tarification de l’énergie, qui est essentielle pour les industries électro-intensives. Or, le consortium Excelsium, qui réunit ces entreprises électro-intensives, fait état de difficultés, de menaces, qui pèseraient sur le dispositif dit de « l’énergie réservée » liant une usine hydroélectrique à des entreprises situées à proximité et, enfin, on connaît les problèmes touchant au « tarif de retour », permettant aux entreprises ayant choisi un autre opérateur qu’EDF de revenir à un tarif réglementé. Cette question d’apparence technique est, en réalité, très politique et le Président de la République a d’ailleurs résumé les enjeux en demandant pourquoi la France, après avoir supporté, dans le passé, des inconvénients liés à la mise en place de la filière nucléaire, ne pourrait pas bénéficier aujourd’hui des avantages d’une tarification au meilleur coût procurée par cette filière. Les réponses à cette question seront fondamentales pour le devenir de la compétitivité future des industries de l’aluminium implantées à Saint-Jean-de-Maurienne. Mme Arlette Franco a constaté que la filière nautique était actuellement en plein développement et que des entreprises françaises se situaient au premier rang mondial. Toutefois, les directives communautaires sur la pêche mettent en difficulté des constructeurs de thoniers souhaitant se reconvertir dans le domaine de la plaisance. Il importe donc d’accompagner cette évolution. M. Didier Quentin a repris à son compte les propos de Mme Arlette Franco, puis il s’est interrogé sur le positionnement de l’Europe dans les domaines des nanotechnologies et de la robotique, où - semble-t-il – le Japon aurait pris quelques longueurs d’avance. Enfin, citant une constatation dressée dans le rapport d’information de Bulletin n°2 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 16 h 15 245 MM. Jacques Myard et Jérôme Lambert, il a souhaité savoir si l’Europe sortait de sa « naïveté » en matière d’intelligence économique. En réponse aux différents intervenants, Mme Christine Lagarde a fourni les précisions suivantes : - le problème des fonds souverains est un exemple illustrant parfaitement les possibilités de trouver des accords en Europe. Le Président Nicolas Sarkozy et la Chancelière Angela Merkel ont déjà fait part de leur volonté commune de mieux connaître la composition, le champ d’action et la régulation de ces fonds. D’autres partenaires européens semblent prêts à nous suivre dans ce domaine ; - la question de l’articulation du niveau national et du niveau européen mérite, effectivement, d’être développée pour autoriser un meilleur déploiement de nos forces ; - sur l’énergie, pour des raisons de choix politiques tenant à la fois à l’histoire et à la culture, on ne peut que constater la diversité des situations nationales. Néanmoins, des évolutions exemplaires sont aujourd’hui en cours en matière nucléaire et certains Etats s’ouvrent à nouveau à cette filière en prenant en considération le principe de rareté ; - la coopération en matière de défense, initiée par la déclaration de Saint-Malo entre la France et le Royaume-Uni, doit s’étendre à d’autres pays ; - il est trop tôt pour établir un bilan précis des pôles de compétitivité après trois années de recul seulement. Une première évaluation est prévue en 2008, mais il convient de se laisser du temps pour dresser un bilan correct. On peut néanmoins estimer que, dans la plupart des cas, les pôles constituent une réussite, ayant facilité les contacts et la mise en cohérence. Des expériences similaires existent en Europe, en particulier en Italie, Allemagne et Finlande. Jusqu’à présent les convergences transfrontalières se réalisent plutôt à proximité des frontières, mettant en évidence la primauté du fait géographique, mais les efforts consentis dans la mise en place de plateformes technologiques pourraient faciliter des rapprochements d’unités plus éloignées. En tout état de cause, il conviendra de trouver des mécanismes autorisant une répartition équitable des fruits des recherches ainsi réalisées, sous peine de buter sur l’obstacle de la confidentialité ; 246 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 16 h 15 Bulletin n° 2 - les énergies électro-intensives sont fondamentales et il est déterminant de conserver le bénéfice d’une tarification avantageuse par rapport à nos voisins allemands, dans la mesure où la France fait les investissements et doit légitimement en recevoir le retour. La position française sur l’échéance de 2012 n’est pas défensive, mais notre pays est déterminé à maintenir cet avantage le plus longtemps possible ; - la filière nautique n’est pas dans une situation de domination de marché mais de très forte compétitivité grâce à la présence de grands acteurs et à une part importante du marché des bateaux à moteur ou à voile. La reconversion de fabricants de bateaux de pêche thonière vers la fabrication de bateaux de plaisance à voile ou à moteur est fondamentale dans une période de restructuration du secteur de la pêche au thon rouge en Méditerranée à la suite de l’application des quotas et de la réduction des périodes de pêche. Il faut se tourner vers le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation et les possibilités de reconversion offertes par le secteur agricole et de la pêche pour maintenir les compétences et le savoir-faire de ce secteur en les déployant dans un autre secteur ; - en ce qui concerne les secteurs des nanotechnologies et de la robotique, la France est en pointe dans certains domaines des nanotechnologies et dame le pion au Japon, en soutenant notamment le pôle technologique de Grenoble dans le cadre de sa politique industrielle. M. Luc Rousseau, directeur général de l’industrie, a indiqué que les « électro-intensifs » et le prix de l’électricité pour l’entreprise étaient un sujet difficile, dans la mesure où s’observent les effets négatifs d’un marché unique européen qui supprime par définition les phénomènes de rente. Il est cependant légitime de restituer le bénéfice d’un investissement collectif qui a assumé les inconvénients d’installations électriques, de type hydraulique ou nucléaire. Le montage du consortium Excelsium, conforme au marché européen de l’énergie, comporte un engagement à long terme des industriels d’acheter de l’électricité, un financement bancaire et un producteur d’électricité, Electricité de France, bénéficiant ainsi d’une garantie de financement et de placement de sa production. Il est donc naturel que le prix de transaction soit proche du prix de revient, moyennant la rémunération des investissements, et qu’il soit découplé des prix du marché. Les autorités françaises préparent leurs réponses aux questions posées par la Bulletin n°2 Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 16 h 15 247 Commission sur le dispositif. Celui-ci ne videra pas quantitativement le marché de sa substance et n’aura pas de par sa dimension d’effets négatifs sur le marché de gros de l’électricité, tout en comportant une optimisation des moyens de production. Le captage du CO² est un sujet d’avenir auquel les entreprises doivent dès maintenant se préparer. Le groupe Total a un projet financé de manière autonome près de Lacq. D’autres acteurs travaillent sur un projet prédéposé à l’Agence pour l’innovation industrielle qui fera l’objet d’un examen ministériel dans le cadre des nouveaux financements de l’innovation. Ces projets représentent des enjeux sociétaux et industriels importants impliquant un travail en commun avec les partenaires de l’industrie et de la recherche, afin que l’élément clé de l’énergie reste un facteur de compétitivité pour la France quel que soit le mode de production et de transformation de l’énergie. La robotique n’est pas un point fort de l’industrie française par rapport au Japon. L’option prise est d’appuyer sur le point fort, à savoir la partie « logiciel de la robotique », qui joue un rôle important dans la croissance de la valeur ajoutée. Il existe un pôle de compétitivité sur les logiciels embarqués en Ile-de-France et un pôle de compétitivité à Toulouse sur l’aéronautique et l’espace. Les industriels ont mutualisé leurs briques logicielles pour qu’elles deviennent des briques standard. Ils sont appuyés par la recherche publique dans le cadre d’un R.T.R.A. (réseau de technologie et de recherche avancée), intitulé « Digiteolabs » en Ile-de-France. Les pôles de compétitivité sont des ancrages territoriaux ouverts à des partenariats avec des entreprises à l’extérieur des Bulletin n°2 Réunion du mardi 9 octobre 2007 249 Réunion du mardi 9 octobre 2007 Présidence de M. Pierre Lequiller, Président z Elargissement Communication de Mme Chantal Brunel sur la conclusion de l’accord de stabilisation et d’association avec le Monténégro (E 3578 et E 3585) Mme Chantal Brunel, rapporteure, a d’abord rappelé que les Conseils européens de Feira en juin 2000 et de Thessalonique en juin 2003 ont offert à tous les pays des Balkans occidentaux une perspective d’adhésion à l’Union européenne, confirmée par le Conseil européen de décembre 2006. La conclusion d’un accord de stabilisation et d’association (ASA) est la première étape d’un long processus de réformes devant conduire à l’adhésion. Dans l’ordre de progression des pays de la région vers leur intégration dans l’Union européenne, si l’on met à part la Slovénie qui a adhéré à l’Union européenne le 1er mai 2004 et à l’euro le 1er janvier 2007, la Croatie, signataire d’un ASA en 2001, a ouvert les négociations d’adhésion avec l’Union européenne le 3 octobre 2005, le même jour que la Turquie. L’Ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM), signataire d’un ASA en 2001 et reconnue candidate le 15 décembre 2005 ne bénéficie pas encore d’une décision d’ouverture des négociations d’adhésion. L’Albanie a signé le 12 juin 2006 un ASA dont la ratification par l’Union et les Etats membres a commencé. En revanche, la négociation d’un ASA, officiellement ouverte le 10 octobre 2005 avec la Serbie-et-Monténégro et le 25 novembre 2005 avec la Bosnie-et-Herzégovine, n’a pas encore abouti. Le statut définitif du Kosovo n’est toujours pas réglé et la Bosnie-et-Herzégovine ne parvient pas à s’émanciper du régime transitoire défini par les accords de Dayton en novembre 2005. L’Union étatique de la Serbie-et-Monténégro constituait le dernier vestige de l’ancienne fédération yougoslave. L’indépendance du Monténégro, approuvée à 55,4 % lors du référendum du 21 mai 2006, a 250 Réunion du mardi 9 octobre 2007 Bulletin n° 2 permis à ce pays de négocier rapidement un ASA le mettant sur le chemin de l’adhésion à l’Union européenne. La République du Monténégro dont la capitale est Podgorica a une superficie de 13 812 km2 et une population de 620 000 habitants comprenant notamment 43,2 % de Monténégrins et 32 % de Serbes. L’homme-clé de la marche du Monténégro vers l’indépendance a été son précédent Premier ministre, M. Milo Djukanovic. Membre de la Ligue communiste yougoslave, il devient Premier ministre en 1991, à 29 ans et rompt avec Milosevic en 1996, mais il n’obtiendra pas la réalisation de ses ambitions indépendantistes après la chute de celui-ci en octobre 2000. L’Union européenne craignait une nouvelle déstabilisation régionale et favorise la création en 2003 de l’Union étatique de la Serbie-et-Monténégro, qui s’est avérée trop artificielle pour fonctionner durablement. L’Union européenne s’est donc résolue à accepter l’organisation d’un référendum au Monténégro qui a abouti à une séparation à l’amiable. Ce processus pacifique a contribué à la stabilité de la région, mais il pourrait susciter des impatiences dans les trois zones où perdurent des risques de déstabilisation : le Kosovo, la Bosnie-Herzégovine et l’ARYM. L’Accord de stabilisation et d’association prépare le Monténégro à une adhésion future à l’Union européenne et à recréer un système d’échanges et de coopération avec son voisinage. L’association sera entièrement réalisée à l’issue d’une période de transition d’une durée maximale de cinq ans. La coopération régionale comporte l’engagement du Monténégro de conclure dans les deux ans avec les pays ayant déjà signé un ASA des conventions, en vue de l’établissement de zones de libre-échange, et avant cinq ans, un accord de libre-échange avec la Turquie. La libre circulation des marchandises sera assurée par l’établissement progressif d’une zone de libre-échange entre la Communauté européenne et le Monténégro dans les cinq ans qui suivent l’entrée en vigueur de l’accord. Il est à noter que la France a obtenu l’introduction d’un article 33 sur la protection des indications géographiques dans les échanges de produits agricoles autres que les Bulletin n°2 Réunion du mardi 9 octobre 2007 251 vins, protégés par un protocole, afin d’éviter toute usurpation de marques. Dans les cinq ans, le Monténégro s’engage à rapprocher sa législation de celle de la Communauté européenne en se concentrant d’abord sur les éléments fondamentaux de l’acquis dans le domaine du marché intérieur, y compris le secteur financier, et dans d’autres domaines tels que la justice, la liberté et la sécurité ainsi que le commerce. Dans l’attente de la ratification de l’ASA par le Monténégro, les Etats membres et la Communauté européenne, la Commission propose au Conseil de conclure un accord intérimaire pour mettre en œuvre rapidement les dispositions commerciales de l’ASA qui relèvent de la compétence exclusive de la Communauté européenne. Cet accord s’appuie sur un régime commercial privilégié, sur un partenariat européen adopté en 2004 et scindé en 2006 de celui de la Serbie pour fixer les priorités de réformes du Monténégro à court et moyen terme, enfin sur une assistance financière substantielle de l’Union européenne. L’accord s’appuie enfin sur un ensemble d’initiatives pour recréer un espace commun de stabilité et de prospérité dans la région des Balkans occidentaux. Le Monténégro présente cependant des lacunes très importantes sur des points fondamentaux qu’il doit combler au plus vite pour progresser sur le chemin de l’adhésion. Dans le premier rapport de progrès sur le Monténégro indépendant, présenté en novembre 2006, la Commission a appelé ce pays à concentrer ses efforts sur l’amélioration de sa capacité administrative alors qu’il se trouve au tout début d’un processus de reprise de l’acquis communautaire, ainsi que sur la réforme d’un système judiciaire défaillant de manière à le rendre efficace et totalement indépendant du gouvernement. Ce pays doit éradiquer la corruption et le crime organisé qui restent à des niveaux élevés. L’adoption d’une constitution devrait être adoptée de manière consensuelle, en impliquant tous les partis politiques, dans le respect des normes européennes. Or, le Monténégro n’a toujours pas adopté sa nouvelle constitution et les débats menés depuis des mois sur 252 Réunion du mardi 9 octobre 2007 Bulletin n° 2 le projet du gouvernement ont montré un pays plus divisé que ne l’avait laissé paraître son accession pacifique à l’indépendance. Relever le niveau de vie constituera l’un des principaux défis. La Commission a confirmé la viabilité économique de ce petit Etat qui a privilégié la stabilité par rapport à la flexibilité pour sortir du marasme des années de guerre et doit maintenant développer la croissance d’une économie reposant sur trois secteurs : l’aluminium, le tourisme et l’agriculture. Le Monténégro qui était la République la plus pauvre de la Fédération yougoslave a un PIB par habitant de 2 790 € et un salaire mensuel moyen de 377 €. L’adoption du deutsche mark en 1999 puis de l’euro a permis de passer d’une hyper-inflation de plus de 100 % à 2,5 % en 2006 et d’améliorer progressivement la croissance, de 3,7 % en 2004 à 6,5 % en 2006. La France est le onzième fournisseur (2,1 % des importations monténégrines) et le 31e client. L’amélioration de la transparence dans les affaires devrait favoriser le développement des investissements directs étrangers qui ont atteint 500 millions d’euros en 2006 et sont en progression constante depuis 2004. Le chômage, officiellement de 15 % mais plus élevé, est en partie absorbé par une économie informelle estimée à 20 % et la population au-dessous du seuil de pauvreté s’élève à plus de 10 %. Le Conseil « Affaires générales et relations extérieures » doit se prononcer le 15 octobre sur l’ASA avec le Monténégro. Cet accord est le résultat d’une négociation technique aboutie mais, avant de conclure, le Conseil devrait adresser un message politique clair aux peuples monténégrin et européens pour éviter tout malentendu sur sa portée. En effet, le Conseil devrait clairement annoncer que l’ASA n’est pas une garantie d’accès automatique à l’Union européenne et que le Monténégro n’entrera pas dans l’Union européenne tant qu’il ne respectera pas complètement les critères d’adhésion généraux et spécifiques aux Balkans. A cet égard, le Monténégro devrait dissiper les doutes sur deux points fondamentaux. Bulletin n°2 Réunion du mardi 9 octobre 2007 253 D’une part, ce pays ne paraît pas en état de s’engager pleinement dans un processus de réformes tant qu’il n’aura pas adopté sa nouvelle constitution, censée notamment garantir le droit des minorités. D’autre part, ce pays n’a pas respecté une position de principe de l’Union européenne sur la Cour pénale internationale (CPI), en signant le 1er mai 2007 un accord avec les Etats-Unis garantissant la non-extradition de citoyens américains suspectés de génocide, de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité vers la CPI, en échange d’une aide militaire des Etats-Unis. La Roumanie avait signé un accord semblable en 2002 pendant les négociations d’adhésion mais ne l’a jamais ratifié en raison de l’opposition de l’Union européenne à ces accords affaiblissant l’autorité de la CPI. La Croatie, pays candidat aux négociations d’adhésion, a refusé de signer un accord de ce type, mais il conviendrait de s’assurer que l’ARYM, l’Albanie et la Bosnie-Herzégovine ne l’ont pas fait. Le Monténégro devrait se mettre en conformité avec la position de l’Union européenne sur la CPI pour que l’Union et ses Etats membres puissent conclure et ratifier cet accord. Le Conseil doit également rassurer l’opinion européenne et lui garantir que la fragmentation de l’ex-Yougoslavie en sept Etats n’affaiblira pas le système décisionnel de l’Union européenne après leur adhésion ni sa capacité d’intégration de nouveaux Etats membres. L’Union européenne est fondée sur l’égalité entre Etats membres quelle que soit leur taille, corrigée au Conseil et au Parlement européen par une pondération des voix et des sièges en fonction de la population. Or il serait très difficile d’attribuer des sièges au Parlement européen à l’ensemble des Etats de l’ex-Yougoslavie sans remettre en cause les critères définis par le Conseil européen en juin 2007 pour l’après 2009 (plafond global de 750 députés, seuil maximal de 96 et seuil minimal de six pour chaque Etat membre et proportionnalité dégressive). En particulier, le seuil minimal de six députés pour les Etats les moins peuplés aboutirait à un doublement de la représentation des sept Etats par rapport à ce qu’aurait été celle de l’ex-Yougoslavie, en considération d’une population d’environ 21 millions d’habitants. Par ailleurs, une forme de pondération n’existe plus à la Commission depuis la disparition du deuxième Commissaire pour les Etats fortement peuplés et la rotation égalitaire de deux tiers des Etats 254 Réunion du mardi 9 octobre 2007 Bulletin n° 2 après 2014 pourrait renforcer l’avantage de la fragmentation dans une institution décidant à la majorité simple. Enfin, la pondération n’a jamais existé à la Cour de justice des Communautés européennes. Elle juge à la majorité simple avec une composition fondée sur le principe qu’un juge par Etat membre égale une voix. La prime à la fragmentation des Etats dans le système décisionnel de l’Union européenne présente le risque de délégitimer les décisions des institutions et de provoquer un recul de l’intégration communautaire, au profit d’un retour à la coopération intergouvernementale dans laquelle la puissance respective des membres serait mieux prise en compte. Elle risque également de favoriser la revendication de certaines régions à compétence législative, beaucoup plus riches et peuplées, de devenir des Etats membres de plein exercice pour participer directement aux décisions de l’Union européenne et de la communauté internationale en tant que membres de l’ONU. L’échéance de ces futures adhésions est encore lointaine mais la réflexion mérite d’être engagée dès maintenant. Le Président Pierre Lequiller a approuvé les conclusions de la rapporteure assortissant l’approbation de l’ASA par la Délégation d’un certain nombre de réserves sur le fait que l’ASA n’était pas une garantie d’accès automatique à l’Union européenne, sur l’adoption d’une nouvelle constitution par le Monténégro garantissant son plein engagement dans le processus de réformes, sur la renonciation de ce pays à un accord non conforme aux positions de l’Union européenne sur la Cour pénale internationale, enfin sur les garanties à prévoir pour que la fragmentation d’un Etat en Etats moins peuplés n’affaiblisse pas le système décisionnel de l’Union européenne après leur adhésion. Bulletin n°2 Réunion du mardi 9 octobre 2007 255 Sur proposition de la rapporteure, la Délégation a adopté les conclusions suivantes : « La Délégation, Vu l’article 88-4 de la Constitution, Vu la proposition de décision du Conseil concernant la signature, au nom de la Communauté européenne, de l’accord de stabilisation et d’association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres et la République du Monténégro, et la proposition de décision du Conseil et de la Commission concernant la conclusion de l’accord de stabilisation et d’association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d’une part, et la République du Monténégro, d’autre part, (COM(07) 350 final / E 3585) ainsi que la proposition de décision du Conseil relative à la signature et à la conclusion d’un accord intérimaire sur le commerce et les mesures d’accompagnement entre la Communauté européenne, d’une part, et la République du Monténégro, d’autre part (COM(07) 351 final / E 3578) ; 1. Se prononce en faveur de l’accord de stabilisation et d’association dans la mesure où il ouvre un processus de longue durée invitant le Monténégro à redoubler son effort de réforme pour se préparer à une future adhésion avec l’aide renforcée de l’Union européenne ; 2. Estime toutefois que, tout en confirmant la perspective européenne du Monténégro, le Conseil doit clairement annoncer que l’accord de stabilisation et d’association n’est pas une garantie d’accès automatique à l’Union européenne et que le Monténégro n’entrera pas dans l’Union européenne tant qu’il ne respectera pas complètement les critères d’adhésion généraux et spécifiques aux Balkans occidentaux ; 3. Considère que l’Union européenne et ses Etats membres ne peuvent conclure ni ratifier cet accord tant que le Monténégro n’a pas adopté sa nouvelle constitution et n’est pas en état de s’engager pleinement dans un processus de réformes ; 4. Estime également nécessaire que le Monténégro renonce à tout accord avec un pays tiers non conforme aux positions de l’Union européenne sur des questions fondamentales, comme le respect de l’autorité de la Cour pénale internationale ; 256 Réunion du mardi 9 octobre 2007 Bulletin n° 2 5. Souhaite qu’une réflexion soit engagée sur les garanties à prévoir pour que la fragmentation d’un Etat en Etats moins peuplés n’affaiblisse pas le système décisionnel de l’Union européenne après leur adhésion ni sa capacité d’intégration de nouveaux Etats membres ». Bulletin n°2 z Protection Réunion du mardi 9 octobre 2007 257 des consommateurs Communication de Mme Marietta Karamanli sur le Livre vert sur la révision de l’acquis communautaire en matière de protection des consommateurs (E 3447) Mme Marietta Karamanli, rapporteure, a rappelé que le Livre vert amorçait une phase essentielle. Le droit européen de la consommation doit être amélioré à trois titres : son approche est sectorielle ; la teneur de la protection dont bénéficie le consommateur varie selon les Etats membres ; le marché intérieur n’est guère unifié et intégré pour lui. Les transactions transfrontières sont peu nombreuses. La démarche entamée par la Commission est consensuelle, visant au renforcement et à l’harmonisation des droits du consommateur en Europe, ainsi qu’à l’amélioration du marché intérieur. Un cadre juridique plus simple, plus sûr, plus cohérent et plus moderne est un objectif partagé. La révision concerne certes huit des directives relatives au droit de la consommation seulement, mais cette approche partielle permet d’envisager un délai plus rapide pour obtenir des résultats et une amélioration de la situation sur plusieurs points clés. Parmi les différentes options suggérées par la Commission, il faut choisir pour le futur non pas une adaptation individuelle de chacune des directives existantes, mais une approche mixte combinant une directive transversale pour traiter les questions communes à tous les contrats conclus par les consommateurs et des directives « verticales » pour les sujets sectoriels. Trois conditions doivent être respectées : la future directive doit s’appliquer à tous les contrats, transfrontaliers et nationaux ; le niveau d’harmonisation doit être sérieusement défini et l’option d’une harmonisation optimale, ou maximale ciblée, doit être retenue. Enfin, toute référence au principe du pays d’origine ou à une clause de reconnaissance mutuelle doit être exclue, de manière à éviter tout risque de « dumping » juridique. En ce qui concerne le fond de la future directive « verticale », il convient d’éviter toute interférence avec les réflexions et travaux en cours au niveau européen sur le droit général des contrats. Ce 258 Réunion du mardi 9 octobre 2007 Bulletin n° 2 dernier représente un élément essentiel du droit civil. En ce qui concerne les hypothèses d’une obligation de bonne foi s’appliquant aux contrats de consommation, les différences de définition et de portée de ces notions selon les pays imposent d’y renoncer. Seule pourrait être éventuellement prise en compte la notion de professionnel « loyal » devant répondre aux « attentes normales et raisonnables » du consommateur. L’hypothèse d’une extension du dispositif sur les clauses abusives au prix et à l’objet du contrat apparaît, par ailleurs, tout aussi délicate à retenir pour le Gouvernement comme pour le Parlement européen. On peut cependant estimer que cette hypothèse ne peut pas être rejetée directement et qu’il faut éviter tout ce qui permet d’abuser de la faiblesse du consommateur. S’agissant de son contenu, la future directive transversale devrait notamment s’attacher à définir la notion de consommateur de manière harmonisée et à prévoir également une obligation générale d’information, les exigences formelles et linguistiques, les principes relatifs à la rétractation et les clauses abusives. Sur le fond, le Livre vert offre la possibilité de prévoir des améliorations de la protection des consommateurs : le remplacement de l’actuelle liste indicative des clauses abusives par deux listes, une liste « noire » des clauses interdites et une liste « grise » des clauses simplement présumées abusives ; la clarification des sanctions en cas de manquement aux obligations d’information précontractuelle et contractuelle ; la création d’un droit général à indemnisation avec une notion harmonisée du préjudice comprenant notamment le préjudice moral. Pour ce qui concerne les biens, s’esquissent des améliorations sur la définition de la livraison, sur le transfert du risque et sur la prolongation de la garantie légale selon la durée de réparation du bien, ainsi que sur la suppression du délai de notification du défaut de conformité comme sur l’introduction d’un contenu minimum par défaut de la garantie commerciale et son transfert automatique en cas de revente du bien. S’agissant du délai de réflexion ou de rétractation, la simplicité recommande un mécanisme unique. Néanmoins, il n’est pas envisageable de prévoir un tel dispositif commun tant sur les délais et les modalités que sur les effets du droit de rétractation. On peut cependant penser que la forme de la rétractation devrait être libre, pour permettre au consommateur de l’exercer aisément. Un accord s’esquisse sur le fait Bulletin n°2 Réunion du mardi 9 octobre 2007 259 que la rétractation ne doit entraîner aucun frais pour le consommateur, sauf éventuellement des frais de renvoi postal, et qu’elle doit s’accompagner du remboursement du prix du produit. Sur la question linguistique, non abordée par le Livre vert, il convient de prévoir le droit pour le consommateur qui n’a pas pris l’initiative d’une transaction transfrontalière, de disposer des éléments précontractuels et du contrat dans la langue de son choix. Pour le futur, d’autres sujets pourraient être intégrés dans le socle commun du droit communautaire des consommateurs, mais ils sont subordonnés à des réflexions et études complémentaires. L’application du dispositif sur les clauses abusives aux dispositions ayant fait l’objet d’une négociation individuelle recueille l’assentiment des organisations de consommateurs. Le Gouvernement indique que cette évolution n’irait pas sans poser de problème juridique. On peut cependant considérer que le particulier devrait toujours avoir la possibilité de dénoncer une clause abusive. S’agissant des transactions entre particuliers conclus par l’intermédiaire d’un professionnel, si l’objectif d’une protection comparable représente un idéal, des adaptations sont néanmoins indispensables. L’intermédiaire ne peut pas, en effet, offrir les mêmes garanties qu’un vendeur professionnel, notamment vis-à-vis du remplacement du bien. Une réflexion sectorielle semblable à celle qui a conduit la France à avoir une législation spécifique sur les sociétés de vente volontaire est nécessaire. En ce qui concerne les nouvelles technologies et les biens et services à contenu numérique, la demande des consommateurs d’avoir les mêmes droits « en ligne et hors ligne » semble légitime. Néanmoins, une expertise est nécessaire pour prévoir ce qui peut être appliqué avec ou sans adaptation : garanties, droit de rétractation. Il faut bien identifier la nature des contrats, dont certains sont des contrats d’exploitation, d’utilisation, de mise à disposition de services à contenu numérique qui n’emportent pas nécessairement transfert de propriété et relations de consommateurs à vendeurs. Le débat s’élargit également à des éléments qui ne sont pas abordés pour les biens et services classiques : le droit à une technique neutre, le droit aux innovations technologiques, le droit à l’interopérabilité des contenus et des services notamment. 260 Réunion du mardi 9 octobre 2007 Bulletin n° 2 Le dernier élément concerne des recours collectifs, les class actions, peu présents en Europe, avec plusieurs exceptions au Portugal et en Suède notamment. Deux questions se posent : faut-il introduire ce dispositif au niveau national ? Faut-il le faire au niveau européen ? S’agissant de la France, la lettre de mission adressée à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi, prévoit la mise en place d’une action de groupe à la française. Les associations de consommateurs sont favorables au principe d’une telle action. Pour leur part, les représentants des entreprises craignent notamment la complexité et les risques d’abus. Globalement, la simple existence d’un dispositif peut cependant présenter un intérêt non pas tant punitif que dissuasif. Sur le fond, il est possible d’envisager par ailleurs un autre modèle que le modèle américain et créer un « modèle français » qui donne aux consommateurs la possibilité de se défendre. Au niveau européen, la Commission envisage une initiative créant une action de groupe selon une approche concurrentielle. La présidence portugaise organise pour sa part un colloque sur les actions de groupe le mois prochain. On peut ne pas partager les réserves du Gouvernement français sur l’absence de base juridique adéquate pour une intervention européenne en la matière. Le marché intérieur exige un niveau minimum d’organisation, notamment si les transactions transfrontalières se développent. Si elles étaient créées, ces actions de groupe devraient être accessibles à tous, personnes physiques et personnes morales, concerner tous les secteurs de la vie économique et sociale, permettre la réparation de tous les préjudices subis et la restitution de toutes les sommes indûment perçues, sans préjuger, à ce stade, du fond d’un dispositif qui devrait respecter le principe d’un équilibre dans les relations entre les consommateurs et les entreprises. M. Daniel Fasquelle a indiqué que l’action communautaire dans le domaine du droit de la consommation était intervenue assez tôt, dès les années soixante-dix. C’est d’ailleurs à partir des années soixante que ce droit s’est développé aux Etats-Unis. Le droit français – en particulier la loi de 1978 sur les clauses abusives – a d’ailleurs souvent servi de modèle au droit communautaire, élément qui mériterait d’être maintenu pour le futur. Bulletin n°2 Réunion du mardi 9 octobre 2007 261 Sur le fond, il convient de veiller à instaurer une plus grande cohérence de la terminologie juridique, notamment sur la notion même de consommateur, qui n’est toujours pas harmonisée. Par ailleurs, les initiatives sur le droit de la consommation ne doivent pas conduire à détricoter, ou à déstabiliser, le droit des contrats, et plus généralement le droit civil. S’agissant de l’action de groupe, la France dispose de l’action en représentation conjointe qui permet, sous certaines conditions, une action collective des consommateurs. Pour autant, on peut être favorable à l’institution d’une véritable action de groupe, qui s’avèrerait beaucoup plus efficace. Le cas du contentieux avec les opérateurs de téléphones mobiles pour ententes le montre effectivement. L’Union européenne pourrait d’ailleurs affirmer sa compétence pour légiférer en la matière, sur la base des dispositions régissant le droit à la concurrence, comme l’a envisagé le Livre vert présenté en décembre 2005 sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et abus de position dominante. M. Daniel Fasquelle a toutefois insisté sur la nécessité d’éviter que la Commission ne copie totalement la législation américaine. Tout en s’associant aux observations de la rapporteure sur la protection des intérêts économiques des consommateurs, il a ensuite regretté que le Livre vert n’ait pas évoqué la protection de leurs intérêts dans le domaine de la sécurité et de la santé et a estimé que le volet, très important, des actions en justice ouvertes aux consommateurs au titre des achats transfrontaliers ne devait pas être négligé. C’est un domaine dans lequel le droit communautaire accuse un retard. La rapporteure, après avoir déclaré partager les propos de M. Daniel Fasquelle sur l’action de groupe, a considéré qu’il importait effectivement d’approfondir la question du commerce par l’Internet. Le nombre peu élevé de consommateurs qui y recourent semble résulter de la plus grande complexité des litiges à résoudre et du risque de non respect de leurs droits dans ce domaine. Le Président Pierre Lequiller a indiqué que la Délégation pourrait se saisir à l’avenir de la question du commerce par l’Internet. 262 Réunion du mardi 9 octobre 2007 Bulletin n° 2 M. Régis Juanico a souligné l’intérêt qu’il y aurait à simplifier la terminologie employée, afin que les parlementaires eux-mêmes puissent plus facilement expliquer aux citoyens les enjeux du droit de la consommation. Puis il a demandé si les recours des consommateurs devraient être introduits devant les juridictions nationales ou si ces derniers pouvaient saisir directement la juridiction communautaire. M. Daniel Fasquelle a rappelé que le droit communautaire se bornait à harmoniser les législations nationales et que ce sont les juridictions des Etats membres qui étaient compétentes. M. Jacques Myard a fait observer que la question posée par M. Régis Juanico illustrait – ce qu’il a qualifié de fausse bonne idée – la croyance selon laquelle seule une Cour fédérale serait en mesure d’accorder la meilleure protection, alors que, conformément au principe de subsidiarité, il incombe au justiciable de saisir les juridictions nationales, parce qu’elles rendent une justice de proximité. Sous le bénéfice de ces observations, la Délégation a pris acte du Livre vert. Bulletin n°2 Réunion du mardi 9 octobre 2007 263 z Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution. Point A Aucune observation n’ayant été formulée sur les textes suivants, la Délégation les a approuvés. ¾ Espace de liberté, de sécurité et de justice - Livre vert sur les technologies de détection dans le travail des services répressifs, des douanes et d'autres services de sécurité (document E 3259) ; - projet de décision du Conseil concernant la mise en oeuvre de la décision 2007/.../JAI relative à l'approfondissement de la coopération transfrontière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme et la criminalité transfrontière (document E 3599). ¾ PESC et relations extérieures - proposition de décision du Conseil relative à la conclusion du protocole modifiant l'accord de coopération entre la Communauté économique européenne et le Royaume de Thaïlande concernant la production, la commercialisation et les échanges de manioc (document E 3618) ; - proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord entre la Communauté européenne et la Fédération de Russie relatif au commerce de certains produits sidérurgiques (document E 3634) ; - proposition de règlement du Conseil concernant la gestion de restrictions à l'importation de certains produits sidérurgiques en provenance de la Fédération de Russie (document E 3635). ¾ Politique sociale - proposition de Règlement du Conseil visant à étendre les dispositions du Règlement (CE) n° 883/2004 et du Règlement (CE) 264 Réunion du mardi 9 octobre 2007 Bulletin n° 2 n° [...] aux ressortissants des pays tiers qui ne sont pas déjà couverts par ces dispositions uniquement en raison de leur nationalité (document E 3612) ; - proposition de décision du Parlement européen et du Conseil concernant la mobilisation du Fonds de solidarité de l'Union européenne, en application du point 26 de l'accord interinstitutionnel du 17 mai 2006 entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission sur la discipline budgétaire et la bonne gestion financière (document E 3619). ¾ Questions budgétaires et fiscales - projet de budget rectificatif d'installation fonctionnement du C.SIS pour 2007 (document E 3601) ; et de - proposition de décision du Conseil autorisant la France à appliquer un taux d'imposition réduit à l'essence sans plomb utilisée comme carburant et mise à la consommation dans les départements de Corse conformément à l'article 19 de la directive 2003/96/CE (document E 3609). ¾ Transports - proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'interopérabilité du système ferroviaire communautaire (document E 3377) ; - proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2004/49/CE concernant la sécurité des chemins de fer communautaires (document E 3378). Point B ¾ Agriculture - proposition de règlement du Conseil portant sur la modification du règlement (CE) n° 1290/2005 relatif au financement de la politique agricole commune (document E 3480). M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur, a rappelé que cette proposition s’inscrit dans le cadre général de la protection des intérêts financiers de l’Union européenne et comporte deux parties. La première concerne la publication d’informations relatives aux bénéficiaires des aides du Fonds européen agricole de garantie Bulletin n°2 Réunion du mardi 9 octobre 2007 265 (FEOGA) et du Fonds européen pour le développement rural (FEADER). Selon le règlement (CE) 1995 /2006, la Commission communique les informations sur les bénéficiaires des fonds fournies par les entités auxquelles les tâches d’exécution du budget sont déléguées, à charge pour les Etats membres d’assurer une publication annuelle des noms des bénéficiaires des fonds en provenance du budget. Devant les réticences de certains Etats – seuls treize pays ont mis en place des registres par le biais du site Internet des institutions européennes, la France ayant seulement commencé à publier l’année dernière les noms des bénéficiaires les plus importants – il était impératif de préciser les obligations relatives à la mise en œuvre de la transparence. La Commission considère que la communication de la liste des bénéficiaires doit être assurée par les Etats membres. La France estime à l’inverse que la publication doit être du ressort de la Commission et fait valoir plusieurs arguments. Le rapporteur a précisé ne pas partager l’argument selon lequel seule une publication par la Commission permettrait une publication centralisée et harmonisée, ni celui lié aux difficultés de mise en place de bases de données dans certains Etats membres. En revanche, les éventuelles difficultés résultant de l’application dans les Etats membres de certains droits nationaux limitant l’accès aux droits administratifs et aux données personnelles méritent d’ être prises en compte. Le point de vue de la Commission apparaît le plus solide, les Etats membres étant effectivement les mieux placés pour mettre en œuvre cette transparence. Toute l’application de la politique agricole commune, notamment dans les droits à paiement unique (DPU) est en effet du ressort des Etats membres. Il est en conséquence difficile de refuser cette logique relevant de la subsidiarité. Il faut toutefois cadrer les obligations à la charge des Etats membres afin de les limiter à la publication d’un certain nombre d’informations et veiller à ce que ces dispositions soient en accord avec notre législation relative aux données personnelles. Sur ce point, une saisine de la Commission nationale de l’informatique et des libertés devrait être envisagée. La deuxième partie de la proposition modifie la procédure d’apurement de conformité en cas de contentieux entre la Commission et un Etat. Elle prévoit un mécanisme continu de correction financière dès lors qu’un Etat a reçu deux décisions entraînant des corrections financières, remettant en cause le principe du débat contradictoire avec 266 Réunion du mardi 9 octobre 2007 Bulletin n° 2 la Commission. Il serait souhaitable que la procédure contradictoire soit réactivée dès lors que l’Etat membre apporte des éléments nouveaux. Enfin, cette proposition instaure une dérogation à la règle dite des vingt-quatre mois en cas de contrôle, en application de laquelle seules figurent dans l’assiette de la correction financière les dépenses réalisées dans la période de vingt-quatre mois précédant le premier constat d’irrégularité. La Commission considère à juste titre que l’application de cette règle peut faire échapper au contrôle certaines irrégularités. Il convient cependant de s’assurer un encadrement strict de cette faculté de dérogation. Sur la publication de la liste des bénéficiaires des aides agricoles, M. Hervé Gaymard a indiqué qu’il avait une opinion dissidente de celle du rapporteur. Il a d’abord fait observer que les agriculteurs, tant français qu’européens, n’étaient pas demandeurs du système des aides directes quand il s’est substitué au mécanisme de soutien des prix. Derrière le slogan que l’on peut considérer comme facile : « On veut des prix pas des primes », il y a assurément un fond de vérité. Par ailleurs, il s’est dit opposé à tout ce qui fustige et est susceptible de désigner à la vindicte populaire. Ces aides sont des aides légales auxquelles les bénéficiaires ont droit et qui résultent d’une politique décidée et assumée par les autorités publiques. Pour cette raison, il est gênant de désigner des « coupables » potentiels. Il a estimé que la transparence est nécessaire afin de donner aux citoyens et aux contribuables des informations sur le coût de la politique agricole commune. Ainsi, quand il était ministre de l’agriculture, il indiquait lors de ses visites dans les différents départements, le montant total des aides accordées, ce qui permettait en appliquant une règle de trois, d’avoir une idée assez précise du montant accordé par exploitation. En revanche, il a souligné que la transparence nominative est contraire à l’idée que l’on peut se faire des droits de l’homme et de la liberté individuelle. Enfin, il a rappelé que de nombreuses exploitations ayant la forme juridique de groupement juridique d’exploitation en commun (GAEC), la comparaison entre structures collectives et individuelles biaisent inévitablement le raisonnement. Pour toutes ces raisons, il a émis des réserves sur la transparence totale. Bulletin n°2 Réunion du mardi 9 octobre 2007 267 Au Président Pierre Lequiller qui faisait observer que l’objet de la proposition était de déterminer le responsable de la publication, M. Hervé Gaymard a indiqué avoir voulu saisir l’occasion de ce débat pour évoquer, de manière plus générale, le problème de la transparence. Mme Chantal Brunel a relevé que, lorsqu’une entreprise perçoit une aide, celle-ci est connue. Il n’y a donc pas de raison de cacher les aides agricoles alors que dans d’autres secteurs économiques, les aides sont identifiées, fléchées et remboursées si les critères d’attribution ne sont pas remplis. M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur, a indiqué partager l’opinion de M. Hervé Gaymard sur la philosophie sous-tendue par le slogan «Des prix, pas des primes » et a espéré que ce débat sera pris en compte à l’occasion du bilan de santé de la PAC. La transparence est cependant indispensable afin de mettre fin aux fantasmes existant autour des aides agricoles. Il est vrai que de grandes exploitations du Nord sont les bénéficiaires importants de la PAC et la lumière doit être faite sur ces réalités. Le débat sur la responsabilité de la publication doit être tranché en faveur des Etats membres. Il souhaiterait que dans l’application de ces dispositions, il soit tenu compte des données nationales spécifiques et que l’intervention de la CNIL soit prévue. En conclusion, il a fait remarquer que le sujet est un sujet éminemment sensible comme celui des OGM ainsi que l’ont montré les débats au sein de la Délégation la semaine dernière. D’une façon générale, il faut prendre garde à ce que les informations mises en ligne, par exemple la publication des types de productions de maïs ou de soja, puissent être utilisées par des groupes de pression. Compte tenu du risque de débats frontaux, la sagesse veut que ces dispositifs soient encadrés juridiquement par les Etats membres. Sous le bénéfice de ces observations, la Délégation a approuvé ce texte. ¾ Pêche - proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion de l'accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la Communauté européenne et la République du Mozambique (document E 3615) ; 268 Réunion du mardi 9 octobre 2007 Bulletin n° 2 - proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire de l'accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la Communauté européenne et la République du Mozambique (document E 3616). Ces deux textes ont été approuvés. Enfin, la Délégation a pris acte de l’approbation selon la procédure d’examen en urgence, des quatre textes suivants : - position commune du Conseil modifiant la position commune 2005/440/PESC relative à des mesures restrictives à l'encontre de la République démocratique du Congo (document E 3637) ; - projet d'action commune relative à l'opération militaire de l'Union européenne en République du Tchad et en République centrafricaine (document E 3638) ; - position commune 2007/.../PESC du ... reconduisant la position commune 2004/694/PESC relative à de nouvelles mesures à l'appui de la mise en oeuvre effective du mandat du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY (document E 3639) ; - proposition de décision du Conseil relative à la signature et à l'application provisoire d'un protocole additionnel à l'accord sur le commerce, le développement et la coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République d'Afrique du Sud, d'autre part, pour tenir compte de l'adhésion à l'Union européenne de la République de Bulgarie et de la Roumanie (document E 3641). Bulletin n°2 Réunion du mardi 9 octobre 2007 269 z Multilinguisme Audition, ouverte à la presse, de M. Leonard Orban, Commissaire européen chargé du multilinguisme Le Président Pierre Lequiller a remercié le Commissaire d’avoir bien voulu venir s’exprimer devant la Délégation et a rappelé que celle-ci s’était saisie du sujet du multilinguisme en 2003, à travers un rapport d’information présenté par M. Michel Herbillon. Il a ensuite souligné que la diversité linguistique était inscrite dans le projet de traité constitutionnel et qu’elle le serait dans le traité modificatif. Il a interrogé le Commissaire sur les grandes lignes de son action, puis a indiqué que la journée européenne des langues organisée le 26 septembre dernier avait été l’occasion d’insister sur la nécessité de l’apprentissage des langues dans l’enseignement mais aussi tout au long de la vie. Dans le monde des affaires, les langues revêtent une grande importance. Le système d’éducation en France ne permet pas encore d’atteindre l’objectif de connaissance de deux langues étrangères au moins, fixé par le Conseil européen de Barcelone en 2002. Enfin, le Président Pierre Lequiller a jugé regrettable que la pratique du français dans les institutions européennes ne soit pas plus développée. M. Leonard Orban, Commissaire européen chargé du multilinguisme, a souligné que la diversité linguistique de l’Union européenne constitue une richesse unique. Aujourd’hui, avec 27 Etats membres et 23 langues officielles – sans compter plus de soixante langues régionales et minoritaires –, cette diversité linguistique prend une dimension nouvelle. Ces différentes langues n’ont pas toutes le même parcours historique, ni le même rayonnement, mais elles ont toutes une légitimité et une égale dignité. La langue parlée par une personne fait partie intégrante de son identité. Elle est l’expression la plus directe de sa culture. C’est également un outil de communication essentiel. Il est nécessaire que les langues ne soient pas perçues comme des obstacles, mais comme des ponts entre les individus. 270 Réunion du mardi 9 octobre 2007 Bulletin n° 2 Ces mots doivent avoir une résonance particulière dans le contexte de la mondialisation : il faut garder à l’esprit que le multilinguisme peut permettre, et même doit contribuer au développement économique, social et culturel de l’Union européenne. Le Commissaire a ensuite mentionné les efforts de la Commission pour atteindre elle-même son objectif de multilinguisme et d’accessibilité aux citoyens de l’Union à travers la traduction des documents produits par les institutions. Il a indiqué que la Commission appréciait particulièrement l’action de la France qui plaide pour le respect du principe d’égalité pour toutes les langues officielles de l’Union. Bien évidemment, la mise en pratique de cette idée oblige à relever de nombreux défis techniques et l’équilibre entre la demande énorme et nos capacités est difficile à trouver. Le Commissaire a souligné que la Commission travaillait actuellement à une analyse d’impact et réfléchissait aux solutions à développer pour répondre à cette question cruciale. La politique du multilinguisme, au niveau européen, a connu une accélération notable au cours des dernières années, notamment sous l’impulsion du Président José Manuel Barroso. Cette évolution a encore été renforcée avec la création en janvier 2007 d’un portefeuille spécifique consacré au multilinguisme. Le Commissaire a rappelé que dès le mois de février, il avait présenté au Parlement européen la ligne de conduite qu’il souhaite suivre et les raisons pour lesquelles une politique du multilinguisme plus clairement définie et plus cohérente est nécessaire. Au Conseil européen de Barcelone en 2002, les Etats membres se sont fixé pour objectif que les citoyens européens apprennent au moins deux langues étrangères. Dans cette droite ligne, en 2003, la Commission a lancé le Plan d’action 2004–2006 pour la promotion de l’apprentissage des langues et la diversité linguistique. Le but de ce plan était de promouvoir le multilinguisme en Europe en coopération avec les Etats membres et via des actions concrètes dans le cadre des programmes d’éducation et de formation. Un rapport sur la mise en œuvre de ce plan vient d’être publié. Les résultats sont assez encourageants et démontrent qu’une coopération fructueuse entre la Commission et les Etats membres est Bulletin n°2 Réunion du mardi 9 octobre 2007 271 possible et positive dans le secteur de l’enseignement et l’apprentissage des langues. Le Commissaire a remercié les autorités françaises pour l’excellente coopération avec la Commission dans ce travail ; une contribution exhaustive sur la situation de l’enseignement des langues en France a été envoyée. Au cours de ces dernières années, en France, le système d’éducation a profondément été réformé. Ces réformes ont notamment permis de donner plus de place à l’enseignement de deux langues étrangères et d’instaurer un système transparent d’évaluation des compétences linguistiques. Le Commissaire s’est félicité de cette démarche, dont certains aspects sont présentés comme « bonne pratique » dans le rapport de mise en œuvre du Plan d’Action. Il s’est déclaré persuadé que ces efforts vont continuer et a invité les autorités françaises à utiliser au mieux les programmes européens, en particulier le programme d’éducation et formation tout au long de la vie dont le multilinguisme est un objectif spécifique. Il s’agit d’encourager l’apprentissage des langues dès le plus jeune âge, tout au long du parcours scolaire et aussi durant la vie professionnelle. Ainsi, mieux armés grâce à une connaissance accrue des langues, les citoyens peuvent accéder à de meilleures opportunités professionnelles ou à des offres de travail à l’étranger. Pour les entreprises européennes, un personnel multilingue peut ouvrir la voie aux marchés européen et mondial. Les langues sont un moyen d’augmenter leur compétitivité. Une récente étude confirme que des opportunités commerciales concrètes sont restées inexploitées en Europe en raison du manque de compétences linguistiques dans les entreprises. La Commission souhaite sensibiliser le monde économique sur l’impact des compétences linguistiques sur les performances des entreprises, sur le potentiel de croissance qu’une meilleure maîtrise des langues étrangères induit. Le Commissaire a indiqué qu’il avait récemment organisé à Bruxelles une conférence intitulée : « Les langues font nos affaires », consacrée aux langues en tant qu’atout concurrentiel pour l’Europe. 272 Réunion du mardi 9 octobre 2007 Bulletin n° 2 Une des principales conclusions de cette conférence est que, dans le monde des affaires internationales, il ne suffit pas de maîtriser l’anglais. Cette idée a été répétée à maintes reprises par les participants, y compris les Britanniques, dont la vaste majorité était des représentants du monde des affaires. Le lien entre compétences linguistiques en différentes langues – notamment la langue du consommateur – et la performance économique des entreprises devient très clair. Le Commissaire a souligné qu’il avait créé un forum des entreprises sur le multilinguisme pour rechercher les moyens de renforcer les compétences linguistiques dans les entreprises, afin de les aider à pénétrer de nouveaux marchés. La Commission veille à ce que la politique du multilinguisme soit associée à d’autres politiques de l’Union, l’éducation mais aussi la culture. Le Commissaire a indiqué qu’à son initiative avait été constitué un groupe d’intellectuels, présidé par l’écrivain Amin Maalouf. Il a pour mandat de définir la contribution du multilinguisme à l’Année européenne du dialogue interculturel en 2008 et au-delà. La journée européenne des langues a lieu tous les ans depuis 2001 et s’est tenue le 26 septembre dernier. Des centaines de manifestations, à travers toute l’Europe, ont célébré notre diversité linguistique. A cette occasion, le « cyber trophée des langues » a été attribué au Sénat français pour la traduction de son site Internet en anglais, allemand, espagnol, portugais et italien mais aussi en arabe et en chinois. Le site Internet de l’Assemblée nationale est également un exemple d’application pratique du multilinguisme, avec une version multilingue en anglais, allemand, italien et espagnol. A l’occasion de cette journée européenne, le Commissaire a présenté un rapport élaboré par le groupe de haut niveau pour le multilinguisme. Le but du travail de ce groupe, constitué d’universitaires travaillant dans ce secteur, est de présenter des recommandations pour le développement des futures politiques. Pour la poursuite des efforts dans ce domaine, il est très important de se rappeler que la culture et l’histoire de l’Europe sont aussi fondées sur l’histoire de ces langues. Bulletin n°2 Réunion du mardi 9 octobre 2007 273 La conservation de cet héritage commun est inscrite au cœur de la construction européenne depuis son origine et les citoyens européens doivent pouvoir s’approprier le plus largement possible son patrimoine. Il est donc nécessaire que les gouvernements des Etats membres approfondissent leur coopération. Une conférence ministérielle sera organisée au début de l’année prochaine pour évaluer les progrès accomplis et débattre des possibilités de collaboration dans le futur. L’implication des citoyens dans ce débat est également essentielle et c’est pourquoi la Commission organise une consultation sur Internet concernant le futur des langues en Europe. Le Commissaire a indiqué qu’il présenterait pendant la présidence française du second semestre 2008 une communication qui exposera les grandes lignes d’une nouvelle stratégie pour le multilinguisme en Europe. Elle mettra en exergue le caractère transversal du multilinguisme et son articulation avec d’autres politiques européennes, telles que la culture, la justice et la sécurité, l’emploi et la cohésion sociale. Il a souligné qu’il comptait sur l’appui des autorités françaises pour cette tâche. En conclusion, le Commissaire a cité Stendhal qui disait que « le premier instrument du génie d’un peuple, c’est sa langue ». Il s’est déclaré convaincu que le multilinguisme est une chance pour la langue française, même si en France on est parfois irrité par la place croissante de l’anglais comme langue de communication internationale. Il a observé qu’en tant que Commissaire européen en charge du multilinguisme, il ne lui appartenait pas de prendre position pour une langue ou pour une autre, mais qu’il appréciait toute action en faveur de chaque langue européenne et a porté son plein soutien aux autorités françaises pour tous leurs efforts en faveur du multilinguisme. Après que le Président Pierre Lequiller eut remercié M. Leopold Orban de son intervention et lui a dit avoir beaucoup apprécié qu’il se soit exprimé en français devant la Délégation, un débat a suivi l’exposé du Commissaire européen. M. Michel Herbillon s’est associé aux propos du Président et a rappelé que beaucoup de Roumains parlent encore notre langue. Après s’être déclaré en accord avec les différents objectifs et programmes présentés et mis en place par le Commissaire européen, il a 274 Réunion du mardi 9 octobre 2007 Bulletin n° 2 souligné l’importance de l’existence d’un Commissaire chargé du multilinguisme. L’originalité de l’Union européenne est d’avoir posé le principe de l’égalité de toutes les langues même s’il y a une prédominance croissante de l’anglais. Cette évolution est sensible depuis la parution de son Rapport sur la diversité linguistique dans l’Union européenne et le recul significatif du français et des autres langues par rapport à l’anglais est préoccupant. Ce reflux date de 1995, époque du « Petit élargissement » et s’est aggravé au fil du temps, le dernier élargissement ayant fait empirer la situation. Après que M. Leopold Orban eut indiqué que lors des Forums qu’il organise, il invite chaque intervenant à s’exprimer dans sa langue maternelle, M. Michel Herbillon a souligné que la langue appartient au patrimoine culturel de chacun et est un élément essentiel de l’identité. C’est également un élément utile des relations internationales et économiques. La promotion des différentes langues européennes passe par l’adoption de mesures concrètes qui peuvent être de deux ordres. Tout d’abord, même si cela n’est pas de la compétence de l’Union européenne, il faut rendre obligatoire l’acquisition de deux langues en Europe car, sans cette mesure, c’est l’anglais seul qui est appris. A l’époque de la rédaction de son rapport, sept pays seulement sur vingt-cinq avaient institué l’obligation de l’apprentissage de deux langues étrangères. Cela était le cas de l’Espagne où le nombre de jeunes apprenant le français a ainsi été multiplié par cinq. L’avenir des langues européennes est d’être l’une des premières langues après l’anglais et il faut promouvoir l’apprentissage des langues dans le système éducatif. Ensuite il faut veiller à la formation des fonctionnaires de l’Union européenne. A cet égard il a fait le distinguo entre les fonctionnaires des anciennes générations qui parlaient le français et ceux des générations récentes qui ne parlent que l’anglais. M. Jacques Myard, après s’être associé aux propos M. Michel Herbillon, a souligné que les offres d’emploi de la Commission précisent que l’anglais est la première langue devant être parlée. Il a estimé qu’il faut être vigilant pour maintenir l’égalité de traitement des différentes langues, qui est une règle non écrite. Bulletin n°2 Réunion du mardi 9 octobre 2007 275 Concernant les langues de travail dans l’Union européenne, il s’est déclaré favorable au multilinguisme. Mais il a critiqué les fonctionnaires français qui ne s’expriment pas dans leur langue maternelle dans les réunions internationales et a considéré qu’un tel comportement devrait être sanctionné. Il a conclu son intervention en notant que s’il ne sera pas possible à chacun de parler vingt-trois langues, le problème le plus important était celui des langues de travail au sein de l’Union européenne. M. Pierre Forgues a félicité M. Leopold Orban pour sa maîtrise du français. Il a déclaré que ce sujet lui était très cher et que le devoir de l’Union européenne est de défendre toutes les langues. Il a estimé que les fonctionnaires français devaient s’exprimer en français en soulignant qu’ils avaient un certain complexe qui les poussait à s’exprimer en anglais. Chaque européen, tout en parlant plusieurs langues, devrait avoir la fierté de s’exprimer dans sa langue maternelle. Il a souhaité qu’il y ait au minimum deux langues étrangères obligatoires en Europe. M. André Schneider a complimenté le Commissaire européen pour s’être exprimé de façon remarquable en français et a souligné que la langue faisait partie de l’identité culturelle et économique d’un pays. Il a rappelé qu’il avait fait partie des personnes de la délégation française au Conseil de l’Europe qui s’étaient retirées quand un fonctionnaire français s’était exprimé en anglais devant cette assemblée. Il a estimé qu’il avait pu mesurer à l’occasion de ses activités professionnelles de directeur d’un établissement d’enseignement combien les enseignants de langues étrangères devaient être mieux formés en soulignant aussi la nécessité que les jeunes français parlent mieux le français. M. Daniel Fasquelle a souligné que la nécessité de préserver ou développer l’apprentissage obligatoire de deux langues étrangères est, en fait, la condition pour sauvegarder ce qui fait l’essence de la culture européenne : sa richesse et sa diversité. Sans ouverture aux cultures et donc aux langues de nos partenaires, il n’y a plus d’Europe. Il faut 276 Réunion du mardi 9 octobre 2007 Bulletin n° 2 cependant se garder de positions extrêmes qui pourraient précisément conduire à l’inverse de l’effet recherché. A défendre toutes les langues, on risque fort, au final, de ne promouvoir que l’anglais. Il serait irréaliste et contreproductif de ne pas savoir faire des choix, avec pragmatisme, sur les langues que l’on souhaite conserver dans chaque secteur. Cette démarche avait présidé au choix de cinq langues obligatoires dans le règlement sur les marques européennes. De même, le protocole de Londres sur les brevets retient, sagement, quelques langues obligatoires pour ne pas toutes les sacrifier à l’anglais. Le cœur du problème devient dans ce contexte de s’assurer que l’usage de plusieurs langues, mêmes sélectionnées, ne soit pas factice. Il est ainsi inquiétant de constater que de nombreux fonctionnaires d’origine française à la Commission préfèrent souvent rédiger leurs documents en anglais plutôt qu’en français, pourtant l’une des trois langues de travail de la Commission, au motif que leurs collègues seraient incapables de comprendre des contributions écrites dans la langue de Racine. Mme Marietta Karamanli, après avoir témoigné de la puissance de l’attachement que l’on peut ressentir pour une langue choisie qui n’est pas sa langue maternelle, a relevé que l’encouragement de la pratique des langues étrangères ne peut seulement dépendre de dispositions normatives. Il faut aussi l’assortir de moyens conséquents. Chacun sait que les séjours prolongés sont les meilleurs facteurs d’assimilation des langues étrangères. Or, trop peu de moyens sont encore aujourd’hui consacrés au développement de ce type de séjour pour les enfants et les jeunes. Mme Arlette Franco a relevé qu’à ses yeux, l’essentiel est de parvenir à un respect réciproque. Du point de vue des méthodes de travail, ce respect passe par la faculté laissée à chacun de s’exprimer dans sa langue maternelle. Ainsi, à titre d’exemple, le comité de travail des Pyrénées est parvenu à un système satisfaisant dans lequel chaque participant peut utiliser sa langue, qu’elle soit le catalan, le basque, l’espagnol, le français, etc. et être compris par tous, au grand profit de la collaboration mutuelle. M. Céleste Lett a estimé pour sa part que l’attachement d’un pays à la promotion de sa langue à l’étranger est souvent inversement proportionnel au respect qu’il accorde à ses langues régionales minoritaires. Il a témoigné de la violence avec laquelle avait été combattue, lorsqu’il était enfant, sa langue maternelle, le « francisque Bulletin n°2 Réunion du mardi 9 octobre 2007 277 mosellan », mais aussi de l’apport que fut pour lui cette langue, grâce notamment à laquelle il bénéficia d’un accès plus aisé et naturel à l’allemand qui lui permet notamment d’entretenir de nombreux échanges frontaliers dans lesquels chacun s’exprime dans sa langue tout en étant compris de tous. Or, les jeunes franco-allemands d’aujourd’hui, privés de cette chance, tendent aujourd’hui à communiquer entre eux exclusivement en anglais, ce qui est évidemment regrettable et appauvrissant culturellement. Les moyens de lutter contre ce déclin des langues européennes sont à rechercher du côté de l’enfance, en particulier en maternelle où l’acclimatation des langues est plus aisé. Les programmes d’échanges de « native speakers » en particulier, grâce auxquels les enfants sont au contact d’étrangers s’exprimant dans leur langue, devraient être puissamment encouragés, ce qui rend probablement nécessaire d’harmoniser dans une certaine mesure le profil des enseignants (les professeurs des écoles français, par exemple, peuvent enseigner à des enfants dont l’âge va de 3 à 12 ans tandis que leurs homologues allemands sont concentrés sur des classes d’âge plus restreintes, ce qui obère les programmes d’échange). Le Président Pierre Lequiller a observé que le nombre des interventions de membres de la Délégation illustrait bien la sensibilité des parlementaires français sur la question linguistique, et a demandé des précisions sur l’apprentissage d’au moins deux langues européennes pendant la scolarité. En réponse, le Commissaire européen a fait part des éléments suivants. La question du multiliguisme est au niveau communautaire une question essentielle et fort intéressante, qui justifie la compétence d’un Commissaire européen, en dépit des scepticismes qui ont pu s’exprimer lors de la création du poste. La dimension politique est très importante. La sensibilité à la langue est très forte en raison de son lien avec l’expression des idées. Lorsque l’on parle de la prédominance de l’anglais au sein des institutions communautaires, il ne faut pas négliger que la langue française détient une place privilégiée au sein de ces mêmes institutions. 278 Réunion du mardi 9 octobre 2007 Bulletin n° 2 S’agissant de la Commission, les trois langues de travail et d’interprétation sont le français, l’anglais et l’allemand. Si, lors des réunions, une majorité des Commissaires européens s’exprime en anglais, un tiers environ le fait en français. Par ailleurs, à la Cour de justice, la langue des délibérations est le français. Par ailleurs, si la langue de travail entre les fonctionnaires communautaires est souvent l’anglais et si les trois quarts des documents sont rédigés directement en anglais, notamment parce que les ressortissants des nouveaux membres le connaissent, la solution passe par une incitation des fonctionnaires de la Commission, du Parlement européen et du Conseil à apprendre le français, notamment grâce à des stages comme celui qui existe déjà pour les Commissaires. Les Commissaires ont par ailleurs pris une décision importante, celle d’obliger les fonctionnaires à maîtriser trois langues pour leur avancement. La question est de savoir quelles seront ces trois langues. Cela dépendra de la politique française en la matière. Sur les publications de la Commission, il n’est pas exact de dire que les documents ne sont le plus souvent publiés qu’en anglais. La situation a d’ailleurs été améliorée pour le site Internet, même si celui-ci donne encore l’impression que la majorité des documents ne sont diffusés qu’en anglais. S’agissant de l’apprentissage, le principe de subsidiarité s’oppose à une intervention communautaire pour obliger que l’enseignement délivré dans les Etats membres donne accès à deux langues étrangères européennes. La sensibilité est très forte sur cette question. Le Royaume-Uni notamment n’a pas de motivation particulière, ce qui est un défi pour ses ressortissants mais aussi pour le reste de l’Europe. La Commission doit donc s’en tenir à la promotion du message suivant lequel un tel apprentissage doit être obligatoire. Le rapport sur les résultats du plan d’action 2004-2006 fait ainsi apparaître que certains Etats ont mis en œuvre ce principe, notamment la Roumanie. Par ailleurs, l’égalité entre les langues officielles de l’Union européenne est importante. C’est un élément de la démocratie et de l’accès au droit. La moitié des européens ne comprennent que leur langue maternelle. L’Union européenne n’est pas les Etats-Unis et le Bulletin n°2 Réunion du mardi 9 octobre 2007 279 projet européen tient compte de la diversité. Il est donc essentiel de préserver l’égalité de traitement entre les langues et de ne pas modifier le règlement de 1958 qui la prévoit. Concernant les séjours linguistiques, beaucoup de voix se sont élevées contre le programme Erasmus lors de son lancement par l’Union européenne alors qu’il a été un très grand succès. Il faut élargir ce programme et augmenter ses moyens financiers pour donner plus de chances au développement de la connaissance des langues. Le Commissaire a ensuite évoqué l’expérience espagnole des trois langues régionales couvertes par un programme semi-officiel grâce auquel, si un citoyen envoie un document en catalan, basque ou galicien, l’Union européenne est obligée de répondre dans la même langue et les coûts sont couverts par le Gouvernement espagnol. En ce qui concerne les langues régionales, la Commission a ouvert depuis le 1er janvier 2007 un programme finançant l’apprentissage de toutes les langues parlées dans l’Union européenne, y compris des projets relatifs à la promotion des langues régionales. L’harmonisation des politiques d’enseignement n’est pas possible. En revanche, il est possible d’identifier puis de diffuser les meilleurs projets comme il en existe beaucoup en France. L’apprentissage des langues étrangères a fait l’objet d’un rapport très intéressant du groupe à haut niveau sur le multilinguisme montrant la nouvelle réalité de son développement. Le Commissaire a conclu en indiquant sa décision de présenter sa nouvelle stratégie en septembre 2008, durant la présidence française, sur l’appui de laquelle il compte pour développer une politique à long terme du multilinguisme. Le Président Pierre Lequiller a déclaré qu’à chacune de ses rencontres avec le Président José Manuel Barroso, il soulignait la nécessité d’augmenter les crédits consacrés à la culture et de développer la coopération interculturelle et interlinguistique dans un domaine où s’applique la subsidiarité, car ce qui fera l’Europe, ce sera que les jeunes connaissent les langues et les autres pays. Il a enfin salué la foi et l’enthousiasme du Commissaire européen en faveur du multilinguisme. Bulletin n°2 Réunion du mardi 17 octobre 2007 281 Réunion du mardi 17 octobre 2007 Présidence de M. Pierre Lequiller, Président z Composition du Parlement européen Communication du Président Pierre Lequiller sur la résolution du Parlement européen du 11 octobre 2007 sur la composition du Parlement européen (E 3650) Le Président Pierre Lequiller a rappelé que, conformément à l’article 190 du traité de Nice, et à l’article 21 du protocole annexé au traité d’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie, le Parlement européen est aujourd’hui composé de 785 membres, les députés bulgares et roumains ayant été ajoutés à la répartition du Parlement prévalant depuis l’élargissement de 2004. Or, et il ne faut pas l’oublier, le traité de Nice lui-même organise une réduction importante des effectifs du Parlement à compter de 2009. En l’absence de décision nouvelle, le traité instituant la Communauté européenne prévoit que les députés européens passeraient de 785 à 736 en 2009, avec une perte maximale de 6 députés pour la France (de 78 à 72), le Royaume-Uni et l’Italie, tandis que les Etats « moyens » d’un point de vue démographique subiraient une réduction d’un député chacun. Seul l’effectif allemand demeurerait stable à 99. Le Président Pierre Lequiller a souhaité insister sur ce point : tous les Etats perdraient, à l’exception notable des Allemands, en l’absence d’accord. Le projet de traité réformateur, qui reprend en l’espèce les dispositions agréées dans le traité établissant une Constitution pour l’Europe, est en effet moins « restrictif » que le traité de Nice en ce qu’il élève le plafond des effectifs à 750, soit 14 membres de plus que prévu aujourd’hui pour 2009. Dans ce contexte, l’enjeu est de parvenir à une répartition de ce surplus à la fois équitable et politiquement acceptable par tous les Etat membres. 282 Réunion du mardi 17 octobre 2007 Bulletin n° 2 MM. Alain Lamassoure et Adrian Severin, rapporteurs du Parlement européen sur la répartition des sièges au Parlement européen après les élections européennes de 2009, sont venus décrire à la Délégation le 19 septembre dernier l’esprit dans lequel ils ont élaboré leurs propositions. La difficulté de leur mission tient aux imprécisions du principe de « proportionnalité dégressive » selon lequel, aux termes de l’article 9 A du projet de traité réformateur, doit être assurée la représentation des citoyens. Il implique que plus un Etat membre est peuplé, plus ses députés européens représentent un nombre élevé de citoyens. Cette définition est ainsi subjective donc politique. Les rapporteurs se sont dès lors efforcés d’élaborer un compromis satisfaisant. Leur première préoccupation a été d’éviter toute nouvelle diminution de membres pour chaque Etat, à l’exception de l’Allemagne affectée par la définition d’un plafond de 96 députés par Etat membre explicitement prévu dans le projet de traité réformateur. Pour cela, ils ont choisi, sagement, d’utiliser la faculté d’élever à 750 le nombre des députés élus en 2009. Compte tenu du fait que le même traité impose une représentation minimale de six membres par Etat membre (ce qui impose d’accorder un député supplémentaire à Malte) et réduit de trois membres les effectifs allemands, ce choix permet concrètement de répartir seize nouveaux sièges. A cet effet, les rapporteurs se sont attachés à corriger les imperfections les plus criantes et tenir compte des données statistiques les plus récentes. Aujourd’hui, un député italien représente 816.000 habitants et un député français ou espagnol 875.000. De même, sept ans après avoir connu la même population, l’Espagne et la Pologne jouissent des mêmes effectifs lorsque l’une a, en raison de sa démographie plus favorable, plus de 3 millions d’habitants de plus que l’autre. Dans un esprit d’équité, le rapport propose d’accorder quatre sièges supplémentaires à l’Espagne, deux à la France (de 72 à 74), à la Suède et à l’Autriche, et un aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, à la Bulgarie, à la Lettonie et à la Slovénie. En outre, dans un souci louable de pragmatisme politique, il est suggéré d’accorder à la Pologne le siège restant. Bulletin n°2 Réunion du mardi 17 octobre 2007 283 Il en résulterait une proportionnalité toute relative mais puissamment dégressive. Un député allemand ou français représenterait ainsi environ 850.000 résidents, un italien ou un espagnol 815.000, un grec ou un belge (comme les Etats « moyens ») 250.000 mais un maltais ou un luxembourgeois 70.000. Cela représente néanmoins un très net progrès. Les représentations des Etats selon les blocs de taille auxquels ils appartiennent sont en effet substantiellement améliorées grâce à des corrections équilibrées au sein de ces blocs. La France a tout lieu de s’en féliciter, en lieu et place d’un compromis de Nice qui lui était défavorable. Il en résulte un système équitable, sans doute le meilleur compromis possible. En tout état de cause, c’est une avancée réelle par rapport à ce que le traité de Nice impose pour 2009. Le Parlement européen en est conscient : le rapport Lamassoure-Severin a été adopté à une majorité confortable en commission (77 % pour) puis atténuée mais néanmoins solide en plénière (60 % des votants du Parlement européen avec l’abstention des députés italiens cependant). Il appartient désormais au Conseil d’adopter une décision à l’unanimité sur la base de la proposition du Parlement européen. Le Président Pierre Lequiller, estimant que l’appui recueilli par le rapport Lamassoure-Severin au Parlement européen est sans doute le plus fort qu’il soit possible d’obtenir, a déclaré s’y associer à titre personnel. Pour autant, il a tenu à faire part des réticences qu’a pu soulever la proposition. La première, inéluctable, tient à l’impossibilité de trouver une formule simple et systématique présidant de manière pérenne à la répartition des membres du Parlement européen, à la manière de la règle de double-majorité enfin mise en place pour le Conseil. Dans ce contexte, les prochains élargissements induiront immanquablement la reprise de discussions serrées, mais il n’apparaît guère possible de trouver une formule mathématique intangible compatible avec le principe de « proportionnalité dégressive » des représentations. Une deuxième inquiétude peut naître de l’« émiettement » des représentations induit par le seuil élevé d’effectifs minima par Etat 284 Réunion du mardi 17 octobre 2007 Bulletin n° 2 membre. Ainsi, par exemple, le plancher de six députés pour les Etats les moins peuplés conduirait à doubler la représentation des sept Etats par rapport à ce qu’aurait été celle de l’ex-Yougoslavie, en considération d’une population d’environ 21 millions d’habitants. Une troisième difficulté réside dans les regrettables réticences éprouvées par nos partenaires italiens, dont le Sénat devrait examiner cet après-midi une proposition de résolution enjoignant son Gouvernement à refuser la répartition proposée. S’ils ne sont pas objectivement défavorisés par les propositions de MM. Lamassoure et Severin (un député italien représentera 815.000 résidents contre 850.000 pour un français), il importe de prendre la mesure symbolique de la rupture de l’égalité de représentation des « grands » (France, RoyaumeUni, Italie) qu’elles induisent. C’est évidemment cet aspect qui explique la virulence des réactions transalpines, quels que soient les arguments techniques développés pour étayer la remise en question de la proposition. A cet égard, les Italiens avancent que le critère de population résidente à laquelle renvoient les chiffres d’Eurostat – utilisés depuis le traité de Rome – pour calculer la répartition des sièges devrait être remplacé par le critère de citoyens, le Parlement représentant les citoyens européens dont la citoyenneté « s’ajoute » à la citoyenneté nationale. Selon l’Italie, le critère de la population résidente tend à favoriser les Etats à politique résolument nataliste ou connaissant une forte immigration. Le Président Pierre Lequiller a estimé inopportun, techniquement extrêmement complexe et cerné de redoutables difficultés d’application, de revoir un critère qui remonte à la fondation des Communautés. Pour autant, il a noté l’amertume compréhensible d’un Etat modèle de l’intégration communautaire, toujours enthousiaste dans la marche vers l’Europe unie, en saluant le rôle décisif, constant et toujours empreint de bonne volonté de l’Italie dans la modernisation institutionnelle de l’Union, même après l’abandon d’une démarche constitutionnelle dont elle était l’un des plus ardents défenseurs. Relevant qu’aucun système n’est parfait, il a cependant rappelé que, même selon la répartition proposée par le Parlement européen, l’Italie est significativement mieux « servie » que la France, par exemple, du point de vue du nombre de députés européens par habitant. Bulletin n°2 Réunion du mardi 17 octobre 2007 285 Cette constatation introduit une dernière observation. Le projet de traité prévoit que la décision du Conseil sur proposition du Parlement sur la répartition des sièges soit prise « en temps utile avant les élections parlementaires européennes de 2009 ». D’un point de vue juridique, elle n’impose pas un traitement strictement concomitant à l’adoption du traité réformateur et ne doit surtout pas obérer la conclusion d’un accord au cours du Conseil européen de demain. L’idéal serait bien sûr de boucler le dossier institutionnel une fois pour toutes et s’atteler désormais à progresser dans la définition et la mise en œuvre des politiques de l’Union. Mais il ne faut pas pour autant prendre en otage l’avenir de l’Europe pour adopter une décision qui, si les réticences sont trop fortes, peut être opportunément réexaminée plus tard et a d’autant plus de chance de faire l’objet d’un accord que les Etats membres savent qu’ils perdraient tous à ne pas réformer la répartition fixée par le traité de Nice. M. Régis Juanico a rappelé qu’il avait été vivement impressionné, lors de son déplacement récent à Rome, par l’indignation soulevée au sein de toutes les tendances politiques italiennes par la proposition de nouvelle répartition des sièges du Parlement européen. L’Italie, Etat fondateur, perçoit la mesure contestée comme une rétrogradation. Elle critique, en sa position de pays d’émigration, le critère de la population résidente qui la défavorise par rapport au critère de la citoyenneté. Peut-on trouver une solution ? La vraie question est celle de la parité avec la France et le Royaume-Uni. Il est difficile d’envisager la cession d’un siège par notre pays. En revanche, la question essentielle est sans doute celle de la pertinence de l’attribution d’un siège à la Pologne pour des raisons politiques. Est-il, en effet, cohérent de récompenser l’un des Etats les plus réticents dans les négociations institutionnelles, et selon des modalités qui interdisent de se laisser une marge de manœuvre dans les discussions avec l’Italie ? En réponse, le Président Pierre Lequiller a rappelé que M. Alain Lamassoure avait effectivement indiqué qu’un siège supplémentaire avait été attribué à la Pologne pour des raisons politiques, puis a estimé qu’il était très difficile de revenir dessus. Le vrai problème est celui de la parité entre les trois grands Etats que sont l’Italie, France et le Royaume-Uni. Faut-il tenir compte de la citoyenneté ? C’est délicat dans la mesure où sa définition est différente d’un pays à l’autre. Ainsi, par exemple, certains Polonais ne jouissent 286 Réunion du mardi 17 octobre 2007 Bulletin n° 2 pas de la citoyenneté, mais peuvent quand même voter, dans certaines conditions, en Pologne. L’argument invoqué par l’Italie n’apparaît pas praticable. Par conséquent, il convient de s’en tenir à la population des Etats membres telle qu’elle est calculée par Eurostat. Il en est d’ailleurs ainsi depuis l’origine des Communautés. La question de la parité de représentation des grands Etats relève du Conseil européen et la solution est entre les mains des gouvernements. Sous le bénéfice de ces observations, la Délégation a ensuite approuvé la résolution du Parlement européen. Bulletin n°2 z Changement Réunion du mardi 17 octobre 2007 287 climatique Débat, ouvert à la presse, avec M. Guido Sacconi, Président de la commission temporaire sur le changement climatique au sein du Parlement européen, et M. Karl-Heinz Florenz, rapporteur Le Président Pierre Lequiller s’est déclaré heureux d’organiser cette réunion avec la commission temporaire du Parlement européen sur le changement climatique. Cette rencontre se situe dans le cadre des réunions interparlementaires et à un moment où, en France, a été mis en place le « Grenelle de l’environnement », cadre de discussions entre les citoyens, les associations, les élus et les pouvoirs publics, à partir desquelles seront dégagées des propositions. Il faut également souligner que le changement climatique a été introduit dans le traité réformateur qui devrait faire l’objet d’un accord au cours du Conseil européen informel de demain à Lisbonne. Il serait intéressant de présenter les raisons ayant motivé la création de la commission temporaire, ainsi que ses principaux objectifs. En outre, à quelques semaines de la conférence de Bali sur le climat, qui lancera les négociations sur l’après protocole de Kyoto, on peut s’interroger sur la voie à suivre pour que l'Europe puisse faire prévaloir auprès de ses partenaires internationaux des engagements contraignants de réduction des émissions de gaz à effet de serre et la mise en place d’un marché international du carbone. A cet égard, il serait utile de connaître les enseignements que le Parlement européen a retirés de la rencontre organisée par les Nations unies fin septembre et du sommet des principaux pays pollueurs réunis par la suite à l’initiative des EtatsUnis. Enfin, l'Europe se doit d’accompagner les pays en développement dans l’adaptation au changement climatique, phénomène dont ils pourraient être les principales victimes. M. Guido Sacconi, Président de la commission temporaire du Parlement européen sur le changement climatique, s’est félicité de cette occasion d’établir un contact direct avec le Parlement français, alors qu’au cours des prochains mois, des décisions stratégiques pour nos économies et pour la vie des citoyens européens devront être adoptées. La rencontre interparlementaire organisée par le Président du Parlement européen, M. Hans Gert Pöttering, les 1er et 288 Réunion du mardi 17 octobre 2007 Bulletin n° 2 2 octobre a déjà permis de tisser un réseau de relations avec les parlements nationaux, collaboration particulièrement utile pour mobiliser nos sociétés civiles sans l’appui desquelles les changements globaux qui nous attendent seront difficiles à faire accepter. La commission temporaire du Parlement européen sur le changement climatique n’existe que depuis quelques mois. Sa création s’inscrit dans un long processus allant de la présentation du rapport Stern jusqu’à l’attribution du prix Nobel de la paix à Al Gore et au Groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Au niveau européen, ces derniers mois ont aussi été marqués par le Conseil européen de mars 2007 qui a pris des engagements, parfois unilatéraux, pour l’après Kyoto mais également en dehors du cadre de ce protocole avec, en particulier, la « règle des trois 20 » d’ici à 2020 (réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre, fixation à 20 % de la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique totale et accroissement de 20 % de l’efficacité énergétique). Il faut aussi mentionner la réunion, sous présidence allemande, du G8 + 5 qui a permis d’imposer de nouveau l’Organisation des Nations unies comme lieu de négociation pour l’après Kyoto. La création de la commission temporaire résulte de ce contexte et de la volonté du Parlement européen de ne plus se limiter à une approche sectorielle et de mettre en œuvre une analyse globale. Il existe aujourd'hui une prise de conscience générale que la lutte contre le changement climatique n’est plus seulement un sujet environnemental, mais comporte aussi des aspects économiques ayant trait, notamment, à la compétitivité de notre économie et aux relations entre pays riches, pays pauvres et pays émergents. Cette lutte revêt aussi une dimension relative à la sécurité, puisque des centaines de millions de personnes devraient fuir la désertification et la pénurie d’eau. Cette approche globale devrait permettre à la commission temporaire de fournir aux commissions spécialisées du Parlement européen des éléments guidant leur action. Cela s’impose d’autant plus que, le 5 décembre prochain, la Commission européenne va présenter un paquet législatif visant à concrétiser dans la législation la « règle des trois 20 », et que le Parlement européen s’apprête à examiner des propositions communautaires concernant la réduction des émissions de CO2 par les véhicules automobiles ou encore l’intégration de l’aviation dans le système communautaire d’échanges de quotas d’émissions de gaz à effet de serre. La question de l’adaptation au changement climatique est fondamentale et il faut avoir conscience Bulletin n°2 Réunion du mardi 17 octobre 2007 289 qu’elle ne se pose pas à long terme, mais qu’elle doit être traitée d’ores et déjà sur notre continent. A titre d’exemple, il sera nécessaire de repenser totalement notre agriculture, ce qui implique un énorme effort de recherche. La première mission de la commission temporaire sera donc de fournir une vision intégrée facilitant la mise en œuvre des législations sectorielles. Sa seconde mission touchera à la dimension extérieure de ce problème. Cela implique de soutenir les négociateurs communautaires – le Conseil et la Commission – dans leur action pour aboutir à un traité international applicable de façon proportionnée à tous les pays du monde. La première échéance sera évidemment la réunion de Bali en décembre prochain, même s’il ne s’agit que du début d’une négociation devant s’achever en 2009 pour préparer l’après Kyoto. Cette période sera évidemment marquée par les élections aux Etats-Unis, qui empêcheront ce pays de se déterminer avant les résultats de ce scrutin. La commission temporaire va s’attacher à développer une diplomatie interparlementaire. Elle doit se rendre en novembre à Pékin, où le récent congrès du parti au pouvoir vient de placer la question environnementale au centre de ses préoccupations. Elle établira évidemment des contacts avec le Congrès des Etats-Unis et avec d’autres Etats. Pour le moment, elle participe à la préparation d’une résolution du Parlement européen en vue du sommet de Bali. En tout état de cause, cette commission n’en est qu’au début de ses travaux, et le rapporteur va préciser ses orientations futures. M. Karl-Heinz Florenz, rapporteur de la commission temporaire du Parlement européen sur le changement climatique, a souligné que le Parlement européen, mais aussi les parlements nationaux et l’ensemble de la population européenne, avaient compris les risques liés au changement climatique et le fait que notre continent avait un rôle majeur à jouer sur cette question. Il faut insister sur le fait que cette question est un défi mais est également une chance. Elle ne doit pas être traitée dans la panique mais avec une véritable volonté de débattre, d’écouter, permettant de déboucher sur des solutions réalistes. Même si, aujourd'hui, 97 % des émissions de CO2 sont d’origine naturelle et 3 % seulement imputables à des activités humaines, il faut s’attacher à réduire l’impact de l’homme sur le climat de la planète, en développant les énergies durables et en veillant à l’efficacité énergétique. Cela ne doit pas empêcher chaque pays membre d’avoir sa propre approche dans le domaine énergétique, mais il faut rechercher la durabilité grâce à des 290 Réunion du mardi 17 octobre 2007 Bulletin n° 2 techniques plus propres et grâce à la coordination des actions des pays frontaliers. Notre continent a des responsabilités essentielles dans ce dossier compte tenu de l’importance de ses émissions de gaz à effet de serre. Des décisions importantes ont été prises au niveau européen qu’il s’agit d’appliquer. La surenchère en matière de fixation d’objectifs est inopérante. Il est préférable de fixer des objectifs réalistes. Il importe donc d’intégrer dans la législation les chiffres proposés par le Conseil européen afin respecter nos engagements et qu’en 2050, la réduction des émissions de CO2 soit réelle. L’inscription de ces principes dans notre législation doit se faire de manière contraignante. C’est un devoir vis-à-vis de nos enfants comme l’a rappelé le Secrétaire général de l’ONU. Il est sur ce point nécessaire de convaincre les citoyens de l’importance de l’environnement dans le cadre communautaire et dans les relations avec nos partenaires internationaux. Une condition préalable doit être remplie : l’Europe doit faire figure de modèle afin de convaincre les pays les plus pauvres, notamment les pays africains de la suivre dans cette voie. Concernant les échanges de quotas d’émissions de gaz à effet de serre, les intérêts particuliers ont probablement été excessivement privilégiés, ce qui explique l’échec relatif du dispositif actuel. Il faudrait substituer à cet instrument de sanction qui ne sert à personne, un instrument plus incitatif pour moins polluer. Quoi qu’il en soit, il se posera inévitablement la question du partage des responsabilités afin de parvenir à réduire de 20 % les émissions et d’atteindre l’objectif de 20 % d’énergies renouvelables. Ces questions ne pourront être réglées que par un travail en commun. L’Europe doit avoir par ailleurs une attitude ouverte concernant les nouvelles technologies, par exemple pour la séquestration du CO2. Si les résultats scientifiques montrent que des techniques sont viables, il faudra prendre les décisions qui s’imposent. Citant l’exemple de l’Allemagne où 51 millions de véhicules sont en circulation, chacun émettant au moins 130 grammes de CO2 par kilomètre parcouru, il a mis l’accent sur l’urgence de la mise en œuvre de solutions réalistes. Il a souligné la nécessité de réviser la directive sur l’efficacité énergétique des bâtiments, son application laissant à désirer Bulletin n°2 Réunion du mardi 17 octobre 2007 291 car trop de concessions ont été faites. Il est possible de réaliser en la matière des économies afin de les réinvestir pour qu’il n’y ait pas de perdants. Pour cela, des appuis doivent être trouvés auprès des industriels et de tous les acteurs souhaitant assumer leurs responsabilités. La hausse du prix de l’énergie est subie par tous et il est indispensable d’être solidaires. Il a précisé que l’Allemagne, grâce à une politique de gestion des déchets, est parvenue à économiser 46 millions de tonnes d’émissions de CO2. Ces politiques énergétiques, comme par exemple la réduction du méthane, constituent indéniablement une carte de visite pour l’Europe. Participant depuis 1991 aux négociations de Kyoto, il fait observer qu’on ne peut convaincre que si on est soi-même convaincu. Il a conclu sur la nécessité d’agir en toute sérénité tout en restant réaliste. Il ne faut pas perdre de temps et adopter rapidement une législation contraignante. C’est notre devoir non seulement pour les Etats membres mais aussi vis-à-vis de tous les autres pays. Si la politique des Etats–Unis ne recueille pas notre accord, il faut toutefois reconnaître que certains industriels américains semblent fermement décidés à développer des industries propres, indépendamment de toute législation. L’Europe doit être prête et faire tout ce qu’elle peut faire pour protéger le climat et les populations. M. Bernard Deflesselles s’est réjoui d’entendre MM. Guido Sacconi et Karl-Heinz Florenz sur un sujet qui mobilise de façon prégnante l’opinion européenne et internationale. Les efforts de l’Union européenne et particulièrement ceux du Parlement européen doivent être salués et leurs idées devraient inspirer les politiques nationales des Etats membres et de tous les autres pays. L’Union européenne a élaboré une feuille de route et posé des objectifs chiffrés : 30 % de réduction des émissions de gaz à effets de serre en 2020 et de 60 à 80 % en 2050 par rapport à 1990. Il a toutefois fait observer que des difficultés apparaîtront après Kyoto quand il faudra négocier sur ce qu’il convient de faire après 2012. Par ailleurs, la contre offensive des Etats-Unis et des pays alignés est problématique dans la mesure où ils n’ont pas la même 292 Réunion du mardi 17 octobre 2007 Bulletin n° 2 approche que l’Europe et ne souhaitent pas élaborer en commun une liste des objectifs à atteindre. Les Etats-Unis se réfugient derrière l’idée que l’on peut laisser faire la technologie et ont une vision du changement climatique qui n’est pas dissociée du contexte global, notamment économique et industriel. Il a souhaité savoir quels contacts ont été pris entre le Parlement européen et les Américains afin de lever ce blocage et a insisté sur la nécessité d’établir des relations non seulement avec l’administration Bush mais aussi avec les Républicains qui pourraient être au pouvoir après les élections de 2008. Ces contacts sont importants dans la perspective de la conférence de Bali en décembre. L’attribution du prix Nobel de la paix à Al Gore doit être saluée et changera peut-être la donne. M. Michel Delebarre s’est également félicité de l’initiative du Parlement européen d’avoir structuré son action sur une question dont les enjeux sont fondamentaux. Le Parlement européen s’est montré optimiste en créant une « commission temporaire » et, dans la mesure où les problèmes seront pérennes, il sera sans doute nécessaire d’ajuster cette appellation. Il a souligné que même si l’Union européenne se montre exemplaire dans la lutte contre le réchauffement climatique, dans la mesure où il s’agit d’un problème mondial, elle supportera inévitablement les conséquences des politiques des autres pays. En tout état de cause, afin de peser de tout son poids dans les négociations et avoir un effet d’entraînement sur les autres pays, l’Europe se doit d’être un modèle. Il a indiqué souscrire aux objectifs de l’Union européenne mais a soulevé des interrogations sur les modalités de leur mise en œuvre. Il a tout d’abord fait remarquer que toutes les déclarations au niveau européen ne seront d’aucun effet si les Etats membres ne participent pas à leur application. Il faudrait aller plus loin dans la subsidiarité et insister sur la responsabilité des collectivités locales en la matière. Une proportion importante de la pollution est le fait du chauffage, des logements et des transports qui relèvent d’une gestion territoriale. Pour plus d’efficacité, il est donc nécessaire d’impliquer chaque niveau de gouvernance. Par ailleurs, l’Union européenne doit mettre plus de transversalité dans l’élaboration de ses différentes politiques, la main Bulletin n°2 Réunion du mardi 17 octobre 2007 293 gauche ne pouvant ignorer ce que fait la main droite. On doit veiller à ce que la politique agricole ou la politique de recherche, par exemple, répondent aux critères posés en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Enfin, mentionnant la diffusion dans la presse d’une carte sur les possibles conséquences de l’élévation du niveau des mers sur les côtes au vingt et unième siècle, il a craint les risques de panique dans la population. La population sera attentive et il sera indispensable de lui donner des informations précises à la fois sur l’exactitude des risques encourus et sur les mesures qui sont envisagées. Il a souligné le paradoxe américain, pays responsable de la plus grande pollution mais d’où est originaire le prix Nobel de la paix qui donne des leçons de vertus; pays où l’on construit le plus de véhicules mais où les constructeurs ont déclaré leur volonté de fabriquer des voitures propres et où le gouverneur de Californie a officiellement déclaré que ne seraient plus admises des constructions néfastes pour l’environnement. En conclusion, il a insisté sur la nécessité d’élaborer, au plan international, une fiscalité vertueuse sans laquelle les choses ne pourront pas avancer. M. André Schneider, après s’être félicité de cette audition et évoqué le rapport qu’il avait déposé voilà deux ans sur l’Après pétrole en Europe (n° 2839), relatif au Livre vert de la Commission européenne sur l’efficacité énergétique, a constaté que l’on n’en était encore qu’aux recommandations dans ce domaine. Il s’est demandé si celles-ci seront suffisantes pour l’échéance de 2012 et s’il ne serait pas opportun de prévoir des contraintes assorties d’un système d’encouragements et de « bons points ». Il a estimé que s’occuper de l’Europe seule ne suffisait pas. Il faut se poser le problème de l’aide à apporter à l’Afrique pour que des mesures soient prises dans ce domaine, et, notamment, en matière de préservation et de bonne gestion de la forêt. M. Gérard Voisin a remercié le Parlement européen d’avoir créé cette commission qui va stimuler les actions des parlements nationaux en matière de changement climatique. Même si la majorité des députés français n’est pas en pointe sur ce dossier, un travail important 294 Réunion du mardi 17 octobre 2007 Bulletin n° 2 vient cependant d’y être lancé à l’occasion du Grenelle de l’environnement qui a présenté des préconisations fortes dans ce domaine. Celles-ci devraient se concrétiser dans un projet de loi au début de 2008. Il a ensuite insisté sur la nécessité du travail en amont des commissions des parlements nationaux, qui doivent alimenter la réflexion de la commission temporaire du Parlement européen afin d’éviter que ne soient adoptées des solutions qui seraient mal reçues. En conclusion, il a considéré que la mission de l’Europe est, d’une part, de montrer qu’elle fait un travail important dans ce domaine, notamment au sein des parlements nationaux et du Parlement européen et, d’autre part, de tirer et d’entraîner les pays qui ne font pas d’effort, y compris les plus puissants d’entre eux. M. Jérôme Bignon a constaté qu’il y avait une alliance entre les Etats-Unis et les pays émergents dans le refus de prendre conscience de la nécessité de lutter contre les gaz à effet de serre. C’est une curieuse entente entre ceux qui polluent le moins et celui qui pollue le plus car ces pays émergents émettent 2 tonnes de CO2 par habitant et les EtatsUnis, 23 tonnes, l’Europe en étant à 10 tonnes. Il faut donc que l’Europe, même si elle est développée, se rapproche le plus possible de ces pays. Il a considéré que le problème climatique ne sera pas résolu sans prendre en compte le modèle économique qu’il sera nécessaire d’adopter pour permettre le ralliement des pays émergents. Car il est difficile, d’une part, de leur expliquer que même si l’Europe a énormément pollué pour se développer, ils ne doivent pas maintenant faire de même et, d’autre part, de les stigmatiser alors que leurs émissions polluantes sont cinq fois moins importantes que les nôtres. Après avoir évoqué l’action d’une association qu’il préside, associant tourisme et développement durable, il a souhaité que soit menée, afin de trouver l’accord du plus grand nombre, une importante réflexion sur la construction d’un nouveau modèle économique, non seulement pour l’Europe mais aussi pour le reste du monde. M. Didier Quentin, après avoir approuvé les propos de M. Jérôme Bignon, a déclaré que les conclusions du Grenelle de l’environnement nourriraient les propositions de la prochaine présidence française. Celles-ci pourraient concerner la recherche dans le domaine de Bulletin n°2 Réunion du mardi 17 octobre 2007 295 l’environnement, le lien entre libéralisation des marchés et environnement, la fiscalité environnementale, le renforcement de la direction générale de l’environnement, l’élaboration d’une plateforme sur la biodiversité avec la création à Bruxelles d’un poste sur ce thème et la création d’une Union interparlementaire sur les problèmes de l’environnement. Il a conclu son intervention en souhaitant que la Délégation pour l’Union européenne soit associée à ce mouvement. En réponse aux intervenants, le Président Guido Sacconi a apporté les précisions suivantes : - le règlement du Parlement européen permet le renouvellement des commissions temporaires et la proposition de renouveler le mandat de la commission jusqu’à la fin de la législature sera certainement faite; - il est possible d’établir un lien entre la lutte contre le changement climatique et la modification du modèle économique européen et mondial ; - il ne sera pas possible d’arriver à une conclusion politique lors des prochaines négociations internationales de Bali si on ne trouve pas de convergence sur une feuille de route entre les anciens pays industriels, les nouveaux et ceux qui ne le sont pas du tout ; - le Parlement européen est modérément optimiste sur la suite des négociations compte tenu de l’attitude des Etats-Unis, mais la situation a changé car l’opinion publique est maintenant attentive à ces questions ; - les Etats-Unis ont eux-mêmes modifié leur attitude car, après s’être situés à l’extérieur de l’accord de Kyoto, ils ont maintenant accepté que des objectifs soient définis tout en refusant toujours qu’ils soient obligatoires : la porte peut donc être considérée comme entr’ouverte ; - la dimension économique est maintenant double car il y a un coût pour l’absence de pollution et un autre pour la réparation des dégâts ; - il faut faciliter le développement d’un grand marché pour les techniques à faibles émissions, sans nécessairement parler de 296 Réunion du mardi 17 octobre 2007 Bulletin n° 2 « nouvelle révolution industrielle ». Celles-ci sont cependant liées à de nouvelles sources d’énergie et il faut aller vers une économie à faible teneur en carbone ; - ce problème ne peut pas être traité uniquement avec des directives ou des règlements. Tous les niveaux de compétences – national, régional, local – devront être des acteurs ; - il faut rendre les relations interparlementaires plus étroites. Des informations pourraient être échangées en permanence au niveau des secrétariats avec la possibilité d’un système en ligne ; - la recherche en environnement est en retard malgré les efforts coordonnés par le GIEC ; - l’étude des nouvelles sources d’énergie marque le pas et des techniques comme le stockage du CO2, sont quasiment prêtes, mais il y a un désinvestissement dans la recherche de solutions de long terme ; - il y a des retards pour l’adaptation des projections à moyen terme des conséquences du réchauffement climatique selon les régions. En tout état de cause, il importe de développer la coopération scientifique afin de parvenir à une voie de développement qui soit différente de la nôtre. M. Karl-Heinz Florenz a apporté les réponses suivantes : - le bilan que l’Allemagne peut présenter en matière environnementale est bon grâce aux efforts entrepris après la réunification ; - il va de soi que l’Europe doit parvenir à convaincre les Etats-Unis et à les amener à la table des négociations, bien qu’il faille aussi y intégrer les économies émergentes et les pays africains. Le débat est surtout de nature scientifique et nécessite une synergie fondée sur la coopération dans les domaines scientifique, technologique et économique ; - l’énergie nucléaire a un rôle à jouer, même si avec le Président Guido Sacconi, nous n’avons pas des positions similaires ; - l’Allemagne a déjà pris des mesures d’adaptation dans le domaine de la protection contre les inondations, mais il serait intéressant de connaître l’action de la France dans ce domaine ; Bulletin n°2 Réunion du mardi 17 octobre 2007 297 - l’Europe doit encore réfléchir au « partage du fardeau » des quotas d’émission qu’il convient de ne pas accroître, car déjà la question des 20 % n’est pas simple à régler. Ainsi en Allemagne, la perspective du stockage du carbone suscite des protestations car, en ce qui concerne – par exemple – la production de biomasse, les agriculteurs rencontrent des difficultés pour répondre rapidement aux incitations ; - la politique fiscale est un sujet très sensible au niveau communautaire. C’est pourquoi la taxation des véhicules selon leurs émissions de CO2 pourra être un projet délicat à mettre en œuvre ; - on ne peut procéder à des investissements et accroître les dépenses dans le domaine environnemental que si les Etats membres s’engagent dans cette voie, comme c’est le cas aux Etats-Unis ; - le secteur automobile doit jouer un rôle important mais, pour l’instant, M. Karl-Heinz Florenz n’a pas l’impression qu’existe le soutien nécessaire en vue d’atteindre les objectifs fixés pour 2012 en termes d’émissions de CO2 ; - en tout état de cause, il n’est pas nécessaire d’attendre la réponse des Etats-Unis, bien que l’on constate que des pays de l’Union européenne refusent également le principe de contraintes et plaident plutôt pour des accords sur une base volontaire conclus entre les Etats. Il convient d’adopter dans la perspective de la conférence de Bali une attitude réaliste, afin de pouvoir obtenir le soutien des Etats tiers et de ne pas suivre l’exemple de M. Jürgen Trittin, alors ministre de l’environnement de l’Allemagne, qui avait plaidé à la conférence mondiale sur le climat de Buenos Aires en faveur de l’intégration de l’objectif des 20 % dans un traité international sous l’égide de l’ONU ; - on peut comprendre la réaction de certains Africains, qui mettent l’accent sur le développement à tout prix. Mais il est aussi important de réfléchir aux conditions d’un développement technologique tenant compte des exigences environnementales. Le Président Pierre Lequiller, après avoir remercié MM. Karl-Heinz Florenz et Guido Sacconi, a déclaré qu’il convenait – conformément à leurs propositions – de multiplier les contacts avec le Parlement européen et s’est félicité que cette rencontre ait pu se dérouler au moment même où la France a ouvert un grand débat sur l’environnement. 298 Réunion du mardi 17 octobre 2007 Bulletin n° 2 Le Président Guido Sacconi a dit avoir apprécié les documents qu’il avait pu consulter sur Internet concernant les méthodes employées dans le cadre du « Grenelle de l’environnement ». Bulletin n°2 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30 299 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30 Présidence de M. Daniel Garrigue, Vice-président zEspace de liberté, de sécurité et de justice Communication de M. Thierry Mariani sur les accords de réadmission entre la Communauté européenne et la République de Moldova, la République de Serbie, l’ancienne République yougoslave de Macédoine, la République du Monténégro, de la Bosnie-etHerzégovine et de l’Ukraine, et sur l’élargissement de l’espace Schengen (E 3516, E 3600, E 3602, E 3603, E 3604, E 3621 et E 3622) M. Thierry Mariani, rapporteur, a relevé que la construction d’un espace de liberté, de sécurité et de justice n’existe pas sans relation durable et responsable avec les pays tiers. Dans cet esprit, les accords de réadmission des personnes en séjour irrégulier sont un élément décisif de la lutte contre l’immigration clandestine dans l’Union et constituent l’un des axes de développement d’une politique extérieure dans le domaine de la justice et des affaires intérieures. Le premier point essentiel est la nette accélération des négociations des accords de réadmission liée à leur adossement à des négociations d’accords facilitant la délivrance de visas. Les Conseils européens de Laeken et de Tampere ont décidé au début des années 2000 de mettre en œuvre une politique déterminée et ambitieuse de négociation d’accords de réadmission dont la Commission a précisé les contours dans sa communication du 15 novembre 2001. Les négociations se sont dans un premier temps révélées laborieuses. A ce jour, en effet, seule la moitié des douze mandats de négociation confiés par le Conseil à la Commission entre 2000 et 2002 ont été menés à leur terme, concernant Hong-Kong et Macao (2004), le Sri Lanka (2005), l’Albanie (2006) et la Russie (2007). L’accord de réadmission avec l’Ukraine, pour lequel un mandat avait été émis 2002, a été signé le 19 juin dernier. 300 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30 Bulletin n° 2 La lenteur des négociations s’explique principalement par les réticences des pays parties à l’accord à s’engager en particulier sur la réadmission de ressortissants d’autres pays tiers, et, à un moindre degré, sur les délais de réponse aux demandes de réadmission qui leur sont adressées. Dans ce contexte, la Commission s’est attelée à actionner d’autres leviers permettant d’accélérer la conclusion des accords, qu’il s’agisse de la facilitation, « en contrepartie », de la délivrance des visas aux ressortissants de ces Etats ou de la réduction des obligations consenties par le pays tiers concerné. La tâche des négociateurs en est accrue, entre les deux écueils que constituent la recherche d’« accords à tout prix » qui doit être résolument écartée et l’imposition d’exigences excessives empêchant la conclusion des accords voire minant leur application pratique. Le danger est en effet grand de voir les Etats tiers aligner leurs revendications sur les dispositions les plus généreuses concédées par la Commission aux cours des négociations d’accords. A cet égard, l’accord de réadmission avec la Russie a constitué un précédent dangereux. D’un côté, force a été de constater une nette dégradation de la qualité des obligations imposées avec notamment la fixation d’un délai maximal de réponse aux demandes de réadmission qui dépasse les délais de rétention administrative français, espagnol et portugais, et l’introduction d’une période transitoire trop longue de trois ans avant que l’obligation de réadmission ne s’impose pour les ressortissants des pays tiers. Or, ces concessions significatives sont d’autant plus paradoxales que la négociation de l’accord a été adossée à celle d’un accord visant à faciliter la délivrance des visas, avec notamment une réduction de presque moitié des frais applicables aux ressortissants russes. Il n’en reste pas moins que l’on constate une très nette accélération des négociations depuis en particulier que la Commission a manifesté son intention de donner priorité à la conclusion d’accords de réadmission avec la région des Balkans occidentaux et les pays limitrophes conformément à sa politique de voisinage arrêtée en 2003. Bulletin n°2 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30 301 Ainsi, moins d’un an aura séparé l’engagement des négociations avec les pays des Balkans de leurs conclusions. Le Conseil a en effet confié le 13 novembre 2006 mandat à la Commission européenne pour négocier un accord de réadmission entre la Communauté européenne et chacun des pays des Balkans occidentaux. La conclusion des accords de réadmission et de facilitation des visas avec l’ancienne République yougoslave de Macédoine, la République du Monténégro, la Bosnie-Herzégovine et la République de Serbie est prévue d'ici novembre 2007. De même, après que le Conseil « Affaires générales et relations extérieures » du 19 décembre 2006 a officiellement autorisé la Commission à négocier la conclusion d’un accord de réadmission et d’un accord de facilitation des visas, l’Union européenne et la République de Moldova ont signé, le 10 octobre 2007, les deux accords au terme de huit mois seulement de négociations. Il n’est évidemment pas indifférent de constater que ces cinq accords ont été accompagnés de la conclusion d’un accord visant à faciliter la délivrance de visas. Pour autant, la qualité de ces accords de réadmission est très significativement supérieure à celle de l’accord conclu avec la Russie, la vocation des Etats balkaniques à adhérer à l’Union, clairement affirmée dans les conclusions du sommet entre l'Union européenne et les Balkans occidentaux qui s'est tenu à Thessalonique le 21 juin 2003, jouant un rôle moteur dans ces progrès. M. Thierry Mariani a ensuite abordé le contenu des accords de réadmission examinés, en jugeant dans l’ensemble leur qualité satisfaisante. Quelques traits communs à l’ensemble des accords de réadmission peuvent être rapidement dessinés : – les obligations de réadmission énoncées sont établies sur une base de réciprocité totale ; – les accords précisent les procédures applicables, l’énoncé des pièces justificatives, les modalités de prise en charge des coûts de 302 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30 Bulletin n° 2 transport et de transit et garantissent la protection des données à caractère personnel ; – les accords confient à des comités de réadmission mixte à l’Union et à l’Etat signataire le soin de contrôler leur mise en œuvre et leur application. Cependant, l’essentiel des enjeux se concentre sur deux questions décisives. La première question, et la véritable valeur ajoutée des accords de réadmission, concerne la réadmission des ressortissants de pays tiers aux parties à l’accord, celle des nationaux faisant rarement problème. A cet égard, les difficultés traditionnelles concernent la définition de délais transitoires durant lesquels cette réadmission ne s’applique pas et le degré d’exigence des conditions posées pour l’obligation de réadmission. Dans ces deux domaines, les accords conclus avec les Etats des Balkans occidentaux, avec l’Ukraine et avec la République de Moldova sont satisfaisants. L'obligation de réadmettre les ressortissants des pays tiers et les apatrides est en effet liée aux conditions préalables suivantes, suffisamment larges pour garantir une application efficace. L’intéressé doit avoir été lors de son entrée sur ce territoire, en possession d'un visa ou d'une autorisation de séjour en cours de validité délivré(e) par le pays requis (et non plus au moment du dépôt de la demande de réadmission comme c’est le cas dans l’accord signé avec la Russie). L’obligation de réadmission s’impose également lorsque l’intéressé est entré illégalement et directement sur le territoire des États membres après avoir séjourné sur ou transité par le pays requis. Dans le même esprit, il n’est pas ménagé de période de transition pour l’application des dispositions des accords de réadmission avec les pays des Balkans occidentaux à la différence de l’accord conclu avec l’Ukraine qui prévoit une période transitoire de deux ans. Une deuxième question essentielle tient à la détermination des délais de réponse aux demandes de réadmission. Bulletin n°2 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30 303 La garantie des libertés publiques impose aux Etats membres de respecter des durées maximales de rétention administrative plus ou moins élevées selon leurs traditions nationales. Les législations française, espagnole et portugaise sont particulièrement protectrices en ce qu’elles limitent les rétentions administratives à respectivement 32, 40 et 60 jours. Les délais de réponse prévus dans les accords de réadmission examinés sont dans l’ensemble compatibles avec les législations nationales des Etats membres de l’Union, allant de 10 jours (prorogeables 6 jours) à 14 jours (non prorogeables). Seul l’accord conclu avec l’Ukraine pose une difficulté en ce qu’il prévoit, en complément du délai « normal » de 14 jours, un droit de prorogation pouvant aller jusqu’à 30 jours supplémentaires dans les cas dûment motivés. Les accords prévoient par ailleurs une procédure accélérée pour les personnes appréhendées dans les « régions frontalières » ou sur le territoire des aéroports internationaux des Etats membres ou l’Etat tiers concerné. Dans ce cas, la demande de réadmission et la réponse à celle-ci doivent être transmises dans un délai de 2 jours ouvrables. Enfin, M. Thierry Mariani a abordé les accords visant à faciliter la délivrance des visas adossés aux accords de réadmission Les accords prévoient l'assouplissement des formalités d'obtention des visas avec en particulier un allégement considérable des frais de visas à 35 euros (au lieu de 60 euros) pour l’ensemble des ressortissants des Etats signataires. De même, une exonération totale des frais de visa est définie pour certaines catégories de demandeurs tandis que les exigences pour certains groupes de personnes, notamment les hommes et femmes d'affaires, les étudiants et les journalistes, en matière de pièces justificatives requises à l'appui des demandes de visa ont été simplifiées. Enfin, les titulaires de passeports diplomatiques sont dispensés de l'obligation de visa. M. Thierry Mariani a conclu son propos en soulignant que la conclusion rapide d’accords communautaires de réadmission impose de consentir à des contreparties importantes au bénéfice des Etats tiers, en 304 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30 Bulletin n° 2 particulier lorsque l’obligation de réadmission couvre aussi les ressortissants de pays tiers et les apatrides. Il est heureux que ces contreparties ne soient pas allées jusqu’à la suppression de l’obligation de visa, qui n’est envisageable que dans des cas exceptionnels. Néanmoins, le lien apparent qui semble émerger entre la conclusion des accords de réadmission et la négociation d’accords facilitant la délivrance des visas est regrettable. Il serait en effet dangereux que les pays tiers considèrent les offres compensatoires comme des éléments normaux liés à la conclusion d’accords de réadmission et qu’ils tendent à aligner leurs exigences sur le traitement le plus favorable obtenu par un autre pays en entraînant un « nivellement par le haut » des contreparties accordées par l’Union. Les mesures d’incitation dont on a vu qu’elles tendent à se multiplier représentent en effet des concessions importantes de la Communauté dont il faut veiller à ce qu’elles ne soient pas disproportionnées à l’utilité des accords de réadmission, textes essentiellement de nature administrative et technique. L’appréciation « coûts – avantages » des mesures d’incitation doit ainsi demeurer particulière à chaque négociation, la pression migratoire concrète exercée sur certains Etats membres et la position géographique par rapport à l'Union européenne des Etats tiers constituant évidemment les critères décisifs. A cet égard, les accords de réadmission conclus avec les Etats des Balkans occidentaux, d’une part, et l’Ukraine et la République de Moldova, d’autre part, répondent aux exigences de cohérence et d’efficacité liées à la situation de ces Etats aux frontières de l’Union élargie. Dans ce contexte, leur qualité est satisfaisante et les contreparties proportionnées aux progrès induits par l’étendue de l’obligation de réadmission qui pèsera désormais sur ces pays. Sous le bénéfice de ces observations, M. Thierry Mariani a proposé à la Délégation d’approuver les propositions de décisions du Conseil relatives à la signature des accords de réadmission avec les pays examinés. Dans la discussion qui a suivi cet exposé, M. Thierry Mariani, rapporteur, a souligné que ces accords satisfaisants avaient été négociés après les accords avec la Russie qui ont notamment facilité Bulletin n°2 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30 305 à juste titre la délivrance de visas. Ceux-ci étaient accordés à 98 % des demandes, car il n’existe plus de risque migratoire russe et ces formalités constituaient plutôt une entrave au tourisme. En revanche, le problème du transit migratoire, notamment de populations d’Asie centrale, par la Russie et la Moldavie demeure, ainsi qu’un vrai risque migratoire en provenance de pays comme la Moldavie. M. Jérôme Lambert a observé que la satisfaction de 98 % des demandes de visas pouvait également révéler l’effet dissuasif du visa demandé uniquement par ceux à peu près sûrs de l’obtenir. Le Président Daniel Garrigue a souhaité que les relations entre l’Union européenne et la Russie fassent l’objet d’un rapport d’information de la Délégation. La Délégation a ensuite approuvé l’ensemble de ces textes (documents E 3516, E 3602, E 3603, E 3604, E 3621 et E 3622). Puis M. Thierry Mariani, rapporteur, a abordé le projet de décision du Conseil relatif à l’élargissement de l’espace Schengen aux Etats ayant adhéré à l’Union européenne le 1er mai 2004, à l’exception de Chypre, qui a demandé un délai supplémentaire d’un an. Il a rappelé que l’espace Schengen compte actuellement 13 Etats membres de l’Union européenne (les Quinze anciens moins le Royaume-Uni et l’Irlande) et deux Etats hors de l'Union européenne, la Norvège et l’Islande. Le projet de décision prévoit la levée des contrôles aux frontières intérieures terrestres et maritimes à compter du 31 décembre 2007 et aux frontières aériennes à partir du 29 mars 2008. L’article 3, paragraphe 2 de l’acte d’adhésion de 2003 prévoyait que la totalité des dispositions de l’acquis de Schengen ne s’appliqueraient dans un nouvel Etat membre qu’à la suite d’une décision à l’unanimité du Conseil, après vérification que les conditions nécessaires sont remplies, et de la consultation du Parlement européen. La décision d’élargir l’espace Schengen dépend en premier lieu de la capacité des Etats concernés à intégrer le Système d’information Schengen (SIS), c’est-à-dire la base de données permettant aux autorités nationales (police, gendarmerie, douanes, autorités judiciaires) d’échanger et d'obtenir des informations sur les personnes ou les objets. Ces informations servent dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale, ainsi que pour le contrôle des 306 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30 Bulletin n° 2 personnes, tant aux frontières extérieures que sur le territoire national. Enfin, le SIS est utilisé pour la délivrance de visas et de titres de séjour. La création d’un nouveau système, le SIS II, a été décidée dès 2001, en raison de la nécessité de mettre en œuvre de nouvelles fonctionnalités (par exemple le stockage de données biométriques), mais aussi d’intégrer les nouveaux Etats membres, le SIS n’ayant pas les capacités suffisantes pour assurer les services nécessaires à plus de 18 Etats. Cependant, en septembre 2006, la Commission, qui avait été mandatée par le Conseil pour développer le SIS II, a annoncé que sa mise en œuvre, initialement prévue pour mars 2007, connaîtrait un retard important. En janvier 2007, la Commission a proposé un calendrier révisé prévoyant que le SIS II serait opérationnel à partir de décembre 2008. Face au mécontentement des nouveaux Etats membres, et afin de permettre l’élargissement de l’espace Schengen avant cette date, le Conseil Justice Affaires intérieures (JAI) des 4 et 5 décembre 2006 a donné son aval au projet SISone4all, un système provisoire proposé par le Portugal, permettant de connecter les 9 Etats membres à la version existante du SIS. Lors de cette même réunion du Conseil JAI ont été fixés les délais pour l’élargissement de l’espace Schengen, fin décembre 2007 et fin mars 2008 pour les frontières aériennes, si toutes les conditions sont remplies. Le projet de décision que la Délégation a à examiner aujourd’hui confirme donc ces engagements. Le Conseil « JAI » des 12 et 13 juin dernier a adopté une décision sur l’application des dispositions de l’acquis de Schengen concernant le SIS aux 9 Etats membres concernés. L’entrée en vigueur de cette décision a permis le transfert vers ces Etats membres de données SIS réelles. Les conclusions du Conseil « JAI » du 18 septembre 2007 indiquent que les Etats concernés sont en mesure d’utiliser le SIS depuis le 1er septembre. L’utilisation concrète des données transférées doit permettre au Conseil de s’assurer de la bonne application des dispositions de l’acquis de Schengen relatives au SIS dans les nouveaux Etats membres. La deuxième condition essentielle pour l’intégration des nouveaux Etats membres à l’espace Schengen est la sécurité des frontières extérieures. Bulletin n°2 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30 307 Les aspects autres que le SIS (protection des données, coopération policière et frontalière, frontières maritimes, terrestres et aériennes et délivrance de visas) ont fait l’objet d’évaluations depuis 2005. Ces évaluations, menées par le groupe « Evaluation de Schengen », sont maintenant achevées. Le groupe a mené des vérifications par écrit grâce à des questionnaires, puis des visites d’équipes d’experts ont eu lieu dans chacun des Etats concernés, ainsi que dans un certain nombre de postes consulaires. Dans certains cas, de nouvelles visites sont intervenues afin de vérifier si les défaillances constatées avaient été corrigées. La question de la sécurité des frontières extérieures est un enjeu particulièrement important. En effet, tous les Etats membres concernés par l’élargissement, à l’exception de la République tchèque, auront la responsabilité du contrôle d’une frontière extérieure de l’Union. M. Thierry Mariani a indiqué qu’il s’était rendu en 2004 en Pologne, afin de mesurer sur le terrain l’efficacité des contrôles à la frontière avec l’Ukraine et qu’il avait constaté qu’en dépit des efforts importants réalisés par la Pologne, avec le soutien de l’Union européenne, la situation restait préoccupante. Les conclusions des missions d’évaluation font état d’efforts très importants des nouveaux Etats membres pour se conformer aux recommandations et à l’acquis de Schengen. Elles indiquent que tous les Etats concernés remplissent à présent les conditions nécessaires pour adhérer intégralement à Schengen. La situation en Slovaquie était celle qui posait le plus de difficultés mais les conclusions indiquent que ce pays répond maintenant aux exigences requises. Même si ses compétences et ses moyens restent limités, l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures, dite agence FRONTEX, dont le siège est à Varsovie, devrait jouer un rôle important dans l’espace Schengen élargi, en renforçant l’efficacité des contrôles et la sécurité. Créée en 2004 et opérationnelle depuis 2005, FRONTEX a pour mission d’assurer la coordination des opérations conjointes en matière de contrôle et de surveillance des frontières extérieures, de prêter assistance aux Etats membres pour la formation de leurs garde-frontières, ainsi que lorsqu’ils 308 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30 Bulletin n° 2 doivent faire face à une situation exigeant une assistance opérationnelle et technique renforcée à leurs frontières extérieures. Il convient également de souligner que le projet de traité modificatif prévoit la mise en place progressive d’un système intégré de gestion des frontières extérieures. Cette formulation constitue certes une avancée mais elle reste relativement prudente. On est donc encore éloignés de la création d’un corps européen de garde-frontières, dont la Commission européenne avait évoqué la possibilité dans une communication du 7 mai 2002. En conclusion, M. Thierry Mariani a indiqué que la décision pourrait être adoptée lors du Conseil « JAI » des 8 et 9 novembre 2007 et que le Parlement européen n’avait pas encore rendu son avis. Le Président Daniel Garrigue a souligné la pression très forte des nouveaux Etats membres sur ce dossier et s’est inquiété de la qualité des évaluations sur les contrôles aux frontières externes de l’Union européenne. M. Thierry Mariani, rapporteur, a rappelé que tout le matériel et toute la formation avaient été fournis aux services concernés des nouveaux Etats membres et qu’il ne leur reste plus maintenant qu’à les mettre en œuvre conformément aux meilleures pratiques. Le Président Daniel Garrigue a souligné l’intérêt d’une communautarisation et d’une gestion intégrée des frontières extérieures de l’Union européenne et déclaré que l’audition de M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement par la Délégation le 18 décembre 2007, serait l’occasion de l’interroger sur FRONTEX et sur d’éventuels écarts entre les rapports d’évaluation et la réalité du terrain. Puis la Délégation a approuvé le projet de décision du Conseil (document E 3600). Bulletin n°2 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30 309 z Examen de deux textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution (E 3625 et E 3626) Point A Sur le rapport du Président Daniel Garrigue, la Délégation a examiné deux textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution. Aucune observation n’ayant été formulée, la Délégation les a approuvés. ¾ PESC et relations extérieures. - proposition de décision du Conseil relative à la signature et à l'application provisoire d'un protocole à l'accord euro-méditerranéen entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République arabe d'Egypte, d'autre part, visant à tenir compte de l'adhésion à l'Union européenne de la République de Bulgarie et de la Roumanie. Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole à l'accord euro-méditerranéen entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République arabe d'Egypte, d'autre part, visant à tenir compte de l'adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne (document E 3625) ; - projet d'action commune du Conseil modifiant l'action commune 2007/369/PESC relative à l'établissement de la mission de police de l'Union européenne en Afghanistan (document E 3626). 310 z Conseil Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30 Bulletin n° 2 européen informel des 18 et 19 octobre 2007 Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes, sur le Conseil européen informel des 18 et 19 octobre 2007 Le Président Daniel Garrigue a accueilli le ministre en rappelant l’intensité de l’actualité européenne sur laquelle son éclairage serait particulièrement utile à la Délégation, qu’il s’agisse, d’une part, de l’accord trouvé par le Conseil européen informel de Lisbonne des 18 et 19 octobre dernier sur le traité réformateur, qui impose désormais de se concentrer sur les modalités concrètes d’une ratification rapide par la France conformément à l’engagement du Président de la République et, d’autre part, de la définition des priorités que notre pays souhaite voir assigner à sa présidence de l’Union au second semestre 2008 et de la manière dont le Parlement et, en son sein, la Délégation pourraient être opportunément associés à la préparation de cette présidence. M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes, s’est déclaré heureux de venir faire part à la Délégation, aussi vite qu’il a été possible, des résultats remarquables du Conseil européen de Lisbonne, avec, d’un côté, la conclusion d’un accord de portée historique sur le traité réformateur, obtenu dans le milieu de la nuit du jeudi 18 au vendredi 19 octobre et, par suite, le vendredi matin, l’engagement de travaux prometteurs sur les enjeux économiques, financiers et environnementaux. La négociation du traité, qui remet l’Europe sur les rails d’un nouveau départ, s’est révélée l’une des plus rapides et des plus efficaces de l’Histoire. La Conférence intergouvernementale (CIG) aura ainsi achevé ses travaux moins de cinq mois après que l’élection du Président de la République ait sorti les débats institutionnels européens de l’ornière. L’essentiel des termes du traité avait été agréé dès le Conseil européen de Bruxelles des 21, 22 et 23 juin dernier, les experts juridiques de la CIG parvenant pour leur part à élaborer une solution satisfaisante pour régler les modalités pratiques de l’exercice par le Royaume-Uni et l’Irlande des opt-out qui leur sont accordés dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice et pour définir une période transitoire avant que le contrôle de la Cour de justice ne s’exerce Bulletin n°2 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30 311 pleinement sur l’ensemble des actes adoptés dans le cadre du troisième pilier de l’Union sur la coopération judiciaire et policière. Ainsi, deux problèmes seulement subsistaient à la veille du Conseil européen de Lisbonne : les revendications polonaises relatives au mécanisme de Ioannina et au nombre des avocats généraux auprès de la Cour de justice, et la demande italienne de disposer d’un député de plus au sein du parlement européen élu en 2009. C’est au cours d’une réunion préparatoire précédant le dîner officiel que le Président de la République française et les Premiers ministres portugais et luxembourgeois ont dégagé les bases d’un accord avec leurs homologues polonais, le Président Kaczinski, et italien, le Président Prodi. Or, cet accord ménage l’essentiel en ne sacrifiant aucun de nos intérêts ou ceux de l’Union. En effet, en premier lieu, le mécanisme de Ioannina, qui permet à un nombre d’Etat approchant le seuil de la minorité de blocage de repousser la prise de décision au Conseil pendant un délai raisonnable, n’a pas été inscrit dans le droit primaire, qu’il s’agisse du traité ou des protocoles. Il demeure fixé dans une décision du Conseil qui sera adoptée le jour de la signature du traité. Sa portée juridique ne sera dès lors pas renforcée, et sa modification n’imposera pas la convocation d’une nouvelle CIG. Certes, un protocole spécifique a été adopté, mais il se borne à préciser que la décision de modifier le compromis de Ioannina doit être précédée par un débat au Conseil européen, qui doit ensuite statuer par consensus. S’agissant du nombre d’avocats généraux, M. Jean-Pierre Jouyet a estimé cohérent de porter leur nombre de huit à onze en concordance avec l’augmentation des effectifs des juges à la Cour de justice de 15 à 27 liée à l’élargissement. Ce nombre était en effet gelé depuis 1995, alors même que tous les « grands » pays sauf la Pologne disposaient du droit de nommer un avocat général. Désormais, la Pologne nommera, comme l’Espagne d’ailleurs avec laquelle elle tient à demeurer en stricte parité, un avocat général tandis que le nombre d’avocats désignés par rotation par les autres Etats membres passera de 3 à 5. On peut remarquer que la culture juridique polonaise est proche de notre tradition de droit continental. Ne restait que la préoccupation italienne de voir sa parité traditionnelle en nombre d’eurodéputés avec la France et le Royaume-Uni rompue par l’application rigoureuse de la règle de proportionnalité dégressive dont le traité dispose qu’elle doit désormais 312 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30 Bulletin n° 2 présider à la répartition des sièges du Parlement européen. La résolution du Parlement européen du 11 octobre dernier, fondée sur le rapport de MM. Lamassoure et Severin, avait en effet prévu que l’Italie disposerait de 72 députés européens, contre 73 pour le Royaume-Uni et 74 pour la France. Si cette nouvelle règle de répartition, innovante, reflète mieux la réalité démographique de l’Union, elle pose de redoutables difficultés à l’Italie dont la démographie est en déclin. L’accord final s’est réalisé sur l’élévation du plafond des membres du parlement européen grâce à la mention, dans le traité, d’un nombre de députés limité à 750 « plus le président » dont on sait qu’il exerce rarement son droit de vote (mais dont il continuera à jouir pleinement). Dès lors, toutes les conditions sont réunies pour une cérémonie de signature le 13 décembre, probablement à Lisbonne conformément aux vœux légitimes de la présidence portugaise qui a joué un rôle remarquable dans les négociations. Abordant le processus de ratification, M. Jean-Pierre Jouyet a indiqué qu’un débat préalable au Conseil européen sera organisé à l’Assemblée nationale et au Sénat le 11 décembre. Par suite, le Président de la République a manifesté son intention d’aller vite et de recourir à la voie parlementaire. Aller vite signifie saisir le Conseil constitutionnel dès la signature du traité, afin d’apprécier la nécessité juridique, probable, de modifier la Constitution, puis de convoquer le Congrès et ratifier le traité. Au total, il semble probable que ces procédures pourront être achevées début février 2008. Abordant les questions économiques et financières examinées par le Conseil européen, le ministre a indiqué qu’elles avaient été dominées par les rapports entre l’Europe et la mondialisation et la stratégie de Lisbonne. La discussion s’est engagée sur la base d’un rapport du Président de la Commission, M. José Manuel Barroso, dans la lignée des préoccupations de la France telles qu’elles ont été exprimées par le Président de la République. Son rapport a ainsi affirmé la nécessité dans laquelle l’Europe se trouve de défendre ses intérêts commerciaux et de parvenir à faire respecter le principe de réciprocité dans les échanges. Le ministre s’est félicité, d’une part, qu’un tabou ait pu, de ce fait, être brisé, puisqu’il est désormais admis que l’Europe se protège sans être protectionniste et, d’autre part, que s’instaure une convergence de vues entre la France et la Commission, que Bulletin n°2 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30 313 M. Jean-Pierre Jouyet a jugée prometteuse pour la présidence française de l’Union. Pour ce qui est de la stabilité financière, le ministre a indiqué que le Conseil européen avait pris en compte le programme de travail élaboré par le Conseil « Ecofin » du mois d’octobre, ainsi que la déclaration signée par la Chancelière Angela Merkel, le Président Nicolas Sarkozy et le Premier ministre du Royaume-Uni, M. Gordon Brown. Il s’agit d’affirmer, en ce qui concerne les marchés financiers, l’exigence de transparence financière, la nécessité de régulations nationales fortes, d’une meilleure gestion des risques, d’une bonne diffusion de l’information sur la tritisation et d’une réflexion sur le mode de fonctionnement des agences de notation en vue de prévenir les conflits d’intérêts entre ces dernières et les banques. Le ministre, évoquant la question du changement climatique, a souligné que le Conseil européen avait souhaité que l’Union parvienne lors de la Conférence de Bali, à promouvoir l’objectif d’un accord en 2009 destiné à réduire les gaz à effet de serre après 2012. Le Conseil européen a estimé qu’en matière environnementale, l’Union européenne devait jouer un rôle pionnier, non seulement pour des raisons éthiques mais aussi parce qu’elle dispose d’entreprises compétitives innovantes. Puis le ministre a évoqué les priorités de la présidence française. S’agissant de la lutte contre le changement climatique, M. Jean-Pierre Jouyet a souligné que cette priorité s’inscrirait dans la suite du Grenelle de l’environnement. L’objectif est de consolider les accords existants dans l’Union européenne et d’y ajouter des initiatives nouvelles touchant, par exemple, aux incitations fiscales qui pourraient être proposées dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Dans le domaine de l’énergie, la France plaidera en faveur d’une politique globale afin que celle-ci ne se limite plus seulement à la libéralisation et au marché intérieur, mais prenne aussi en compte des problèmes tels que la sécurité de l’approvisionnement, qui est un enjeu pour les nouveaux adhérents, lesquels sont soucieux de réduire leur dépendance à l’égard de la Russie. En outre, il s’agira de poser le débat sur l’énergie nucléaire, en ce qui concerne la question de la sûreté nucléaire et son amélioration, en particulier dans les PECO (pays de l’Europe centrale et orientale) dont les centrales fonctionnent dans des 314 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30 Bulletin n° 2 conditions difficiles. Il importera également de réfléchir à une meilleure régulation et, sans tabou, à la question des déchets nucléaires. Quant à la gestion des flux migratoires, le ministre a noté qu’il s’agissait là d’une préoccupation partagée par l’ensemble des Etats membres, laquelle est liée à la perception des conséquences résultant des déséquilibres démographiques entre l’Union européenne d’une part et, d’autre part, l’Afrique, le Moyen-Orient, l’Asie ou encore l’Amérique du Sud. Dans le cadre de la JAI, l’Union devra s’efforcer de parvenir à une approche commune en matière d’immigration et d’intégration et de favoriser l’échange des bonnes pratiques. Dans le domaine de la défense, le ministre a indiqué que la France s’efforcerait de parvenir à une juste articulation entre ses rapports avec l’OTAN et l’objectif d’une politique de défense européenne plus ambitieuse. Le ministre a également indiqué que, sous la présidence française, il sera procédé à l’actualisation de la stratégie de Lisbonne, au bilan à mi-parcours de la PAC et à un nouveau cadrage des perspectives financières. Sur ce dernier point, il s’agira de définir les bases d’un nouveau cadre en termes d’évaluation des dépenses et de politiques communes, mais également en vue de réfléchir à un système de ressources propres. Pour ce qui est des relations extérieures, la présidence française sera marquée par trois sommets importants entre l’Union européenne, l’Asie, la Chine et les Etats-Unis. La définition d’un partenariat avec la Russie devrait également figurer parmi les questions qui seront abordées. En ce qui concerne le sommet entre l’Union européenne et l’Afrique, il devrait promouvoir une meilleure politique dans le domaine de la santé. Un débat a suivi l’exposé du ministre. M. Bernard Deflesselles s’est félicité que cette audition soit intervenue aussi rapidement après la tenue du Conseil européen, qui grâce à l’accord intervenu sur le projet de traité, permet à la France de sortir d’une période de trois ans qui l’a affaiblie. Tout en soulignant les points positifs que contient le traité, il s’est interrogé sur la possibilité pour la France de respecter le calendrier de la ratification très serré exposé par le ministre et dans lequel devront Bulletin n°2 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30 315 intervenir l’examen du texte par le Parlement ainsi que le vote du Congrès. Pour autant, il a estimé que la France se devait de ratifier la première, d’autant que le Président de la République a joué le rôle de fer de lance et déployé des efforts importants lors de ses tournées dans de nombreux pays de l’Union. En ce qui concerne la politique de la défense, en faveur de laquelle la Délégation a constamment plaidé, M. Bernard Deflesselles a souligné l’utilité de la clause de solidarité obligatoire à l’égard de tout Etat membre confronté à une menace. Il a estimé que le principe de coopération structurée permanente permettrait d’accélérer la mise en place d’une défense européenne dans laquelle la France et le RoyaumeUni jouent déjà le rôle d’avant-garde en raison de l’importance de leurs dépenses militaires. Il a souhaité savoir s’il ne serait pas opportun d’élaborer un Livre blanc de la défense européenne, conformément à un projet formulé par le Président de la République. M. Christian Paul a estimé que la conclusion du Conseil européen de Lisbonne avait donné lieu à un enthousiasme « surjoué », puisque chacun savait que rien ne se passerait au niveau européen avant les élections présidentielles françaises. Par ailleurs, le traité modificatif devrait être ratifié dans le cadre d’une démocratie au rabais. Ce sera effectivement la première fois dans l’histoire récente de notre pays que l’on esquivera le recours au suffrage universel sur une question ayant été précédemment soumise au peuple français. Le contenu même du traité apparaît limité, aboutissant à une Europe du moindre mal. A cet égard, il convient de préciser que l’opposition au projet de traité constitutionnel n’était pas toujours synonyme de rejet de l’Europe fédérale, mais plutôt de rejet des instruments de régulation économique proposés et d’alerte devant le déficit démocratique. Enfin, il aurait été utile de mentionner la question des services publics et d’évoquer la possibilité d’un protocole ou d’un traité social, qui paraît devoir être l’étape suivante, à moins que l’accord trouvé à Lisbonne aboutisse à une longue glaciation européenne dans les domaines économiques et sociaux. M. Jacques Desallangre a considéré que le nouveau traité devrait être soumis au référendum, afin que le peuple français puisse être en mesure d’apprécier les évolutions intervenues par rapport au projet de traité constitutionnel. La procédure référendaire semble d’autant plus s’imposer que les modifications toucheraient plus à la forme qu’au fond, 316 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30 Bulletin n° 2 comme l’illustre la requalification de la concurrence en instrument de l’Union européenne plutôt qu’en objectif. M. Lionnel Luca a souhaité obtenir plusieurs précisions afin de pouvoir comparer les dispositions du traité modificatif avec celles du projet de traité constitutionnel. Il importe notamment de dissiper les ambiguïtés tenant à la suppression dans le texte même du traité de l’affirmation de la primauté du droit communautaire alors même que la personnalité juridique de l’Union européenne est confirmée, à la disparition du titre de ministre des affaires étrangères de l’Union mais à la création d’un Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité doté d’un véritable service diplomatique, à la définition des relations entre l’Europe et l’OTAN. En outre, il semblerait que le nouveau traité interdise aux Etats membres de définir le taux de TVA applicable sur leur territoire. On doit aussi observer que, malgré les nombreuses critiques émises dans notre pays, la question de l’indépendance de la Banque centrale européenne (BCE) apparaît ne pas pouvoir être discutée au niveau communautaire. Enfin, le Comité des sages, voulu par le Président de la République pour réfléchir à l’avenir de l’Europe, verrait son rôle singulièrement réduit s’il ne pouvait aborder la question des frontières européennes. M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes, a apporté les précisions suivantes : - sur le calendrier de la ratification, il est exact que la suspension des travaux parlementaires à compter du 9 février 2008 constitue une contrainte technique, mais les réflexions sont en cours sur le calendrier. En tout état de cause, un calendrier serré ne pourra être respecté que si le processus de révision constitutionnelle lié, le cas échéant, à cette ratification du traité est différencié de la procédure concernant la réforme des institutions, à la suite des travaux menés par « Comité Balladur » ; - sur les questions de défense, la clause de solidarité obligatoire est inspirée par la conviction que les Etats européens les plus puissants doivent mettre leurs moyens au service de leurs voisins lorsque les notions d’intérêts vitaux et stratégiques sont en jeu. Cette clause est essentielle pour arrimer les pays d’Europe centrale et orientale à la politique européenne de défense. On doit se rappeler que, s’ils ont choisi de se placer sous le parapluie de l’OTAN en 2001-2002, c’est parce que Bulletin n°2 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30 317 les questions de sécurité demeurent un sujet de préoccupation actuel pour eux, comme le montre le débat en République tchèque sur l’installation d’un bouclier anti-missiles. La coopération structurée permanente est une modalité de la coopération renforcée appliquée au domaine de la défense, afin de permettre à un groupe d’Etats membres d’agir en commun sans être bloqués par l’absence de consensus. Cette procédure facilite donc la prise de décision. Le Livre blanc sur la défense permettrait de vérifier que les objectifs, définis en 2003 par le Haut représentant Javier Solana, sont toujours adaptés aux évolutions constatées en matière de terrorisme ou de menaces régionales ; - sur le choix de ne pas ratifier par la voie référendaire, on ne peut parler d’« enthousiasme surjoué » lorsqu’on se souvient qu’il y a à peine six mois, un tel résultat apparaissait peu évident à obtenir dans de brefs délais, sans vouloir nier d’ailleurs les limites du texte adopté. Il faut tout de même rappeler que dix-huit Etats, représentant 56 % de la population européenne, avaient ratifié le projet de traité constitutionnel, qu’ils s’étaient même réunis à Madrid en janvier dernier en l’absence de notre pays, que beaucoup considéraient alors, et notamment M. Paul, que c’était « fin de l’Europe ». Il n’était donc pas certain de leur faire abandonner une démarche constitutionnelle pour une approche modificative et de réussir à faire accepter l’idée d’un traité simplifié. De la même façon, il est excessif d’évoquer une « démocratie au rabais ». D’abord, parce que le traité modificatif se limite à modifier les traités en vigueur et que, par le passé, la procédure parlementaire a été d’usage pour de telles ratifications. Ensuite, on doit souligner que la quasi-totalité de nos partenaires devrait exclure le recours au référendum, à l’exception de l’Irlande et peut-être du Portugal. Le Danemark, qui a pourtant une forte tradition référendaire, devrait, lui aussi, ratifier par voie parlementaire compte tenu des exigences de rapidité et d’efficacité souhaitées par l’ensemble des parties concernées, et de l’analyse du ministère de la justice sur les transferts de compétence. Aux Pays-Bas, l’avis du Conseil d’Etat a donné le feu vert à une ratification parlementaire. Enfin, il est faux d’affirmer que ce serait la première fois qu’une question d’abord soumise à un référendum serait, dans un second temps, examinée par la voie parlementaire. On 318 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30 Bulletin n° 2 peut ainsi citer des précédents sur l’élargissement de l’Union européenne, qui a donné lieu à un référendum en 1972 pour l’adhésion du Royaume-Uni, mais qui, par la suite, a toujours été effectué sans consultation du peuple. Pareillement, les lois de décentralisation ont été adoptées par le Parlement alors qu’un référendum avait été précédemment organisé en 1969 sur ces problèmes de régionalisation et de décentralisation. Deux conceptions légitimes ont fait l’objet d’un débat très clair pendant l’élection présidentielle. Le Président de la République avait indiqué durant la campagne qu’il souhaiterait procéder par la voie d’un traité simplifié qui serait soumis à ratification par la voie parlementaire. Mme Ségolène Royal avait au contraire fait part de son choix pour le référendum. Le traité réformateur ne relève pas de la « démocratie au rabais ». D’une part, il prévoit un renforcement du rôle du Parlement européen. Le champ de la codécision est élargi. D’autre part, le rôle des parlements nationaux est, quant à lui, renforcé en matière de subsidiarité. La moitié d’entre eux peuvent, avec l’appui de la majorité du Conseil ou du Parlement européen, obtenir le retrait d’une proposition de la Commission ; - par rapport au traité constitutionnel, la CIG et le Conseil européen sont parvenus à un bon équilibre entre les avancées institutionnelles et l’extension précitée du champ de la majorité qualifiée, et les éléments respectant les traditions nationales des Etats membres. Les aspects sociaux ne sont pas absents du traité modificatif. Le protocole sur les services publics affirme la compétence des Etats membres pour les organiser et les moderniser. Il apporte également une nouvelle base juridique permettant d’intervenir en la matière sans passer, comme c’était jusque-là le cas, par le seul angle de la concurrence. Une clause sociale transversale, à portée générale, est insérée dans le traité. L’ensemble des politiques de l’Union devront dorénavant être vues sous l’angle social. La dimension sociale figure toujours parmi les objectifs de l’Union. De plus, le nouvel objectif de protection des citoyens inclut notamment la protection face à la mondialisation. En ce qui concerne enfin les dispositions sociales de la Charte des droits fondamentaux, un article précise qu’elle a la même valeur que les traités, ce qui renforce Bulletin n°2 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30 319 ses dispositions sociales notamment. Le contenu de la Charte n’est pas, quant à lui, modifié par rapport à 2004. Il semble que le futur gouvernement polonais revienne sur les options de son prédécesseur, et qu’il demande à bénéficier de tous les aspects de la Charte. Il ne faut pas non plus négliger le rôle des partenaires sociaux au niveau européen. La réactivation du dialogue social au niveau européen donne des résultats, notamment en matière de flexisécurité et de contrat de travail. La différence entre la notion d’objectif et de moyen est importante pour la concurrence. Si celle-ci constitue un objectif de l’Union, le contrôle de la Cour de Justice est très étendu. Si celle-ci représente en revanche un moyen, le contrôle se fait sous l’angle d’un équilibre avec les objectifs de l’Union, les objectifs d’intérêt général et la protection des citoyens ; - la primauté du droit communautaire fait dorénavant l’objet d’une déclaration. C’est la reconnaissance d’un état de fait. En ce qui concerne la personnalité juridique de l’Union, il s’agit d’une clarification, ainsi que l’a compris notamment le Gouvernement du Royaume-Uni. L’Union et la Communauté ont déjà conclu des accords avec quelque 40 Etats ; - la différence entre le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, et le ministre des affaires étrangères de l’Union antérieurement prévu par le traité constitutionnel, est plus symbolique que réelle, mais affirme que la notion de ministre des affaires étrangères reste bien de la compétence des Etats membres. Vice-président de la Commission, le Haut représentant disposera des services actuels du Haut représentant pour la PESC, des services de la Commission concernés et des délégations de la Commission. Il pourra également bénéficier du concours de diplomates venant des Etats membres, selon ce que décidera chacun d’entre eux ; - s’agissant de la fiscalité, et plus particulièrement de la TVA, le principe reste celui de la décision à l’unanimité des Etats membres. Les coopérations renforcées sont également envisageables. La demande de la France concernant la TVA vise à donner plus d’autonomie aux Etats membres lorsque le bon fonctionnement du marché intérieur n’est pas affecté. Le Président de la République a écrit au Président de la Commission à ce sujet. Cette demande va plus loin 320 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30 Bulletin n° 2 que celle de la République tchèque pour une flexibilité permettant aux Etats membres de reprendre, avec une appréciation au cas par cas, l’exercice de certaines compétences lorsque les règles prévues par la Commission sont trop uniformes, dans des domaines tels que la publicité pour l’alcool. Une seconde demande de la France concernant la fiscalité vise à permettre de l’utiliser comme un instrument incitatif en matière énergétique et écologique pour favoriser par exemple le développement des produits verts ; - la Banque centrale européenne a souhaité un traitement à part parmi les institutions de l’Union, notamment pour ne pas relever du principe de la coopération et du dialogue entre ces mêmes institutions. Le Conseil n’a pas fait droit à cette demande ; - le Comité des sages aura un champ d’intervention très large. Certains domaines sont moins apparents que d’autres. La seule question qu’il ne pourra aborder sera la question institutionnelle. Les Etats membres ont estimé qu’il ne convenait pas de rouvrir un débat à peine clos. M. Thierry Mariani a insisté sur la nécessité de disposer d’un argumentaire simple afin d’expliquer aux citoyens le contenu du traité simplifié. Certaines expressions comme « l’incorporation d’un article de référence sans valeur contraignante » peuvent en effet n’être pas claires. Le traité simplifié pouvant apparaître comme identique au traité constitutionnel, seule la présentation étant différente, il est donc indispensable que cet argumentaire fasse le point sur les changements. Il a par ailleurs estimé que rouvrir le débat sur le traité simplifié par voie de référendum ne ferait que repousser l’échéance et serait source de malentendus dans la mesure où pourrait à cette occasion, se poser la question des futurs élargissements. M. Régis Juanico, après avoir demandé des précisions sur la requalification de la concurrence libre et non faussée comme instrument et non comme objectif ainsi que sur la portée de la Charte des droits fondamentaux, a également souhaité que soit mis à la disposition des parlementaires un argumentaire sur l’effectivité, la portée et les conséquences du traité simplifié sur les citoyens. Il a fait observer que le problème du nombre de parlementaires italiens au Parlement européen – qui avait été abordé au sein de la Délégation pour l’Union européenne à Bulletin n°2 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30 321 la suite de la mission à Rome et par le Président Pierre Lequiller lors d’une question d’actualité – a pu être résolu de manière satisfaisante. Lors des négociations, le sentiment d’humiliation et de rétrogradation ressenti par les Italiens a été pris en compte. M. Didier Quentin, évoquant une des priorités de la présidence française qu’est la maîtrise des flux migratoires et l’attention portée aux citoyens africains et à leur santé , a estimé indispensable de donner un contenu à la notion de codéveloppement. Il a rappelé l’importance des petites et moyennes entreprises qui demandent que leurs spécificités soient prises en compte. Il a enfin demandé dans quelle mesure sur le plan économique et financier, l’Europe pourrait défendre ses positions et protéger les intérêts de ses citoyens sans être toutefois protectionniste. M. Christophe Caresche a fait observer que la mise en œuvre du principe majoritaire est laborieuse tant dans sa définition que dans son calendrier. Si le compromis de Ioannina dont l’objet est de différer une décision à la majorité s’y ajoute, cette logique majoritaire sera vidée d’une large partie de son sens. Il a demandé si des débats s’étaient engagés sur le délai raisonnable et si d’autres pays s’étaient associés à la demande de la Pologne. Le Président Daniel Garrigue a évoqué la stratégie de Lisbonne, se réjouissant que le Président Barroso ait accédé à la demande française d’élaborer un document sur la stratégie extérieure. Il a demandé quels outils d’intervention pourraient être mis en œuvre dès lors que les enjeux européens sont menacés, rappelant le débat sur les fonds souverains. En réponse, M. Jean-Pierre Jouyet a apporté les réponses suivantes : - un argumentaire clair et objectif sur le contenu du traité simplifié et sur les changements par rapport au traité constitutionnel est en effet nécessaire et sera élaboré. Il devra faire le point sur la portée et l’effectivité de la Charte des droits fondamentaux et sur les services publics. Par rapport au traité constitutionnel, il est indéniable qu’ont été conservés les nouveaux outils de décision communautaire ainsi que la valeur ajoutée de la mise en œuvre de nouvelles politiques communes ; 322 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30 Bulletin n° 2 - l’obligation de ratification du traité simplifié ne doit pas être compliquée par le recours au référendum ; - les préoccupations de l’Italie ont été prises en compte. Cet Etat dont la population a diminué de quatre millions d’habitants a été plutôt avantagé dans un souci de cohésion et de solidarité ; - une approche globale de la politique de l’immigration inclut effectivement le codéveloppement. La présidence française sera ainsi l’occasion d’organiser à Strasbourg les journées européennes du développement et le Président de la République a annoncé hier la tenue de la conférence de Rabat II ; - les petites et moyennes entreprises présentent indéniablement des spécificités qui devraient être mieux reconnues. Au plan communautaire, cela pourra se faire par le programme de simplification, la stratégie de Lisbonne et la finalisation du brevet communautaire ; le small business act sera difficilement accepté dans le cadre de l’OMC, mais il pourra l’être au niveau européen ; - « protéger sans être protectionniste » est possible comme le montre ce qui se passe actuellement dans le cadre des négociations de Doha. Cela passe par des tarifs extérieurs justifiés ou par l’équilibre des concessions faites aux grands pays émergents qui sont devenus nos concurrents. Les conséquences des mutations économiques et industrielles devront être prises en compte dans les mécanismes de reconversion ; - le débat sur le délai raisonnable n’a été soulevé que par la Pologne qui demandait qu’il soit fixé à deux ans. Cette période paraît excessive et ce délai raisonnable sera de 4 à 6 mois au terme desquels le Conseil ou la Commission indiqueront à l’Etat membre qu’il a disposé de suffisamment de temps pour prendre sa décision. Il s’agit en tout état de cause d’une obligation de moyens et non de résultats, qui devrait être peu appliquée. On peut rappeler que le compromis d’Ioannina avait été demandé à l’origine à l’initiative de l’Espagne qui se trouvait avant le traité de Nice dans une situation similaire à celle de la Pologne ; - dans le cadre de la mondialisation, l’accent devra être mis sur la dimension extérieure de la stratégie de Lisbonne. Dans le nouvel environnement mondial, les accords qui seront signés seront plus régionaux que multilatéraux. Ainsi, notre stratégie extérieure devra être Bulletin n°2 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30 323 aménagée en vue de la conclusion d’accords équilibrés avec les pays du Mercosur ou la Chine ; - la politique de l’environnement devra inclure la lutte contre les changements climatiques ; - l’aspect social de l’Europe doit être une priorité et l’accent doit être mis sur l’économie de la connaissance, la recherche et le développement, la formation et des marges de manœuvre budgétaires doivent être dégagées à cet effet. Un programme Erasmus II est indispensable. Le Président Daniel Garrigue a remercié le ministre pour la précision de ses réponses et sa disponibilité. 324 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15 Bulletin n° 2 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15 Présidence de M. Daniel Garrigue, Vice-président de la Délégation pour l’Union européenne, et de M. Patrick Ollier, Président de la Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire z OCM vitivinicole et bilan de santé de la PAC Audition, commune avec la Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, de Mme Mariann Fischer-Boel, commissaire en charge de l’agriculture, sur l’OCM vitivinicole et le bilan de santé de la politique agricole commune, ouverte à la presse Le Président Patrick Ollier a remercié, au nom de l’ensemble des membres de la commission des affaires économiques, Mme Mariann Fischer Boel, commissaire européenne en charge de l’agriculture et du développement rural, pour sa présence et sa disponibilité. L’organisation de cette audition conjointe avec la délégation pour l’Union européenne, sur la politique agricole, sujet qui est au cœur des préoccupations de la commission des affaires économiques, était un événement important. En effet, les questions à aborder ensemble ne manquent pas, qu’il s’agisse des échéances à court terme, comme la finalisation de la réforme de l’organisation commune du marché (OCM) vitivinicole, ou, à plus longue échéance, le bilan de santé de la politique agricole commune (PAC) à mi-parcours et la prochaine réforme de la politique agricole à l’horizon 2013, dont il faut se saisir dès à présent. Les ministres français de l’agriculture, aujourd’hui M. Michel Barnier, M. Hervé Gaymard en son temps, présent en tant que membre de la délégation pour l’Union européenne, ont tous de grandes ambitions pour l’agriculture française. L’objectif que le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, a fixé est à la fois simple et difficile : faire en sorte que les agriculteurs puissent vivre du prix de leurs productions et non Bulletin n°2 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15 325 des aides qu’on leur verse. Pour ce faire, ils ont besoin de filets de sécurité et de dispositifs de stabilisation du marché afin de pouvoir réagir en temps de crise. Ils ont également besoin qu’on mette des outils à leur disposition pour se prémunir contre les risques climatiques et sanitaires et faire face aux aléas, comme aujourd’hui avec l’épidémie de fièvre catarrhale ovine. Quel est l’avis de la Commission de Bruxelles à la fois sur cet objectif ambitieux et sur la mise en place au niveau communautaire de tels mécanismes ? Après avoir excusé le Président Pierre Lequiller, souffrant, M. Daniel Garrigue, vice-président de la délégation pour l’Union européenne, a souhaité à son tour la bienvenue à Mme Mariann FischerBoel pour sa deuxième audition conjointe par la Commission des affaires économiques et la délégation pour l’Union européenne, la première ayant eu lieu il y a deux ans. Le premier sujet qui s’impose pour cette audition est sans aucun doute la réforme de l’OCM vitivinicole. Si la proposition de la Commission a été plutôt bien accueillie dans ses principes par la profession, des questions demeurent, en particulier sur la possibilité, pour les producteurs de vins à indications géographiques ou appellations d’origine, de conserver leurs pouvoirs d’organisation, qu’il s’agisse des droits de plantation, de la possibilité de faire de la promotion sur le marché intérieur – qui représente tout de même 70 % du marché mondial – ou des aides à l’export. Le second sujet à aborder est évidemment le bilan de santé de la PAC à mi-parcours, sur lequel travaillent déjà trois membres de la délégation pour l’Union européenne, M. Hervé Gaymard, M. JeanClaude Fruteau et M. Jean Dionis du Séjour. Des interrogations demeurent cependant sur les intentions de la Commission et sur le contenu de la communication qu’elle doit faire le 20 novembre prochain. Enfin, le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, se fondant sur les évolutions actuelles du marché mais également sur les évolutions structurelles de l’agriculture, a récemment appelé à une révision profonde des mécanismes de la PAC afin de laisser plus de place aux prix et à la production et a encouragé la mise en œuvre d’une véritable « préférence communautaire ». Il serait intéressant de savoir 326 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15 Bulletin n° 2 comment ces prises de position, qui ont eu un large écho en France, ont été reçues à Bruxelles. Après avoir remercié ses hôtes, Mme Mariann Fischer Boel, commissaire européenne en charge de l’agriculture, s’est félicitée de l’occasion qui lui était donnée de faire le point sur la politique agricole et rurale. Paraphrasant le docteur Pangloss dans Candide, elle a estimé que si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes, il n’en restait pas moins beaucoup de travail. Appréciant de pouvoir échanger avec des interlocuteurs comme le ministre français de l’agriculture et de la pêche, M. Michel Barnier, ouvert aux idées nouvelles et aux changements, elle a indiqué qu’elle partageait un certain nombre de vues avec la France sur la PAC, comme la nécessité de maintenir le caractère concurrentiel du secteur agricole, tout en renforçant le tissu rural et en prenant en compte les questions environnementales. Sur la prochaine réforme de la PAC, un changement radical n’est pas nécessaire car la politique agricole actuelle est déjà sur la bonne voie. Le Président Sarkozy dans son discours sur l’agriculture a fait référence aux politiques de paiement unique, de découplage et de modulation : ce ne sont certes pas les notions les plus transparentes qui soient, mais derrière ces notions, se cachent des réalités tangibles très importantes et très bénéfiques pour l’agriculture. Ainsi, le système de paiement unique découplé s’avère aujourd’hui beaucoup plus intéressant pour les agriculteurs qu’un système de soutien aux prix : il leur appartient en effet désormais de prendre la décision de produire, en fonction des équilibres sur le marché, plutôt que de chercher à obtenir de Bruxelles les meilleures subventions possibles. C’est ce qui a permis notamment à la filière bovine de passer d’une production axée sur la quantité à une production de qualité. Dans ce nouveau système, lorsque les prix sont élevés, les producteurs ont la liberté de réagir aux signaux du marché et, en cas de crise, ils bénéficient d’aides beaucoup plus efficaces. Le système actuel est par ailleurs fondé sur le principe de « respect croisé » qui garantit que lorsqu’un producteur perçoit des aides, qui sont de l’argent public, il peut justifier en contrepartie, vis-àvis du contribuable et du consommateur européen, qu’il respecte des Bulletin n°2 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15 327 standards élevés en matière de bien-être animal, de respect de l’environnement et de sécurité sanitaire des produits. La modulation des aides directes correspond à une équation simple où le développement de l’agriculture va de pair avec la préservation des zones rurales et le respect de l’environnement. Si d’aucuns s’accordent sur les fondements de cette équation, la seule option pour la concrétiser a été jusqu’à présent de la financer en prélevant les sommes nécessaires sur les paiements directs. Enfin, les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre des déclinaisons nationales des droits à paiement unique ne plaident pas pour leur abolition au bout de deux années seulement d’application de la réforme. Il reste donc beaucoup à faire. Depuis la réforme de 2003, 12 nouveaux membres ont rejoint l’Union européenne, le marché international a beaucoup changé et de nouveaux défis se sont présentés. Dans ce contexte, la PAC doit continuer à donner les résultats escomptés dans un cadre simple et efficace : des ajustements sont donc nécessaires d’ici 2013 pour que la politique agricole continue dans la bonne direction et ouvre la voie à l’après-2013. À cet égard, la communication de la Commission à la minovembre devrait aborder la question de la révision du système actuel des paiements uniques et plus précisément de la partie couplée de ces paiements. Le couplage répondait initialement à une demande de flexibilité dans la mise en œuvre des droits à paiement unique (DPU), qui ne se justifie plus, en particulier dans certains secteurs comme les céréales. Il conviendrait également d’évoluer vers un modèle où le paiement à l’hectare est le même partout : comment expliquer dans dix ans le maintien de certaines aides sur la seule base des références historiques ? Par ailleurs, l’instauration d’une limite de paiement inférieure, liée par exemple à la superficie des exploitations, doit également être étudiée. Enfin, s’agissant des mesures de marché, la question de l’intervention devra être abordée lors du bilan de santé, ainsi que celle de la jachère, qui apparaît certes aujourd’hui comme un outil dépassé, mais dont l’abolition pourrait avoir des conséquences importantes sur le marché des céréales. 328 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15 Bulletin n° 2 À cet égard, le niveau actuel des prix des céréales mérite qu’on s’y arrête et qu’on clarifie certains points. Ce niveau de prix n’est en aucun cas le résultat de l’orientation en Europe de la culture de céréales vers la production d’éthanol, celle-ci représentant moins de 2 % de la production céréalière totale. Les mauvaises conditions météorologiques, la limitation des exportations des deux grands pays producteurs que sont la Russie et l’Ukraine, ainsi que la décision des États-Unis de s’engager massivement dans la production de maïs destiné à la filière éthanol suffisent à expliquer ce phénomène. Par ailleurs, l’élévation des prix des céréales ne peut justifier à elle seule l’augmentation du prix du pain : en effet, une étude réalisée en Allemagne démontre que seuls 4 % du prix du pain sont dépendants du prix du blé ; les postes transports, maind’œuvre et énergie sont des facteurs beaucoup plus importants. En outre, il convient de rappeler que, si les prix des céréales ont beaucoup augmenté, ils partaient d’un niveau historiquement bas puisqu’ils n’avaient pas bougé depuis près de vingt ans. Pour répondre à cette situation, l’Union européenne a réagi avec promptitude en prenant rapidement la décision d’abolir la jachère, décision effective pour les semailles d’automne. Cette question sera également abordée dans le cadre du bilan de santé de la PAC. Enfin, la suspension des droits de douane à l’importation a également été proposée. Parallèlement, pour les filières qui subissent de plein fouet la hausse des cours des matières premières, des solutions seront avancées, comme le déblocage d’une aide au stockage privé qui a été décidé pour la filière porcine. S’agissant du secteur laitier, les quotas devront être éliminés d’ici 2015. L’augmentation considérable de la demande par rapport à l’offre démontre en effet qu’il y a un problème dans cette filière, problème dans lequel la France a sa part. Un « atterrissage en douceur » (« soft landing ») avant l’abolition des quotas devra néanmoins être proposé. Enfin, d’autres points devraient être traités dans le cadre du bilan de santé de la PAC : l’orientation de la politique agricole vers le développement rural, la lutte contre les changements climatiques, une meilleure gestion de l’eau et le développement des bioénergies, singulièrement des biocarburants de deuxième génération. Bulletin n°2 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15 329 S’agissant maintenant de la réforme de l’OCM vitivinicole, beaucoup de rumeurs circulent sur les intentions de la Commission, qui sont fausses. S’il est normal que le débat soit passionné, il est regrettable que de telles erreurs, de tels mythes, soient véhiculés sur le sujet. Ainsi, il faut avant tout rappeler que le premier préalable à la réforme est rempli : chacun reconnaît aujourd’hui la nécessité d’un changement. Alors que la production et les importations augmentent, les exportations et la consommation intérieure diminuent. Aussi, si le régime actuel devait perdurer, ce serait quelque 13 millions d’hectolitres de vins excédentaires qui seraient produits chaque année. Le premier objectif que doit poursuivre la réforme est de garantir la compétitivité du secteur en équilibrant l’offre et la demande. Néanmoins les conséquences en termes d’environnement, de tissu social et de paysage des régions viticoles doivent également être prises en considération. La filière viticole doit sortir renforcée de cette réforme et non affaiblie. Le second objectif est de parvenir à dépenser le budget actuel alloué au secteur, 1,3 milliard d’euros par an, de manière plus intelligente. Quelles sont les grandes lignes de la proposition de la Commission ? Il s’agit tout d’abord de mettre fin au système des droits de plantation afin de donner plus de liberté aux producteurs. Il est aujourd’hui avéré que le système des droits de plantation a échoué à mettre le secteur à l’abri des crises et désormais l’étrangle. Face à l’énorme potentiel de consommation que représentent les marchés chinois et indien (avec en moyenne 25 à 30 millions de personnes qui entrent dans la classe moyenne de ces pays chaque année), il convient de libérer notre potentiel de production. Alors que le système des droits de plantation doit expirer en 2010, la Commission propose de le laisser progressivement s’éteindre jusqu’en 2013. Sa suppression permettra ainsi d’abolir tout encouragement à la surproduction dans la mesure où les exploitants planteront alors à leurs propres frais. Cette réforme ne menace en aucun cas les indications géographiques, même si elles sont parfois mal utilisées, et ne contribuera pas à les dévaloriser. S’agissant ensuite de l’arrachage, celui-ci ne sera pas obligatoire. Il s’agit essentiellement d’une mesure à caractère social qui doit rendre plus facile le passage à la fin du système des droits de 330 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15 Bulletin n° 2 plantation en 2013 en permettant à ceux qui le désirent de se retirer dans la dignité, sans faillite. Ceux qui choisiront cette option seront payés pour arracher et verront les droits attachés à leur terre transférer dans le système des paiements uniques. Cette mesure pourra en outre être complétée par d’autres programmes d’accompagnement, comme des aides au départ en retraite anticipée. Le chiffre de 200 000 hectares à arracher, qui a été avancé, n’est pas un objectif à atteindre mais une simple projection. Enfin, sur les labels, des hypothèses circulent concernant les procédés de vinification, selon lesquelles les raisins pourraient être vinifiés hors des zones géographiques correspondant aux indications géographiques : c’est absurde. En revanche, l’utilisation de la référence au cépage pourrait constituer une opportunité intéressante : c’est par ce biais que les vins de Californie, d’Argentine ou du Chili se sont frayé un chemin jusqu’à nos marchés. En conclusion, la réforme de l’OCM vitivinicole doit offrir aux producteurs des conditions de rentabilité renforcée. Pour les aider, un budget de 120 millions d’euros par an sera disponible au sein des enveloppes nationales pour la promotion des vins. Ainsi, même si tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes, il faut continuer à « cultiver notre jardin ». Le Président Patrick Ollier a ensuite donné la parole aux orateurs des groupes et à ceux de la délégation pour l’Union européenne. M. Antoine Herth, pour le groupe UMP, a remercié la commissaire de sa venue et de son exposé et a souligné que ses collègues ne manqueraient sans doute pas de la questionner sur le secteur sucrier, la filière porcine, l’élevage de volailles et la production de tabac. Mais comment ne pas s’interroger sur l’état des négociations à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à l’occasion du bilan de santé à mi-parcours de la PAC, alors que la réforme de 2003 avait en son temps été conçue comme la contribution de l’Europe à la conclusion d’un accord international ? Qu’en sera-t-il du bilan de santé, alors que cet accord n’est toujours pas conclu et que nos partenaires ne font aucune concession ? Bulletin n°2 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15 331 Comment, dans le bilan de santé de la PAC, sera abordée la question de la gestion des crises ? Certes, les aides découplées constituent un plus mais un outil spécifique au niveau communautaire ne serait-il pas nécessaire ? Comment également seront pris en compte les enjeux environnementaux, notamment l’objectif de réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires, à l’heure où, en France, le processus du Grenelle de l’environnement affiche des objectifs ambitieux en la matière ? D’un point de vue non plus technique mais politique, quelle signification la Commission donne-t-elle à la notion de préférence communautaire défendue récemment par le Président de la République ? L’adoption du projet de traité simplifié changera-t-elle quelque chose pour la seule véritable politique commune européenne, la politique agricole ? Enfin, quel est votre avis sur le transfert d’une partie des crédits de la politique agricole vers le programme Galileo ? M. Jean Gaubert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, après avoir remercié Mme la commissaire pour sa disponibilité, sa franchise et sa précision, a ensuite exprimé son adhésion, à l’idée d’organiser un bilan de santé de la PAC à mi-parcours eu égard à l’évolution de la situation générale depuis 2003. L’analyse faite par la Commission de la mise en place des paiements uniques et de l’utilisation des références historiques est également partagée par le groupe socialiste. Le critère utilisé est injuste et d’autant moins justifié que l’agriculture européenne s’inscrit dans le cadre du marché unique. La modulation des aides enfin est une bonne chose, à condition de s’entendre sur l’affectation des crédits ainsi dégagés. L’analyse de Mme Fischer Boel sur la hausse des prix des céréales est tout à fait pertinente. En revanche, si la suspension des tarifs douaniers à l’importation apparaît aujourd’hui comme une proposition cohérente, si tant est qu’il y ait encore des céréales disponibles sur le marché, il convient de rester vigilant dans sa mise en œuvre afin de pouvoir rétablir aussi rapidement ces droits de douane en cas de 332 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15 Bulletin n° 2 retournement de tendance et ne pas se retrouver contraints, notamment dans le contexte des négociations à l’OMC, d’y renoncer définitivement. Le débat autour de la notion de préférence communautaire mérite effectivement d’être éclairci. S’agissant des quotas laitiers, il faut rappeler qu’en France ceux-ci ont permis de sauver à la fois l’agriculture familiale et la production de lait dans les zones défavorisées du territoire. Il est donc à craindre que leur abandon n’ait a contrario pour conséquence de concentrer l’activité de production dans les zones les plus favorisées. La filière porcine pâtit en ce moment de la hausse des prix des céréales ainsi que du taux de change de l’euro par rapport au dollar. Il ne s’agit pas d’un problème de compétitivité et il paraît difficile que la filière puisse se contenter d’une aide au stockage privé. Ne pourrait-on pas alors envisager de mettre en place une subvention à l’exportation sur le modèle des montants compensatoires monétaires ? M. André Chassaigne, pour le groupe de la gauche démocrate et républicaine, a réaffirmé la nécessité d’une définition claire du concept de préférence communautaire, qui figure de surcroît dans la lettre de mission adressée au ministre français de l’agriculture par le Président de la République. Par ailleurs, les agriculteurs demandent aujourd’hui l’instauration d’un système de mutualisation des risques à l’échelle européenne. Qu’en pense la Commission ? Les travaux du Grenelle de l’environnement font état de l’opportunité d’une réorientation de l’agriculture française en faveur de la filière biologique. Ce choix serait-il compatible avec l’objectif de compétitivité poursuivi par la Commission ? La Commission semble envisager de faire évoluer le système des paiements uniques découplés vers un paiement à l’hectare. L’idée d’instaurer un plafond et un plancher a également été évoquée. Quelle pourrait être la limite inférieure d’éligibilité imposée aux petites exploitations ? Bulletin n°2 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15 333 Quid de la prise en compte des handicaps naturels dans le bilan de santé de la PAC, en particulier de l’élevage en montagne ? Dans le secteur de la viticulture, il y a une contradiction entre, d’une part, la suppression des droits de plantation et la volonté affichée de replanter, et, d’autre part, des mesures d’arrachage. On peut redouter que l’arrachage ne concerne in fine que les petits viticulteurs, qui ont pourtant opéré des investissements longs à rentabiliser, à la fois dans la terre et le matériel. M. Hervé Gaymard, au nom du groupe UMP de la délégation pour l’Union européenne, a considéré que la politique agricole commune n’existait pas réellement mais, qu’elle était plutôt une juxtaposition d’organisations communes de marché d’intensité et d’effectivité variables, avec parallèlement une politique de développement rural. L’enjeu aujourd’hui est donc de fonder une politique agricole globale en créant des outils de gestion de marché modernes tout en soutenant des projets de développement rural. Le maintien d’un découplage partiel des aides a permis de conserver une activité agricole dans des zones fragiles du territoire, comme dans le bassin allaitant ou encore dans les zones intermédiaires s’agissant des productions céréalières. Ne pourrait-on pas garder à l’avenir des formules de découplage partiel ? Les droits à paiement unique pourraient-ils à l’avenir être utilisés comme des outils de gestion de crise contracycliques, sur le modèle du système optionnel de garantie des revenus qui existe aux États-Unis, tout en respectant les règles de l’organisation mondiale du commerce ? Enfin, la question des quotas laitiers n’a pas été abordée lors de la réforme de 2003. Il faut garder à l’esprit qu’ils ne correspondent pas en France à des droits à produire marchandisés comme ils peuvent l’être dans d’autres États membres, mais qu’ils constituent avant tout un outil de la politique d’aménagement du territoire. M. Jean-Claude Fruteau, au nom du groupe socialiste de la délégation pour l’Union européenne, a remercié la commissaire, se souvenant de la franchise de leurs dialogues au Parlement européen et 334 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15 Bulletin n° 2 estimé qu’il fallait nuancer les propos de M. Hervé Gaymard : il existe bien, depuis longtemps, une politique agricole commune et c’est grâce à elle qu’il reste encore des agriculteurs dans l’Union européenne. Pour autant, de fortes hétérogénéités demeurent entre les États membres, encore accrues par la réforme de 2003. Les objectifs poursuivis peuvent être partagés par tous : maintenir une agriculture de qualité, compétitive et durable, visant l’autosuffisance alimentaire. La finalité des réformes en cours ne saurait toutefois conduire à une dérégulation progressive, qui aboutirait d’ailleurs à la disparition de la PAC. Les contraintes qui pèsent sur le budget de l’Union européenne étant connues, quelles garanties peut-on avoir que la réforme de la PAC ne sera pas un prétexte pour diminuer les crédits qui lui sont consacrés ? M. Thierry Mariani, chargé du suivi de la réforme de l’OCM vitivinicole au nom de la délégation pour l’Union européenne, est intervenu sur ce sujet, constatant d’emblée que tout le monde approuvait en privé la proposition d’arrachage dénoncée en public. En revanche, la gestion concrète de cet arrachage suscite des interrogations : selon quelles modalités seront menées ces opérations ? à quel rythme ? trois ou cinq ans ? la totalité des surfaces pour lesquelles les producteurs souhaitent souscrire à l’arrachage seront-elles éligibles ou feront-elles l’objet de quotas ? Sur la promotion des vins, pourquoi exclure le marché intérieur, alors qu’il représente l’essentiel des débouchés ? Sur la préférence communautaire, on peut penser qu’elle signifie que nos producteurs doivent lutter à armes égales avec leurs concurrents : dans cette perspective, est-il envisagé d’imposer aux vins produits dans les pays tiers les mêmes contraintes de traçabilité, notamment sur les produits phytosanitaires, que celles qui pèsent sur les vins européens ? S’agissant des conséquences structurelles de la réforme de l’OCM vitivinicole, comment peut-on aider les caves coopératives, qui seront vraisemblablement obligées de fusionner parce qu’elles n’atteignent plus la taille critique sur le marché ? Bulletin n°2 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15 335 Enfin, pourquoi ne pas maintenir les droits de plantation pour les appellations haut de gamme qui ne subissent pas la concurrence des produits extérieurs ? En réponse aux questions des parlementaires, Mme Mariann Fischer Boel a apporté les indications suivantes : – les négociations à l’OMC se poursuivent dans le cadre du mandat donné à la Commission européenne par les États membres, qui stipule de ne pas aller au-delà des concessions déjà apportées dans le cadre de la réforme de la PAC de 2003. Le négociateur européen devrait donc obtenir préalablement l’accord du Conseil s’il souhaitait introduire de nouveaux éléments en lien avec le bilan de santé de la PAC à miparcours ; – de nombreuses idées ont été formulées pour améliorer la gestion des crises : accroître la modulation en faveur d’un second pilier ou prélever un pourcentage sur le premier pilier destiné à cofinancer un système d’assurance pour les risques santé et météo. Ce sujet sera débattu sans nul doute lors du bilan de santé ; – sur la préférence communautaire, la traduction de ce qu’a voulu dire le président de la République française est un peu délicate. Il n’est pas question de construire une forteresse Europe. En revanche, il faut tenir compte du fait que l’agriculture européenne ne répond pas exclusivement à des préoccupations commerciales : le respect de l’environnement, de la sécurité sanitaire, du bien être animal impose de garantir un paiement de base à nos agriculteurs. Fermer les frontières serait en revanche contre-productif et nuirait à la compétitivité de nos produits sur les marchés extérieurs. A contrario, la diminution de nos droits de douane permet à nos produits d’accéder aux marchés émergents ; – le nouveau Traité entraînera de profonds changements pour la politique agricole, qui sera à l’avenir copilotée par le Parlement européen. Il faudra donc veiller à la mise en place d’une coopération efficace et rapide entre les futurs acteurs de la politique agricole ; – quant au transfert d’une partie du budget de la PAC vers le financement du programme Galileo, il ne s’agit que d’une utilisation 336 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15 Bulletin n° 2 ponctuelle de crédits disponibles, car inutilisés en 2007 en raison de la conjoncture favorable, afin d’aider au démarrage de ce programme. Il n’est pas question de diminuer à long terme le budget de la PAC à cette fin ; – s’agissant de la modulation des aides directes en faveur du second pilier, elle devrait grandement contribuer à l’avenir à régler les problèmes qui se posent dans le cadre de la politique de développement rural ; – sur les droits de douane sur les céréales, leur réduction ne vaut que pour un an. Si le marché changeait, ces droits seraient rétablis sans hésitation ; – une suppression brutale des quotas laitiers est exclue. Il est évident que dans certaines zones du territoire, comme les zones de montagne, les quotas laitiers constituent une forme de soutien, c’est pourquoi il doit s’agir d’une évolution en douceur ; – quant au marché du porc, la période actuelle est très difficile, mais l’aide au stockage privé est une bien meilleure solution que les restitutions à l’export. Il faut en effet envoyer des signaux clairs à la profession en faveur d’une baisse de la production ; – le développement de l’agriculture biologique est certes soutenu dans le cadre de la politique de développement rural, mais la filière doit aussi se confronter directement au marché. Or, en termes de compétitivité, les modes de production biologiques sont plus coûteux. Toutefois, si un marché parvient à émerger pour ces produits alors des opportunités de développement se présenteront pour la filière ; – pour le vin, la législation actuelle sur les droits de plantation court jusqu’en 2010. La disparition progressive de ce système doit coïncider avec la réalisation du schéma d’arrachage, de préférence sur cinq ans. Si celui-ci ne s’étend que sur trois ans, il faudra alors adapter la compensation en contrepartie de l’arrachage, qui doit être maximale la première année, afin d’être incitative ; – il y a toujours une politique agricole commune. En revanche, l’introduction de politiques cofinancées par les États membres au sein du Bulletin n°2 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15 337 premier pilier, idée qui est parfois avancée à l’approche de la révision des perspectives financières de l’Union européenne, signerait la mort de la PAC. Mais bien sûr une certaine souplesse doit être préservée dans l’application des politiques européennes car les modèles « taille unique » ne fonctionnent pas ; – les outils de gestion des marchés devront être examinés et adaptés à l’occasion du bilan de santé ; – sur le régime des paiements uniques, la préservation d’aides couplées sur certaines productions dans un but écologique ou d’aménagement du territoire devra être discutée dans le cadre du bilan de santé mais le couplage partiel des aides dans le secteur des céréales ne paraît pas pouvoir être maintenu. Quant aux DPU, il est exclu qu’ils évoluent sur le modèle américain alors même que l’Union européenne lutte à l’OMC pour que le système des paiements contracycliques disparaisse, car c’est le mécanisme qui fausse le plus les échanges. Il doit exister des solutions plus élégantes à nos problèmes ; – une extension au marché intérieur de la promotion des vins est envisageable. Par ailleurs, les indications géographiques pourront conserver leurs mesures de restriction de plantation si elles le souhaitent. Le Président Patrick Ollier a ensuite donné à nouveau la parole aux parlementaires pour des questions. M. François Brottes a demandé à la commissaire si elle envisageait encore un avenir pour l’agriculture de montagne, en dehors de l’aspect développement rural. Pensez-vous que la situation de l’agriculture de montagne justifie un traitement particulier pour l’aider à surmonter ses handicaps naturels (gel, pente, neige etc.) ? Alors que le changement climatique est une préoccupation croissante, la sylviculture, qui remplit également le vide de la déprise agricole, pourrait-elle être pleinement intégrée au portefeuille de la commissaire ? M. Philippe-Armand Martin a demandé s’il ne serait pas raisonnable de maintenir un système d’ouverture des droits de plantation en fonction des débouchés, soulignant le risque que se développe en cas 338 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15 Bulletin n° 2 de libéralisation une concurrence déloyale avec la multiplication, autour des grandes appellations, des plantations par des marques de vins de table venant concurrencer les vins de pays et les appellations d’origine contrôlée (AOC). Ne serait-il pas préférable par ailleurs de substituer au système actuel de distillation de crise un système de distillation obligatoire mais sans financement donnant aux interprofessions la possibilité de réguler les excédents ? Sur l’étiquetage, la création de vins de table à indication de provenance risque de mettre en difficulté les vins de pays et les vins à appellation. Ne pourrait-on pas les remplacer par une référence à l’État membre ? S’agissant des pratiques œnologiques, la suppression saccharose proposée dans le cadre de la réforme risque de créer difficultés dans certaines régions où celui-ci est employé et où productions marchent bien, comme la Champagne, pour imposer moûts quasiment invendables en provenance d’autres régions. du des les des Enfin, quelles seront, dans le cadre de la réforme, les compétences des groupements de producteurs, en particulier par rapport aux interprofessions actuelles qui dans certaines productions fonctionnent très bien ? M. Alfred Almont a rappelé que parallèlement au bilan de la PAC à mi-parcours aurait lieu l’évaluation du volet agricole du dispositif POSEI qui inclut désormais les soutiens communautaires à la banane, au sucre et aux filières de diversification que sont l’élevage et les cultures maraîchères. Ce dispositif ayant été récemment mis en œuvre, la Commission peut-elle nous assurer que le bilan de santé n’affectera pas le niveau de soutien communautaire aux productions d'outre-mer ? Sous le mandat de la commissaire, plusieurs réformes importantes ont été conduites pour l’agriculture d’outre-mer qui ont permis de donner une visibilité aux filières et procurer un certain équilibre aux économies locales. Au niveau international, les accords de partenariat économique (APE) remettent cependant en cause ces évolutions positives. Dans ce contexte, le cadre financier du POSEI ne devrait-il pas être consolidé afin de compenser aux producteurs locaux la perte de compétitivité Bulletin n°2 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15 339 résultant de l’entrée sur les marchés communautaires, continental et local de productions identiques à celles d’Outre-mer ? Mme Corinne Erhel a demandé à la commissaire son opinion sur la déclinaison française de la réforme des droits à paiement unique basée sur les références historiques par opposition à l’option de la régionalisation, avec modulation et plafonnement. Sur l’agriculture biologique, la Commission souhaite-t-elle encourager ce mode de production ? M. Jean-Paul Charié a insisté sur le fait qu’aujourd'hui, pour certaines productions agricoles comme les céréales, qui connaissent une hausse des prix, les interventions de l'Union européenne sont moins attendues, voire moins souhaitables, qu'à d'autres époques. Cependant, alors que l’agriculture au niveau mondial est de moins en moins capable de répondre à l’augmentation de la demande, le maintien des outils de production et des savoir-faire demeure un impératif, notamment en temps de crise : est-ce que le co-financement d’un système d’assurance qui a été évoqué précédemment ne pourrait pas précisément répondre à cet objectif ? Par ailleurs, quelle est la position de la Commission sur les quotas betteraviers et le sucre, le maintien des capacités de production en France étant indispensable. M. Germinal Peiro, après avoir rappelé que la tabaculture employait encore 100 000 personnes en Europe et reconnu que c’était un secteur très soutenu – le prix du tabac en France inclut ainsi 70 à 75 % de primes – s’est interrogé sur le maintien du dispositif actuel en faveur des producteurs de tabac, menacé par la politique de découplage, dans un contexte où l'Union européenne ne produit que 30 % du tabac qu'elle consomme. Le soutien aux producteurs de tabac est en effet à distinguer du soutien à la consommation du tabac, la lutte contre le tabagisme étant une priorité nationale. M. Michel Piron a demandé quel type de régulation du marché était envisagé par la Commission dans le cadre de la réforme de l’OCM vitivinicole et quelle politique de promotion qualitative, dans la mesure où la question des AOC est fondamentale pour le vin. Mme Pascale Got a souhaité que des outils de régulation du marché soient conservés dans le cadre de la réforme de l’OCM 340 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15 Bulletin n° 2 vitivinicole, suggérant de réformer la distillation plutôt que la supprimer et de se priver de tout moyen d’intervenir de manière conjoncturelle sur les stocks excédentaires. Ne serait-il pas également plus pertinent, plutôt que de prôner l’arrêt de la chaptalisation, de la laisser à l'initiative des territoires ? Enfin, l’arrachage, préconisé comme réponse à une production actuellement excédentaire, rend difficile tout retour en arrière en cas de changement de conjoncture : à cet égard, un système d’arrachage temporaire avec conservation des droits à plantation par le producteur ne serait-il pas un choix plus judicieux ? M. Bernard Gérard a demandé à ce que la Commission veille à ce que le développement de la filière éthanol ne se fasse pas au détriment des filières classiques en privant d’approvisionnement les industries agro-alimentaires. Ainsi, aujourd'hui, les producteurs de levure ne trouvent plus de mélasse, car la betterave est utilisée pour faire de l'éthanol. Ce type de situation pourrait amener les entreprises à se délocaliser, privant la France et l’Union européenne non seulement d’un savoir-faire mais également d’une partie de ses capacités en termes de recherche et de développement. Mme Claude Darciaux a déploré les effets de la réforme de l’OCM sucre sur l'industrie sucrière, soulignant que la baisse des quotas de sucre de plus de 20 % allait contraindre les grands groupes sucriers à fermer des sucreries en France. Or si l’Union européenne a prévu des aides pour ces groupes industriels et pour les planteurs de betteraves, elle a oublié les salariés des usines ainsi que les territoires que celles-ci faisaient vivre grâce aux emplois induits. En outre, alors que des usines vont aujourd’hui disparaître mettant en péril l’aménagement du territoire, ne risque-t-on pas à l’avenir de se retrouver dans la même situation pour le sucre que pour les céréales, avec une insuffisance de la production, eu égard à l'utilisation croissante qui est faite des betteraves dans la production d'éthanol ? M. Gérard Voisin s’est associé à M. Philippe-Armand Martin pour déplorer la faiblesse du montant qu’il est prévu de consacrer à la promotion des vins dans le cadre de la réforme de l’OCM vitivinicole, avant d’évoquer l'épidémie de fièvre catarrhale et d’insister sur la nécessité de mettre en œuvre rapidement le nouveau règlement communautaire sur les mouvements d'animaux. Quelle sera par ailleurs Bulletin n°2 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15 341 la participation financière de l’Union européenne à la prochaine campagne de vaccination en vue de la reprise des échanges commerciaux au sein du marché communautaire et avec les pays tiers ? M. William Dumas s'est inquiété des conséquences de l’arrachage de la vigne dans la région Languedoc Roussillon, dans la mesure où 100 000 hectares y ont déjà été arrachés il y a quelques années. Est-il vrai, comme on a pu le lire dans la presse, qu’il est prévu d’arrêter l’arrachage, dès que l’ensemble cumulé des opérations aura dépassé 10 % de la surface viticole ? Le rôle écologique de la vigne serat-il pris en compte dans le cadre de la réforme de l’OCM ? En effet, dans les régions sujettes aux incendies de forêt, comme le Languedoc Roussillon, la vigne s’avère un excellent pare-feu. M. Michel Raison a demandé s’il fallait considérer les ajustements qui seraient présentés lors du bilan de santé le 20 novembre comme une préfiguration des réformes qui seraient proposées pour l’après-2013. Les paiements uniques peuvent certes permettre de pallier en partie les risques climatiques ou économiques mais ils manquent de souplesse. Des filets de sécurité plus performants devraient être mis en œuvre, c'est-à-dire des gestions de marché plus prononcées. À cet égard, les hausses de prix que nous connaissons sont peut-être aussi la conséquence de ce manque d’organisation au niveau de l’Union européenne. Enfin, lors du bilan de santé, pourra t-on envisager qu’un éventuel accroissement de la modulation puisse être utilisé afin d’aider les productions porcines et ovines qui souffrent particulièrement aujourd’hui ? Mme Mariann Fischer Boel a ensuite apporté les éléments de réponse suivants : – la réforme du secteur sucre faisait partie de nos engagements pris à l’OMC. La Commission a proposé une réforme de l’OCM visant à restructurer le secteur avec des compensations très intéressantes pour abandonner la production. Le nombre de producteurs européens qui ont quitté le marché s’est cependant avéré insuffisant : ainsi, si la production 342 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15 Bulletin n° 2 a été réduite de 1 200 000 tonnes la première année, la deuxième année a été décevante. C'est pourquoi une nouvelle prime de 300 euros par tonne a été introduite cette année au bénéfice des planteurs qui quittent le secteur. La France est un producteur de sucre très compétitif mais la réforme était nécessaire. L'ajustement définitif de la production devrait être atteint en 2008-2009. Des aides à la restructuration de l’industrie sucrière ont également été mises en place. Par ailleurs, les planteurs de betteraves conservent la possibilité de produire hors quota pour la filière pharmaceutique, la production d’énergie ou la filière éthanol. La réforme s’étalera par ailleurs jusqu’en 2014 ; – sur l’OCM vitivinicole, la Commission préférera retirer sa proposition et laisser perdurer le régime actuel plutôt que de consentir à une mauvaise réforme. Continuer à dépenser un demi-milliard d’euros tous les ans pour la distillation n’est pas une solution d’avenir. 120 millions d'euros par an pour la promotion du vin est la meilleure proposition que la Commission puisse faire. Si les crédits communautaires sont jugés insuffisants, il subsiste néanmoins des marges de manœuvre dans les enveloppes nationales, les États membres ayant le choix des outils susceptibles d’aider au mieux leurs producteurs. La chaptalisation est un sujet difficile qui devra faire l’objet d’un compromis ; – l’agriculture biologique est une bonne niche de production : elle devrait se développer même si elle coûte plus cher aux consommateurs, en particulier en direction de ceux qui ne souhaitent pas consommer d’organismes génétiquement modifiés (OGM), puisque ces derniers sont interdits dans la production biologique ; – l'Union européenne pourrait effectivement envisager de soutenir le secteur de la sylviculture : celle-ci présente un grand potentiel pour les biocarburants de deuxième génération, grâce aux copeaux de bois qui en outre n’entrent pas en conflit avec les productions alimentaires. À cet égard, il faut encourager la recherche sur les biocarburants de deuxième génération dont l'objectif est qu'ils représentent d’ici 2020 30 % des biocarburants ; – sur la réforme de l’OCM vitivinicole, utiliser les cépages dans l’étiquetage est une bonne idée, en revanche les accoler au nom d’un Bulletin n°2 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15 343 État membre pourrait nuire aux indications géographiques. Rendre la distillation obligatoire sans qu’aucun financement ne soit prévu me paraît également difficile à réaliser ; – s’agissant du POSEI, les producteurs d’Outre-mer ont obtenu des conditions financières très favorables de la Commission pour les bananes et le sucre. Si la situation économique devait évoluer, ces conditions seraient en outre réexaminées. En tout état de cause, le bilan de santé n’interférera pas avec ce système dans la mesure où il ne vise aucune production en particulier ; – il sera intéressant, lors du bilan de santé, d’examiner les possibilités qui nous sont données de mettre en place un dispositif de gestion de crise, mais celui-ci devra être compatible avec les règles de l’OMC : il appartiendra donc aux États membres intéressés de se saisir du sujet pour faire avancer la réflexion ; – l’industrie du tabac a fait l’objet d’une importante réforme en 2004 ; on se trouve actuellement dans une phase de transition qui prendra fin en 2009. Dans un système qui sera alors totalement découplé, le secteur sera régulé par le seul marché, qui décidera de l’avenir de la production de tabac en Europe. Le Président Patrick Ollier a remercié Mme Fischer Boel pour sa franchise et son pragmatisme. Il faut cependant comprendre la vision française des questions agricoles, qui ne s’attache pas aux seules données de la production, mais prend également en compte le rôle que joue l’agriculture en matière d’aménagement du territoire. Cette vision est différente de celle de la Commission, c’est pourquoi il faut poursuivre le dialogue pour trouver des terrains d’entente. Le Président Daniel Garrigue a remercié à son tour M Fischer Boel pour la précision de son propos et la logique de ses analyses. Les objectifs de la réforme de l’OCM vitivinicole emportent aujourd’hui l’adhésion mais s’il est vrai que le monde viticole a besoin de cette mise à jour, celle-ci ne se fera pas sans un accompagnement significatif. Enfin, si le terme de « préférence communautaire » n’a pas été repris par madame la commissaire, celle-ci a néanmoins utilisé celui de réciprocité dans les relations avec nos concurrents. Il s’agit là d’une me 344 Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15 Bulletin n° 2 notion très importante qui pourrait nous aider à aborder un certain nombre de problèmes agricoles de façon différente. Bulletin n°2 345 Désignation de Rapporteurs z Mercredi 19 septembre 2007 – Mme Chantal Brunel, rapporteure d’information sur le processus européen de la Serbie (et du Kosovo), du Monténégro et de la Bosnie-Herzégovine ; – Mme Odile Saugues, rapporteure sur le processus européen de l’Albanie. – M. Marc Laffineur, rapporteur d’information sur la réglementation des organismes génétiquement modifiés (OGM) dans l’Union européenne (communication) ; – Mme Chantal Brunel, rapporteure d’information sur la conclusion de l’accord de stabilisation et d’association avec le Monténégro (E 3578 et 3585) (communication). z Mardi 2 octobre 2007 – M. Christian Paul, rapporteur sur euro-méditerranéen (avec M. Bernard Deflesselles) ; le processus – Mme Arlette Franco et M. Régis Juanico, rapporteurs sur le Livre blanc sur le sport (E 3590) ; – M. Guy Geoffroy, rapporteur sur la proposition de directive prévoyant des sanctions à l’encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (E 3534) (communication) ; – Mme Marietta Karamanli, rapporteure sur la proposition de directive concernant l’utilisation des biens à temps partagé (directive « time share ») (E 3557) (communication) ; – Mme Odile Saugues, rapporteure sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les redevances aéroportuaires (E 3441) (communication) ; – M. Gérard Voisin, rapporteur sur le « paquet routier » (E 3541, E 3542 et E 3543) (communication). Bulletin n°2 347 ACTIVITES EXTERIEURES DE LA DELEGATION Bulletin n°2 349 z COSAC La XXXVIIIe COSAC s'est tenue sous présidence portugaise à Estoril, au Portugal, les 15 et 16 octobre 2007. La Délégation pour l'Union européenne était représentée par le Président Pierre Lequiller, M. Michel Herbillon, Vice-président, et M. Jérôme Lambert. La réunion de la COSAC a abordé les principaux sujets d'actualité européens tels que la Conférence intergouvernementale et l’avenir de l'Europe, la coopération avec la Commission européenne, la stratégie de Lisbonne, la dimension méditerranéenne de l'Union européenne et les programmes financiers de l'Union européenne. La COSAC a par ailleurs adopté une contribution sur ces sujets ainsi que des conclusions. La contribution et les conclusions de la COSAC est disponible en ligne à l'adresse suivante : www.cosac.eu.fr" Bulletin n°2 L’UNION EUROPEENNE A L’ASSEMBLEE NATIONALE 351 Bulletin n°2 z 353 Questions au Gouvernement réservées aux thèmes européens Séance du mercredi 17 octobre 2007 - Question de M. Pierre Lequiller (UMP) sur le traité européen simplifié. Séance du mardi 23 octobre 2007 - Questions de Mme Marie-George Buffet (GDR) et de M. Jean Leonetti (UMP) sur la ratification du traité simplifié. - Question de M. Jacques Myard (UMP) sur les monnaies faibles, l’euro fort et les fonds souverains. z Discussion de l’article 31 du projet de loi de finances pour 2008, relatif au prélèvement européen Séance du vendredi 19 octobre 2007 L’Assemblée nationale a examiné le vendredi 19 octobre 2007 l’article 31 du projet de loi de finances pour 2008, relatif au prélèvement européen. Le Président Pierre Lequiller (UMP) et M. Marc Laffineur (UMP) sont intervenus dans ce débat (voir compte rendu analytique officiel - 17e séance de la session)