BULLETIN de la DÉLÉGATION POUR L`UNION EUROPÉENNE

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ASSEMBLÉE NATIONALE
TREIZIEME LEGISLATURE
ANNÉE 2007
BULLETIN de la DÉLÉGATION
POUR L’UNION EUROPÉENNE
No 2
septembre - octobre 2007
________
Publié par le Service des Affaires européennes
Délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne
SOMMAIRE
Pages
REUNIONS DE LA DELEGATION ............................................119
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15 .................121
z
Libéralisation du service postal..................................................121
Communication de M. Jérôme Bignon sur le projet de
directive sur la libéralisation du service postal (E 3285)..............121
z
Examen de textes soumis à l’Assemblée nationale en
application de l’article 88-4 de la Constitution.......................137
z
Informations relatives à la Délégation .......................................140
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures .............141
z
Conférence intergouvernementale .............................................141
Débat sur les travaux de la Conférence intergouvernementale
(CIG) avec MM. Elmar Brok, Enrique Baròn Crespo et
Andrew Duff, observateurs du Parlement européen (débat
ouvert à la presse) .........................................................................141
z
Répartition des sièges au Parlement européen .........................156
Audition, ouverte à la presse, de MM. Alain Lamassoure et
Adrian Severin, rapporteurs du Parlement européen sur la
répartition des sièges au Parlement européen après les
élections européennes de 2009 .....................................................156
Bulletin n° 2
Réunion du mardi 25 septembre 2007 à 15 h 30 ......................165
z
Travaux de la Conférence intergouvernementale et
prélèvement européen ...............................................................165
Audition commune, ouverte à la presse, avec la Commission
des affaires étrangères de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire
d’Etat chargé des affaires européennes, sur les travaux de la
Conférence intergouvernementale et le prélèvement européen....165
z
Examen d’un texte soumis à l’Assemblée nationale en
application de l’article 88-4 de la Constitution.......................185
Réunion du mardi 2 octobre 2007 .............................................187
z
Missi dominici ..............................................................................187
Comptes rendus des missions des missi dominici sur le suivi
de la Conférence intergouvernementale et certains dossiers de
l’Union ..........................................................................................187
z
Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en
application de l'article 88-4 de la Constitution .......................207
z
Informations relatives à la Délégation .......................................208
Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures ....................209
z
Réglementation des organismes génétiquement modifiés
(OGM) ........................................................................................209
Communication de M. Marc Laffineur sur la réglementation
des organismes génétiquement modifiés (OGM) dans l'Union
européenne ....................................................................................209
z
Missi dominici ..............................................................................224
Comptes rendus des missions des missi dominici sur le suivi
de la Conférence intergouvernementale et certains dossiers de
l’Union ..........................................................................................224
Bulletin n° 2
Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 16 h 15 ........................235
z
Politique industrielle européenne et stratégie de Lisbonne .....235
Audition, ouverte à la presse, de Mme Christine Lagarde,
ministre de l’économie, des finances et de l’emploi, sur la
politique industrielle européenne et la stratégie de Lisbonne.......235
Réunion du mardi 9 octobre 2007 .............................................249
z
Elargissement ...............................................................................249
Communication de Mme Chantal Brunel sur la conclusion de
l’accord de stabilisation et d’association avec le Monténégro
(E 3578 et E 3585) ........................................................................249
z
Protection des consommateurs ...................................................257
Communication de Mme Marietta Karamanli sur le Livre vert
sur la révision de l’acquis communautaire en matière de
protection des consommateurs (E 3447).......................................257
z
Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en
application de l'article 88-4 de la Constitution .......................263
z
Multilinguisme .............................................................................269
Audition, ouverte à la presse, de M. Leonard Orban,
Commissaire européen chargé du multilinguisme........................269
Réunion du mardi 17 octobre 2007 ...........................................281
z
Composition du Parlement européen ........................................281
Communication du Président Pierre Lequiller sur la résolution
du Parlement européen du 11 octobre 2007 sur la composition
du Parlement européen (E 3650) ..................................................281
z
Changement climatique ..............................................................287
Débat, ouvert à la presse, avec M. Guido Sacconi, Président
de la commission temporaire sur le changement climatique au
sein du Parlement européen, et M. Karl-Heinz Florenz,
rapporteur......................................................................................287
Bulletin n° 2
Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30 ...........................299
zEspace
de liberté, de sécurité et de justice..................................299
Communication de M. Thierry Mariani sur les accords de
réadmission entre la Communauté européenne et la
République de Moldova, la République de Serbie, l’ancienne
République yougoslave de Macédoine, la République du
Monténégro, de la Bosnie-et-Herzégovine et de l’Ukraine, et
sur l’élargissement de l’espace Schengen (E 3516, E 3600,
E 3602, E 3603, E 3604, E 3621 et E 3622) .................................299
z
Examen de deux textes soumis à l'Assemblée nationale en
application de l'article 88-4 de la Constitution (E 3625 et
E 3626) ........................................................................................309
z
Conseil européen informel des 18 et 19 octobre 2007...............310
Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Pierre Jouyet,
secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes, sur le
Conseil européen informel des 18 et 19 octobre 2007..................310
Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15 ...........................324
z
OCM vitivinicole et bilan de santé de la PAC...........................324
Audition, commune avec la Commission des affaires
économiques, de l’environnement et du territoire, de
Mme Mariann Fischer-Boel, commissaire en charge de
l’agriculture, sur l’OCM vitivinicole et le bilan de santé de la
politique agricole commune, ouverte à la presse..........................324
Désignation de Rapporteurs......................................................345
ACTIVITES EXTERIEURES DE LA DELEGATION ..................347
z
COSAC .................................................................................349
Bulletin n° 2
L’UNION
EUROPEENNE
A
L’ASSEMBLEE
NATIONALE ..............................................................................351
z
Questions au Gouvernement réservées aux thèmes
européens....................................................................................353
Séance du mercredi 17 octobre 2007............................................353
Séance du mardi 23 octobre 2007.................................................353
z
Discussion de l’article 31 du projet de loi de finances pour
2008, relatif au prélèvement européen ....................................353
Séance du vendredi 19 octobre 2007 ............................................353
Bulletin n°2
119
REUNIONS DE LA DELEGATION
Bulletin n°2
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15
121
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15
Présidence de M. Pierre Lequiller, Président
z Libéralisation
du service postal
Communication de M. Jérôme Bignon sur le projet de directive sur la
libéralisation du service postal (E 3285)
M. Jérôme Bignon, rapporteur, a noté qu’il appartenait à
la Délégation d’examiner aujourd’hui une proposition de directive visant
à l’achèvement du marché intérieur des services postaux, constituant le
dernier volet d’un long processus entamé par la Communauté en 1992 et
qui a déjà donné lieu à l’adoption de deux directives en 1997 et en 2002.
Dans cette nouvelle proposition de directive, la Commission
européenne confirme son intention d’ouvrir totalement à la concurrence
le marché postal à compter du 1er janvier 2009. Cette mesure implique la
disparition du « domaine réservé », c’est-à-dire le maintien, au profit du
prestataire du service universel, d’un monopole sur la correspondance
d’un poids inférieur à 50 grammes.
Avant de procéder à un examen de ses propositions et de
l’état des négociations, il paraît nécessaire de formuler quelques
observations préalables.
Tout d’abord, la perception de la poste par les Français
dépasse amplement la seule dimension économique de ce secteur
d’activité. Elle joue un rôle social, qui ne peut être réduit à
l’aménagement du territoire. Elle intervient aux points de fragilité du
lien social, notamment dans les territoires ruraux.
La deuxième remarque préalable vise à rappeler que
certaines missions assurées par La Poste relèvent de missions de service
public distinctes de la mise en œuvre du service universel. Il convient
pourtant de bien distinguer les obligations liées à l’aménagement du
territoire de celles induites par la fourniture du service universel, même
si le service universel impose, par lui-même, le maintien d’un réseau de
points de contact plus dense que celui qui serait requis par la seule
logique commerciale. Dans un rapport de 2003, la Cour des comptes
estimait que le réseau actuel, composé de 17 000 points de contact,
122
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15
Bulletin n° 2
répondait à une volonté d’aménagement du territoire, mais que la stricte
fourniture du service universel pourrait être assurée par 9 000 points de
contact. La logique commerciale, impliquant la rentabilité ou tout au
moins l’équilibre financier de tous les points de contact, aboutirait à
maintenir 6 000 d’entre eux seulement. Il importe de souligner que
même si leur nature juridique a pu évoluer, il existe actuellement autant
de points contact qu’en 1954.
La troisième observation a pour objet de souligner que la
proposition de directive se contente de prévoir un cadre général et laisse
aux Etats membres de larges compétences au niveau de la mise en
œuvre. De nombreuses questions évoquées dans la présente
communication devront donc être tranchées par le législateur français à
un stade plus tardif, au moment de la transposition de la directive. C’est
le cas, en particulier, de la question du mode de financement du service
universel après la suppression du secteur réservé.
Enfin, il est nécessaire de préciser que cette intervention se
situe dans le cadre de la procédure classique prévue par l’article 88-4 de
la Constitution, mais elle a été précédée par un contrôle de subsidiarité
et de proportionnalité, effectué à la fin de la précédente législature par
nos collègues Jérôme Lambert et Didier Quentin. Il s’agissait alors de
satisfaire à une demande de la COSAC, préfigurant la mise en œuvre du
contrôle de subsidiarité et de proportionnalité tel qu’il était envisagé par
le projet de Traité établissant une Constitution pour l’Europe. La
Délégation avait adopté un projet d’avis considérant que la proposition
communautaire n’appelait pas d’observation au regard du principe de
subsidiarité, mais exprimant des réserves au regard du respect du
principe de proportionnalité, du fait de l’impossibilité de maintenir un
secteur réservé pour financer le service universel. Ce texte avait été
adopté à l’identique par la commission des affaires économiques, sur le
rapport de M. Jean Proriol, et transmis à la Commission européenne.
Le rapporteur a évoqué les principaux enseignements de ce
contrôle sur le plan communautaire. On doit d’abord noter que
27 chambres parlementaires représentant 21 Etats membres ont participé
à ce contrôle. Cela signifie donc que 12 assemblées n’ont pas souhaité
prendre part à cette procédure. Seule la Chambre des députés
luxembourgeoise a constaté une violation du principe de subsidiarité.
Sept chambres parlementaires ont considéré que le principe de
proportionnalité n’était pas respecté ou ont émis des réserves à ce sujet.
Bulletin n°2
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15
123
Il s’agit des deux assemblées françaises, des deux chambres belges ainsi
que des parlements grecs, irlandais et luxembourgeois.
La Commission européenne a souhaité répondre aux
commentaires ainsi exprimés. Elle se contente de renvoyer aux études
qu’elle avait fait réaliser préalablement au dépôt de la proposition de
directive et de rappeler les modes de financement du service universel
préconisé par cette proposition. La réponse de la Commission se révèle
plutôt décevante et elle conforte nos interrogations plutôt que d’apporter
des éclaircissements. Depuis le début des négociations, elle fait montre
d’une forte inflexibilité. Selon nos informations, cette attitude serait
dictée par la « rivalité » existant entre la direction générale Marché
intérieur et services (sous l’autorité du commissaire Charlie McCreevy)
et la direction générale de la Concurrence (dépendant de la commissaire
Neelie Kroes).
La procédure de contrôle de la subsidiarité et de la
proportionnalité de la directive postale a cependant été riche en
enseignements, tant sur le plan institutionnel que sur les perspectives
d’évolution dans la négociation de cette directive. Le secrétariat de la
COSAC a tiré deux conclusions de cette procédure. Premièrement, les
parlements nationaux devraient développer une entente commune sur le
sens des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Deuxièmement,
les parlements semblent avoir compris que le principe de
proportionnalité se prête davantage à des réserves de leur part que le
principe de subsidiarité. D’autres conclusions peuvent être tirées
relatives à la « procédure d’alerte renforcée » prévue par le projet de
Traité modificatif. Le test effectué sur la directive postale a mis en
évidence les problèmes que les parlements nationaux auraient pu
rencontrer dans la mise en œuvre de cette procédure. Il est apparu, en
particulier, que le délai de six semaines attribué aux parlements pour
donner un avis motivé était trop bref. S’agissant du contrôle de la
directive postale, seules 10 chambres parlementaires (sur les 27 s’étant
prononcées) ont été en mesure de respecter ce délai. Dès lors, on peut
considérer que le projet de Traité modificatif actuellement négocié par la
Conférence intergouvernementale est susceptible d’introduire des
évolutions positives, notamment en portant le délai à huit semaines.
D’autres enseignements ont pu être tirés quant aux rapports
de force dans la négociation de la directive postale. Avant même que la
Commission ne publie sa proposition de directive, les opérateurs postaux
124
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15
Bulletin n° 2
de dix pays avaient signé une déclaration conjointe pour exprimer leur
inquiétude sur l’efficacité des mesures envisagées pour le financement
du service universel. La liste des signataires, rassemblés dans le
« groupe Epicure », laissait apparaître un clivage entre l’Europe du
Nord, d’une part, et l’Europe du Sud et de l’Est, d’autre part. Ce clivage
ne se retrouve pas vraiment dans les résultats du test de subsidiarité.
Ainsi, par exemple, les assemblées espagnoles et italiennes se sont
abstenues de prendre position. La démarche de libéralisation engagée par
la Commission n’a donc pas fait l’objet d’une forte contestation. Les
négociations au sein du Conseil et le vote en première lecture du
Parlement européen ont confirmé cette appréciation. Au stade actuel de
l’examen de la proposition, on peut donc affirmer que le principe même
de la libéralisation totale du marché postal semble acquis.
Le rapporteur a constaté qu’en l’état des négociations, les
positions des différents partenaires sont désormais bien connues et un
accord politique se dessine à l’occasion de la réunion du Conseil
« Télécommunications » du 1er octobre prochain. En novembre 2006,
date à laquelle l’Assemblée nationale s’est déjà prononcée sur cette
proposition, l’affichage d’un soutien au maintien du secteur réservé avait
encore un sens. Les négociations en étaient à leur début et la France
pouvait espérer obtenir l’appui d’autres Etats dans sa volonté de
préserver un secteur réservé. Aujourd’hui, il serait illusoire de continuer
à demander la préservation du secteur réservé. Une telle position
conduirait à une marginalisation de la France dans les négociations. La
plus claire illustration de cette affirmation a été donnée à l’occasion de
l’examen du texte par le Parlement européen. En séance plénière, le
11 juillet 2007, c’est à une très large majorité (512 voix pour, 155 contre
et 13 abstentions) que le Parlement européen s’est prononcé en faveur de
la libéralisation du marché. Depuis cette date, les négociations menées
au sein du groupe Poste en vue de la préparation du Conseil
« Télécommunications » du 1er octobre se bornent à la discussion des
modalités de cette libéralisation. La présidence portugaise a d’ailleurs
rendu publique, le 5 septembre, une proposition de compromis qui
s’inspire grandement du texte voté par le Parlement européen.
Les négociations se concentrent sur les points suivants : la
date de la libéralisation et la question liée de la clause de réciprocité,
ainsi que l’opportunité d’imposer des critères sociaux aux opérateurs
postaux lors de la délivrance des autorisations par les régulateurs.
Bulletin n°2
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15
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La Commission européenne a proposé une ouverture
complète du marché à la concurrence à compter du 1er janvier 2009. Elle
continue de soutenir cette échéance. Le Parlement européen retient une
autre solution. Il propose d’abord de repousser la date butoir de
l’ouverture à la concurrence de deux ans, au 1er janvier 2011. Le
Parlement européen préconise également une ouverture en deux étapes,
puisqu’un délai exceptionnel de deux ans supplémentaires (1er janvier
2013) serait accordé aux nouveaux Etats membres, aux Etats
« faiblement peuplés » ou aux Etats qui ont une « topographie
particulièrement difficile (de multiples îles, par exemple) ». Cette
dissociation des dates de libéralisation conduit le Parlement à introduire
une « clause de réciprocité », en vertu de laquelle les marchés postaux
ouverts à la concurrence après la publication de la directive pourraient
être fermés aux opérateurs bénéficiant encore d’un secteur réservé et aux
sociétés qui les contrôlent dans les Etats membres ayant repoussé
l’échéance à une date postérieure à 2009. Sur ces points, le compromis
établi par la présidence portugaise reprend, pour l’essentiel, les
propositions du Parlement. Il ne s’en écarte que sur les modalités de
détermination des Etats susceptibles de demander le bénéfice du report à
l’échéance ultime de 2013. Les critères démographiques et
topographiques introduits par le Parlement ont, en effet, donné lieu à de
nombreuses interprétations du fait de leur subjectivité. Aussi, la
présidence portugaise préfère-t-elle une approche nominative, sans
d’ailleurs mentionner le nom des Etats concernés. Elle maintient en
conséquence la clause de réciprocité. Cette dernière a toutefois fait
l’objet de vives critiques. Le service juridique du Conseil, en particulier,
a estimé que la clause envisagée discriminait selon un critère trop
subjectif, trop proche de la nationalité, ressemblant à une « clause
punitive ». Le compromis de la présidence est donc rédigé de telle sorte
que la clause de réciprocité ne pourrait s’appliquer que durant les deux
années de dérogation supplémentaires (2011 et 2012). La portée de la
clause de réciprocité s’en trouverait fortement minimisée, tout au moins
pour l’opérateur français.
La Poste étant une industrie de main-d’œuvre, où le risque
de dumping social existe, le Parlement européen a prévu que les Etats
membres devaient exiger que tous les opérateurs respectent pleinement
les législations du travail, conformément au droit national, ainsi que la
législation en matière de sécurité sociale et les conventions collectives
conclues entre les partenaires sociaux. En outre, il est demandé à la
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Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15
Bulletin n° 2
Commission de présenter, au plus tard trois ans après l’ouverture du
marché, un rapport sur l’évolution globale de l’emploi dans le secteur et
sur les conditions de travail. La présidence portugaise ne suit pas le
Parlement sur ce point. Elle se limite à mentionner les conditions de
travail et les régimes de sécurité sociale dans la liste des raisons
générales de nature non économique qu’un Etat membre peut invoquer
pour imposer des conditions à la prestation de services postaux. La prise
en compte des conditions de travail dans la délivrance des autorisations
est renvoyée dans un court considérant – de moindre valeur juridique. La
question des critères sociaux est surtout sensible en Allemagne, où un
accord vient d’ailleurs d’être conclu pour imposer un salaire horaire
minimum à l’ensemble des opérateurs du secteur postal.
Dans ces négociations, les autorités françaises n’ont pas
d’hostilité de principe à l’égard de la libéralisation du marché postal,
qu’elles préfèreraient voir intervenir à une date unique pour l’ensemble
des Etats membres. Le gouvernement français ne souhaite
manifestement pas apparaître comme un défenseur acharné du
monopole, ce qui l’isolerait dans les négociations. Il est à souligner que
La Poste défend une approche similaire et que seuls les syndicats – tout
au moins ceux auditionnés par le rapporteur (CGT-PTT, Sud-PTT et FO
Communication) – se déclarent ouvertement opposés à l’ouverture du
marché. La position officielle de notre pays s’appuie sur une analyse
prenant en compte les effets attendus de l’ouverture à la concurrence,
l’état de préparation de La Poste et les perspectives de développement de
la concurrence en France.
Le marché postal est actuellement en décroissance. En
France, le volume d’objets distribués a diminué sur tous les segments du
marché en 2005, à l’exception de celui du colis. Chacun a bien
conscience qu’avec la messagerie électronique, un risque fort de
substitution existe. La concurrence, en poussant à l’innovation, serait
susceptible de dynamiser ce marché et pourrait, par exemple, stimuler le
courrier des PME, qui constitue probablement un gisement de
croissance. Trois Etats membres (la Finlande, le Royaume-Uni et la
Suède) ont déjà procédé à l’ouverture complète de leur marché. Ces
expériences donnent souvent lieu à de très vives critiques des opposants
à la proposition de directive. Ces critiques apparaissent excessives. On
peut noter que ces trois Etats affichent des niveaux de performance
élevés pour la distribution à J + 1 : 91 % pour le Royaume-Uni et 95 %
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Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15
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pour la Suède et la Finlande en 2004 (à la même date, ce taux n’était que
de 75 % en France). Le nombre de personnes desservies par un bureau
de poste est relativement proche dans ces pays de celui constaté en
France. Quant aux tarifs pratiqués, le prix du timbre en Suède et en
Finlande – si l’on prend en compte les parités de pouvoir d’achat – est
équivalent à celui de la France. Au final, un indice prouve
manifestement que les particuliers et les entreprises des pays ayant déjà
ouvert leur marché à la concurrence ne perçoivent pas une dégradation
du service postal et lui accordent toujours leur confiance : la Finlande est
le pays d’Europe où l’on observe le plus grand nombre d’envois de
lettres par habitant (412 lettres par habitant et par an contre 321 en
France).
S’agissant de l’état de préparation de La Poste, il convient de
rappeler qu’en octobre 2003, la Cour des comptes a publié un rapport sur
« les comptes et la gestion de La Poste (1991-2002) », dressant un bilan
très alarmant sur la productivité de cet opérateur. Depuis la publication
de ce rapport, La Poste – avec le soutien de l’Etat – a mis en œuvre des
mesures de rattrapage. Ces ajustements se sont accompagnés d’une
meilleure qualité de service, avec 81 % du courrier distribué à J + 1 en
2006, contre 75 % en 2004. Mais La Poste doit encore poursuivre ses
efforts pour porter sa compétitivité au meilleur niveau européen. Un
« plan stratégique » 2008-2012 doit être annoncé dans les prochaines
semaines et se substituer au « contrat de plan » signé en 2004. Si La
Poste continue sa mise à niveau, il y a tout lieu de penser qu’elle sera en
mesure d’affronter la concurrence à l’horizon 2010/2011.
En ce qui concerne les perspectives de développement de la
concurrence en France, les spécificités du marché postal sont très
différentes de celui des télécommunications. A la différence de ce
dernier, on est en présence d’une industrie de main d’œuvre où les
possibilités d’évolutions techniques sont faibles. La concurrence visera
donc des segments spécifiques où elle pourra tirer avantage de modèles
d’organisation moins coûteux que La Poste. En clair, elle devrait
chercher à se développer dans la distribution en zones urbaines de
courriers en nombre envoyés par les entreprises dans des délais
supérieurs à J + 1. Selon le Président de l’Autorité de régulation des
communications électroniques et des postes (ARCEP), la cible ainsi
déterminée représenterait au total 40 % des volumes postaux. Cela ne
signifie pas que La Poste devrait perdre automatiquement et
128
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15
Bulletin n° 2
immédiatement l’intégralité de ces parts du marché postal. Sur cette
question, deux points de vue s’opposent. L’ARCEP tend à penser que la
concurrence ne se développera que de façon progressive en raison de la
réticence des émetteurs à scinder leur trafic entre plusieurs opérateurs.
La Poste considère, quant à elle, que cette barrière n’existe pas chez les
grands émetteurs et qu’elle peut être contournée par l’intermédiaire des
routeurs. L’opérateur fait également valoir la forte densité de la
répartition de la population dans notre pays, ce qui en ferait un marché
très attractif. Pour l’heure, le principal concurrent de La Poste, la société
Adrexo, annonce des objectifs plutôt modestes, puisqu’elle se propose
de conquérir 3 à 4 % de parts du marché l’année de l’ouverture à la
concurrence (ce qui correspondrait à un chiffre d’affaires de 180 à 240
millions d’euros, dans la mesure où le courrier adressé relevant
aujourd’hui du secteur réservé représente 6,1 milliards d’euros en 2006).
A titre de comparaison, l’opérateur alternatif sur le marché suédois s’est
attribué 8 % de parts du marché. Une menace bien plus importante
pourrait provenir de certains opérateurs étrangers. La Deutsche Post ne
cache pas son ambition de développer ses activités à l’extérieur,
notamment en France.
Compte tenu de ce qui vient d’être exposé sur l’état de
préparation de La Poste, les autorités françaises se montrent opposées à
une libéralisation au 1er janvier 2009 mais sont prêtes à accepter un
report au 1er janvier 2011, comme le préconisent le Parlement européen
et le compromis de la présidence portugaise. La France se prononce, en
revanche, pour une date unique, sans dérogation. Sur la clause de
réciprocité, la rédaction du compromis de la présidence portugaise
apparaît plus satisfaisante, car elle ne s’appliquerait qu’à compter du
1er janvier 2011 et à l’encontre d’un nombre limité d’Etats. On peut se
demander aussi s’il ne faudrait pas accepter de libéraliser dès le
1er janvier 2009 le secteur du publipostage (autrement dit, de la publicité
adressée). La société Adrexo plaide pour cette ouverture et l’ARCEP
soutient cette demande, qui ne serait probablement pas de nature à
mettre La Poste en difficulté et traduirait une approche constructive de
notre pays facilitant, peut-être, un accord sur la publication de « lignes
directrices » sur la détermination du coût du service universel, qui
constitue la principale exigence de la France. Le rapporteur ne prétend
pas résoudre cette question, mais souhaite qu’elle soit étudiée.
Bulletin n°2
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15
129
Le rapporteur a ensuite fait part des interrogations
persistantes sur le financement du service universel, tout en précisant
que la proposition de directive ne remet aucunement en cause les
contours du service universel déterminés par la directive 96/97/CE
modifiée en 2002, qui satisfont à des exigences de haut niveau. En vertu
du principe de subsidiarité, les autorités françaises ont fixé des normes
plus élevées encore en prévoyant, dans la loi du 20 mai 2005 relative à la
régulation des activités postales, que les services de levée et de
distribution devaient être assurés tous les jours ouvrables, sauf
circonstances exceptionnelles, soit six jours par semaine (et non pas cinq
seulement).
C’est sur le financement du service universel que les
négociations de la proposition de directive se focalisent. Les
interrogations suivantes n’ont toujours pas reçu de réponses pleinement
satisfaisantes : le service universel a-t-il un coût ? Quel mécanisme pour
remplacer le secteur réservé ? Existe-t-il des risques sur l’évolution des
tarifs ? Le financement des missions de service public distinctes du
service universel est-il garanti ?
Dans une approche intuitive, on pourrait supposer que
l’obligation d’assurer le service universel se traduit forcément par un
coût supplémentaire pour le ou les opérateurs en charge de cette mission.
Pourtant, la question de l’existence d’un coût net est sérieusement posée
par les plus fermes partisans de la libéralisation, en particulier la
Commission européenne. Répondre à cette interrogation se révèle une
tâche ardue, car on s’aperçoit rapidement – non sans étonnement – qu’il
n’existe aucune estimation sérieuse du coût du service universel. Les
modalités de calcul du coût du service universel n’ont pas fait l’objet de
travaux approfondis car, jusqu’à présent, les Etats membres ont calé la
délimitation de leur secteur réservé dans les limites exactes autorisées
par la directive en vigueur, sans se demander si la nécessité d’un secteur
réservé de cette taille, était ajusté aux obligations à accomplir. Dans
notre pays, La Poste affirme qu’elle est probablement en charge du
service universel dont le coût est le plus élevé, compte tenu des hautes
exigences de qualité retenues par les autorités nationales et de la
répartition de la population. Sa comptabilité analytique ne lui permet pas
malheureusement de fournir des estimations précises, à l’exception du
coût de la distribution de la presse, obligation spécifique à la France. Le
ministère de l’industrie avance un chiffrage d’un milliard d’euros pour le
130
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15
Bulletin n° 2
coût global du service universel, mais il ne s’agit que d’un ordre de
grandeur, pas véritablement étayé par des études détaillées. Le choix
d’une méthode de calcul du coût du service universel a une importance
capitale dans la détermination du mode de financement le plus approprié.
Dans ces conditions, les autorités françaises jugent indispensable
d’insérer en annexe de la directive des « lignes directrices » donnant des
orientations communes pour établir le calcul du coût net du service
universel, ce qui renforcerait la sécurité juridique des mécanismes
destinés à se substituer au secteur réservé. En première lecture, le
Parlement européen a partiellement entendu la demande française, en
prévoyant que la Commission devrait, d’une part, assister les Etats
membres en leur donnant « des orientations pour le calcul des coûts
nets » avant le 1er janvier 2009 et, d’autre part, examiner les plans
nationaux de financement du service universel inspirés des orientations
précédentes. Pour notre pays, cette disposition a l’inconvénient de
repousser la publication des orientations à une date postérieure à
l’adoption de la directive. Le compromis élaboré par la présidence
portugaise apparaît plus satisfaisant puisqu’il comporte une annexe sur
le calcul du coût net du service universel.
La question du mécanisme susceptible de remplacer le
secteur réservé est fondamentale, mais ne se posera réellement qu’à
l’étape de la transposition de la directive. La proposition de directive
énumère plusieurs options envisageables. En France, le choix pourrait
apparaître comme déjà effectué. L’article 15 de la loi du 20 mai 2005
précitée institue un « fonds de compensation du service universel
postal » financé par les contributions de chaque prestataire postal au
prorata de leur chiffre d’affaires réalisé dans le champ du service
universel. Le débat pourrait néanmoins être réouvert à l’occasion de la
transposition de la présente directive, car La Poste juge ce mécanisme
injuste, conduisant à taxer l’opérateur en charge du service universel de
façon disproportionnée. Après avoir d’abord défendu un système dit de
« pay or play », dans lequel les nouveaux entrants devraient prendre en
charge une partie des obligations du service universel ou sinon
contribuer au fonds de compensation, elle estime aujourd’hui qu’il serait
impossible à mettre en œuvre. La Poste préconise donc désormais
d’alimenter le fonds de compensation, non plus par une taxe sur le
chiffre d’affaires, mais par une taxe à l’objet, reposant sur les volumes.
Pour l’heure, l’ARCEP s’oppose à une taxe à l’objet et ne pense pas
qu’un fonds de compensation sera en mesure de collecter un montant
Bulletin n°2
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15
131
supérieur à 200 millions d’euros en faveur de La Poste (soit un montant
très éloigné du milliard d’euros généralement avancé pour estimer le
coût net du service universel), sous peine d’être contesté comme
constituant une « barrière à l’entrée ».
Il faut souligner que le prix unique du timbre pour les
particuliers français n’est absolument pas menacé. Chaque Etat conserve
la possibilité d’appliquer un tarif unique pour les envois tarifés à l’unité
qui restent le service le plus fréquemment utilisé par les particuliers et
les petites et moyennes entreprises. Une dépéréquation pourra, en
revanche, être appliquée aux envois en nombre qui représentent
l’essentiel de l’activité postale (les entreprises représentent 87,5 % des
expéditeurs dans l’ensemble de l’Union européenne et les envois entre
particuliers ne constituent plus que 5 % du trafic postal). Selon
l’ARCEP, la dépéréquation des envois en nombre sera « le cœur du
financement du service universel ». Elle permettra à La Poste d’assurer
la préservation des ressources nécessaires à la prise en charge des
obligations du service universel. S’agissant de l’impact de la
libéralisation sur le niveau des tarifs postaux, il convient de rappeler
qu’un rééquilibrage tarifaire est déjà en cours. En application de la
mission qui lui a été confiée par la loi du 20 mai 2005, l’ARCEP a ainsi
décidé que La Poste pourrait augmenter les tarifs du service universel
dans la limite d’une enveloppe globale de 2,1 % chaque année en 2006,
2007 et 2008.
Le service universel constitue un socle garanti à tous les
citoyens de l’Union, mais chaque Etat peut souhaiter que l’opérateur
postal assure des missions de service public plus étendues. La Poste
participe également à une mission d’aménagement du territoire que la loi
du 20 mai 2005 a identifiée comme complémentaire aux obligations
d’accessibilité imposées à l’opérateur au titre du service universel. Le
réseau actuel, composé de 17 000 points de contact, est justifié par la
mission d’aménagement du territoire. La loi du 20 mai 2005 prévoit
ainsi que 90 % de la population se situe à moins de 5 kilomètres et
20 minutes d’un point de contact de La Poste. Il serait donc nécessaire
d’obtenir des clarifications et des assurances sur le financement des
missions de service public confiées par les Etats membres à leur
prestataire du service universel. La sécurité juridique des compensations
de service public a certes été renforcée par « le paquet Monti » (encore
appelé « paquet Altmark »), étudié par la Délégation en octobre 2005 sur
132
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15
Bulletin n° 2
le rapport de MM. Bernard Derosier et Christian Philip (rapport
n° 2619). Néanmoins, il serait aussi opportun que la Commission
actualise sa communication sur les aides d’Etat dans le secteur postal
datant de 1998.
Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.
M. Pierre Forgues a relevé que, quelles que soient les
sensibilités des usagers, ces derniers ont créé des associations pour
soulever les problèmes récurrents posés par le fonctionnement du service
public de La Poste. Considérant que ce dernier devait veiller à fournir
aux citoyens des services de qualité et à respecter les principes
d’universalité et d’équité territoriale, il a constaté que, dans l’ensemble,
le service public de La Poste fonctionnait bien et que les Français en
avaient une image positive, ce qui l’a conduit à douter de l’opportunité
de le libéraliser. A ses yeux, l’application du principe de concurrence à
La Poste, ne peut, à la différence d’autres services marchands, emporter
des effets bénéfiques, comme le montre l’exemple des trois Etats ayant
procédé à une libéralisation totale. Au demeurant, il a mis en garde
contre les difficultés qui pourraient résulter de l’éventuelle suppression
des deux tiers des points de contact.
S’interrogeant sur la portée du principe de subsidiarité qui,
d’après lui, se limiterait seulement au choix de la couleur du timbre, il a
déploré que l’Union européenne puisse encourager la destruction des
services publics qui, comme La Poste, fonctionnent correctement. Il a
également contesté la notion de libre concurrence et non faussée, se
référant aux sommes considérables dépensées par le Conseil de la région
Midi-Pyrénées pour permettre l’accès des usagers à Internet et à
l’ADSL, alors que les opérateurs leur facturent dans le même temps des
prestations à des coûts élevés. En conclusion, il s’est prononcé contre
l’adoption de la proposition de directive puisqu’elle aura pour effet de
tirer le service public vers le bas au lieu de contribuer à son
renforcement.
M. Jérôme Lambert, déclarant partager les observations de
M. Pierre Forgues, a regretté que la Délégation soit invitée à examiner
un tel texte, à l’heure où les Etats membres sont saisis du projet de Traité
modificatif. Il a estimé que la proposition de la Commission ne pouvait
que donner une image négative de l’Europe aux Français du fait des
difficultés qui résulteront du processus de libéralisation.
Bulletin n°2
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15
133
Rappelant que, sur le terrain, avec les élus de toutes
tendances, il a défendu le service public de La Poste, menacé, du fait des
évolutions actuelles et futures liées à l’ouverture à la concurrence, il a
considéré qu’il lui apparaîtrait difficile d’adopter une position différente
au sein de la Délégation. A cet égard, il a déclaré que le rapport qu’il
avait présenté avec M. Didier Quentin sur l’application du contrôle de
subsidiarité et de proportionnalité avait déjà mis en exergue les
difficultés qui ne manqueraient pas d’apparaître du fait de la
libéralisation de La Poste. C’est pourquoi il a déploré que, comme le
rappelle le premier point des conclusions proposées par le rapporteur, la
Commission européenne n’ait nullement tenu compte de l’avis de
l’Assemblée nationale rendu au titre du contrôle de l’application des
principes de subsidiarité et de proportionnalité. Dès lors, en l’état actuel,
il a jugé qu’il ne serait pas sérieux d’approuver la proposition de
directive, d’autant que fait défaut une estimation approfondie du coût du
service universel. De surcroît, il a affirmé que la proposition de directive
ne manquera pas d’entraîner une augmentation du montant des
subventions versées par les autorités publiques, alors que le système
actuel est financé sur la base de la solidarité tarifaire. A ses yeux, la
directive permettra aux opérateurs d’accroître leurs profits, tandis que le
financement des déficits du service universel incombera aux autorités
publiques. Devant de tels risques qu’il a jugés possibles, M. Jérôme
Lambert a déclaré s’opposer à l’adoption de la proposition de directive.
M. Christian Paul, contestant que son groupe puisse être
accusé d’être hostile à l’application du principe de concurrence, a
considéré que celui-ci pouvait aboutir à des résultats positifs comme le
montre la condamnation pour abus de position dominante de Microsoft
par le Tribunal de première instance. En revanche, il s’est élevé contre
son application lorsque, comme c’est le cas de la proposition de
directive, il a pour effet de réduire à marche forcée la part des services
publics.
Evoquant les propos du rapporteur, il a estimé que ce dernier
n’indiquait pas clairement ses orientations, puisque, à ses yeux, la
Délégation serait davantage contrainte de subir les propositions de la
Commission, qu’en mesure d’influencer celle-ci. En termes de maillage,
que doit souhaiter la Délégation, 17 000 ou 6 000 points de contact ?
Quel devra être le degré de service fourni au public ? M. Christian Paul a
considéré que c’est seulement à partir de la réponse à ces objectifs que la
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Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15
Bulletin n° 2
Délégation pourra voir si la proposition de directive est acceptable et
définir les garanties susceptibles d’être mises en œuvre. A défaut de tels
préalables, il a craint que l’Assemblée nationale ne soit confrontée à une
dégradation continue du service public postal, que les Français
constatent depuis plusieurs années. Affirmant que ce processus risquait
de s’accélérer, il a appelé à un renversement de la démarche et a
demandé que des précisions soient apportées, en ce qui concerne les
garanties et les outils financiers dont pourrait bénéficier le service public
de La Poste.
Le rapporteur a estimé que la perception de la concurrence
telle qu’elle venait d’être exprimée, perception qui n’était pas la sienne,
était de nature à remettre en cause l’objectif de l’Union européenne de
mise en place d’un grand marché unique des biens et services
fonctionnant selon les règles de la concurrence.
La position du Gouvernement, que la majorité partage, tient
compte de ce que la libéralisation et la suppression du secteur réservé
sont dorénavant inexorables, étant l’aboutissement d’un processus
engagé en 1992.
Le débat doit donc se concentrer sur deux objectifs. Il s’agit,
en premier lieu, du report de la libéralisation au 1er janvier 2011, de
manière à permettre à La Poste d’achever sa mue. Il faut qu’elle
conserve cette place centrale chère au cœur des Français, tout en se
modernisant et en se mettant en mesure d’affronter la concurrence. Il
n’est pas question de supprimer 17 000 points de contact, nombre au
demeurant quasiment inchangé depuis 1954. Tout juste faut-il rappeler
qu’en 2003 la Cour des comptes avait estimé que 9 000 suffiraient pour
assurer les obligations de service universel et qu’on considère que, dans
une optique commerciale pure et dure, 6 000 seulement seraient
nécessaires. Il n’a jamais été dit que l’on irait là. Au contraire, les
obligations législatives relatives à l’aménagement du territoire imposent
de maintenir ces points de contact. Le second objectif concerne le
financement du service universel. La proposition de directive prévoit le
maintien du service universel, comme la France l’a demandé. Mais, il
faut insérer, en annexe, des lignes directrices claires pour en calculer le
coût. Il y a actuellement débat sur le coût réel de ce service, la fourchette
étant particulièrement étendue, allant d’une somme faible à 1 milliard
d’euros. Il faudra à l’avenir mettre en place une comptabilité analytique
et recourir à des expertises indépendantes.
Bulletin n°2
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15
135
Dans l’ensemble, le service universel et les obligations de
service public liées à l’aménagement du territoire sont un élément du
cadre qui a permis à La Poste de se moderniser, améliorant son score de
délivrance du courrier à J + 1, qui est de 82 % en 2006 contre 75 % en
2004. La Poste se positionne comme une entreprise moderne, présente
sur le territoire et qui va pouvoir s’affirmer sur le marché européen, et
contribuer ainsi pour une plus grande part au PIB de la France. En
conclusion, il s’agit pour La Poste de s’adapter au marché selon le futur
cadre juridique.
Le Président Pierre Lequiller a estimé qu’il y avait en la
matière un débat de principe et a souligné que le report de l’échéance à
2011 permettrait de procéder aux adaptations nécessaires.
A l’issue de ce débat, la Délégation a adopté – les membres
du groupe SRC votant contre – les conclusions suivantes :
« La Délégation pour l’Union européenne,
Vu l’article 88-4 de la Constitution,
Vu la proposition de directive du Parlement européen et du
Conseil modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne
l’achèvement du marché intérieur des services postaux de la
Communauté (COM [2006] 594 final / E n° 3285),
Vu l’avis de l’Assemblée nationale sur l’application des
principes de subsidiarité et de proportionnalité par la proposition de
directive précitée,
Vu les observations de la Commission européenne sur des
questions de l’Assemblée nationale de la République française,
1. Regrette l’insuffisante motivation des observations de la
Commission européenne sur l’avis de l’Assemblée nationale rendu au
titre du contrôle de l’application des principes de subsidiarité et de
proportionnalité ;
2. Estime que l’ouverture complète du marché postal à la
concurrence ne peut être mise en œuvre dans l’ensemble des Etats
membres avant le 1er janvier 2011 ;
3. Exprime sa préférence pour une date butoir unique ou,
tout au moins, pour une limitation du nombre d’Etats membres
136
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15
Bulletin n° 2
susceptibles de maintenir, à titre dérogatoire, un secteur réservé
pendant deux années supplémentaires ;
4. S’oppose à l’adoption d’une clause de réciprocité
applicable à compter du 1er janvier 2009, avant même la date butoir
fixée pour l’ensemble des Etats ne bénéficiant pas d’une dérogation ;
5. Invite le Gouvernement à étudier la possibilité de ne plus
inclure le publipostage dans le secteur réservé dès le 1er janvier 2009 ;
6. Souhaite que les Etats membres exigent de tous les
opérateurs postaux qu’ils respectent pleinement les législations du
travail, conformément au droit national, ainsi que la législation en
matière de sécurité sociale et les conventions collectives conclues entre
les partenaires sociaux ;
7. Insiste particulièrement sur la nécessité d’insérer en
annexe de la proposition de directive des lignes directrices donnant des
orientations communes pour établir le coût net du service universel ;
8. Se félicite que chaque Etat membre conserve la possibilité
d’appliquer un tarif unique pour les envois tarifés à l’unité ;
9. Considère qu’il ne serait pas cohérent dans un marché
postal libéralisé d’imposer au prestataire du service universel de tenir
compte des « coûts évités » pour appliquer une flexibilité tarifaire en
faveur des envois en nombre ;
10. Invite la Commission européenne à actualiser sa
communication sur les aides d’Etat dans le secteur postal, afin de
renforcer la sécurité juridique du financement des missions de service
public confiées par les Etats membres à leur prestataire en complément
du service universel ».
Bulletin n°2
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15
137
z Examen
de textes soumis à l’Assemblée nationale en application de
l’article 88-4 de la Constitution
Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation
a examiné des textes soumis à l’Assemblée nationale en application de
l’article 88-4 de la Constitution.
Point A
Aucune observation n’ayant été formulée sur les sept textes
suivants, la Délégation les a approuvés.
¾ PESC et relations extérieures
- proposition de décision du Conseil relative à la signature et
à l'application provisoire d'un protocole à l'accord euro-méditerranéen
entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part,
et le Royaume du Maroc, d'autre part, pour tenir compte de l'adhésion à
l'Union européenne de la République de Bulgarie et de la Roumanie.
Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un
protocole à l'accord euro-méditerranéen entre les Communautés
européennes et leurs Etats membres, d'une part, et le Royaume du
Maroc, d'autre part, pour tenir compte de l'adhésion à l'Union
européenne de la République de Bulgarie et de la Roumanie (document
E 3592) ;
- proposition de décision du conseil relative à la signature et
à l'application provisoire d'un protocole à l'accord euro-méditerranéen
établissant une association entre les Communautés européennes et leurs
Etats membres, d'une part, et l'Etat d'Israël, d'autre part, visant à tenir
compte de l'adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à
l'Union européenne. Proposition de décision du Conseil relative à la
conclusion d'un protocole à l'accord euro-méditerranéen entre les
Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'Etat
d'Israël, d'autre part, visant à tenir compte de l'adhésion de la République
de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne (document E 3608).
138
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15
Bulletin n° 2
¾ Santé
- proposition de règlement du Conseil portant création de
l'entreprise commune pour l'initiative en matière de médicaments
innovants (document E 3548) ;
- proposition de règlement du Parlement européen et du
Conseil modifiant les annexes du règlement (CE) n° 883/2004 portant
sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (document E 3583).
¾ Transports
- proposition de directive du Parlement européen et du
Conseil concernant la gestion de la sécurité des infrastructures routières
(document E 3264) ;
- proposition de règlement du Parlement européen et du
Conseil abrogeant le règlement (CEE) n° 954/79 du Conseil concernant
la ratification par les États membres de la convention des Nations Unies
relative à un code de conduite des conférences maritimes ou l'adhésion
de ces États à la convention (document E 3440).
¾ Divers
- proposition de décision du Parlement européen et du
Conseil sur la participation de la Communauté à un programme de
recherche et développement visant à améliorer la qualité de vie des
personnes âgées par le recours à de nouvelles technologies de
l'information et des communications (TIC) entrepris par plusieurs États
membres (document E 3566).
Point B
¾ Politique sociale
- proposition de décision du Parlement européen et du
Conseil concernant la mobilisation du Fonds européen d'ajustement à la
mondialisation (document E 3598).
M. Michel Herbillon, rapporteur, a rappelé que la
Commission européenne proposait de répondre positivement aux deux
premières demandes de mobilisation du Fonds européen d’ajustement à
la mondialisation (FEM), récemment mis en place. Celles-ci sont
sollicitées par la France pour aider des salariés des sous-traitants de
l’industrie automobile, de PSA comme de Renault, en l’espèce.
Bulletin n°2
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15
139
La proposition de décision n’appelle pas d’observation
particulière. Il faut donc surtout observer qu’elle donne des éléments sur
ce qu’est un choc dû à la mondialisation justifiant l’intervention du
FEM, que le nombre des salariés bénéficiant de mesures cofinancées par
le FEM peut être inférieur au nombre des 1 000 licenciements exigés
pour sa mise en jeu, et que les premières orientations d’une révision des
modalités d’intervention du fonds (ouverture des critères, allègement des
procédures) commencent à poindre.
M. Jérôme Lambert a indiqué qu’il souhaitait rappeler les
réserves qu’il avait émises lors de la création du FEM. Il serait
préférable que l’Europe adopte une politique en faveur de l’emploi
plutôt que de compensation des effets négatifs de la mondialisation,
opération qui devrait incomber aux entreprises qui font des profits
croissants et dont la capitalisation augmente fortement. Ce système de
privatisation des profits et d’intervention de l’Europe pour secourir les
salariés mis à la rue, est très contestable. L’objectif politique doit être de
créer les conditions pour qu’il n’y ait plus de licenciements.
En réponse à une question de M. Christian Paul, le
rapporteur a précisé que le seuil des 1 000 licenciements concernait les
licenciements notifiés, et était apprécié sur une base sectorielle et
territoriale.
Il a ajouté, en réponse à une demande de M. Pierre Forgues,
que les sous-traitants concernés étaient ceux qui n’avaient qu’un seul
donneur d’ordre comme ceux qui en avaient plusieurs, dès lors que les
entreprises correspondantes disparaissaient ou que des emplois étaient
supprimés.
Le rapporteur a ensuite précisé que la mise en jeu du FEM
n’était pas exclusive d’une politique de l’emploi. Il ne faut pas faire la
politique de l’autruche face aux effets de la mondialisation, et ne pas
dénier à l’Europe la possibilité de participer, en complément et non en
substitution aux mécanismes existants, à des actions concrètes en faveur
des salariés privés d’emploi.
Suivant l’avis du rapporteur, la Délégation a approuvé la
présente proposition.
140
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 10 h 15
z Informations
Bulletin n° 2
relatives à la Délégation
Sur proposition du Président Pierre Lequiller, la
Délégation a nommé rapporteurs d’information :
– Mme Chantal Brunel, sur le processus européen de la
Serbie (et du Kosovo), du Monténégro et de la Bosnie-Herzégovine ;
– Mme Odile Saugues, sur le processus européen de
l’Albanie.
La Délégation a confié une communication à :
– M. Marc Laffineur, sur la réglementation des organismes
génétiquement modifiés (OGM) dans l’Union européenne ;
– Mme Chantal Brunel, sur la conclusion de l’accord de
stabilisation et d’association avec le Monténégro (E 3578 et 3585).
Bulletin n°2
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures
141
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures
Présidence de M. Pierre Lequiller, Président
z Conférence
intergouvernementale
Débat sur les travaux de la Conférence intergouvernementale (CIG)
avec MM. Elmar Brok, Enrique Baròn Crespo et Andrew Duff,
observateurs du Parlement européen (débat ouvert à la presse)
Le Président Pierre Lequiller a remercié MM. Elmar Brok,
Enrique Baròn Crespo et Andrew Duff, représentants du Parlement
européen au sein de la Conférence intergouvernementale (CIG), ainsi
que M. Jacques Toubon, député du Parlement européen, de venir
débattre des travaux de cette Conférence sur le Traité modificatif, en
soulignant le vif intérêt porté par la Délégation pour l’Union européenne
aux négociations en cours afin de doter l’Europe d’un cadre
institutionnel adapté à ses nouvelles dimensions et ses nouveaux défis.
Il a indiqué que leur audition serait suivie de celle de MM. Alain
Lamassoure et Adrian Severin, rapporteurs du Parlement européen sur la
répartition des sièges au Parlement européen après les élections
européennes de 2009.
Il s’est félicité de l’épanouissement des relations entre le
Parlement français et le Parlement européen, dont témoignent ces
auditions qui font suites à de nombreux échanges interparlementaires
intensément développés durant la XIIe législature. L’implication
renforcée des parlements nationaux et européen dans les débats
communautaires, d’ailleurs fortement encouragée par le projet de Traité
modificatif qui étend considérablement les prérogatives parlementaires,
tant du point de vue européen (avec l’élargissement de la procédure de
codécision) que du point de vue des parlements nationaux (avec,
notamment, la mise en place de mécanismes efficaces d’alerte de
subsidiarité), est un nouveau gage de démocratie susceptible de
rapprocher les peuples de l’Europe. A cet égard, il n’est pas indifférent
de constater que l’Assemblée nationale est la première à recevoir les
représentants du Parlement européen à la CIG. Cette audition devrait
142
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures
Bulletin n° 2
permettre aux membres de la Délégation pour l’Union européen de
prendre la mesure de l’avancée des travaux de la CIG, d’identifier les
difficultés éventuelles et d’apprécier les chances de conclusion d’un
accord sur le nouveau traité lors du prochain Conseil européen du
18 octobre.
M. Elmar Brok, député du Parlement européen, s’est à
son tour déclaré très favorable à la coopération entre les parlements
nationaux et le Parlement européen qui avait notamment fait preuve de
sa qualité et de son efficacité lors des travaux de la Convention
européenne chargée de rédiger une Constitution pour l’Europe. Soucieux
d’informer de manière aussi précise que possible les parlementaires
français, il a décrit les divers enjeux qui structurent les négociations sur
le Traité modificatif au sein de la CIG.
L’une des questions les plus difficiles est celle de la
pondération des voix au sein du Conseil de l’Union européenne. Or, il
apparaît que le Conseil européen de juin dernier a fixé un mandat
extrêmement détaillé et clair : le principe de double majorité (55 % des
Etats représentant 65 % de la population) doit devenir la norme
intangible et définitive s’agissant des votes à la majorité qualifiée, au
terme de la période transitoire de 2014-2017 durant laquelle un Etat
membre peut demander qu’il soit fait recours aux pondérations fixées
dans le traité de Nice. La seule question encore ouverte concerne la
possibilité accordée à un nombre d’Etats membres significativement
inférieur au seuil de minorité qualifiée (moins de 75 % des seuils de
population et d’Etats jusqu’en 2017 puis moins de 55 % après cette date)
de suspendre le vote sur un projet de décision et de débattre de cette
question afin de parvenir à une solution dans un délai « raisonnable »
(dit « compromis de Ioannina »). Il apparaît notamment que les Polonais
ont une conception peu raisonnable de ce délai « raisonnable » qui, selon
M. Elmar Brok, ne saurait dépasser un semestre, sauf à accorder dans les
faits un droit de veto à presque chaque Etat membre et à vider le concept
de majorité qualifiée de sa substance. S’il est vrai que cette question ne
ressortit pas à proprement parler du traité lui-même, elle peut être
utilement précisée dans les déclarations annexées ou, à tout le moins,
faire l’objet d’un consensus préalable parmi l’ensemble des Etats
membres. A cet égard, la coïncidence des élections parlementaires
polonaises avec le Conseil européen d’octobre fait incontestablement
peser un risque sur la conclusion rapide d’un accord sur le traité.
Bulletin n°2
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures
143
Une autre question importante concerne la mise en place
d’un « Parquet européen » dont le projet de traité, reprenant les
dispositions afférentes du traité établissant une Constitution pour
l’Europe, prévoit qu’il peut être institué par le Conseil statuant à
l’unanimité. Il semble à ce jour que le nombre d’Etats partisans de cette
création n’a pas encore atteint le seuil critique pour permettre d’emporter
la conviction des plus réticents ou de mettre en œuvre une coopération
renforcée facilitée par le traité en la matière.
La politique étrangère et de sécurité commune (PESC)
concentre, comme de coutume, les divergences les plus tranchées, entre
les deux pôles que constituent la France, qui plaide, à raison selon
M. Elmar Brok, pour la naissance d’une Europe forte apte à parler d’une
seule voix et capable d’équilibrer le dialogue transatlantique, enjeu
décisif aujourd’hui comme le montrent les développements de la crise
iranienne, et le Royaume-Uni, plus soucieux de conserver sa proximité
stratégique avec les Etats-Unis et favorable au maintien d’une
coopération,
principalement
si
ce
n’est
exclusivement,
intergouvernementale. Dans ce contexte, le statut et les moyens concrets
du Haut représentant pour la PESC revêtent une importance
considérable. En particulier, il apparaît décisif qu’il soit responsable
devant le Parlement européen dans les mêmes conditions que ses autres
collègues de la Commission, sauf à retirer toute utilité à sa « double
casquette » de membre de la Commission et de mandataire du Conseil
pour la PESC, d’ailleurs définie à l’initiative, bienvenue, de la France.
Une dernière difficulté est liée à la décision du Conseil
européen de juin dernier de dissocier, dans le mandat de la CIG,
l’élaboration des règles relatives à la protection des personnes physiques
à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les
institutions européennes ou les Etats membres dans l’exercice du droit
communautaire selon qu’elles relèvent ou non de la PESC. Dans le
second cas, la législation serait adoptée en codécision, tandis que dans le
premier cas elle ne relèverait que du Conseil, sans que le Parlement ne
soit associé et en dehors de tout contrôle par la Cour de justice des
Communautés européennes. Cette question, cernée de redoutables
aspects concrets (avec notamment les échanges transatlantiques de
fichiers), appelle une vigilance toute particulière, y compris de la part
des parlements nationaux, sauf à faire le lit des traditionnelles critiques
de la bureaucratie toute puissante et sans frein de Bruxelles.
144
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures
Bulletin n° 2
M. Enrique Baròn Crespo, député du Parlement
européen, a ensuite brièvement décrit les modalités pratiques de
participation des parlementaires européens à la CIG. Il a notamment
indiqué que les représentants du Parlement européen ont été associés au
Conseil informel des Affaires générales (« Gymnisch ») des 7 septembre
et 13 octobre, au sein desquels les principaux arbitrages politiques
préalables à la réunion du Conseil européen sont réalisés. Cette
participation est d’autant plus importante qu’en dépit de son exhaustivité
et de sa précision, le mandat donné à la CIG par le Conseil européen de
juin dernier laisse inévitablement subsister des « zones d’ombre » qui
appellent un règlement politique.
C’est en particulier le cas s’agissant du concept de
citoyenneté européenne. En contraste avec le traité de Maastricht qui
avait réalisé une avancée décisive en intégrant dans le corps des Traités
la citoyenneté européenne et en définissant des droits associés (dont la
non-discrimination et le droit de vote aux élections locales et
européennes), le projet de Traité modificatif n’apporte aucun progrès
significatif. En précisant que la citoyenneté de l’Union « complète » la
citoyenneté nationale (lorsque le traité établissant une Constitution pour
l’Europe disposait qu’elle « s’ajoute », qui faisait disparaître l’idée de
subordination), en gommant sa référence au sein des dispositions
générales fondatrices de l’Union (lorsque le traité établissant une
Constitution pour l’Europe posait le principe de la double légitimité de
l’Union en disposant en son article premier que la Constitution est
« inspirée par la volonté des citoyens et des Etats d’Europe de bâtir leur
avenir commun »), le projet de traité constitue un recul regrettable.
Le « ravalement » de la Charte des droits fondamentaux au
rang de protocole n° 11 annexé au projet de traité, tandis qu’elle
constituait la deuxième partie de la Constitution européenne, est une
autre déception importante. L’idée de proclamer solennellement la
Charte à l’issue du Conseil européen d’octobre prochain et de la publier
en intégralité dans la partie législation du journal officiel de la
Communauté européenne fait opportunément son chemin. Cette solution
serait bienvenue, bien qu’elle ne compense pas le fait que le nouveau
traité sera vidé de la seule partie intelligible à l’ensemble des citoyens de
l’Union. De même, les « opt-out » accordés en la matière au
Royaume-Uni et, peut-être, à la Pologne sont très regrettables en ce
qu’ils privent les citoyens de ces Etats de la possibilité d’invoquer
Bulletin n°2
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures
145
auprès de leurs tribunaux les droits fondamentaux qui constituent le
socle la citoyenneté européenne et dont beaucoup apportent des progrès
humains et sociaux significatifs.
De manière plus générale, M. Enrique Baròn Crespo s’est
indigné du fait que le projet de traité ménage de nombreuses possibilités
d’opt-out au profit d’Etats réticents à continuer dans la marche vers
l’intégration européenne sans prévoir de solides possibilités d’opt-in
pour ces mêmes Etats lorsqu’ils désirent, à l’inverse, rejoindre en
marche le train de l’Europe. Il a ainsi rappelé que le Royaume-Uni avait
lui-même su adhérer en 1997 à la Charte sociale européenne après s’en
être expressément exclu lors de son adoption dans le traité de Maastricht
en 1992. D’une manière générale, l’Europe « à la carte » devient un
danger pressant contre lequel il serait utile de prévoir des procédures
compensatrices. L’euro-scepticisme peut évoluer, à l’image des
traditions les plus solides, ce dont témoignent notamment les réflexions
actuelles de Londres sur l’opportunité de doter le Royaume-Uni d’une
Constitution écrite ou de définir une citoyenneté britannique.
En ce moment, les travaux des experts sont suspendus car il
existe des difficultés d’interprétation et de compréhension de la manière
dont cette question doit s’appliquer au domaine de la justice et des
affaires intérieures. Les experts britanniques ont une conception
restrictive de cette application, en recul même par rapport au traité de
Maastricht. Ceci peut poser des problèmes pour le fonctionnement du
Parlement européen, ainsi qu’au sein des Etats membres, comme en
témoigne l’arrêt de 1993 de la Cour constitutionnelle allemande relatif
au traité de Maastricht, qui affirme le principe de la proportionnalité du
contrôle démocratique par rapport aux transferts de souveraineté.
Des problèmes risquent de se poser également en Espagne.
M. Enrique Baròn Crespo a indiqué que ses collègues et luimême souhaitaient un traité mais pas à tout prix.
Il a ensuite abordé la question du calendrier, qui est très
restreint et ne laisse pas de marge si l’on souhaite une entrée en vigueur
au 1er janvier 2009 ou même avant les élections du printemps 2009 au
Parlement européen. La déclaration du président de la République, dans
laquelle il exprimait le souhait que la France soit la première à ratifier le
traité, est très positive. Il serait en effet souhaitable que les deux pays qui
ont rejeté le Traité constitutionnel, la France et les Pays-Bas, ouvrent le
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Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures
Bulletin n° 2
processus de ratification puis qu’il soit poursuivi par les trois Etats
membres qui n’ont rien fait, pour bien montrer que l’Union européenne
doit reposer sur la loyauté réciproque et la solidarité.
M. Andrew Duff, député du Parlement européen, après
avoir remercié le Président Lequiller pour son invitation, a douté de la
conclusion d’un accord politique sur le traité le 18 octobre prochain, en
raison de la persistance de problèmes politiques profonds. Mais un
accord le 20 octobre à 5 heures du matin, comme c’est souvent le cas
lors des Conseils européens, ne serait pas improbable.
Il a ensuite abordé la question de la situation du
Royaume-Uni dans le domaine de la justice et des affaires intérieures
(JAI). Il est très difficile pour le Royaume-Uni d’accepter la fin des trois
piliers. Ce pays essaie de se dégager des obligations du deuxième pilier
sur la PESC et il accepte difficilement la suppression du troisième pilier
sur la JAI (concernant la coopération policière et judiciaire en matière
pénale) et son intégration au premier pilier. Les Britanniques ont obtenu
de la présidence allemande des « opt-in » et « opt-out » pour tout le
domaine de la justice et des affaires intérieures, ce qui représente une
extension de ces possibilités par rapport à la situation actuelle où elles ne
peuvent jouer que pour certains aspects.
On peut craindre que le Royaume-Uni ne commence par
négocier des opt-in pour finir par négocier des opt-out. Il conviendrait
d’interroger les autorités britanniques sur leurs intentions exactes afin de
sortir de cette démarche au coup par coup. La CIG n’est pas en train de
rédiger un code de bonne conduite pour la prochaine saison politique
mais un traité destiné à durer au-delà des changements de gouvernement.
Si l’actuel ministre des affaires étrangères, M. David Miliband, est sans
doute un Européen convaincu comme il le dit, il doit penser à son
successeur qui sera peut-être un conservateur. Il faut donc veiller à ce
que les instruments dont disposent les Britanniques soient définis de
manière scrupuleuse pour être bien utilisés dans l’avenir.
La transposition de l’acquis du troisième pilier dans le
premier pose également problème dans la mesure où les instruments et
disciplines visés devront permettre à la jurisprudence de la Cour de
justice de s’appliquer.
Enfin, il conviendra de commencer à exploiter les
dispositions relatives aux coopérations renforcées. Une première
Bulletin n°2
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures
147
application pourrait concerner la création du poste de procureur public
européen. Ses compétences sont limitées à la protection des intérêts
financiers de l’Union européenne, alors que, face aux menaces
croissantes à la sécurité intérieure et extérieure, il serait nécessaire de les
étendre, par exemple à la lutte contre le crime organisé. Or, les
dispositions prévues ne permettent pas de recourir au mécanisme des
coopérations renforcées pour une telle extension de compétences.
M. Pierre Moscovici a exprimé son plaisir de retrouver ses
anciens collègues du Parlement européen et leur a adressé ses
encouragements. Il a estimé que l’on était loin de la ratification et qu’il
était prématuré d’envisager la fin. Le projet a cependant le mérite
d’exister et met un terme à la traversée d’un « no man’s land » par
l’Europe depuis deux ans. Il serait audacieux de parler de Traité
simplifié, à en juger par le nombre de notes de bas de page figurant dans
le mandat du Conseil européen. On ne peut pas non plus parler de traité
réformateur, mais plutôt d’un Traité modificatif qui reprend beaucoup
d’éléments du Traité constitutionnel mais en exclut d’autres. Le projet se
caractérise aussi par de nombreux « opt-out », délais et manques.
M. Pierre Moscovici s’est déclaré en faveur d’une Europe
fédérale et a exprimé sa déception à propos de l’abandon des symboles,
ainsi que de la place de la Charte des droits fondamentaux, ramenée au
statut d’un protocole n° 11. Puis, il a fait part de sa vigilance, en tant que
socialiste, sur les questions économiques et sociales, sur les services
publics, ainsi que sur la gouvernance de la zone euro, indépendamment
du débat entre la France, l’Eurogroupe et la Banque centrale européenne.
Enfin, il a demandé aux observateurs du Parlement européen à la CIG
quelle était leur attitude en tant que rapporteurs du Parlement européen
sur les sujets du vote à la majorité qualifiée, des « opt-out », du statut de
la Charte des droits fondamentaux, du Haut représentant de l’Union pour
les affaires étrangères et la politique de sécurité et de sa capacité à
dialoguer avec la Commission et le Parlement européen. M. Pierre
Moscovici a indiqué que lorsqu’il était membre du Parlement européen,
il avait voté le rapport de MM. Brok et Baròn Crespo sur la feuille de
route pour la poursuite du processus constitutionnel de l’Union, dont le
niveau d’exigence était supérieur à celui du Conseil européen. Il est
nécessaire que le Parlement européen conserve ce niveau d’exigence et
agisse comme un aiguillon. La ratification sera plus rapide si on atteint
148
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures
Bulletin n° 2
la meilleure qualité possible et des améliorations sont encore
nécessaires.
M. Jacques Myard, après avoir rappelé le vote massif de la
France et des Pays-Bas, par ailleurs toujours très europhiles, contre la
démarche constitutionnelle, a souligné qu’il ne fallait pas essayer de
faire rentrer en catimini les dispositions du projet de Traité
constitutionnel dans le Traité simplifié, mais qu’il fallait au contraire
faire sortir l’Europe de l’intégrisme constitutionnel.
La situation impose en effet d’être très pragmatique et de
constater que l’Europe est en crise et le sera certainement encore pendant
une dizaine d’années. Il y a eu trop de compétences abandonnées à
Bruxelles, ce qui a entraîné une inflation des acquis communautaires.
L’Europe s’est élargie, il faut qu’elle s’amaigrisse pour guérir de la
maladie du système jacobin que nous lui avons transmise.
Il a considéré que la mise en œuvre absolument nécessaire
du principe de subsidiarité était une lacune de ce Traité simplifié et que
la Charte des droits fondamentaux ne servait à rien. En effet tous les
Etats de l’Union sont membres de la Convention européenne des droits
de l’homme et la Charte des droits fondamentaux contient des
dispositions contraires à celle-ci. Il a estimé que cette concurrence
présentait des risques sérieux d’opposition jurisprudentielle et qu’elle
traduisait en réalité une rivalité entre la Cour de justice des
Communautés européennes et la Cour européenne des droits de
l’homme. Il faut que l’Union européenne adhère à la Convention
européenne des droits de l’homme pour y mettre fin.
Il a enfin jugé, au nom du réalisme, que la politique
étrangère à 27 n’existera jamais et qu’il est inutile de créer un service
diplomatique pour régler uniquement des questions de protocole.
L’Europe est en train de rater la remise à plat de la coopération
européenne en créant des institutions irréalistes. Face à la
mondialisation, il est nécessaire de s’en tenir à l’essentiel, la subsidiarité
et le réalisme.
Le Président Pierre Lequiller, après avoir rappelé qu’il
appartenait à la même formation politique que M. Jacques Myard avec
qui il a souvent travaillé, s’est déclaré très heureux de la relance de
l’Europe à partir du Traité simplifié proposé par le Président Nicolas
Sarkozy. Il s’est félicité de la procédure en cours car ce Traité simplifié
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Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures
149
est certes différent du projet de Traité constitutionnel sur de nombreux
points, mais il préserve l’essentiel.
Il s’est ensuite interrogé sur les conséquences des élections
polonaises en craignant qu’elles ne compliquent les négociations
actuelles.
Abordant la question de l’opting-out sur la Charte, il a
souhaité savoir si la Pologne demandait à bénéficier du même régime
dérogatoire que le Royaume-Uni.
Concernant le contrôle de la subsidiarité, il a souligné le
renforcement des pouvoirs des parlements nationaux par rapport aux
dispositions du Traité constitutionnel.
Il s’est enfin interrogé sur la position du Royaume-Uni dans
le domaine essentiel de la justice et des affaires intérieures qui concerne
notamment les problèmes de l’immigration ainsi que la citoyenneté
européenne. Ce pays veut en effet participer pleinement à la négociation
sur le fond tout en demandant à être exonéré des obligations qui en
découleraient.
M. Elmar Brok a considéré qu’il n’y aurait pas de retard du
fait des élections polonaises car le Président ne change pas et le futur
gouvernement de ce pays ne sera de toute façon pas en place avant le
mois de décembre prochain. La question européenne ne jouera pas de
rôle dans ces élections. La Charte des droits fondamentaux ne concerne
que le législateur européen et ne crée aucune compétence nouvelle. En
particulier le droit de la famille ressortira toujours à la compétence du
législateur national. Les retards actuels sont plus le fait des juristes que
de la campagne électorale polonaise plutôt dominée par le sentiment
anti-allemand. Le Président Kasczynski a d’ailleurs déclaré en public
que le compromis était acceptable et la Pologne satisfaite.
M. Elmar Brok a reconnu que se posait toujours la question
du déficit démocratique et qu’un peu de transparence avait été perdue
avec le Traité simplifié, encore plus difficile à comprendre que le Traité
constitutionnel. En revanche, du point de vue de la subsidiarité, le rôle
des parlements nationaux sera, au début du processus législatif, très
renforcé dans la mesure où ils pourront saisir la Cour de justice des
communautés européennes s’ils estiment ce principe non satisfait. Ce
texte, meilleur, permettra de mieux contrôler la bureaucratie. Il faut se
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Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures
Bulletin n° 2
concentrer sur les compétences européennes et non sur des détails qui ne
relèvent pas du droit primaire mais de simples aptitudes.
M. Enrique Baròn Crespo a tout d’abord salué la volonté
du Président de la République d’essayer de simplifier des situations
complexes et s’est félicité du retour de la France au centre de l’Europe.
Ce Traité simplifié doit être réformateur et les questions
encore non résolues doivent être abordées sans se laisser aller à des
critiques excessives, notamment à l’égard du président de la Banque
centrale européenne et du Haut représentant pour la PESC. En revanche,
on ne parle jamais des ministres de l’économie alors que le débat est
ouvert depuis Maastricht et n’a pas été résolu à la Convention.
En matière économique et sociale, ce Traité simplifié est un cadre, pas
un programme politique et il faut chercher l’accord le plus large possible
sans se laisser entraîner dans des débats partisans.
En réponse à M. Jacques Myard, il a insisté sur le fait qu’il
faut se respecter mutuellement et ne pas oublier que si deux pays ont
repoussé le Traité constitutionnel, dix-huit autres l’ont approuvé,
représentant les deux tiers des pays de l’Union et la majorité des
populations. Il ne faut pas non plus déconsidérer les valeurs car la Charte
ajoute des dispositions très importantes qui ne se trouvent pas dans le
traité.
Concernant la Pologne, les frères Kasczynski honoreront leur
parole mais il est important de ne pas faire l’Europe à la carte car le
système d’opt-out constitue une discontinuité dans le traité comme l’est
l’absence du Royaume-Uni de l’Europe financière du fait de sa
non-adoption de l’euro. Il a estimé en conclusion que le moment était
venu de dire qu’il était inacceptable de légiférer et de sortir ensuite du
système.
M. Andrew Duff a fait observer que, dans leur plaidoyer en
faveur du Traité modificatif, ni lui, ni M. Elmar Brok, ni M. Enrique
Baron Crespo, ne l’ont présenté comme un résultat parfait pour régler le
problème constitutionnel. Mais le Traité modificatif constitue un pas en
avant dans la mesure où il renforce la capacité d’agir de l’Union
européenne et consolide l’Etat de droit et la démocratie. En ce sens, il
apporte des améliorations au projet de Traité constitutionnel de 2004. De
même , en incluant la lutte contre les changements climatiques, la
politique commune de l’énergie avec notamment les problèmes
Bulletin n°2
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures
151
d’approvisionnement, les critères de Copenhague ainsi que la politique
relative aux futurs élargissements, et en renforçant la procédure de
déficit excessif, le Traité modificatif affermit l’Union européenne. Il est
vrai qu’il ne va sans doute pas aussi loin que les représentants du
Parlement européen ainsi que M. Pierre Moscovici l’auraient souhaité,
notamment dans les domaines de la gouvernance politique et sociale.
En tant que libéral, M. Andrew Duff aurait par exemple souhaité que soit
précisée la dimension sociale du marché européen. Quoi qu’il en soit, les
progrès sont indéniables. Relevant les critiques à l’encontre de la Charte
des droits fondamentaux, il a rappelé que son but est de protéger les
citoyens contre les abus des grandes puissances centralisées et qu’elle
représente donc une avancée pour la citoyenneté et les droits de
l’homme. Il s’est étonné que de telles critiques, si elles peuvent
s’expliquer au Royaume-Uni où ces droits sont considérés comme des
« droits exportés » en provenance de Bruxelles, puissent être formulées
au Parlement français alors que la Charte devrait y être saluée avec force
et fierté.
Répondant plus particulièrement à M. Pierre Moscovici, il a
précisé qu’il leur avait été demandé de transformer le mandat et
d’élaborer un traité en bonne et due forme. Même s’ils sont conscients
des problèmes rencontrés tant techniques que politiques, ils vont, tout
compte fait, plaider en faveur d’un « package deal » dans la mesure où
les améliorations pour l’Union européenne, le Parlement européen, les
parlements nationaux et la démocratie parlementaire sont considérables.
S’agissant de la Pologne, beaucoup de travail reste à
accomplir. La Présidence allemande avait engagé des discussions avec
les deux principaux candidats à l’élection présidentielle française et la
même procédure pourrait être suivie avec la majorité et l’opposition en
Pologne. Afin d’encourager une telle approche bipartisane, les députés
français pourraient faire valoir leurs liens politiques avec les élus
polonais.
Le Président Pierre Lequiller a indiqué qu’un déplacement
en Pologne avait dû être annulé en raison des élections, mais qu’il aurait
lieu après.
M. Régis Juanico a souligné combien les citoyens français
sont sensibles à la question des services publics. Ce matin même, la
Délégation pour l’Union européenne a traité de la libéralisation du
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Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures
Bulletin n° 2
service postal. Il s’est réjoui de l’abandon de la notion de concurrence
libre et non faussée comme objectif de l’Union et a souhaité que des
précisions soient apportées sur le contenu et la portée exacts du
protocole sur les services d’intérêt général afin de pouvoir l’expliquer à
l’opinion publique. Approuvant les remarques sur les dangers d’une
Europe à la carte qui ne serait bâtie que sur les convenances de quelques
Etats, il a fait part, en revanche, de son désaccord avec les propos de
M. Jacques Myard sur la portée de la Charte des droits fondamentaux
qui constitue un vrai progrès pour tous les citoyens européens.
M. Guy Geoffroy a d’abord tenu à saluer les parlementaires
européens pour leur volonté unanime et profonde et leur détermination
de faire aboutir le traité. En effet, si le mandat de la Conférence
intergouvernementale est clair, la mission qui lui a été confiée est
délicate. Le traité est certes indispensable pour relancer la machine
européenne. Il faut cependant garder à l’esprit que la très grande
majorité des acteurs de l’aventure européenne veulent que ce Traité
simplifié ou réformateur soit en tous points un progrès et n’entraîne pas
des régressions, sous prétexte qu’il représente – globalement – un
progrès par rapport à l’état de crise actuel. La détermination des trois
représentants doit être soutenue afin que, par un jeu de contreparties à
l’octroi de nouveaux droits liés par exemple à la subsidiarité, on ne soit
conduit à accepter des reculs par rapport aux traités existants.
Il s’est ensuite inquiété des propos de M. Andrew Duff sur la
dynamique de la création d’un Procureur européen, après avoir examiné
cette question sous la précédente législature en tant que rapporteur de la
Commission des lois sur une proposition de résolution de la Délégation
pour l’Union européenne. Il y a cinq ans, la Commission européenne
avait posé la question de la création d’un parquet européen qui pourrait
engager des poursuites exclusivement pour protéger les intérêts
financiers européens. L’ambition était trop limitée par rapport à
l’importance de la criminalité transfrontalière. L’Assemblée nationale
avait adopté une résolution qui proposait la création, à terme, d’un
Procureur européen chargé non seulement de la protection des intérêts
financiers européens mais aussi pourvu de la capacité d’engager et de
coordonner des poursuites contre tous les agissements de criminalité
transnationale. M. Guy Geoffroy a regretté que le traité en revienne à la
proposition initiale de la Commission européenne et a interrogé les trois
représentants sur la possibilité, dans le cadre de la négociation actuelle,
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Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures
153
de renforcer la proposition de création d’un Procureur européen, afin de
ne pas trop s’éloigner de l’idée, esquissée alors par la France et
l’Allemagne, de créer un véritable parquet européen à partir de la mise
en place d’Eurojust.
M. Daniel Garrigue a constaté que d’une façon générale, ce
Traité simplifié est particulièrement bien accueilli et mieux compris que
ne l’a été le Traité constitutionnel, parce qu’il s’est centré sur l’aspect
institutionnel. Il traduit la volonté d’améliorer le processus de décision
au sein de l’Union même si le passage à la double majorité est reporté à
une date préoccupante. Le Traité simplifié donne aussi une plus grande
continuité à l’action de l’Union à travers la présidence du Conseil
européen. Il a également le mérite de clarifier les relations entre l’Union
et les Etats, notamment dans le contrôle de la subsidiarité qui paraît bien
supérieur à celui prévu dans le Traité constitutionnel.
Il s’est cependant interrogé sur le bien-fondé du maintien
d’un système compliqué d’opting-in et opting-out alors qu’il existe dans
le traité un autre instrument, les coopérations renforcées, qui a montré
son efficacité tant pour l’Euro que pour Schengen et limite les
inconvénients des engagements à géométrie variable.
M. Enrique Baròn Crespo a souligné que l’attachement
aux services publics n’est pas un monopole français et qu’il est partagé
par tous les maires des communes européennes. Le protocole sur les
services d’intérêt général est un pas en avant important. Au-delà de ce
protocole, il existe une réalité qui s’est traduite dans la directive
« services » réécrite par le Parlement européen après un débat politique
révélateur des visions différentes des conservateurs et des partis de
gauche.
Concernant la concurrence libre et non faussée, il a rappelé
la condamnation, la semaine dernière, de Microsoft par la Cour de justice
européenne et considéré que la concurrence n’était pas de droite,
contrairement aux privilèges de la naissance et du pouvoir. La
concurrence est ce que l’Union européenne est en train de mettre en
place pour contrer Microsoft et le capitalisme mandarin chinois. C’est la
même démarche qui a conduit les Etats-Unis à créer les lois anti-trust et
la République fédérale d’Allemagne, après la guerre, à instituer la libre
concurrence car elle avait l’expérience des Konzern représentant un
pouvoir économique non contrôlé. La concurrence est un élément
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Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures
Bulletin n° 2
essentiel de la construction européenne et il est étonnant qu’en France,
être contre la concurrence soit jugé comme plus progressiste. En tant
qu’homme de gauche, il se prononce clairement pour la concurrence
sans laquelle par exemple, les élections ne seraient pas possibles.
A M. Jacques Myard soulignant la nécessité de lier
concurrence et politique industrielle, il a rappelé que la France avait
dépensé beaucoup pour l’industrie de l’acier finalement rachetée par les
Indiens et qu’en Espagne où il n’existe pas de monopole de la poste, ce
service fonctionne parfaitement et est rentable. L’existence de services
publics est une chose , leur gestion par une entreprise nationalisée en est
une autre.
M. Andrew Duff a indiqué qu’il était toujours surpris de
constater que les Français, membres de la Communauté européenne
depuis sa création, n’en finissaient pas de découvrir le rôle de la
concurrence dans l’intégration européenne. Le protocole sur les services
d’intérêt général devrait permettre de préciser les compétences de
l’Union, tout en sachant que la Commission assure d’ores et déjà que la
jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes ne
sera pas modifiée.
L’Union aura tout intérêt à développer sérieusement les
coopérations renforcées, face à la prolifération des exceptions de tous
types (opting-out ou opting-in) prévues par le projet de Traité
modificatif. Ces coopérations renforcées permettront à certains Etats
d’aller plus vite et plus loin et d’influer sur la décision grâce à la
majorité qualifiée applicable une fois le groupe rejoint.
La question du parquet européen est très sensible. Il est
essentiel de renforcer la collaboration des parquets nationaux au travers
du réseau Eurojust, mais aussi, parallèlement, d’accroître les
compétences du futur Procureur européen. On ne peut se contenter de
limiter ses compétences à la préservation des intérêts financiers de
l’Union à une époque où la criminalité transfrontalière se développe.
Dans ce domaine, une coopération renforcée apparaît comme la seule
voie envisageable compte tenu du refus du Royaume-Uni d’approuver
une telle évolution. Pour ne pas hypothéquer l’avenir, le Traité
modificatif doit être aussi souple que possible sur ce point.
M. Elmar Brok a souligné que la libéralisation des services
d’intérêt général ne visait pas à détruire la cohérence des marchés
Bulletin n°2
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures
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nationaux. Pour tenir compte de l’intérêt des usagers et des différences
culturelles, il convient de conjuguer l’intérêt général et la cohérence du
marché intérieur.
Le développement des coopérations renforcées doit être
envisagé avec prudence. Il faut d’abord faire en sorte que l’Union
fonctionne à 27. Il n’est pas souhaitable que des questions importantes
soient traitées « à la carte ». Il est certain qu’après l’adoption du Traité
modificatif, un grand débat devra être organisé, peut-être à l’occasion
des prochaines élections européennes, sur les frontières et les objectifs
de l’Union européenne.
M. Jacques Toubon, député du Parlement européen, a
souhaité préciser que le Parlement européen venait d’adopter en juillet
2007 un rapport d’initiative sur le réexamen du marché unique. Ce
rapport demande à la Commission européenne de prendre des initiatives
sur les services d’intérêt général et sur les services d’intérêt économique
général. Il serait souhaitable que la Délégation travaille sur la future
communication de la Commission sur la stratégie du marché intérieur.
Le Président Pierre Lequiller a remercié les trois
représentants
du
Parlement
européen
à
la
Conférence
intergouvernementale pour leurs réponses, qui ont clairement illustré que
les clivages au niveau national ne se retrouvent pas à l’identique au
niveau européen. C’est une fierté pour la Délégation d’avoir été la
première instance nationale à recueillir les réactions des représentants du
Parlement européen. C’est également un honneur de recevoir MM. Alain
Lamassoure et Adrian Severin, pour la présentation de leur rapport au
Parlement européen sur la modification des dispositions du traité
concernant la composition du Parlement européen après les élections
européennes de 2009. Ils vont ainsi pouvoir expliquer l’alchimie qui leur
a permis de faire une proposition tenant compte des trois contraintes
suivantes : un plafond de 750 députés, un maximum de 96 et un
minimum de 6 pour chaque Etat.
156
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures
z Répartition
Bulletin n° 2
des sièges au Parlement européen
Audition, ouverte à la presse, de MM. Alain Lamassoure et Adrian
Severin, rapporteurs du Parlement européen sur la répartition des
sièges au Parlement européen après les élections européennes de 2009
M. Adrian Severin a rappelé que la mission confiée aux
deux rapporteurs du Parlement européen implique de relever trois défis.
Le premier est d’identifier, puis de rendre explicites et
opérationnels, des principes guidant la répartition des sièges au
Parlement qui soient tout à la fois justes, objectifs, explicites et durables,
afin de parvenir à une représentation parlementaire légitime et
démocratique. L’article I-20 du traité établissant une Constitution pour
l’Europe a défini le principe de « proportionnalité dégressive », qui
devrait être repris en l’état dans le Traité modificatif (projet d’article 9 A
du traité sur l’Union européenne tel que modifié par le projet de Traité
modificatif examiné par la Conférence intergouvernementale).
Cependant, l’essentiel, et la difficulté principale, résident dans la
définition politique concrète de ce principe qui prête à diverses
interprétations.
Un deuxième défi est de bâtir un consensus aussi large et
durable que possible autour de règles claires présidant à la composition
du Parlement. Deux conférences intergouvernementales ont
antérieurement échoué dans cette tâche. La présente audition devant les
parlementaires français, qui fait suite à une démarche comparable auprès
du Parlement néerlandais la semaine dernière, s’inscrit clairement dans
cet effort de pédagogie et de persuasion qui seul peut permettre
d’atteindre un consensus solide.
Un troisième défi, qui n’est pas le moindre, est de ne pas
« polluer » les débats relatifs à l’élaboration et à la conclusion du Traité
modificatif par la question indépendante de la répartition des sièges au
Parlement. Il faut en effet rappeler que, pour la première fois, le Traité
modificatif, comme le traité établissant une Constitution pour l’Europe,
ne comporteront pas la définition précise du nombre de députés
européens par Etat. Seul un plafond de sièges sera fixé, la répartition
détaillée relevant d’une décision du Conseil européen, adoptée à
Bulletin n°2
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures
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l’unanimité, sur initiative du Parlement européen et avec son
approbation. Compte tenu de l’exigence, figurant dans le protocole n° 10
sur les dispositions transitoires annexé au projet de Traité modificatif,
que cette décision soit adoptée « en temps utile avant les élections
parlementaires européennes de 2009 », la question de la répartition des
sièges est posée en même temps que celle du Traité institutionnel. Mais
il demeure essentiel que, dans les faits, elle ne fasse pas émerger une
difficulté de plus dans la négociation du traité, ce qui implique de faire
preuve d’une certaine flexibilité.
M. Adrian Severin a ensuite décrit le faisceau de contraintes
qui limitent les modalités concrètes de résolution de la question de la
répartition des sièges.
En premier lieu, le projet de Traité modificatif, reprenant en
l’espèce la disposition afférente du traité établissant une Constitution
pour l’Europe, limite le nombre de députés européens à 750. C’est un
progrès en soi : le traité de Nice a fixé le plafond des sièges à 736 à
compter de 2009.
Il est vrai que les parlementaires européens sont aujourd’hui
785, conformément à l’article 189 du traité instituant la Communauté
européenne dans sa rédaction issue du traité de Nice et de l’article 3 de
l’Acte d’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie. Mais ce nombre ne
s’applique que durant la courte période entre l’adhésion des deux
nouveaux Etats membres et l’élection du nouveau Parlement en 2009.
L’état actuel du droit européen impose en tout état de cause une
réduction du nombre de députés, d’ailleurs atténuée par le projet de
Traité modificatif.
De toute évidence, si la réduction du nombre de députés
devrait être appréciée par une opinion publique souvent prompte à
dénoncer la dérive bureaucratique et pléthorique des institutions
européennes, elle ne peut qu’affecter la représentation de chaque Etat
membre en nombre absolu de députés. A cet égard, les raisonnements
traditionnels en terme de gains et pertes nets (tel Etat qui s’offusque de
voir le nombre de ses représentants diminuer de tel nombre lorsque tel
autre se satisfait d’un accroissement de son effectif brut) n’ont guère de
sens puisque, dans l’ensemble, c’est le nombre total de députés qui doit
être ramené de 785 à 750. Les gains ou pertes ne peuvent dans ce
contexte être relatifs, et ne prennent de sens que lorsqu’ils sont
158
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures
Bulletin n° 2
rapprochés des contingents nationaux définis pour 2009 par le traité de
Nice.
Une deuxième contrainte trouve sa source dans les
ambiguïtés du concept de proportionnalité dégressive. Si la
proportionnalité peut être efficacement dégagée d’une formule
mathématique, tel n’est pas le cas pour la dégressivité, par définition
subjective. Le travail des rapporteurs est donc de déterminer l’ampleur
pertinente de cette dégressivité, qui implique de répondre à des questions
par essence politiques.
Une troisième contrainte tient à l’essence du
parlementarisme européen. Le Parlement doit en effet, à la fois,
représenter les citoyens européens (ce qui milite pour une représentation
proportionnelle à la population) mais aussi les communautés nationales
(ce qui implique notamment de tenir compte des différentes sensibilités
politiques présentes dans le débat politique interne à chaque Etat
membre). La frontière entre les deux exigences est complexe et
mouvante, et impose des arbitrages difficiles.
En dépit de ces contraintes fortes, il importe de relever qu’il
n’existe qu’une seule alternative à l’adoption d’une répartition nouvelle
et équilibrée : le retour aux dispositions prévues par le traité de Nice,
dont on a vu qu’elles imposent une réduction du nombre de
parlementaires européens plus forte encore que celle proposée dans le
projet de Traité modificatif, et que chacun s’accorde à trouver
insatisfaisantes. Dans ce contexte, le vrai risque est de bloquer les
négociations de la conférence intergouvernementale voire d’obérer
l’accord du Conseil européen d’octobre prochain sur le traité, en raison
de divergences nationales sur la répartition des sièges dont il faut
pourtant rappeler qu’elle relève d’une procédure totalement autonome.
Cinq Etats membres, l’Allemagne, la Finlande, l’Irlande, l’Italie et la
Pologne ont d’ores et déjà formulé des réserves sur la répartition
proposée par le rapport. Cela ne doit pas dissimuler l’urgence de
parvenir à un consensus aussi large que possible pour régler, une fois
pour toutes, cette question récurrente. Un large vote d’adhésion du
Parlement européen autour de la proposition des rapporteurs, même
amendée, serait un gage de succès sans doute décisif.
A cet égard, M. Adrian Severin a jugé utile de répondre aux
principales objections soulevées par ses propositions. En particulier, le
Bulletin n°2
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures
159
désir italien de proportionner dégressivement les sièges en fonction du
nombre de ressortissants des Etats membres et non de leurs citoyens ne
peut emporter l’adhésion, dans le mesure où le Parlement a précisément
pour objet de représenter les citoyens européens. Par ailleurs, le souhait
de l’Italie de fixer une représentation égale des grands pays se heurte au
principe de proportionnalité dégressive qui a pour conséquence de casser
des groupes artificiels.
M. Alain Lamassoure a indiqué que l’article 9 A du projet
de traité prévoyait une modification de la manière dont les différents
Etats membres sont représentés au Parlement européen. La Convention
sur l’avenir de l’Europe avait débattu de cette question et fait des
propositions qui figuraient dans le Traité constitutionnel et sont reprises
dans le projet de Traité modificatif. La solution retenue est très originale
et différente des systèmes fédéraux, dans lesquels une chambre
représente les citoyens, avec un suffrage par citoyen, et une chambre
représente les Etats, soit de manière égale, soit en prenant en compte
dans une certaine mesure les différences de population. Dans le projet de
traité, le mécanisme de la double majorité au Conseil sera un mélange
des deux systèmes, les décisions devant être approuvées par plus de la
moitié des Etats membres et plus de deux tiers de la population. Il s’agit
d’une concession faite par les Etats peu peuplés, qui en contrepartie
continuent à être surreprésentés au Parlement européen.
Le projet d’article 9 A fixe un plafond global de 750 députés,
avec un maximum de 96 par Etat et un minimum de 6, ce qui fait varier
la représentation des Etats de un à seize, alors que l’éventail des
populations varie de un à deux cents (Malte compte 400 000 habitants et
l’Allemagne 82 millions). Le traité apporte un élément novateur en
prévoyant que la représentation des citoyens doit être assurée selon un
système de proportionnalité dégressive. La question est de savoir
comment on interprète cette proportionnalité dégressive car elle ne
repose pas sur une formule mathématique précise.
M. Alain Lamassoure a expliqué que la proposition qu’il
avait élaborée avec M. Adrian Severin reposait sur l’idée que l’on avait
intérêt à utiliser toutes les marges de manœuvre du futur traité, et donc
qu’il fallait passer de 785 membres actuellement (avec 99 Allemands et
5 Maltais) à 750 membres (avec 96 Allemands et 6 Maltais). La seconde
idée est qu’il fallait éviter pour des raisons politiques de diminuer le
nombre de députés des Etats dont celui-ci avait déjà diminué après
160
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures
Bulletin n° 2
l’entrée en vigueur du traité de Nice. Ce fut le cas pour tous les Etats
sauf l’Allemagne. Une nouvelle diminution ne serait pas acceptable au
Conseil, alors que son unanimité est requise.
Le rapport propose une répartition de la réserve de sièges
entre 736 et 750 au profit des Etats membres dont le nombre actuel de
sièges ne respecte pas la proportionnalité dégressive. Celle-ci est ainsi
définie : plus le nombre d’habitants est élevé, plus l’avantage diminue.
Elle se mesure au fait que plus un Etat est peuplé, plus le nombre
d’habitants représentés par un député européen doit être élevé. Si l’on
applique cette définition, il y a actuellement des anomalies. Ainsi, un
député espagnol au Parlement européen représente 875 000 habitants, un
italien 816 000, un français 873 000, un allemand 832 000.
Afin de corriger ces anomalies, le rapport propose 2 sièges
supplémentaires pour la France, qui passerait de 72 à 74, un siège au
Royaume-Uni, 4 à l’Espagne, un aux Pays-Bas, 2 à la Suède, 2 à
l’Autriche, un à la Bulgarie, à la Lettonie et à la Slovénie. Le rapport
propose que le siège supplémentaire qui reste soit attribué à la Pologne,
ce qui respecte la proportionnalité dégressive et est susceptible de
faciliter la négociation dans le contexte politique actuel. Lors des
négociations sur le traité de Nice, la Pologne avait demandé le même
traitement que l’Espagne, puisque les deux Etats avaient 39 millions
d’habitants. Sept ans plus tard, l’Espagne a 4,5 millions d’habitants en
plus et la Pologne un million en moins. Il faut en tenir compte.
Le principe de la proportionnalité dégressive oblige à
changer le mode de raisonnement du traité de Rome, qui, au Parlement
européen comme au Conseil, amenait à distinguer des catégories d’Etats,
grands, moyens grands, moyens, petits et micro. Ces distinctions sont
appelées à disparaître au Conseil avec la double majorité, et au
Parlement avec la proportionnalité dégressive.
Il convient de tenir compte des évolutions démographiques
intervenues depuis le traité de Nice.
M. Alain Lamassoure a ensuite souligné que le rapport avait
soulevé quelques objections, plus modestes que ce à quoi on pouvait
s’attendre. L’Italie a manifesté une certaine tristesse, ce qui est
inhabituel. Elle garde 72 députés, tandis que la France en gagne deux et
le Royaume-Uni un. La population a un peu augmenté mais le taux de
natalité s’effondre et le niveau de l’immigration ne compensera pas ce
Bulletin n°2
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures
161
phénomène. De plus, si l’Italie avait un siège de plus, il en faudrait
également un pour l’Espagne.
L’Irlande connaît un fort dynamisme démographique, alors
que sa population déclinait depuis 150 ans du fait de l’émigration.
Depuis trois à quatre ans, en raison de sa très forte réussite économique,
elle connaît une immigration massive, puisqu’elle compte
600 000 habitants de plus depuis le traité de Nice, ce qui porte sa
population à 4,2 millions. Mais elle a déjà 12 députés, et si l’on passait à
13, il faudrait faire de même pour le Danemark qui a un million
d’habitants de plus.
La Finlande demande que soit prise en compte la situation
particulière des îles d’Aland, qui sont suédophones et disposent d’un
statut dérogatoire, en bénéficiant d’un siège supplémentaire qui les
représenterait. Mais le Parlement européen n’a pas à tenir compte des
particularités politiques, en vertu du principe de subsidiarité. En outre, la
Finlande est moins peuplée que la Slovaquie et le Danemark et a le
même nombre de sièges qu’eux.
Enfin, M. Alain Lamassoure a évoqué le débat apparu au
sein du groupe PPE en raison du souhait de la CDU-CSU d’instaurer un
système dans lequel la proportionnalité intégrale se substituerait – pour
23 des 27 Etats autres que l’Allemagne et les plus petits – au système de
proportionnalité dégressive, en retenant le principe de 800 000 habitants
par siège de député. Il a considéré qu’une telle proposition ne respectait
ni la lettre ni l’esprit de l’article 9 A du projet de Traité modificatif,
puisqu’elle aboutirait à accroître le nombre de députés de grands pays –
de 12 députés pour la France et de 10 pour l’Espagne –, alors que, à
l’inverse, de nombreux petits pays (autres que les tout petits bénéficiant
du minimum) enregistreraient – de façon inacceptable – une réduction.
M. Alain Lamassoure a estimé qu’avant le 18 octobre 2007,
délai imparti par le Conseil, le groupe PPE pourrait convaincre la CDUCSU de renoncer à sa proposition. Dès que cette question aura été réglée
et après le vote de la résolution, le 2 octobre au sein de la Commission
des affaires constitutionnelles et le 11 octobre 2007 en séance plénière, il
conviendra de se donner du temps pour parvenir à un accord sur un
système, applicable après 2009, qui, tout en étant facile à expliquer aux
citoyens, puisse tenir compte de façon automatique des évolutions
162
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures
Bulletin n° 2
démographiques et prévenir les difficultés liées aux élargissements, sans
avoir à renégocier à chaque nouvelle adhésion.
Le Président Pierre Lequiller s’est interrogé sur la
pertinence de la proposition de la CDU-CSU, compte tenu du souci
affiché par l’Allemagne de prendre en compte les intérêts des petits
pays.
M. Jacques Toubon a souligné que la proportionnalité
dégressive amoindrissait la représentation des grands pays et a considéré
que la proposition de la CDU-CSU de substituer la règle de
proportionnalité intégrale à celle de proportionnalité dégressive pourrait
avoir pour effet d’interrompre tout accord.
M. Jacques Myard a estimé que les difficultés évoquées
étaient imputables au fait que l’on s’était départi de la règle consacrée
par le traité de Rome, fondée sur la représentation de chaque peuple. Il a
déclaré souhaiter que les quatre grands Etats puissent disposer du même
nombre de représentants, tout en reconnaissant qu’un tel système ne
règlerait pas les difficultés liées à l’évolution démographique que
connaissent certains pays – par exemple l’Allemagne – dont la
population tend à diminuer. Ce système serait toutefois conforme – selon
lui – à l’idée de communauté de nations, et ne s’inscrirait pas dans la
perspective d’un Etat fédéral, dont les propositions de la CDU-CSU
montrent bien les limites et les difficultés.
M. Adrian Severin a précisé qu’une clause de révision
devrait permettre de faire face aux difficultés liées à l’évolution de la
démographie.
Le Président Pierre Lequiller a souhaité connaître
l’évolution des sièges en fonction des élargissements futurs et de
l’évolution démographique prévisible.
M. Jacques Toubon a indiqué que les deux rapporteurs
proposaient un système pour 2009, ce qui imposera de rediscuter
ultérieurement d’une nouvelle clé tenant compte de l’évolution
démographique affectant certains Etats, par exemple les nouveaux Etats
membres dont la population diminuerait à cause de l’émigration de leurs
citoyens.
M. Adrian Severin a rappelé que les principes de calcul
retenus étaient influencés par l’évolution démographique et qu’en
Bulletin n°2
Réunion du mercredi 19 septembre 2007 à 15 heures
163
l’absence d’instrument mathématique, ces calculs reflétaient des
décisions politiques.
M. Didier Quentin a demandé s’il existait une clause de
révision tenant compte de l’évolution démographique afin de prévenir
des difficultés comparables à celles que rencontre la France lors de
l’établissement des cartes électorales, à la suite de chaque recensement.
M. Alain Lamassoure a fait observer qu’en pratique une
révision sera nécessaire du fait des nouvelles adhésions, celles de la
Croatie et de la Macédoine par exemple. Il a précisé que plusieurs
membres de la Commission des affaires constitutionnelles avaient
contesté les critères de population tirés des statistiques d’Eurostat,
lesquelles prennent en compte le nombre d’habitants vivant dans un Etat
et non pas celui des citoyens. Un tel mode de calcul fait apparaître des
différences importantes puisque, par exemple, la Grèce compte
8 millions de citoyens résidant à l’étranger et que les Italiens ont accordé
la double nationalité aux ressortissants argentins d’origine italienne, au
temps du régime militaire. De même, les Britanniques d’origine
pakistanaise se voient reconnaître le droit de vote aux élections locales,
nationales et européennes. Chaque Etat membre a des règles de
citoyenneté différentes et un certain nombre de conventions particulières
ont été adoptées. Il en résulte qu’en France on prend en compte la
population des départements d’outre-mer mais pas celle des territoires
d’outre-mer. Après avoir acquiescé à la remarque du Président
Pierre Lequiller qui notait qu’un million et demi de Français de
l’étranger ne votaient pas aux élections européennes, il a indiqué que les
Français de l’étranger résidant dans un Etat membre étaient
comptabilisés dans cet Etat et que les ressortissants de l’Union
européenne résidant en France étaient comptabilisés dans la population
française.
Bulletin n°2
Réunion du mardi 25 septembre 2007
165
Réunion du mardi 25 septembre 2007 à 15 h 30
Présidence de M. Pierre Lequiller,
Président de la Délégation pour l’Union européenne,
et de M. Axel Poniatowski,
Président de la Commission des affaires étrangères
z Travaux
de la Conférence intergouvernementale et prélèvement
européen
Audition commune, ouverte à la presse, avec la Commission des
affaires étrangères de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’Etat chargé
des affaires européennes, sur les travaux de la Conférence
intergouvernementale et le prélèvement européen
M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour
l’Union européenne, a accueilli le ministre en lui faisant part, au cours
de cette réunion conjointe dont il s’est félicité, du vif intérêt de la
Délégation pour l’Union européenne et de la Commission des affaires
étrangères pour les travaux de la Conférence intergouvernementale
(CIG) chargée de finaliser le projet de Traité modificatif. Il a rappelé que
la semaine dernière, la Délégation avait entendu les représentants du
Parlement européen au sein de la CIG, MM. Elmar Brok, Enrique Baròn
Crespo et Andrew Duff. Plusieurs membres de la Délégation sont allés
ou vont se rendre dans les capitales européennes pour défendre auprès de
certains de nos partenaires le Traité modificatif, recueillir leurs opinions
et débattre des priorités qu’ils souhaitent voir assigner à l’Union. Le
Président, accompagné de MM. Jérôme Lambert et André Schneider,
s’est ainsi rendu le 20 septembre à Berlin où il a pu constater les
profondes convergences de vues qui structurent les approches françaises
et allemandes sur ce sujet.
Il a souhaité à cet égard connaître le sentiment du ministre
sur les chances de succès de la CIG qu’il tend à évaluer pour sa part avec
un optimisme raisonnable, avant de l’interroger sur les perspectives de la
Présidence française de l’Union au second semestre 2008 et la
préparation, avec la République tchèque et la Suède, du programme
conjoint pour 2008-2009 ainsi que sur le prélèvement européen qui sera
discuté dans le cadre de la loi de finances pour 2008.
166
Réunion du mardi 25 septembre 2007 à 15 h 30
Bulletin n° 2
M. Axel Poniatowski, président de la commission des
affaires étrangères, après s’être félicité du développement de la
pratique des auditions communes à la Délégation pour l’Union
européenne et à la Commission des affaires étrangères, et remercié à son
tour le ministre pour sa disponibilité, a souhaité au préalable porter à sa
connaissance le contenu d’une lettre qu’il a adressée au ministre des
Affaires étrangères à propos du projet de loi autorisant l'approbation de
l'accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif aux
implantations communes de missions diplomatiques et de postes
consulaires. La Commission des affaires étrangères a souhaité attirer
l’attention du Gouvernement sur le fait que les implantations communes
entre les deux Etats, que l’accord-cadre permettra de réaliser, ne doivent
pas conduire, à terme, à faire cohabiter des ambassades ou des missions
économiques au sein d’Etats qui ont une importance stratégique pour le
commerce extérieur de la France.
M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’Etat chargé des
affaires européennes, a dans un premier temps fait le point sur la
Conférence intergouvernementale pour constater que ses travaux se
déroulent à un rythme tout à fait satisfaisant, la Présidence portugaise
faisant preuve d’une diligence et d’une compétence exceptionnelles
permettant d’envisager la soumission du texte au Conseil européen des
18 et 19 octobre prochain. Il importe de relever qu’en dépit de l’ampleur
de la rénovation de la mécanique institutionnelle indispensable pour
adapter les processus de décision au quasi-doublement des membres de
l’Union, ce Traité ne devrait guère différer dans sa forme des traités
d’Amsterdam et de Nice, méritant pleinement sa dénomination de
« Traité modificatif ». Le premier Conseil informel des affaires
générales (« Gymnisch ») du début de mois de septembre n’ayant pas
identifié de problèmes exigeant un arbitrage politique et s’étant déroulé
dans une atmosphère de bonne volonté commune, les experts juridiques
poursuivent sereinement leur examen de façon à lever toute ambiguïté.
La qualité des travaux trouve sa source dans la précision et la clarté des
arbitrages politiques qui les ont précédés. Ne subsistent que deux
principales difficultés.
La première tient à la coïncidence du Conseil européen
d’octobre avec les élections législatives polonaises. Or chacun sait que la
revendication polonaise d’intégrer dans le Traité le « compromis de
Bulletin n°2
Réunion du mardi 25 septembre 2007
167
Ioannina », qui ouvre la possibilité à un nombre d’Etats membres
inférieur au seuil de minorité qualifiée de suspendre le vote sur un projet
de décision et de débattre de cette question afin de parvenir à une
solution dans un délai « raisonnable », se heurte jusqu’à présent au refus
unanime des 26 autres délégations de revenir sur le mandat arrêté et
accepté par les Polonais lors du Conseil européen de juin dernier. Il en
va de même pour la question de l’augmentation du nombre des avocats
généraux à la Cour de justice de l’Union européenne, qui n’avait jamais
été abordée antérieurement et qui ne peut, selon les Traités, être décidée
que sur demande de la Cour elle-même. M. Jean-Pierre Jouyet a
cependant estimé que la position polonaise devrait évoluer au Conseil
européen d’octobre.
Une deuxième difficulté, de nature technique, réside dans les
modalités concrètes de l’exercice par le Royaume-Uni de son opt-out
dans les matières relevant de l’espace de liberté, de sécurité et de justice
et de l’élargissement de la compétence de la Cour à l’ensemble de ce qui
constitue à ce jour le troisième pilier de l’Union. Une question difficile
porte en particulier sur les modalités concrètes selon lesquelles le
Royaume-Uni pourrait choisir de participer ou non aux mesures prises
dans le cadre du domaine dit de Schengen, l’espace de libre circulation
des personnes qui prévoit, outre la suppression des frontières internes, le
renforcement des frontières extérieures. Dans quelle mesure les autres
Etats membres pourront-ils veiller à la cohérence et à l’efficacité des
mesures adoptées si le Royaume-Uni peut librement choisir, à la carte,
les contraintes qu’il s’impose et les coopérations auxquelles il adhère ?
La position française est de veiller à l’efficacité opérationnelle de
l’espace de Schengen, préoccupation à laquelle répondent pleinement les
travaux au sein du groupe de travail présidé par M. Jean-Claude Piris, le
jurisconsulte du Conseil des ministres. Une période transitoire pourrait
également être aménagée avant d’étendre la compétence de la Cour de
justice (en particulier s’agissant des recours en manquement pour
non-transposition des directives) à l’ensemble des actes existants
relevant de l’espace de liberté, de sécurité et de justice qui, dans le cadre
des Traités actuels, ne sont pas soumis à ce type de contrôle.
Ces questions en suspens, en nombre limité, ne doivent pas
masquer la volonté évidente de l’ensemble des Etats membres de
parvenir à un accord dès le prochain Conseil européen. Tous sont en
effet conscients que l’Europe bénéficie d’une fenêtre d’opportunité qui
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Réunion du mardi 25 septembre 2007 à 15 h 30
Bulletin n° 2
ne devrait rester ouverte guère longtemps, et l’on voit mal une semblable
conjonction d’éléments favorables (bienveillance de l’opinion publique,
consensus large et confirmé sur les principaux enjeux) se reproduire à
brève échéance.
M. Jean-Pierre Jouyet s’est en suite attaché à décrire l’état de
préparation de la Présidence française de l’Union au second semestre
2008.
Premier rendez-vous privilégié de la France avec l’Europe
après le référendum de 2005, cette présidence sera l’occasion de
confirmer sa capacité à donner des impulsions décisives au projet
européen. Son contexte sera à bien des égards particulier et unique.
Tout d’abord, il reviendra à la France de préparer la mise en
œuvre concrète des principales innovations institutionnelles du Traité
modificatif, qui devrait entrer en vigueur début 2009 : présidence stable
du Conseil européen et organisation de ses relations avec le président de
la Commission et le Haut Représentant de l’Union pour les affaires
étrangères et la politique de sécurité, mise en place du service européen
d’action extérieure, etc.
Or ce travail sera concomitant à la poursuite des travaux
prospectifs du groupe de sages chargé de réfléchir à « Quelle Europe en
2020-2030 ? » qui doit dégager les ambitions, les valeurs et les relations
de l’Europe avec ses voisins et ses grands partenaires, américains, russes
et chinois en particulier. Ce chantier de réflexion, dont la conclusion est
prévue pour la fin du premier semestre 2009, devrait nourrir un fort
débat sur l’identité européenne.
Ensuite, la situation de la France en toute fin des mandats du
Parlement européen et de la Commission, renouvelés en 2009, implique
de procéder aux ultimes arbitrages politiques sur les nombreux travaux
législatifs de la présente mandature. L’espace de liberté, de sécurité et de
justice, mais aussi l’environnement et le développement durable et le
marché commun de l’énergie devraient concentrer des dizaines de
projets en suspens sur lesquels un accord politique devra être trouvé. Le
réseau diplomatique français sera d’ailleurs fortement impliqué dans ces
domaines dès le début de 2008 en raison de l’appui qu’il apportera à la
Slovénie pour sa première présidence de l’Union au premier semestre.
Bulletin n°2
Réunion du mardi 25 septembre 2007
169
Dans le même temps, il appartiendra à la France de lancer les
réflexions sur le réexamen d’ensemble des politiques européennes et leur
financement après 2013, en particulier avec la rénovation de la politique
agricole commune et la réforme du système des ressources financières
communautaires. Il importe d’être ambitieux dans ces deux domaines
afin de ne pas repousser les choix difficiles au plus près des échéances
de 2013.
La refondation de la PAC revêt en particulier une importance
fondamentale pour notre pays, afin de mieux prendre en compte les
nouveaux défis que constituent la sécurité alimentaire, le respect de
l’environnement et la forte progression des besoins mondiaux au
moment même où le contexte d’une hausse des cours mondiaux offrent
l’opportunité de redéfinir les ambitions et les moyens de notre
agriculture commune.
Mais la révision des autres politiques européennes et de leur
financement à horizon 2013 devrait mobiliser tout autant la France,
attachée à la culture d’évaluation et de contrôle des dépenses publiques
qu’elle promeut aujourd’hui dans ses finances internes. L’examen
vigilant et méthodique des politiques, pour s’assurer que chaque euro
dépensé soit un euro utile, est la condition sine qua non afin de dégager
des marges de manœuvre pour nos priorités communes que sont
l’éducation et la recherche en particulier.
La Présidence française sera en même temps marquée par
d’importantes échéances internationales : elle débutera en même temps
que les jeux olympiques de Pékin qui pourraient permettre d’accroître
fortement la visibilité symbolique de l’Union et elle aura à développer
les premiers contacts avec les nouveaux présidents russes puis
américains. En outre, un sommet entre l’Union et la Chine sera organisé
au cours du second semestre 2008.
L’ensemble de ces rendez-vous suffirait à remplir l’agenda
d’une présidence ambitieuse. Mais le Gouvernement veut aller plus loin,
convaincu que le succès d’une présidence tient essentiellement à
quelques priorités bien identifiées.
Notre première priorité peut se résumer grâce au concept de
sécurité, dans toutes ses dimensions : l’immigration, bien sûr, et
l’ensemble des coopérations dans l’espace de liberté, de sécurité et de
justice, mais aussi l’intégration et la protection contre les menaces
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Réunion du mardi 25 septembre 2007 à 15 h 30
Bulletin n° 2
environnementales, qui appellent par exemple la mise en place
d’incitations fiscales pour atteindre les engagements européens en
matière d’énergie renouvelable ou de contrôle des émissions de gaz
carbonique, mais aussi le lancement d’un vaste débat sur les énergies
« propres ». M. Jean-Pierre Jouyet, a souhaité insister sur l’enjeu du
nucléaire, aujourd’hui au cœur des préoccupations européennes, qui
sollicite aussi les questions de sécurité et de sûreté, prégnantes en
particulier parmi les nouveaux Etats membres possédant un parc
nucléaire. L’Union doit contribuer à garantir la sûreté nucléaire et
progresser dans la voie du traitement des déchets.
En ce qui concerne la sécurité sous l’angle des affaires
intérieures et de la justice, seront notamment au cœur de la Présidence
française la lutte contre le terrorisme, l’amélioration de la coopération en
matière judiciaire et le mandat européen. De même la France marquera
un attachement particulier à tous les aspects de la sécurité sanitaire et
alimentaire. Pour la sécurité civile, on peut espérer des initiatives en
matière de lutte contre les inondations et de lutte contre les incendies.
S’agissant de la politique commune en matière
d’immigration et d’intégration, les préoccupations sont de plus en plus
convergentes entre les Etats membres compte tenu des tendances
démographiques lourdes que sont, d’une part, le vieillissement de
l’Europe et, d’autre part, le dynamisme et la jeunesse des autres parties
du monde. L’Europe ne peut donc plus fonctionner avec des politiques
opposées les unes aux autres et il est nécessaire de confronter les
expériences en matière d’intégration.
La deuxième priorité de la Présidence française sera la lutte
contre le réchauffement climatique et la politique de développement
durable. L’Europe se doit d’être exemplaire en ce qui concerne les
énergies renouvelables, la place des biocarburants, la préparation de
l’après-Kyoto. Il ne s’agit pas d’éléments défavorables mais, à l’opposé,
de facteurs favorables au renforcement de la compétitivité européenne,
au développement de l’emploi et des PME. Les outils fiscaux et
commerciaux devront ainsi être utilisés pour créer ce modèle de
développement durable qui nous affirmera par rapport à nos partenaires,
et notamment aux pays émergents.
L’Europe de la défense constituera la troisième priorité. La
Présidence française s’attachera à trouver la juste articulation entre cette
Bulletin n°2
Réunion du mardi 25 septembre 2007
171
politique européenne et celle de l’organisation du Traité de l’Atlantique
Nord (OTAN). L’une doit soutenir l’autre. Il convient de reconnaître
d’une manière pragmatique ce qui doit permettre de développer les
moyens et les initiatives de la politique européenne de défense. Il faut
faire en sorte que cet aspect soit bien compris par nos partenaires dans
notre dialogue avec le Royaume-Uni comme avec les Etats-Unis. Il
s’agit d’un équilibre entre deux piliers. La révision de la stratégie
européenne de défense devra intervenir à l’occasion du 10e anniversaire
de l’Accord de Saint-Malo entre la France et le Royaume-Uni. Il
conviendra de mettre en place un véritable centre opérationnel et de
planification européen.
La quatrième priorité concerne l’ensemble des éléments
relatifs à l’Europe de la connaissance, de l’innovation et de la création.
Il s’agira notamment d’élargir le champ du programme Erasmus, qui
pourrait n’être plus restreint aux domaines universitaire et scolaire, mais
devrait aussi concerner la formation professionnelle et l’apprentissage.
L’objectif est de faire de l’Europe un acteur global de la mondialisation
qui sache défendre ses intérêts, notamment commerciaux, sans
complexe.
Sur le plan du développement, plusieurs des propositions
envisagées par M. Hervé Gaymard dans le cadre de son rapport sur le
rôle de la France dans les nouveaux pays émergents devront être
reprises. Une même approche globale sera recherchée dans le dialogue
avec les grands pays émergents. Les réunions d’Accra et de Doha seront
également des rendez-vous importants sur l’aide et le financement du
développement. La question des droits de l’homme sera notamment
marquée par le 60e anniversaire de la Déclaration universelle des Droits
de l’homme.
Enfin, sur le plan des politiques internes, une attention
particulière sera apportée à la coordination des politiques économiques
des pays de la zone euro avec un accent sur le sujet situé au cœur des
préoccupations de la régulation financière.
Le ministre a par ailleurs évoqué la question du prélèvement
européen sur les recettes du budget de l’Etat. La prévision 2007 se situe
désormais, compte tenu des éléments connus à ce stade, autour de
17 milliards d’euros, contre 18,7 milliards inscrits en loi de finances
initiale. Cet écart est dû principalement à une sous-exécution du budget
172
Réunion du mardi 25 septembre 2007 à 15 h 30
Bulletin n° 2
2006 qui vient directement minorer le prélèvement 2007. La
sous-consommation des crédits 2006 est liée à certaines contraintes
propres à la Commission et notamment aux divers règlements financiers
qui ralentissent l’exécution budgétaire en matière de politique extérieure
et de politique de recherche, ainsi que dans le domaine des réseaux de
transport et d’énergie (RTE). Sur le plan strictement budgétaire, cette
réduction du prélèvement sur recettes est pour la France une marge de
manœuvre supplémentaire pour la maîtrise du déficit public en 2007.
S’agissant du projet de loi de finances pour 2008, le
prélèvement sur recettes est de l’ordre de 18 milliards d’euros, ce qui est
sensiblement conforme aux estimations découlant de la mise en œuvre
des perspectives financières.
Plusieurs orateurs sont ensuite intervenus.
Le Président Axel Poniatowski a demandé si la ratification
du Traité modificatif entraînerait nécessairement une révision
constitutionnelle et a souhaité connaître la date à laquelle le projet de loi
de ratification correspondant serait déposé. S’agissant de la Présidence
française, il a rappelé que la Commission des affaires étrangères et la
Délégation pour l’Union européenne avaient constitué un groupe de
travail commun et estimaient nécessaire d’associer le Parlement à sa
préparation comme à son déroulement.
M. Pierre Moscovici s’est inquiété des risques de recul dans
la dernière phase des réunions de la Conférence intergouvernementale,
notamment de ceux résultant des demandes hors mandat et des opt-out
de la Pologne et du Royaume-Uni vis-à-vis de la Charte des droits
fondamentaux. Il s’est également déclaré préoccupé du calendrier, la
République tchèque, qui exercera la présidence au premier semestre
2009, ayant estimé irréaliste le délai prévu de 12 mois pour la
ratification par les 27 Etats membres. Cet Etat estime une durée de
18 mois plus adaptée. En ce qui concerne enfin la ratification, si
l’éventuel obstacle aux Pays-Bas est contourné puisqu’il n’y aura pas de
référendum, qu’en est-il du Royaume-Uni ?
M. Pierre Moscovici a ensuite demandé des précisions sur
l’articulation entre la relance de la défense européenne et la réintégration
éventuelle par la France des structures militaires intégrées de l’OTAN, la
première ayant été présentée par le Président de la République comme
une condition de la seconde. Quelles initiatives va donc prendre la
Bulletin n°2
Réunion du mardi 25 septembre 2007
173
France en la matière ? Quel est le lien exact entre ces deux objectifs et
quel est le calendrier correspondant ?
Il a ensuite rappelé que le ministre avait indiqué au comité
de réflexion sur la réforme des institutions qu’il souhaitait que l’on
revienne sur l’obligation d’un référendum pour les nouvelles adhésions
au-delà du 28e Etat membre. Pourquoi cette question relève-t-elle du seul
Président de la République alors que, comme l’a proposé le Président du
comité de réflexion, M. Edouard Balladur, il semble opportun de prévoir
une option entre la voie référendaire et la voie parlementaire ? Quelle est
la position exacte de l’Exécutif sur cette question ?
M. Roland Blum a demandé des éléments sur la
consultation récemment lancée par la Commission européenne sur le
réexamen à mi-parcours des perspectives financières. Il a souhaité savoir
si l’enveloppe du budget communautaire consacré à la PESC,
200 millions d’euros par rapport aux 7 milliards affectés aux actions
extérieures de l’Union, pouvait être accrue et a demandé si la décision
« ressources propres » qui met en œuvre la diminution du rabais
britannique était bien en cours de ratification par tous les Etats membres,
notamment le Royaume-Uni.
En réponse aux différents intervenants, M. Jean-Pierre
Jouyet a fourni les précisions suivantes :
– selon le ministère des affaires étrangères, une révision
constitutionnelle apparaît nécessaire, dans la mesure où la Constitution
française fait référence au « Traité constitutionnel », alors que le texte
aujourd’hui en discussion est qualifié de « Traité modificatif ». Par la
suite, la ratification par le Parlement pourrait intervenir durant les deux
premiers mois de l’année 2008, car le Gouvernement souhaite aller vite ;
– l’association du Parlement à la Présidence française sera
importante et devrait emprunter deux voies principales. D’abord, le
ministre sera à la disposition des assemblées pour rendre compte
régulièrement de la préparation et de l’exécution de cette présidence.
Ensuite, à l’image de ce que chaque camp a mis en œuvre lors de la
campagne présidentielle française, il serait souhaitable d’organier une
mobilisation citoyenne, passant par des débats décentralisés auxquels
participeraient les élus locaux, nationaux, européens, les associations ou
encore les syndicats, pour discuter de tous les sujets susceptibles d’être
traités lors de la Présidence française ;
174
Réunion du mardi 25 septembre 2007 à 15 h 30
Bulletin n° 2
– sur
le
déroulement
de
la
Conférence
intergouvernementale, on ne peut pas dire qu’il y ait beaucoup de
demandes contraires au mandat. La seule demande exprimée est celle de
la Pologne sur le compromis de Ioannina. Les autres points en suspens
sont techniques et n’avaient pas fait l’objet d’un examen au Conseil
européen. S’agissant de la Charte, son traitement est prévu par le
mandat. La Pologne, qui avait réservé sa position, ne serait pas hostile à
la partie de la Charte relative aux droits sociaux. Avec le Royaume-Uni,
on peut obtenir un accommodement à condition de maintenir un cadre
opérationnel satisfaisant. A ce jour, l’exécutif britannique privilégie une
ratification par voie parlementaire et il ne faut pas surestimer les
demandes de recours à un référendum. On peut plutôt penser que le
Royaume-Uni va chercher à aller vite, pour éviter tout risque
d’isolement ;
– en ce qui concerne la politique de défense, on doit
constater que, dans la pratique, il existe déjà une forte imbrication entre
l’OTAN et la politique européenne dans ce domaine, puisque 21 des
27 Etats membres sont membres de la structure intégrée de l’OTAN. Les
conditions posées par la France pour rejoindre ces Etats sont connues et
ont trait à la relance parallèle de la politique européenne de défense et au
renforcement de ses moyens. En tout état de cause, la France
n’accepterait de s’intégrer qu’au niveau le plus élevé, avec des capacités
décisionnelles accordées à l’échelon européen. Il est évident qu’il vaut
mieux parfois privilégier une coopération avec l’OTAN, plutôt qu’avec
nos partenaires européens, car ces derniers ne sont pas toujours prêts à
consentir les sacrifices – notamment financiers – que les actions de
défense impliquent. Dans ce domaine, il est probable que la France sera
conduite à prendre des initiatives avant sa présidence de l’Union, mais il
est encore trop tôt pour s’engager sur un calendrier ;
– sur l’obligation constitutionnelle d’un référendum lors des
prochains élargissements, il appartient au seul Président de la
République de décider s’il souhaite ne plus être lié par cette contrainte et
s’il convient donc de réviser la Constitution sur ce point. A titre
personnel, le secrétaire d’Etat aux affaires européennes estime préférable
de revenir au statu quo ante laissant une alternative entre le choix de la
voie parlementaire et celle du recours au référendum. Ce dernier ne
paraît pas s’imposer lorsqu’un élargissement n’a pas d’incidences sur le
plan intérieur ;
Bulletin n°2
Réunion du mardi 25 septembre 2007
175
– les autorités tchèques, à en juger par un récent
déplacement dans ce pays, ne semblent pas particulièrement préoccupées
par le calendrier de ratification, mais plutôt par les modalités permettant
de leur assurer une présidence de l’Union de plein exercice ;
– sur les questions budgétaires, les propositions de la
Commission relatives au réexamen des perspectives financières
fournissent de bons éléments de cadrage pour l’appréciation de la
performance actuelle de certaines politiques. Par ailleurs, il est certain
que le budget de la PESC devra être accru, même s’il ne doit pas être
apprécié en tenant compte de la seule ligne budgétaire qui lui est
consacrée. Ce budget est également alimenté par un fonds de
stabilisation, par des crédits dépendant du Fonds européen de
développement (FED) ou encore liés au processus de démocratisation. Il
faut ajouter aussi les contributions apportées par les Etats membres lors
de la mise en œuvre d’opérations extérieures. Enfin, la réflexion sur les
ressources propres est un préalable à toute reconfiguration du budget
communautaire. Elle implique, en particulier, de mettre fin à tous les
anachronismes, ce qui signifie que la question du rabais britannique
devra être étudiée avec les autorités de ce pays.
Mme Elisabeth Guigou a interrogé le ministre sur l’état des
travaux de rédaction du Traité concernant la Charte des droits
fondamentaux et a demandé confirmation de son caractère contraignant,
ne fût-ce que par le biais d’un article s’y référant. Elle a ensuite souhaité
savoir si les dispositions relatives aux services publics, présentes dans
les parties I et III du projet de Traité constitutionnel, ainsi que dans la
Charte des droits fondamentaux, qui autorisent notamment l’adoption
d’une directive-cadre, seraient maintenues dans le futur traité. Elle a
demandé au ministre si la France encouragerait une telle directive-cadre
lorsqu’elle exercera la présidence de l’Union. Mme Elisabeth Guigou a
ensuite posé une question sur l’existence de solutions dans le futur traité
permettant une pleine utilisation des crédits de la recherche européenne,
qu’elle a jugés déjà très insuffisants. Abordant la question des relations
avec l’Alliance atlantique, elle a souligné que le Président de la
République avait posé deux conditions au retour de la France dans les
structures militaires intégrées de l’OTAN : le développement de
l’Europe de la défense et la modification des modes de décision pour les
opérations de l’OTAN. Elle a demandé au ministre quelles garanties la
176
Réunion du mardi 25 septembre 2007 à 15 h 30
Bulletin n° 2
France peut obtenir qu’elle ne sera pas entraînée dans des opérations
qu’elle n’approuverait pas.
M. Jean-Michel Boucheron s’est interrogé sur les moyens à
attribuer à une Europe de la défense. Passent-ils par un renforcement de
l’Agence européenne de défense ? Des projets spécifiques en matière
d’équipement ? Quels seraient les nouveaux partenaires financiers prêts
à aller plus loin que l’existant ? Il a ensuite estimé que la réintégration de
la France – quasiment réalisée – dans les structures militaires intégrées
de l’OTAN ne constituait pas la question principale. L’essentiel est de
savoir quel sera le type d’OTAN dans lequel nous aurions vocation à
rentrer totalement.
S’agit-il d’une alliance de défense ayant vocation à
intervenir dans une zone géographique délimitée ou, au contraire,
comme le souhaitent les Américains, d’une organisation globale des
pays occidentaux destinée à manifester sa présence dans l’ensemble du
monde, ce qui n’est pas une conception acceptable.
M. Renaud Muselier a posé une question sur l’avancement
des réflexions et sur les initiatives qui seront prises concernant le projet
d’Union méditerranéenne, après s’être étonné du fait que le ministre
n’ait pas mentionné ce sujet important dans son intervention.
M. Jean-Pierre Jouyet a apporté les éléments de réponse
suivants :
– un article du projet de Traité fera référence à la Charte des
droits fondamentaux, qui aura bien un caractère contraignant.
Conformément au mandat de la CIG, le Royaume-Uni sera dispensé de
son application. La Pologne doit encore se prononcer mais il ne s’agit
pas du point le plus dur des négociations car ce pays est très attaché aux
droits sociaux ;
– le projet de Traité fera également référence aux services
publics, par un protocole qui aura une valeur juridique contraignante,
supérieure à celles d’une directive-cadre. La France a aussi pu obtenir
des lignes directrices sur le financement des services publics dans
certains secteurs, notamment en ce qui concerne le service universel
postal. M. Jean-Pierre Jouyet s’est déclaré favorable, à titre personnel, à
ce que la France, lorsqu’elle exercera la présidence de l’Union,
encourage l’adoption d’une directive-cadre sur les services publics.
Bulletin n°2
Réunion du mardi 25 septembre 2007
177
Après avoir précisé que le programme détaillé de la Présidence française
n’était pas encore arrêté, il a estimé que le renforcement des services
publics doit être au cœur du dispositif. Dans les négociations sur la
Poste, l’énergie, la France a montré quelle était attachée au bon
fonctionnement des services publics et opposée à leur démantèlement ;
– en matière de recherche, comme dans certains autres
secteurs prioritaires de la stratégie de Lisbonne, la France souhaite
identifier, à travers la revue des politiques déjà évoquée, quels sont les
facteurs d’ordre réglementaire ou administratif qui empêchent la pleine
utilisation des crédits. Il s’agit par exemple de réglementations
financières, qui ralentissent l’action de la Commission dans les
procédures d’appels d’offres et de marchés. Il faut poser la question de
l’adaptation de ces règlements, qui obèrent l’action de la Commission,
d’autant plus que d’autres secteurs comme les transports, la culture et
l’audiovisuel sont également concernés. Faisant référence à la question
posée par M. Roland Blum, le ministre a estimé que la capacité d’action
extérieure de la Commission, en cas de crise, était aussi affectée ;
– concernant l’Alliance atlantique, le ministre, après avoir
fait observer qu’il n’était pas en charge de la défense, a estimé que la
France devait obtenir des garanties afin d’éviter d’être entraînée dans des
opérations qu’elle désapprouve et de disposer d’un rôle opérationnel
dans l’OTAN, de façon à peser sur les instances de décision et les choix.
On peut faire preuve d’un optimisme raisonné, compte tenu des règles de
consensus appliquées au sein de l’OTAN. La France souhaite faire jouer
le levier de l’OTAN pour augmenter la capacité européenne de défense.
Il s’agit de disposer d’une capacité opérationnelle et d’une stratégie de
planification à Bruxelles, d’obtenir la mise en place de moyens
nouveaux pour la politique européenne de sécurité car ceux-ci sont
actuellement très limités, de renforcer de l’Agence européenne de
Défense, mais surtout la coopération européenne en matière d’industries
de défense. Il existe des intérêts antagonistes entre les industriels
français, britanniques, espagnols et italiens mais le besoin de
coopération existe, même du côté britannique, et il est possible de
progresser dans ce domaine. Cette ambition suppose des discussions
financières avec certains partenaires car actuellement ce sont les
Français, les Allemands et les Britanniques qui font l’essentiel des
efforts dans ce domaine. Pour les autres, l’OTAN représente une sécurité
financière dans la mesure où ils ne contribuent pas financièrement et
178
Réunion du mardi 25 septembre 2007 à 15 h 30
Bulletin n° 2
disposent d’une sécurité à moindre frais. Il s’agit d’un avantage
important, notamment pour l’Italie. Une autre solution consisterait à
prendre en compte dans la politique budgétaire au niveau de l’Union
l’effort de défense fait par certains pays mais cela paraît plus difficile.
Le ministre a ensuite indiqué que l’OTAN devait rester dans
son cadre actuel et qu’il n’avait pas eu connaissance de demandes
particulières tendant à en faire une alliance globale, ce qui rendrait
nécessaire une réflexion sur son articulation avec la politique européenne
de défense ;
– l’Union méditerranéenne est en effet une priorité mais il
s’agit d’un sujet complexe. La France souhaite favoriser la coopération
essentiellement entre les pays qui sont de l’autre côté de la Méditerranée
et essayer de projeter la démarche fondatrice de l’Union européenne, en
partant de solidarités concrètes comme la protection de l’environnement,
la sécurité maritime, l’immigration, le dialogue interculturel.
Il convient de donner une visibilité politique à ce projet, afin
d’éviter de reproduire les frustrations qui existent dans le cadre du
processus de Barcelone, considéré comme un processus financier global,
qui ne vise pas suffisamment de projets concrets et repose sur des prêts
dont les conditions ne sont pas beaucoup plus avantageuses que celles du
marché, en échange desquels les Etats doivent prendre des engagements
en matière de contrôle des migrations. Il convient cependant de
conserver certains instruments financiers car l’Union méditerranéenne
n’aura pas les moyens de les renouveler. Il convient de réfléchir à la
mise en œuvre de participations aux fonds propres ou de partenariats
public-privé sur certains projets.
Il faudra aussi expliquer à nos partenaires que nous avons
des intérêts spécifiques en tant que pays riverain de la Méditerranée, tout
en évitant de donner l’impression que l’Union méditerranéenne se
construit sans tenir compte de l’Union européenne et des autres Etats
membres. Il y a déjà des exemples d’instances de coopération régionale,
comme le Conseil des pays riverains de la Baltique. On peut imaginer
que les autres Etats membres aient un statut d’observateurs. La France
souhaite que la Commission européenne, qui a une forte expertise,
puisse apporter son aide dans le montage des projets et le rassemblement
des concours des banques de développement. M. Alain Le Roy,
ambassadeur qui dispose d’une grande expérience européenne et
Bulletin n°2
Réunion du mardi 25 septembre 2007
179
multilatérale, va apporter son concours à ce projet, qui devrait faire
l’objet d’une réunion des chefs d’Etat et de gouvernement en juin 2008.
L’alternative est claire : soit nous ne faisons rien et la
Méditerranée reste telle qu’elle est, sans coopération entre les Etats et
avec des zones de conflits, ainsi que des frustrations croissantes dans le
cadre du processus de Barcelone, soit nous tentons de dépasser ce cadre.
C’est le choix qui a été fait, en tentant d’aller le plus loin possible, tout
en préservant une politique de voisinage équilibrée entre l’est et le sud,
ainsi que les coopérations bilatérales les plus avancées, par exemple
entre l’Union européenne et le Maroc.
M. Daniel Fasquelle, après avoir souhaité que la PAC soit
refondée avant 2013 et rappelé les récents propos du Président de la
République sur le retour à la préférence communautaire, a demandé
quelles seraient les nouvelles orientations de la Politique agricole
commune et des autres politiques. Concernant la recherche, il a souhaité
savoir si le brevet communautaire allait être relancé dans la mesure où le
Protocole de Londres ne réglait pas tous les problèmes.
M. Jacques Myard a d’abord évoqué la demande de la
Pologne concernant la perpétuation du compromis de Ioannina. Il s’est
ensuite fait l’écho d’informations selon lesquelles la Commission
financerait Galileo avec des crédits dévolus à la PAC.
Puis il a regretté la hâte mise à supprimer l’intervention du
peuple dans le processus d’adhésion de nouveaux membres. Abordant
les problèmes de défense, il a rappelé la position d’un certain nombre de
nos partenaires qui ne veulent pas dupliquer les efforts européens par
rapport à l’OTAN. Il a estimé que la proposition française n’allait pas du
tout dans le sens du renforcement de l’identité européenne par rapport à
cette Organisation en rappelant le principe constitutionnel américain
selon lequel il ne pouvait pas y avoir de soldats américains sous
commandement étranger.
Si l’Europe veut être un acteur global, il ne faut pas se
tromper d’objectif : alors que l’on consacre 367 milliards d’euros aux
fonds structurels, 22 millions d’euros sont alloués aux Accords de Lomé.
La clé de la paix du monde se trouvant dans le Sud, il a demandé quelle
action serait menée de ce point de vue.
180
Réunion du mardi 25 septembre 2007 à 15 h 30
Bulletin n° 2
M. Didier Quentin a demandé des précisions sur les
perspectives de la politique de sécurité maritime qui intéresse la France
au premier chef compte tenu de ses 55 000 km de côtes, après les
« paquets » Erika I et Erika II. Il a souhaité savoir où en était le troisième
« paquet » de sécurité maritime.
Il a questionné ensuite le ministre sur l’action qui serait
menée en faveur des petites et moyennes entreprises (PME) et de
l’artisanat auxquels il faut donner toute leur place en Europe.
Concernant l’Union méditerranéenne, il a estimé qu’il fallait
certainement en faire un grand dessein comme cela avait été fait,
autrefois, avec le dialogue euro-arabe.
M. Jean-Paul Lecocq a souhaité que l’on explique
clairement aux Français le Traité simplifié en leur indiquant quelle est la
nature des modifications et s’est enquis de savoir si le débat allait
reprendre dans le pays à ce propos. Il a ensuite interrogé le ministre sur
les perspectives de l’OTAN. Après avoir plaidé pour le
non-démantèlement des services publics, il a demandé si de tels services
publics ne devraient pas être créés dans le cadre du « Grenelle de
l’environnement » et si la Charte des droits fondamentaux le permettait.
M. Christian Paul a rappelé que nos partenaires européens
s’intéressaient beaucoup aux comptes publics de la France et a regretté la
mauvaise communication des pouvoirs publics sur ces questions. Il a
souligné qu’il était nécessaire de préciser les modalités de l’expression
publique de l’Exécutif envers nos partenaires européens dans ce
domaine.
Considérant que la nouvelle politique à destination des pays
de la Méditerranée n’avait pas mieux perçu la situation ni les moyens
d’action que le processus de Barcelone qui, selon certains experts, devait
être considéré comme un échec, il a désiré savoir quel destin on pouvait
offrir à ces pays. Il s’est ensuite demandé si l’ouverture vers l’Atlantique
était compatible avec cette politique.
M. Michel Delebarre a souligné que le programme pour la
présidence de la France était considérable mais qu’il était nécessaire que
le gouvernement présente aux commissions du Parlement ce qui
constituera le noyau dur de cette présidence.
Bulletin n°2
Réunion du mardi 25 septembre 2007
181
L’immigration sera une question importante sur laquelle la
France sera sollicitée pendant cette période et il faudrait que l’on puisse
faire évoluer les Anglais pour régler les suites de l’affaire de Sangatte.
La France doit se saisir du Livre vert sur la politique
maritime de l’Union pour définir des orientations.
Après avoir évoqué la situation des régions
ultrapériphériques, il a mis l’accent sur la politique de cohésion et des
fonds structurels européens dont dépendent les investissements des
régions compte tenu de l’état de nos finances publiques.
Il a enfin souhaité savoir, si on se dirigeait vers l’intégration
à l’OTAN, quand et où de nouvelles bases seraient installées.
M. André Schneider a demandé quel serait l’avenir de
l’Assemblée de l’Union de l’Europe occidentale (UEO).
En réponse, M. Jean-Pierre Jouyet a apporté les précisons
suivantes :
– la préférence communautaire est au cœur de la PAC depuis
le début avec la régulation des marchés. Le Président de la République
veut maintenir cette préférence communautaire en tenant compte des
normes sociales et environnementales et en l’adaptant à un contexte
nouveau. Il faut être ferme et volontaire sur l’accès aux marchés ;
– le Protocole de Londres doit être ratifié pour que le
français reste une langue scientifique. Il faut également avoir une
juridiction communautaire puis relancer le brevet communautaire ;
– la prolongation du compromis de Ioannina a déjà été
négociée avec la Pologne et nous refusons la demande des Polonais
d’inscrire celui-ci dans le traité ;
– les fonds attribués au financement de Galileo proviennent
des marges non utilisées des fonds de la PAC. Il y a eu un accord,
comme dans le domaine de la recherche, avec la Commission pour
procéder à cette opération de dépenser pour Galileo des sommes non
utilisées sans devoir repasser par la procédure budgétaire et renégocier.
Il n’y a aucun préjudice pour les agriculteurs ;
– le but de la politique de défense européenne n’est pas
d’intégrer la défense atlantique. Pour pouvoir peser, il faut une politique
182
Réunion du mardi 25 septembre 2007 à 15 h 30
Bulletin n° 2
de défense disposant de plus de moyens et plus forte. Il faut pouvoir
faire de l’Europe un acteur global sur tous les fronts ;
– on ne peut négliger les fonds structurels qui représentent la
deuxième politique de l’Union européenne et qui ont fondé l’Europe et
sa cohésion ;
– il est important d’organiser, à l’occasion de la Présidence
française, des manifestations en faveur des petites et moyennes
entreprises. L’attitude de la Commission européenne, très réticente à la
mise en place d’un « small business act » au sein de l’Union européenne,
est regrettable. Nos partenaires internationaux comme le Canada et les
Etats-Unis continuent d’appliquer une législation qui leur permet de
réserver une part de leurs marchés publics aux petites et moyennes
entreprises. Il serait souhaitable que la Commission saisisse l’occasion
des négociations en cours à l’Organisation mondiale du commerce pour
obtenir le bénéfice d’un tel mécanisme dans l’Union européenne. Si le
marché intérieur fonctionne globalement bien pour les grandes
compagnies, il convient de mieux prendre en compte les spécificités des
petites entreprises et d’ adapter la réglementation et les règles fiscales à
leurs caractéristiques comme cela est fait au niveau national ;
– concernant le dialogue euro-arabe, la France sera présente
au sein du Quartet. Cependant, le dialogue euro-arabe n’est possible que
s’il existe un minimum d’entente entre les pays arabes, ce que le conflit
israélo-palestinien rend difficile. Pour l’heure, la réflexion sur le
périmètre de l’union méditerranéenne est encore en cours. Il est
compliqué d’agir sur la Syrie ; les seuls pays sur lesquels il est possible
de le faire – Algérie, Egypte, Libye, Maroc et Tunisie – constitueront le
noyau dur pour amorcer cette union ;
– la Présidence française sera l’occasion, lors de réunions
décentralisées, d’organiser des débats et de donner des informations sur
les changements et les innovations apportées par le projet de traité. De
nouvelles missions de service public pourront être développées, en
matière environnementale ou de développement durable notamment. En
tout état de cause, le gouvernement reste très vigilant sur ce sujet des
services publics ;
– la situation des finances publiques françaises est dégradée
et il est impératif de redresser les finances de l’Etat comme les finances
sociales ; l’organisation de notre gestion publique doit être repensée,
Bulletin n°2
Réunion du mardi 25 septembre 2007
183
compte tenu notamment de la décentralisation. Il nous appartient de
respecter nos engagements pris en application du pacte de stabilité et de
croissance et du traité de Maastricht. Si le contexte est favorable, le
retour à l’équilibre pourra se faire en 2010 mais il sera plus
probablement atteint en 2012. Le ministre a toutefois rappelé que cet
engagement, pris en mars dernier, n’est pas une clause du pacte de
stabilité et de croissance et la procédure de sanction ne peut pas être
déclenchée. Nos partenaires européens ont compris qu’un ajustement est
nécessaire en 2007 et 2008, compte tenu du rythme des réformes
engagées. Mais par la suite, la France tiendra ses engagements relatifs à
la réduction du déficit et de l’endettement ;
– sur l’Union méditerranéenne, il a rappelé que cette union a
pour but de faciliter la coopération entre les pays de cette zone, ce que
n’a pas réussi à faire le processus de Barcelone. A travers la mise en
œuvre de projets concrets, il s’agit de donner plus de lisibilité politique
au monde méditerranéen pour lequel il n’existe aucun espace
d’intégration ou de coopération, contrairement à l’Afrique, l’Asie avec
l’ASEAN, l’Amérique du Sud et du Nord et l’Europe. Un dialogue
normalisé avec les Etats-Unis ne s’oppose pas au renforcement des liens
avec les pays de la zone arabe et méditerranéenne ;
– la Présidence française s’est effectivement fixé un vaste
programme. Elle débute en juillet et ce calendrier sera sans doute
l’occasion de s’interroger sur le mode de fonctionnement des institutions
européennes au mois d’août. Il s’est dit frappé par la réactivité dont a fait
preuve cet été la Banque centrale européenne à l’occasion de la crise
financière survenue aux Etats-Unis. Cet exemple devrait être gardé à
l’esprit pour le mois d’août 2008 où les institutions devront continuer à
fonctionner ;
– la
politique
énergétique
et
environnementale,
l’immigration, la sécurité et la défense constitueront incontestablement
le noyau dur de la Présidence française qui assurera la continuité des
travaux pour les autres sujets ;
– concernant les régions ultrapériphériques, la Conférence
intergouvernementale a intégré dans les Traités une référence aux îles de
Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, afin de tenir compte de leur
nouveau statut ;
184
Réunion du mardi 25 septembre 2007 à 15 h 30
Bulletin n° 2
– s’agissant des fonds structurels, l’enveloppe de la France à
ce titre est de 12 milliards pour la période 2007-2013. Un point sur la
cohésion de ces fonds devra être fait à l’occasion de la révision des
perspectives financières. Les vingt-sept Etats membres sont très attachés
à cette politique de cohésion qui constitue un des pôles de croissance de
l’Union européenne.
Bulletin n°2
Réunion du mardi 25 septembre 2007
185
z Examen
d’un texte soumis à l’Assemblée nationale en application
de l’article 88-4 de la Constitution
Point B
¾ Agriculture
– proposition de règlement du Conseil portant dérogation au
règlement (CE) n° 1782/2003 établissant des règles communes pour les
régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune
et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, en
ce qui concerne la mise en jachère pour l’année 2008 (document
E 3636).
Face à la flambée des cours des céréales due à de mauvaises
récoltes, la Commission européenne propose, afin de contribuer à
rééquilibrer le marché, de supprimer l’obligation de mettre en jachère
10 % des terres cultivables pour la campagne de commercialisation
2007/2008. Cette suppression devrait permettre de consacrer entre 1,6 et
2,9 millions d’hectares à la production agricole, correspondant à une
production supplémentaire de 10 millions de tonnes de céréales. Cette
mesure est facultative et transitoire et le bilan de santé de la politique
agricole commune à la fin de l’année devrait permettre de prendre en
considération l’ensemble des termes du débat, notamment les
préoccupations environnementales et de politique énergétique.
Sur le rapport de M. Jean Dionis du Séjour, la Délégation a
approuvé cette proposition d’acte communautaire.
Bulletin n°2
Réunion du mardi 2 octobre 2007
187
Réunion du mardi 2 octobre 2007
Présidence de M. Pierre Lequiller, Président
z Missi
dominici
Comptes rendus des missions des missi dominici sur le suivi de la
Conférence intergouvernementale et certains dossiers de l’Union
ESPAGNE : MISSION DE MME MARIETTA KARAMANLI, LE 26
SEPTEMBRE 2007
Mme Marietta Karamanli a déclaré que son déplacement à
Madrid lui avait apporté la confirmation de la position très proeuropéenne de la classe politique et de l’opinion espagnoles. Elle a
considéré que cette attitude était liée aux conditions presque simultanées
de l’instauration de la démocratie postérieurement à la mort de Franco et
de l’entrée de l’Espagne dans l’Europe, laquelle a été regardée par les
Espagnols à la fois comme l’aiguillon et la garantie du renforcement de
la démocratie. Elle a précisé que cette vision très pro-européenne s’était
reflétée dans la position exprimée par ses interlocuteurs dans les trois
questions qu’elle a abordées :
– les travaux de la CIG et le contenu du projet de Traité
modificatif ;
– la procédure de ratification et l’avenir de l’Union ;
– les dossiers sectoriels.
S’agissant des travaux de la CIG et du Traité modificatif,
M. Alberto Navarro, Secrétaire d’Etat pour l’Union européenne, s’est
déclaré satisfait de leur bon déroulement. Les questions en suspens
résultant des revendications polonaises (touchant au compromis de
Ioannina, à l’augmentation du nombre d’avocats généraux près la Cour
de justice et aux modalités d’attribution des prêts de la Banque
européenne d’investissement ont été jugées comme n’entrant pas dans le
mandat de la CIG, tout comme le problème soulevé par l’Autriche
concernant la possibilité pour un Etat membre de réglementer l’accès à
l’Université des étudiants ressortissants des autres Etats de l’Union. Ces
188
Réunion du mardi 2 octobre 2007
Bulletin n° 2
questions seront examinées par le Conseil européen de Lisbonne, mais
ne devraient pas empêcher la signature du Traité en décembre 2007, ni
son entrée en vigueur au 1er janvier 2009.
Quant au contenu du projet de Traité modificatif, M. Alberto
Navarro a déclaré qu’il convenait, pour prévenir toute difficulté, de le
comparer non pas au projet de Traité constitutionnel mais plutôt au
Traité de Nice. Evoquant les dispositions du projet de Traité
constitutionnel qui n’étaient pas reprises, M. Alberto Navarro a indiqué
que la Charte des Droits fondamentaux sera signée par les trois autorités
communautaires à l’issue du Conseil européen du mois d’octobre et
publiée dans le Journal officiel des Communautés européennes. Il a
estimé que la Charte accroît d’autant plus les droits des citoyens que ces
derniers pourront l’invoquer, grâce à une Déclaration se référant à l’arrêt
Costa Enel de la Cour de justice, qui a posé le principe de primauté du
droit communautaire sur les droits nationaux.
S’agissant de la suppression de la référence aux symboles,
M. Alberto Navarro, tout en déplorant cette suppression, a constaté que
le Parlement allemand y était très attaché et qu’il adopterait une
résolution à l’issue des travaux de la CIG. Il a précisé que les Etats
membres pourraient annexer une déclaration dans le même sens au
Traité modificatif.
Pour ce qui est des dispositions nouvelles, M. Alberto
Navarro a souligné notamment l’importance de l’extension de la clause
de solidarité à l’énergie, de la prorogation à huit semaines du mécanisme
de l’alerte précoce, ainsi que de la disposition, introduite à la demande
de l’Espagne, concernant les interconnexions énergétiques.
Puis Mme Marietta Karamanli a abordé les questions de la
procédure de ratification et de l’avenir de l’Union européenne.
En ce qui concerne la procédure de ratification, M. Alberto
Navarro a relevé que – à l’exception de l’Irlande, où devrait se tenir un
référendum – la plupart des Etats membres recourront à la voie
parlementaire.
En Espagne, le Traité ne sera ratifié qu’après l’été, l’an
prochain, puisque, du fait de la dissolution des Cortes en janvier 2008, la
nouvelle législature ne débutera qu’en mai 2008.
Bulletin n°2
Réunion du mardi 2 octobre 2007
189
Tout en soulignant que le contexte de l’Espagne était
différent de celui de la France, Mme Marietta Karamanli a relevé que,
pour ses interlocuteurs, la tâche à laquelle le Gouvernement et les partis
politiques espagnols risquent d’être confrontés, pouvait être toutefois
délicate vis-à-vis d’une opinion qui a adopté le projet de Traité
constitutionnel, par référendum à la majorité de 76,7 % des voix, non
sans toutefois une faible participation de 42 %. M. Carlos Fernandez
Liesa, professeur de droit communautaire à l’Université Carlos III, a
estimé que le Gouvernement demandera vraisemblablement aux partis
politiques de faire une campagne discrète. A la différence du projet de
Traité constitutionnel, qui a bénéficié d’un contexte exceptionnel –
projet initié par M. José María Aznar, soutenu par le Parti Socialiste et
enfin forte popularité de M. José Luis Rodríguez Zapatero – la
ratification du projet de Traité modificatif interviendra dans un climat
mélancolique, selon les propos du député catalan modéré Jordi Xucla,
membre du CiU.
Le professeur Fernandez Liesa a déclaré que les conditions
d’élaboration du projet de Traité modificatif confirment qu’il aura été le
fruit d’un travail intergouvernemental, dont l’opinion publique aura été
exclue.
M. Fernandez Liesa a aussi précisé que, pour une période de
10 à 20 ans, le processus de l’élargissement sera freiné, en raison de la
question de l’adhésion de la Turquie. En Espagne, il est politiquement
tabou de s’opposer à cette adhésion, l’opinion publique étant, en général,
favorable à tout élargissement, comme à l’ensemble de la construction
européenne. L’adhésion de la Turquie ne pose pas de problème pour
l’opinion publique, à la différence de la classe politique qui y est
officiellement favorable mais, au fond, opposée.
Pour sa part, M. Alberto Navarro a indiqué que l’initiative du
Président de la République d’instituer un groupe de sages avait été
favorablement accueillie, même si plusieurs questions sont ouvertes,
comme le nombre de sages, celle de savoir s’il convient ou non
d’exclure des hommes politiques en activité – et le mandat du groupe,
l’Allemagne ayant émis le souhait que le groupe puisse continuer
d’exister au-delà de 2009.
Evoquant les dossiers sectoriels, Mme Marietta Karamanli a
relevé que sur l’immigration, l’Espagne souhaite très vivement que
190
Réunion du mardi 2 octobre 2007
Bulletin n° 2
l’Union européenne parvienne à élaborer une politique commune ou,
qu’en tout cas, vienne en aide aux Etats qui, comme l’Espagne, sont
confrontés à un afflux important d’immigrés. C’est pourquoi M. Alberto
Navarro a estimé important de confronter les points de vue sur les
questions touchant aux visas communs et aux gardes-frontières, et a
déclaré que l’Espagne comptait beaucoup sur la Présidence française
pour faire avancer une initiative que la Commission est en train de
préparer pour 2008, destinée à garantir des droits minimaux à tous les
immigrés légaux résidant dans l’Union.
Parallèlement, l’Ambassadeur de France, M. Bruno Delaye,
et M. Alberto Navarro n’ont pas manqué de souligner que la France et
l’Espagne – qui assurera la Présidence en 2010 – ont tout intérêt à mettre
tous les problèmes sur la table et à renforcer leur coopération. La visite
prochaine, le 10 octobre 2007, de M. Brice Hortefeux, ministre de
l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du
codéveloppement, devrait permettre une meilleure appréciation des
politiques suivies et d’effacer les divergences qui avaient pu naître à la
suite des régularisations intervenues en Espagne.
S’agissant du projet d’Union méditerranéenne, M. Alberto
Navarro a indiqué que le projet du Président de la République avait été
accueilli favorablement par le Gouvernement espagnol, tout en
soulignant que ce dernier souhaitait que cette initiative contribue au
renforcement du processus de Barcelone, lequel bénéficie d’un acquis
depuis 1995 et repose sur un esprit de partenariat important. C’est
pourquoi le Maroc exprime des réticences à l’encontre de ce projet
regardé comme une initiative lancée sans concertation, bien que
M. Bruno Delaye ait fait remarquer qu’il n’était pas encore
définitivement arrêté.
M. Alberto Navarro a considéré que le projet du Président ne
pouvait apporter une valeur ajoutée par rapport au processus de
Barcelone que s’il mobilise l’ensemble des Etats membres – et non pas
seulement ceux riverains de la Méditerranée – l’Espagne étant désireuse
de travailler avec la France dans ce sens. S’associant à ces propos,
M. Juan Jose Toharia, Président de l’Institut de sondages Metroscopia, a
constaté que, pour la première fois depuis 50 ans, la France jouissait en
Espagne d’une confiance et d’un leadership forts. De ce fait,il a estimé
que la France aurait tout intérêt à lancer une initiative qui, comme l’a
déclaré également Mme Marietta Karamanli, viserait, sur le modèle de
Bulletin n°2
Réunion du mardi 2 octobre 2007
191
l’intégration de l’Espagne dans l’Union, à tirer les pays du Maghreb vers
le haut, contribuant ainsi à la fois à leur développement et à leur
démocratisation. M. Jordi Xucla, député catalan modéré, a estimé
toutefois que la démocratie n’était pas parvenue à un niveau comparable
en Espagne et, par exemple, au Maroc, tout en convenant, comme
Mme Marietta Karamanli, – mais à la différence de Mme Ana Torme,
députée du Parti populaire – qu’il importait de promouvoir des
mécanismes de codéveloppement avec les pays du Sud, à défaut
desquels il sera difficile de s’attaquer efficacement aux filières
d’immigration. Cela étant, le Professeur Fernandez Liesa a fait observer
que les enjeux du processus de Barcelone étaient une affaire de
spécialistes, largement inconnus de l’opinion publique.
Pour ce qui est de l’Europe de la défense, tout en constatant
que la France avait exprimé son souhait de réintégrer l’OTAN – sous
conditions –, M. Alberto Navarro a estimé que la France pourrait lancer
des initiatives utiles. L’Europe a, en effet, besoin de coopérations
structurées, d’autant qu’aucun Etat membre n’est en mesure de faire face
seul aux investissements nécessaires, de veiller à la formation avec la
création d’une académie européenne de défense et de mettre en place
une unité militaire d’urgence pour répondre à des catastrophes ou à des
crises. Une Europe de la défense permettrait en tout cas à l’Espagne de
contrebalancer le poids prépondérant des Etats-Unis, idée soutenue par
une majorité écrasante – 80 % – des Espagnols. M. Bruno Delaye a
estimé, pour sa part, que, même si pour le moment la Grande-Bretagne
et l’OTAN étaient opposés au renforcement de l’Etat-major européen et
aux capacités de planification de l’Europe, il n’est toutefois pas exclu
que le Premier ministre britannique, M. Gordon Brown, puisse revenir à
l’esprit de Saint-Malo.
Sur la Banque centrale européenne (BCE), Mme Marietta
Karamanli a relevé que ses interlocuteurs et l’Espagne de façon générale
ne soutenaient pas les critiques formulées par la France à l’encontre du
statut de la BCE et de la politique menée par M. Jean-Claude Trichet.
M. Alberto Navarro a rappelé que l’évolution économique de l’Espagne
– marquée par la réduction de 22 à 4 % du taux d’inflation et de 17 à
8 % du taux de chômage, incitait tout gouvernement à suivre fidèlement
l’orthodoxie commune. Le Professeur Liesa a fait valoir que, pour les
Espagnols, si la BCE n’avait pas existé, le taux d’inflation aurait été de 8
ou de 9 %.
192
Réunion du mardi 2 octobre 2007
Bulletin n° 2
Enfin, sur la politique agricole commune (PAC), M. Alberto
Navarro a rappelé que l’Espagne avait prêté beaucoup d’attention et
d’intérêt aux propos tenus par le Président de la République dans son
discours de Rennes du 11 septembre 2007, en faveur de prix plus élevés
sur le marché plutôt que de subventions et de l’attachement au principe
de préférence communautaire, d’autant que le contexte mondial actuel
est marqué par la hausse des prix des produits agricoles. Mme Marietta
Karamanli a souligné qu’il importait toutefois de veiller à ce que le
pouvoir d’achat des agriculteurs soit aussi garanti. Elle a également
relevé que ses interlocuteurs avaient souligné l’apaisement des relations
entre la France et l’Espagne, l’image des manifestations hostiles à
l’encontre des camions de fraises provenant d’Espagne appartenant au
passé.
En conclusion, Mme Marietta Karamanli a déclaré que ce
déplacement l’avait amenée à considérer que, pour être crédible, la
construction européenne devait répondre à deux impératifs
catégoriques : associer les peuples, ce qui suppose un dialogue
permanent avec les citoyens, et coopérer avec le Sud, , comme le
montrent les questions de l’immigration et de la lutte contre le
réchauffement climatique.
Le Président Pierre Lequiller a constaté que le
déplacement de Mme Marietta Karamanli avait montré tout l’intérêt de
recueillir les réactions d’un Etat membre qui avait ratifié le projet de
Traité constitutionnel à une majorité écrasante.
SUEDE
SEPTEMBRE 2007
:
MISSION DE
M. GUY GEOFFROY,
LES
19
ET
20
M. Guy Geoffroy a d’abord précisé que sa mission en Suède
était intervenue dans un contexte particulier, puisque le secrétaire d’Etat
aux affaires européennes, M. Jean-Pierre Jouyet, s’était lui-même rendu
à Stockholm une semaine auparavant. Ce faible écart entre les dates des
deux visites a été reçu comme un geste appréciable par les Suédois.
La liste des personnalités rencontrées montre l’importance
attachée par la Suède aux questions européennes. M. Håkan Jonsson,
Secrétaire d’Etat aux affaires européennes, est ainsi à l’Office du
Premier ministre, de même que son Exc. Mme Anna Odhner,
ambassadrice, directeur de la coordination sur les questions européennes
de ce même Office, et Mme Kajsa Haag, conseillère politique. Ont
Bulletin n°2
Réunion du mardi 2 octobre 2007
193
également été rencontrés, au niveau parlementaire, Mme Anna Kinberg
Batra, Présidente de la Commission pour l’Union européenne du
Riksdag, députée du parti modéré, et Mme Sonia Karlsson, Viceprésidente de la Commission pour l’Union européenne, députée du Parti
social-démocrate, et, au niveau administratif, M. Niklas Kebbon,
directeur général adjoint au ministère de la justice, ce ministère étant
chargé en Suède des questions d’asile et de migrations, ainsi que
Mme Signe Burgstaller, directeur au ministère des affaires étrangères.
M. Guy Geoffroy a ensuite indiqué qu’au-delà de l’identité
de vues entre les deux Etats sur de nombreux sujets, la Suède était
attachée à la France en matière européenne. Elles constituent, en effet,
avec la République tchèque un trio des présidences, lesquelles se
succèderont entre juin 2008 et décembre 2009. Les trois Etats membres
sont d’ailleurs en train d’établir un programme conjoint.
Entre autres, les Suédois sont attentifs aux valeurs de la libre
concurrence et de compétitivité, à la lutte contre le réchauffement
climatique. Ils sont intéressés par la réforme de la PAC. Sur ce dernier
point, ils sont en phase avec le Président de la République sur la
nécessité de s’attacher dès maintenant, sans se faire rattraper par les
échéances, à ce dossier.
S’agissant des questions institutionnelles, soucieuse de sortir
de l’impasse actuelle, la Suède soutient le contenu et la démarche du
traité modificatif et souhaite un dispositif final le plus proche possible du
mandat. Elle envisage également une ratification assez rapide.
Pour ce qui est de la PESC et de la PESD, la Suède, qui n’est
membre d’aucune alliance, insiste beaucoup sur le maintien de
l’intergouvernemental et de l’unanimité en la matière ainsi qu’au plan
opératoire sur le renforcement des capacités de gestion des crises.
La solution avancée par le rapport de MM. Alain
Lamassoure (PPE, France) et Adrian Severin (PSE, Roumanie) sur la
composition du Parlement européen est bien comprise, dès lors que les
principes en sont clairs. En outre, on observera que cet Etat gagne un
siège.
Sur un autre plan, la Suède est un Etat membre
particulièrement intéressant en ce qui concerne le contrôle parlementaire
sur les questions européennes. Pour les négociations au sein du Conseil
194
Réunion du mardi 2 octobre 2007
Bulletin n° 2
comme du Conseil européen, le Gouvernement, les ministres ont un
véritable mandat, qu’ils sont tenus d’appliquer. Ils doivent rendre
compte et s’exposent ainsi au risque d’engager leur responsabilité
politique. En outre, pendant les négociations, les ministres sont en
relation étroite avec la Commission pour l’Union européenne du
Riksdag, notamment sa présidente.
Pour ce qui est des élargissements futurs, la Suède est
favorable à l’adhésion de la Turquie, cet Etat étant perçu comme un
« pont » avec le monde musulman et une clef des équations
géostratégiques de l’Europe.
Vis-à-vis de la stratégie de Lisbonne, les Suédois
manifestent un intérêt très fort. Ils sont également très sensibles à un
équilibre entre ses trois piliers, celui qui concerne la croissance et ceux
relatifs au social et à l’environnemental, vus comme des garants de la
croissance à long terme. Ils souhaitent la poursuite de cette stratégie
au-delà de 2010, en l’alliant avec l’engagement européen chiffré, qui
répond pleinement à leur sensibilité, d’une réduction des émissions de
gaz à effet de serre et du développement des énergies renouvelables d’ici
2020. L’accent est mis sur l’importance de l’effort de recherche et le
renforcement de son efficacité, ainsi que sur l’ampleur des liens entre
recherche, enseignement supérieur et entreprises.
Pour ce qui concerne les migrations, question qui relève
là-bas du ministère de la justice, la Suède souhaite conserver l’image
d’un pays ayant une politique d’asile ouverte, même si certaines voix se
sont élevées lors des dernières élections pour en contester la largesse.
Ses autorités sont demandeurs d’une harmonisation communautaire sur
les critères. Elles sont pragmatiques sur la question des migrations
économiques relatives aux besoins de main-d’œuvre. La politique de
codéveloppement recueille, quant à elle, leur approbation, sa poursuite et
son renforcement permettant d’éviter le pillage des ressources humaines
des pays d’émigration.
Enfin, la mission a permis de constater d’une manière
générale, et fort heureusement, que les conséquences négatives du
« non » au référendum de mai 2005, clairement perçu comme un
« blocage », s’estompaient largement.
Bulletin n°2
Réunion du mardi 2 octobre 2007
REPUBLIQUE TCHEQUE : MISSION
GARRIGUE, LES 11 ET 12 SEPTEMBRE 2007
195
DE
M.
DANIEL
M. Daniel Garrigue s’est rendu à Prague afin d’apprécier
l’accueil que réservent les autorités tchèques au Traité modificatif et de
cerner leurs premières priorités pour la présidence de l’Union qu’ils
assumeront au premier semestre 2009. Au cours de ces deux jours, il a
pu s’entretenir avec le vice-Premier ministre chargé des affaires
européennes, M. Alexandr Vondra, ODS, parti de droite libérale, le
Président de la Commission des affaires européennes de la Chambre des
députés, M. Ondrej Liska, vert, trois vice-présidents de la Commission
des affaires européennes, Mmes Anna Curdova et Ladislava Zelenkova,
démocrates-sociales, et M. Petr Krill, ODS, divers hauts fonctionnaires
responsables de la stratégie de Lisbonne et de l’immigration ainsi que
M. Libor Secka, directeur général de l’Union européenne au ministère
des affaires étrangères ainsi que le directeur adjoint de l’Institut tchèque
des relations internationales, M. Petr Kratochvil.
Après s’être félicité de l’intérêt constant que la Délégation
pour l’Union européenne manifeste à l’endroit des nouveaux Etats
membres, et avoir regretté que les élections législatives anticipées
n’aient pas permis d’organiser une mission comparable en Pologne,
M. Daniel Garrigue s’est dans un premier temps attaché à décrire le
contexte politique tchèque en estimant que l’euroscepticisme traditionnel
de l’ODS, parti majoritaire de la coalition gouvernementale tchèque,
semble s’atténuer dans l’exercice du pouvoir.
En contraste avec les gouvernements sociaux démocrates du
tournant des années 2000 qui se sont attachés à préparer avec
enthousiasme l’entrée de la République tchèque dans l’Union, le
nouveau gouvernement de coalition rassemblant les démocrates
civiques, ODS, de droite libérale, les verts et les démocrates chrétiens,
constitué sur une base parlementaire extrêmement étroite (la chambre
des députés est divisée à stricte parité entre les deux coalitions de droite
et de gauche), affiche en effet de réelles réserves sur l’intégration
européenne. L’ODS n’a jamais dissimulé son hostilité au projet fédéral,
en particulier par la voix de son dirigeant historique, le Président de la
République Vaclav Klaus, critique vigilant des progrès de l’intégration
communautaire.
196
Réunion du mardi 2 octobre 2007
Bulletin n° 2
Cette tradition explique le refus de la majorité de ratifier le
Traité établissant une Constitution pour l’Europe, à contre-courant des
autres nouveaux Etats membres à l’exception notable de la Pologne. Elle
éclaire aussi l’attachement de Prague à veiller à ce que la Pologne ne soit
pas isolée au cours des négociations du Conseil européen de juin dernier.
Cette tradition éclaire enfin les liens étroits qui unissent l’ODS aux
conservateurs britanniques, les deux partis envisageant de former un
groupe commun au parlement européen.
Cette approche eurosceptique permet de rendre compte des
deux grands axes qui structurent aujourd’hui l’approche tchèque des
dossiers européens.
En premier lieu, Prague éprouve une forte méfiance à
l’égard de l’intégration politique européenne. Dans ce contexte, la
relation transatlantique demeure le point d’ancrage de sa diplomatie dont
témoignent sa participation à la guerre en Irak et, plus récemment,
l’accueil de la troisième base du bouclier antimissile américain dont la
ratification parlementaire pose cependant problème face à l’hostilité de
l’opinion publique.
Dans le même esprit, les Tchèques se font les défenseurs
d’un élargissement continu aux Etats balkaniques et à la Turquie.
Ils critiquent les discriminations dont seraient victimes à
leurs yeux les nouveaux Etats membres. Ils veillent ainsi à ce que
l’espace de Schengen soit étendu au début de 2008 à l’ensemble des
Etats de l’élargissement. Ils regrettent les restrictions à la libre
circulation des travailleurs mises en place dans la quasi-totalité de
l’Union à 15 alors même qu’ils ont ouvert leur marché du travail, en
besoin criant de main d’œuvre, aux Bulgares et aux Roumains. Ils
s’indignent contre le non-respect de notre promesse d’attribuer les sièges
des nouvelles agences européennes aux Etats de l’Est.
L’autre axe de la diplomatie tchèque est le libéralisme
économique. Cette approche libérale a inspiré un radical programme
interne de libéralisation de l’économie en voie d’être définitivement
adopté, qui prévoit l’introduction d’un impôt unique sur le revenu (flat
tax) et un allégement drastique de l’impôt sur les sociétés compensés par
un fort relèvement des droits sur la consommation et des coupes dans les
prestations sociales et les effectifs de la fonction publique. L’approche
libérale dicte aussi les priorités que les Tchèques souhaitent voir assigner
Bulletin n°2
Réunion du mardi 2 octobre 2007
197
à l’Union. Hostile à l’harmonisation fiscale et sociale, mal à l’aise avec
la Charte des droits fondamentaux, le gouvernement tchèque souhaite
promouvoir un agenda européen de dérégulation ambitieux et aspire à
une révision en profondeur de la PAC.
M. Daniel Garrigue a cependant poursuivi en constatant, au
cours de ces divers entretiens, une nette inflexion des opinions
eurosceptiques au sein de la coalition majoritaire.
L’essentiel tient à un fait sociologique. L’opinion publique
tchèque demeure profondément attachée à la construction européenne.
De manière plus surprenante, la sociologie électorale des partis est à
front renversé : la très nette majorité de l’électorat de la droite libérale
est enthousiaste à l’égard de l’Union lorsque ses dirigeants, fortement
influencés par l’autorité charismatique et intellectuelle du Président
Vaclav Klaus, adoptent une posture très eurosceptique. L’inverse est
vrai : l’électorat des sociaux démocrates et, plus encore, des
communistes, leurs partenaires de coalition qui restent très influents en
République tchèque (15 % des votes environ), est méfiant à l’égard de
l’Europe, en contradiction avec les positions de leurs dirigeants. De
nombreux membres de l’ODS semblent prendre conscience de ce
phénomène et évoluer vers un « euro-réalisme » (selon leur terme)
mieux en phase avec les aspirations de leurs électeurs.
Ensuite, le Gouvernement dépend d’une coalition fragile
dans laquelle les verts joue un rôle disproportionné à leur poids électoral.
Or ces derniers sont déterminés à avancer dans la voie de l’intégration
européenne, et parviennent à infléchir significativement les positions
gouvernementales.
Un dernier facteur d’évolution tient au très grand
pragmatisme des autorités tchèques, habiles à promouvoir leurs intérêts
bien compris. D’un point de vue économique, leurs convictions libérales
sont parfois atténuées au plus près des choix concrets. Par exemple, les
Tchèques, comme la France, bénéficient d’un opérateur énergétique,
notamment nucléaire, très puissant et résolument exportateur qu’ils
souhaitent préserver des appétits des investisseurs étrangers, en
particulier russes, et d’une libéralisation trop rapide à l’échelle
européenne. Les positions concrètes des deux Etats en ce domaine en
sont dès lors rapprochées.
198
Réunion du mardi 2 octobre 2007
Bulletin n° 2
Il n’est jusqu’à la politique de défense qui ne soit, elle aussi,
ouverte à des options plus européennes. Si l’attachement des tchèques à
la protection américaine demeure le fondement décisif de la politique
étrangère, il n’est pas exclusif d’un intérêt pour la construction d’une
Europe de la défense dès lors qu’elle serait pleinement respectueuse du
cadre de l’OTAN.
M. Daniel Garrigue a ensuite indiqué que ces évolutions
politiques permettent d’envisager avec un raisonnable optimisme
l’adhésion de la République tchèque au Traité modificatif, dénommé
Traité « modifié » dans ce pays.
Prague est en particulier très satisfaite des concessions
qu’elle a contribué à obtenir de ses partenaires. L’acceptation de sa
revendication d’inscrire le principe de « flexibilité à double sens »
permettant le retour de compétences communautaires aux Etats est vécue
comme un franc succès. De même, l’abandon des symboles européens et
de la démarche constitutionnelle, comme le renforcement du rôle des
parlements nationaux, répondent pleinement aux préoccupations
tchèques.
Au regard de ces « avancées », il ne semble pas que la
délégation tchèque soulèvera d’objections significatives sur les autres
dossiers. Elle ne devrait guère relayer la volonté polonaise d’inscrire le
compromis de Ioannina dans les Traités et semble résignée à l’adoption
de la règle de double majorité. Si elle regrette la multiplication des optout au profit du Royaume-Uni, c’est sans en revendiquer l’usage à son
profit. Les quelques objections qui ont été soulevées sur l’intégration de
l’espace de liberté, de sécurité et de justice dans le cadre des politiques
internes devraient pouvoir être levées sans encombre. Prague est en
effet, pour l’essentiel, attachée au respect scrupuleux du mandat du
Conseil européen.
Les autorités tchèques semblent plutôt se concentrer sur les
modalités concrètes de l’exercice de leur présidence de l’Union au
premier semestre 2009, enjeu revêtu de la plus haute importance dans le
pays. Le projet de Traité prévoit en effet une entrée en vigueur dès le
1er janvier 2009, ce qui implique qu’à cette date le Conseil serait présidé
par le nouveau Président du Conseil nommé pour deux ans et demi.
Manifestement, Prague souhaiterait bénéficier, pendant au moins une
courte période, d’une présidence « pleine » réservant un rôle important à
Bulletin n°2
Réunion du mardi 2 octobre 2007
199
ses plus hautes autorités, et bien des réserves soulevées par ailleurs
semblent liées à ce désir compréhensible.
Pour le reste, une ratification rapide reste la solution la plus
probable. Un référendum reste improbable (une loi préalable serait
nécessaire pour en déterminer les conditions) et les majorités requises au
Parlement semblent satisfaites en dépit des quelques réserves exprimées
par le Sénat.
Abordant le dernier thème de son intervention, M. Daniel
Garrigue a constaté que le Gouvernement tchèque travaille activement à
la préparation de sa présidence de l’Union de 2009, qui succèdera à la
présidence française. Il est certes vrai que, sur le papier, les priorités
tchèques et françaises sont divergentes. Prague souhaite en effet
promouvoir « l’Europe sans frontière », en levant toutes les barrières qui
obèrent les quatre libertés de circulation. Ses positions sur la PAC sont
radicales. Elle reste hostile à tout pas en avant en matière
d’harmonisation sociale ou fiscale. Cependant, des convergences restent
possibles. Il a été vu qu’il en va ainsi dans des questions concrètes,
comme la libéralisation du secteur énergétique, les positions sont moins
tranchées qu’il n’y paraît. De même, la nécessité de doter l’Europe des
armes propres à défendre ses intérêts industriels et technologiques est ici
bien comprise, les Tchèques demeurant très méfiants à l’égard de la
puissance économique et des tentations hégémoniques de son grand
voisin russe en particulier.
S’agissant du développement durable, les opinions
fracassantes du Président Vaclav Klaus, qui nie l’existence du
réchauffement climatique, ne paraissent pas partagées par la majorité de
la classe politique.
L’immigration quant à elle reste un sujet de consensus : les
Tchèques sont plutôt favorables à une harmonisation européenne dès
lors qu’elle tient compte de leur besoin de main-d’œuvre étrangère et
respecte le souci des nouveaux Etats membres de ne pas se voir priver de
leurs meilleurs talents s’exilant vers les pays les plus riches, en
particulier l’Allemagne.
M. Daniel Garrigue a conclu en estimant important de
développer les relations entre la France et la République tchèque,
pays avec lequel des convergences politiques profondes sont possibles. Il
a néanmoins regretté le faible enthousiasme qu’a suscité au sein des
200
Réunion du mardi 2 octobre 2007
Bulletin n° 2
Etats fondateurs la réconciliation de l’Europe en 2004 et les sentiments
contrariés qu’ont pu en développer les nouveaux Etats membres.
Beaucoup reste à faire pour sensibiliser notre opinion publique à
l’extraordinaire richesse que constitue l’élargissement à des pays
particulièrement dynamiques et profondément européens. Les échanges
développés par la Délégation pour l’Union européenne sont des pas qui
vont clairement dans la bonne direction.
Le Président Pierre Lequiller a confirmé le vif intérêt que
porte la Délégation pour l’Union européenne aux pays de l’élargissement
en rappelant que la République tchèque en particulier figurent parmi les
Etats les plus fréquemment rencontrés, et ses représentants parmi les
délégations les plus souvent accueillies par l’Assemblée nationale.
HONGRIE
SEPTEMBRE 2007
: MISSION DE M. CHRISTOPHE CARESCHE, LE 26
M. Christophe Caresche a déclaré que sa mission en
Hongrie avait permis de ressentir les effets de la visite du Président de la
République française dans ce pays, le 14 septembre, et d’en retirer une
double impression.
D’abord, malgré les difficultés, la ferveur européenne de la
Hongrie ne se dément pas. Ce pays connaît des difficultés économiques
et sociales importantes avec le ralentissement de la croissance, un déficit
budgétaire de plus de 10 % en 2006 qu’il s’efforce de réduire de manière
drastique pour se qualifier à l’euro et une situation politique dans
laquelle l’opposition réclame des élections anticipées. Néanmoins, ces
difficultés n’entament pas la détermination d’interlocuteurs politiques
pour lesquels l’intégration européenne est le seul projet politique
envisageable et fait l’objet d’un large consensus dans le pays.
Ensuite, la visite du Président de la République française a
beaucoup marqué les Hongrois. Les initiatives de la France en faveur
d’un Traité simplifié ainsi que dans d’autres domaines ont été comprises
et soutenues. Cette visite a été un succès pour deux raisons.
Le Président a su parler de la grandeur de la Hongrie à un
peuple vivant toujours dans le souvenir douloureux du Traité de Trianon
de 1920. Le démantèlement de l’empire austro-hongrois a créé un
problème politique toujours actuel : les droits des 2,5 millions de
Magyars d’outre-frontières résidant dans les Etats voisins auxquels les
Bulletin n°2
Réunion du mardi 2 octobre 2007
201
dix millions de Hongrois sont très attachés. Le Président a évoqué
Trianon avec beaucoup de franchise et abordé la question des minorités
de façon positive et les Hongrois y ont été très sensibles.
Le Président a ensuite refermé un malentendu entre notre
pays et les Etats membres d’Europe centrale et orientale, en déclarant
que, dans l’Europe en construction, il n’y avait pas de petits ni de grands
pays mais des Etats égaux en droits et en devoirs.
Il a confirmé la réalité de ce discours en proposant à la
Hongrie un partenariat stratégique fondé sur une volonté commune de
changer l’Europe. Ce partenariat pourrait concerner notamment la
politique agricole commune, l’énergie, la sécurité et la défense, la
transparence des marchés financiers, la coopération entre les pôles de
compétitivité français et hongrois.
M. Christophe Caresche a rencontré au cours de cette
mission M. Gábor Iván, Secrétaire d’Etat technique aux affaires
européennes et M. Matyas Eörsi, Président de la commission des affaires
européennes du Parlement, principalement sur le thème du Traité
modificatif et de la Conférence intergouvernementale (CIG) ;
Mme Krisztina Berta, Directrice de la Direction consulaire du Ministère
des affaires étrangères, sur les questions migratoires ; MM. István
Vilmos Kovacs et Attila Hajba, respectivement vice-président et
directeur adjoint de l’Agence nationale de développement, sur la
stratégie de Lisbonne.
Concernant le Traité modificatif et la Conférence
intergouvernementale (CIG), M. Gábor Iván a d’abord rappelé que la
Hongrie avait été, après la Lituanie, le deuxième Etat membre à ratifier
le Traité instituant une Constitution pour l’Europe, par la voie
parlementaire, et qu’elle avait déploré la lenteur de la période de
réflexion qui a suivi le non au Traité constitutionnel lors des
référendums en France et aux Pays-Bas. Elle s’est réjouie que la France
et l’Allemagne aient pu relancer le processus avec ce Traité modificatif.
La Hongrie peut accepter d’abandonner les symboles si
l’essentiel est préservé : les valeurs, les objectifs, les politiques, les
institutions.
M. Gábor Iván s’est déclaré optimiste sur la possibilité
d’aboutir à un accord général car le mandat de la CIG est précis et il est
202
Réunion du mardi 2 octobre 2007
Bulletin n° 2
difficile de s’en écarter. Si l’on peut comprendre que le mécanisme de
Ioannina soit une question politique importante pour la Pologne, même
si elle ne réjouit pas ses partenaires, il serait préférable pour l’efficacité
du processus de décision qu’il ne figure pas dans le Traité mais dans une
déclaration.
Il est en revanche plus inquiet pour la ratification qu’il
faudrait achever avant le printemps 2009 et le début d’un nouveau cycle
politique de cinq années pour le Parlement européen et la Commission.
La ratification n’est pas une difficulté pour la Hongrie, mais il suggère
que les pays qui n’ont pas ratifié – France et Pays-Bas – soient les
premiers à le faire.
La Hongrie accepte une composition de la Commission
resserrée à partir de 2014 sur un nombre de commissaires correspondant
aux deux tiers du nombre d’Etats membres, à condition de respecter
l’égalité entre les Etats membres et de ne pas créer des « junior »
commissaires de deuxième catégorie. Cette exigence est d’autant plus
légitime que la Hongrie est en train de perdre sur les droits de vote au
Conseil dans la nouvelle pondération des voix à la majorité qualifiée. La
Hongrie l’accepte néanmoins parce qu’elle en attend un meilleur
processus de décision mettant fin aux lenteurs du système actuel.
Contrairement à la multiplication des dérogations (opt-out)
conduisant à une Europe fragmentée, la Hongrie approuve le mécanisme
des coopérations renforcées qui ont un objectif clair et servent l’Union
européenne.
Le document de stratégie politique européenne de la Hongrie
se place résolument dans la perspective de l’édification d’une union
politique, en mettant l’accent non pas sur les institutions et un Etat
fédéral, mais sur ce qui est compréhensible par tout citoyen et est de
nature à produire des résultats tangibles pour lui, en particulier l’Euro
pour la stabilité et Schengen pour la sécurité.
Après avoir salué la visite du Président Sarkozy et son
évocation du Traité de Trianon, le Président Matyas Eörsi a considéré
que cette visite ouvrait la voie à une intensification des relations
bilatérales franco-hongroises aux niveaux économique, politique et
européen.
Bulletin n°2
Réunion du mardi 2 octobre 2007
203
Se déclarant très favorable à une Europe fédérale, il a déclaré
que les Hongrois comme leurs responsables politiques avaient vécu au
début des années quatre-vingt-dix dans l’illusion d’un rattrapage rapide
de l’Occident qui les a conduits à la situation budgétaire actuelle. Ils
comprennent désormais qu’il leur faudra avancer malgré ces difficultés,
y compris contre une certaine culture politique qui promet beaucoup et
ne fait pas grand-chose.
La Commission a besoin d’être réformée. La réforme de la
composition du Parlement européen prévoit une baisse insatisfaisante
des sièges pour la Hongrie, mais l’élargissement des compétences du
Parlement européen dans le Traité modificatif est le plus important.
Enfin, le contrôle du Parlement national sur les textes
communautaires est fondé sur une sélection et l’élaboration d’une prise
de position présentée au gouvernement qui ne l’oblige pas
juridiquement. Mais s’il ne la suit pas, il doit politiquement motiver et
justifier son choix.
Les questions migratoires ne sont pas une question très
sensible, parce que la Hongrie ne connaît pas d’immigration massive, en
raison notamment du particularisme de sa langue. La Hongrie a mis en
place sa gestion de l’asile au début des années quatre-vingt-dix pour
faire face à l’afflux de plus de cent mille personnes, membres des
minorités magyares sans difficulté d’intégration et réfugiés en
provenance des Balkans repartis dès la fin du conflit.
La Hongrie se déclare prête pour son entrée dans l’espace
Schengen au 1er janvier 2008. Elle souhaite développer la coopération la
plus large avec la France en ces domaines où elle ne connaît qu’un seul
sujet sensible : les communautés magyares d’outre-frontières. Sa
position est parfois un peu caricaturée car elle ne cherche pas à créer des
difficultés à ses voisins. Sur cette question, la France est prête à
reconnaître des droits individuels, non des droits collectifs.
Concernant la stratégie de Lisbonne, la Hongrie essaie
d’utiliser au mieux les fonds alloués en mettant en adéquation deux
politiques : la stratégie de Lisbonne et le rétablissement de l’équilibre
budgétaire national.
Le deuxième plan de développement de la nouvelle Hongrie,
approuvé par la Commission, a pour but d’établir une corrélation des
204
Réunion du mardi 2 octobre 2007
Bulletin n° 2
objectifs nationaux avec les objectifs généraux de la stratégie de
Lisbonne.
La Hongrie souhaite consacrer environ 50 % des fonds
structurels alloués pour 2007-2013 aux objectifs de Lisbonne. Les très
grands retards dans les infrastructures routières, ferroviaires et
d’évacuation des eaux risquent cependant de freiner la pleine réalisation
des objectifs de Lisbonne dans un pays confronté à la difficile tâche
d’augmenter la qualité de ses infrastructures tout en réduisant leurs frais
de fonctionnement.
En conclusion, la Hongrie manifeste à l’égard de l’Europe
une attente très forte, bienveillante, ni agressive ni désabusée.
ALLEMAGNE : MISSION DU PRESIDENT PIERRE LEQUILLER,
MM. JEROME LAMBERT ET ANDRE SCHNEIDER LE 20 SEPTEMBRE
2007
DE
Le Président Pierre Lequiller a précisé qu’il s’était rendu à
Berlin, en compagnie de MM. Jérôme Lambert et André Schneider.
Cette délégation a été accueillie par le Président du Bundestag,
M. Norbert Lammert, puis elle a rencontré le Président de la commission
des affaires européennes du Bundestag, M. Gunther Krichbaum, en
présence de nombreux membres de la commission. Elle a, enfin, eu des
entretiens avec M. Günter Gloser, ministre délégué aux affaires
européennes, et avec M. Joachim Wuermeling, Secrétaire d’Etat au
ministère fédéral de l’économie et de la technologie.
Sur le Traité modificatif ou réformé, selon les terminologies
variables en Europe, il est clairement apparu que nos deux pays ont une
vision similaire. Les Allemands ont souhaité que la France figure parmi
les premiers Etats à le ratifier, ce qui constituerait un symbole fort après
l’échec du référendum de 2005. En réponse à l’une de nos suggestions
visant à organiser une ratification dans un délai proche en France et en
Allemagne, ils ont souligné les contraintes spécifiques liées à la
consultation des Länder, qui les conduiront probablement à ratifier plus
tardivement que notre pays. Quant à notre proposition tendant à une
relance des réunions parlementaires dans le cadre du Triangle de
Weimar, ils ont expliqué qu’il convenait d’attendre le résultat des
élections polonaises du 21 octobre prochain. A cet égard, nos
interlocuteurs, comme tous nos partenaires européens d’ailleurs, se sont
montrés hostiles à toute concession sur les modalités de vote au Conseil
Bulletin n°2
Réunion du mardi 2 octobre 2007
205
et se sont dits raisonnablement optimistes sur les possibilités d’éviter un
blocage du sommet des 18 et 19 octobre par la Pologne. Sur la
répartition des sièges au Parlement européen, M. Günter Gloser a estimé
qu’il appartenait au Parlement européen de trouver un accord.
Les personnalités rencontrées ont insisté sur la nécessité de
maintenir l’indépendance de la Banque centrale européenne (BCE). La
délégation française leur a assuré qu’il s’agissait aussi de la position
française, tout en soulignant que la BCE se devait d’instituer un dialogue
avec le pouvoir politique, comme cela existe aux Etats-Unis d’ailleurs.
Son Président, M. Jean-Claude Trichet, pratique déjà ce dialogue, mais
de façon peut-être insuffisamment médiatisée. Il faut également
comprendre que, pour la France, l’indépendance de la Banque centrale
est une expérience récente, contrairement à l’Allemagne qui avait déjà
accordé une telle indépendance à la Bundesbank.
Nos collègues allemands ont souhaité obtenir des précisions
sur la proposition du Président de la République d’instituer un comité
des sages. Ils ont aussi estimé que ce comité devrait s’attacher à réfléchir
aux politiques européennes à l’horizon 2020-2030, en esquivant la
question des frontières de l’Union qui constitue un point de désaccord au
sein de la « grande coalition ».
La mission française a eu lieu le lendemain du jour où la
Commission européenne rendait publiques ses propositions relatives au
marché intérieur de l’énergie. Cela nous a donné l’occasion de faire part
de nouveau de l’opposition de la France et de l’Allemagne à la
séparation patrimoniale des activités de production et de distribution
(unbundling). M. Joachim Wuermeling a évoqué la possibilité d’une
initiative parlementaire commune franco-allemande, rappelant que neuf
gouvernements avaient déjà, au cours de l’été, exprimé leur opposition à
cette proposition. Interrogés sur l’énergie nucléaire, les députés
allemands ont considéré que cette question ne pourrait pas évoluer tant
que la grande coalition serait maintenue.
Sur Galileo, la nécessité de prévoir un retour suffisant sur
investissement dans chaque Etat membre a été réaffirmée par M. Günter
Gloser, qui a rejeté un financement exclusivement communautaire.
Le projet d’Union méditerranéenne suscite une certaine
inquiétude diplomatique quant à ses conséquences éventuelles sur le
processus de Barcelone. La délégation française a tenu à rappeler que la
206
Réunion du mardi 2 octobre 2007
Bulletin n° 2
position française n’était pas définitivement arrêtée, que ce projet visait à
renforcer les liens entre le Nord et le Sud de la Méditerranée grâce à des
solidarités concrètes, mais qu’il y aurait d’autres occasions d’en préciser
les contours.
En conclusion, le Président Pierre Lequiller a indiqué qu’il
avait invité la commission des affaires européennes du Bundestag à se
rendre à Paris prochainement. La Délégation pour l’Union européenne
doit, en effet, poursuivre son rôle de diplomatie parlementaire, très
appréciée de nos partenaires européens, même s’il est évident qu’elle ne
remplace pas la diplomatie gouvernementale. Il a ensuite remercié tous
les rapporteurs ayant rendu compte de leurs missions et précisé que
d’autres rapports seront présentés lors de la prochaine réunion.
L’ensemble des communications sera ensuite réunie dans un rapport
global.
La Délégation a décidé de déposer un rapport d’information
(document parlementaire n° 248).
Bulletin n°2
Réunion du mardi 2 octobre 2007
207
z Examen
de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de
l'article 88-4 de la Constitution
Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation
a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de
l'article 88-4 de la Constitution
Point A
Aucune observation n’ayant été formulée sur les deux textes
suivants, la Délégation les a approuvés :
¾ Questions budgétaires et fiscales
– Lettre rectificative n°1 à l’avant-projet de budget 2008
(document E 3632-1) ;
– Avant-projet de budget rectificatif n° 6 au budget général
2007 - Etat des dépenses par section - Section III - Commission
(document E 3389-6).
208
Réunion du mardi 2 octobre 2007
z Informations
Bulletin n° 2
relatives à la Délégation
Sur proposition du Président Pierre Lequiller, la
Délégation a nommé rapporteurs d’information :
– M. Christian Paul sur le processus euro-méditerranéen
(avec M. Bernard Deflesselles) ;
– Mme Arlette Franco et M. Régis Juanico sur le Livre
blanc sur le sport (E 3590).
La Délégation a confié une communication à :
– M. Guy Geoffroy sur la proposition de directive prévoyant
des sanctions à l’encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers
en séjour irrégulier (E 3534) ;
– Mme Marietta Karamanli sur la proposition de directive
concernant l’utilisation des biens à temps partagé (directive « time
share ») (E 3557) ;
– Mme Odile Saugues sur la proposition de directive du
Parlement européen et du Conseil sur les redevances aéroportuaires
(E 3441) ;
– M. Gérard Voisin sur le « paquet routier » (E 3541,
E 3542 et E 3543).
Bulletin n°2
Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures
209
Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures
Présidence de M. Pierre Lequiller, Président
z Réglementation
des organismes génétiquement modifiés (OGM)
Communication de M. Marc Laffineur sur la réglementation des
organismes génétiquement modifiés (OGM) dans l'Union européenne
M. Marc Laffineur, rapporteur a indiqué en préambule
que les organismes génétiquement modifiés (OGM) ou organismes dont
le matériel génétique a été modifié d’une manière non naturelle sont,
depuis dix ans, le sujet de débats passionnés. Ces OGM ont été
d’actualité l’été dernier avec les multiples actions de saccage de champ
de maïs transgénique et le suicide d’un agriculteur la veille d’une
manifestation anti-OGM. Il a rappelé que le Grenelle de l’environnement
s’est saisi de la question des OGM et il a jugé important que la
Délégation apporte un éclairage européen et comparatif dans ce débat.
Les premiers végétaux transgéniques (des tomates) ont été
mis en culture en 1994 aux Etats-Unis, l’essor de ces cultures débutant
réellement en 1996 essentiellement aux Etats-Unis, au Canada et en
Australie.
En 2006, ces superficies sont, au niveau mondial, de l’ordre
de 103 millions d’hectares, les Etats-Unis occupant la première place.
L’Argentine, le Brésil, l’Inde et la Chine commencent à avoir des
surfaces importantes. En 2006, 40 % de la surface mondiale en plantes
transgéniques se trouvaient dans les pays en développement. Ces
plantations croissent à un rythme élevé dans ces pays : + 21 % entre
2005 et 2006 contre + 9 % dans les pays développés.
Il n’y a en Europe que très peu de cultures transgéniques :
seules la Roumanie et l’Espagne en possèdent des superficies
appréciables : Roumanie (en 2006) 115 000 hectares, Espagne 50 000
hectares. Les autres pays en ont très peu : France (22 000 hectares de
cultures commerciales de maïs), République tchèque, Portugal,
Allemagne et Slovaquie.
210
Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures
Bulletin n° 2
M. Marc Laffineur a ensuite évoqué les risques des OGM. Il
y a d’abord une possibilité de transfert de gène à partir d’une plante
génétiquement modifiée vers une autre de la même espèce ou entre des
espèces différentes par dissémination des pollens. Cela pose le problème
de la coexistence des cultures transgéniques et des cultures
conventionnelles et biologiques. La faune peut également être
perturbée : un laboratoire nantais a ainsi décelé la présence d’ADN de
pollen transgénique dans la récolte d’abeilles. Les protéines produites
par les plantes transgéniques peuvent présenter des risques de toxicité ou
d’allergénicité pour les êtres humains. Enfin, les agriculteurs peuvent
devenir dépendants des entreprises agro-industrielles qui ont breveté ces
plantes modifiées.
Concernant les avantages des OGM, des plantes résistantes
aux maladies, aux prédateurs, et à des conditions d’environnement
sévère pourraient entraîner une augmentation de la productivité agricole,
notamment dans les pays en développement. L’utilisation de plantes
transgéniques pourrait diminuer l’exposition des agriculteurs aux
pesticides. Enfin ces plantes pourraient fabriquer à grande échelle des
produits thérapeutiques comme l’hémoglobine ou industriels comme des
matières plastiques.
Le rapporteur a ensuite abordé la réglementation européenne
des OGM en matière d’utilisation confinée, de dissémination volontaire
pour la recherche et le développement et de mise sur le marché.
La directive 90/219/CEE du 23 avril 1990 modifiée par la
directive 98/81/CE du 26 octobre 1998 établit la réglementation pour
l’utilisation confinée des OGM pour la protection de la santé humaine et
de l’environnement. Ce texte établit des classes de risque et la fixation
de différents niveaux de confinement. Cette directive modifiée a été
transposée en droit français par les décrets n° 2006-1346 et 2006-1347
du 7 novembre 2006.
La dissémination volontaire d’OGM à des fins de recherche
est réglementée dans l’Union européenne par la directive 2001/18/CE
entrée en application le 17 octobre 2002. La transposition en droit
français a été faite par le décret n° 2007-358 du 19 mars 2007.
En France, pour les plantes, les semences, les plants, les
animaux et les produits phytosanitaires, c’est le ministre chargé de
Bulletin n°2
Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures
211
l’agriculture qui délivre cette autorisation, avec l’accord du ministre
chargé de l’environnement.
Un dispositif d’information du public est prévu : une fiche
d’information est consultable dans les mairies et un arrêté du ministre de
l’agriculture du 20 mars 2007 a institué un registre national, consultable
par Internet, recensant, par canton, le nombre et la surface des parcelles
semées en OGM. Le niveau du canton a été choisi pour garantir une
certaine confidentialité quant à la localisation exacte des cultures.
La mise sur le marché d’OGM a été d’abord réglementée par
la directive 90/220/CE. Certains OGM ont fait l’objet d’une autorisation
en 1997 et 1998. Lors de la révision de cette directive, en 1999, cinq
Etats membres (Danemark, France, Grèce, Italie et Luxembourg) avaient
souhaité que soient adoptées des mesures assurant la traçabilité des
OGM pour permettre un étiquetage fiable des produits issus de ces
OGM. Dans l’attente, ils avaient demandé, d’une part, que les nouvelles
autorisations de mise en culture et de mise sur le marché d’OGM soient
suspendues et, d’autre part, que soit établi un régime de responsabilité
environnementale. Aucune autorisation de mise sur le marché n’a été
accordée entre octobre 1998 et mai 2004.
La mise sur le marché d’OGM et de produits en dérivant est
soumise à des procédures communautaires définies par la directive
2001/18/CE et par le règlement 1829/2003 relatif aux denrées
alimentaires et aliments génétiquement modifiés pour les animaux.
Elle a introduit en particulier un certain nombre d’éléments :
- un renforcement des dispositions relatives à l’étiquetage
obligatoire des produits ;
- des mesures visant à en assurer la traçabilité ;
- un dispositif de suivi des produits mis sur le marché ;
- une procédure communautaire centralisée ;
- l’évaluation des risques pour l’environnement pour éviter
les situations divergentes d’un pays à l’autre ;
- la limitation des autorisations des OGM à un maximum de
10 ans avec possibilité de renouvellement ;
- une procédure d’information et de consultation du public ;
212
Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures
Bulletin n° 2
- l’obligation de consulter l’Agence européenne de sécurité
des aliments.
Ces dispositions de la directive ont été transposées en France
par le décret n° 2007-359 du 19 mars 2007.
Puis M. Marc Laffineur a évoqué le problème de la
coexistence des agricultures conventionnelle et biologique avec les
cultures OGM qui n’est pas une question nouvelle car elle existe déjà
entre les agricultures conventionnelle et biologique.
Le seuil d’exemption d’étiquetage en cas de présence fortuite
d’OGM dans les produits est fixé à 0,9 %. La Commission européenne a
indiqué que ce même seuil s’appliquait aux filières conventionnelle et
biologique.
Le règlement (CE) n° 1829/2003 du 22 septembre 2003 a
ajouté à la directive 2001/18/CE un article 26 bis prévoyant que « Les
Etats peuvent prendre les mesures nécessaires pour éviter la présence
accidentelle d’OGM dans d’autres produits ». En France, il y a un
engagement des producteurs de maïs OGM de veiller à maintenir un
intervalle de 50 mètres entre les cultures OGM et les autres.
La recherche publique sur les plantes transgéniques est
principalement réalisée, en France, à l’Institut de la recherche
agronomique (I.N.R.A.), au Centre national de la recherche scientifique
(C.N.R.S.), à l’Institut de recherche pour le développement (I.R.D.) et au
Centre de coopération international en recherche agronomique pour le
développement (C.I.R.A.D.). Il existe un programme national de
recherches sur les OGM soutenu par l’Agence nationale de la recherche
(A.N.R.).
Le rapporteur a ensuite abordé la situation des pays
européens.
Elle est caractérisée par le partage entre les pays possédant
des cultures transgéniques, au nombre de dix actuellement, et les autres.
Il a tout d’abord évoqué les pays où se trouvent des cultures
transgéniques.
y Allemagne :
cultures
Sont cultivés 2 650 hectares, dont environ 2 600 hectares de
commerciales, le reste étant constitué de parcelles
Bulletin n°2
Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures
213
d’expérimentation. Une loi sur les OGM transposant partiellement la
directive 2001/18/Ce a été discutée en 2004. Un large débat sur les
OGM a alors eu lieu principalement conduit par les partis politiques. Il
n’y a pas eu de débat public depuis, même si certaines organisations
animent périodiquement le débat. La population allemande se montre
toujours majoritairement opposée aux produits issus d’OGM et le
nombre de régions se déclarant sans OGM augmente régulièrement.
y Espagne :
Environ 70 000 hectares sont cultivés avec des maïs OGM,
soit environ 20 % de la sole espagnole de cette plante. Il n’y a pas de
réactions particulières de l’opinion ni des autorités publiques. Aucun
débat n’a eu lieu depuis le début du développement de ce type de
culture.
y Finlande :
Deux petites expérimentations sont en cours concernant des
pommes de terre transgéniques et des bouleaux.
y Hongrie :
Il n’y a pas de cultures commerciales de plantes
transgéniques. Des essais en plein champ ont concerné environ
3 hectares en 2006 et environ 2 hectares en 2007. Les pouvoirs publics
hongrois ont une position très ferme sur les OGM et souhaiteraient que
la Hongrie demeure exempte de productions d’OGM.
y Pays-Bas :
Il n’y a pas de cultures commerciales de plantes
génétiquement modifiées. Des cultures expérimentales existent : environ
50 hectares de pommes de terre, 10-20 hectares de maïs et 1 hectare de
pommiers. Un débat public a été organisé en 2001. Un certain consensus
a été alors atteint et il y a actuellement une trêve sur ce sujet. Il existe
dans ce pays une vision plutôt positive des innovations scientifiques :
ainsi les Néerlandais ne refusent pas que les OGM puissent contribuer au
développement durable, dans des conditions strictes.
y Pologne :
Selon des sources officieuses, 350 hectares de maïs
génétiquement modifié seraient mis en culture. Dans ce pays, le débat est
très passionné et la société est très majoritairement opposée à leur
214
Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures
Bulletin n° 2
utilisation. De nombreuses régions se sont déclarées « zones indemnes
d’OGM ».
y Portugal :
La surface cultivée en maïs OGM a atteint, en 2007, 4 129
hectares avec une augmentation de 330 % par rapport à 2006. Les OGM
suscitent un intérêt important mais aucun débat public n’a encore été
organisé.
y République tchèque :
Il y a eu environ 5 000 hectares de cultures commerciales de
maïs MON810 en 2007 et 14 hectares d’essais de maïs, de pommes de
terre et de lin. Selon l’étude d’Eurobaromètre de 2006, la République
tchèque est le pays qui soutient le plus les applications des
biotechnologies dans l’Union européenne.
y Roumanie :
Actuellement, en 2007, 321 hectares portent une culture
commerciale de maïs MON810. En 2006, 130 000 hectares étaient
cultivés en soja transgénique. Depuis l’entrée de la Roumanie dans
l’Union européenne le 1er janvier 2007, ce type de culture est interdit.
Des cultures illégales de soja subsisteraient. Aucun débat public n’a été
lancé sur ce thème. Un sondage effectué en mai-juillet 2007 a montré
que 67 % des Roumains seraient hostiles aux OGM.
y Royaume-Uni :
Il n’y a aucune culture commerciale, seule une
expérimentation portant sur deux hectares de pommes de terre est en
cours. Le Gouvernement a conduit une large consultation publique.
Celle-ci a été menée pour justifier aux yeux des consommateurs la
reprise des homologations de variétés OGM dès la parution des
règlements communautaires. Il avait indiqué qu’il pourrait être favorable
à l’autorisation de certaines productions commerciales sur la base d’une
approche au cas par cas. Le débat public de 2003 a montré que l’opinion
estime que les OGM peuvent présenter des risques dans le domaine de
l’environnement et de la santé publique. Elle n’en perçoit aucun bénéfice
et pense, majoritairement, que seules les entreprises de biotechnologies
ont un intérêt à leur développement immédiat.
Bulletin n°2
Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures
215
Les autres pays, sans cultures transgéniques, ont été enfin
évoqués.
Ces pays peuvent être regroupés selon l’état des débats.
Une première catégorie regroupe une absence totale de
débat public : Bulgarie, Lettonie, Danemark, Irlande, Malte. Mais
quelques discussions peuvent avoir lieu.
Un pays intermédiaire est la Belgique pouvant être
caractérisé comme peu sensibilisé.
Deux pays sont caractérisés par un débat « modéré » :
l’Estonie et la Suède.
Dans cinq pays un débat important a lieu.
y Autriche :
Ce pays affiche vis-à-vis des OGM une position claire et
radicale, objet d’un consensus national. Elle défend ainsi sur la scène
internationale l’idée que les risques des OGM à long terme sur la santé
et l’environnement ne sont pas clairement écartés. A l’intérieur,
l’Autriche affirme vouloir défendre une agriculture propre et saine. Il
semblerait que son attitude soit essentiellement une défense de son
agriculture caractérisée par l’importance du marché des produits bio, une
spécialisation de ce pays, et par la petite taille des exploitations.
y Chypre :
Il y a un large débat public dans ce pays avec un consensus
général pour l’interdiction des OGM animaux et végétaux.
y Grèce :
Les Grecs figurent parmi les consommateurs européens les
plus sensibles à cette question. 81% de la population s’opposent à la
présence d’OGM dans l’alimentation. La présence des OGM dans les
produits alimentaires commercialisés en Grèce s’élèverait actuellement à
10% du fait, notamment, d’importations de soja des Etats-Unis.
y Italie :
Un débat important a lieu dans ce pays à ce sujet et concerne
la coexistence avec les cultures traditionnelles et biologiques, très
importantes en Italie ; le principe de précaution quant aux conséquences
216
Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures
Bulletin n° 2
à long terme sur la santé humaine ; la défense de la forte image des
produits alimentaires italiens. Les consommateurs sont globalement
réticents à l’utilisation des OGM.
y Slovénie :
Le débat est très ouvert sur ce sujet.
En conclusion, le rapporteur a souligné que les plantes
transgéniques n’ont pas vraiment pris le départ en Europe. Dans
l’ensemble les réticences des opinions publiques semblent encore très
fortes.
Après avoir noté qu’un certain nombre de risques, et
notamment la dissémination, ne sont pas maîtrisés, il a plaidé pour leur
étude approfondie compte tenu de leurs avantages. Il a donc vivement
souhaité que la recherche soit encouragée en s’entourant du maximum
de garanties.
Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.
Le Président Pierre Lequiller a rappelé que, comme de
précédents travaux analogues, le rapport de M. Marc Laffineur était plus
descriptif que conclusif, en vue d’apporter des éléments de comparaison,
qui permettront d’étayer le débat sans vote à l'Assemblée nationale sur le
Grenelle de l’environnement.
M. Philippe Tourtelier, tout en considérant que le rapport
apportait une intéressante description, a regretté qu’il n’ait pas abordé les
problèmes posés par la transposition en droit français de la directive au
moment même où l'Union européenne avait institué un moratoire. Le
décret transposant la directive, en retenant le canton, s’est fondé sur des
principes contraires à la transparence qui ont inspiré le moratoire et, de
ce fait, favorisé les réactions hostiles.
Il a jugé le délai de 15 ans évoqué par le rapporteur comme
insuffisant pour avoir un recul en ce qui concerne les conclusions des
études épidémiologiques sur les effets de la dissémination des OGM.
Enfin, il a indiqué qu’il aurait été souhaitable de retenir non pas la notion
d’avantages potentiels comme l’a suggéré le rapporteur, mais celle
d’avantages incertains. Il a fait valoir, à cet égard, qu’il existait des
risques importants de transfert de gènes et de développement de
résistances par les insectes. Il a estimé que ces incertitudes ne sont pas
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Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures
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levées, ce qui autorisait à émettre des doutes quant à l’absence
d’atteintes à l’environnement par les OGM.
En revanche, il a déclaré approuver les observations du
rapporteur concernant les bienfaits qui pourraient en résulter pour la
recherche, mais sous réserve que, conformément au principe de
précaution inscrit dans la Constitution, soient examinés les dangers
potentiels et irréversibles. Il a rappelé, sur ce point, que lors du débat sur
le principe de précaution qui s’est tenu à l'Assemblée nationale, les
OGM avaient été le seul exemple cité.
En conclusion, il a considéré que si les OGM pouvaient
servir utilement à la recherche, il serait toutefois très souhaitable
d’examiner tous leurs effets sur l’environnement qui, pour le moment,
sont entourés d’incertitudes.
M. Noël Mamère, déclarant s’associer aux déclarations de
M. Philippe Tourtelier, s’est félicité de l’initiative prise par la Délégation
à travers le rapport de M. Marc Laffineur, qu’il a jugée louable, le jour
même où l'Assemblée nationale procède à un débat sans vote sur le
Grenelle de l’environnement.
Il a constaté que bien que le contenu de ce rapport soit
apparemment technique, il revêtait, à ses yeux, une dimension très
politique en raison des nombreuses questions qu’il n’a pas posées.
Rappelant que trois tribunaux français – ceux de Carcassonne, de
Chartres et de Toulouse – avaient demandé le report du jugement de
faucheurs volontaires, dans l’attente des conclusions du Grenelle de
l’environnement, il y a vu un changement d’attitude notable de la justice,
puisque celle-ci, à l’origine, avait assimilé le fauchage à un délit.
En second lieu, il a déclaré qu’il aurait été judicieux de tenir
compte de la position du professeur de droit M. Dominique Rousseau,
selon laquelle le principe de précaution inscrit dans la Constitution
impliquait que l’environnement soit regardé comme une propriété
collective et le risque d’y porter atteinte comme une violation de la
propriété d’autrui.
Marquant son accord avec les observations de M. Philippe
Tourtelier sur la notion de bénéfice que peuvent apporter les OGM, il a
relevé que, précisément, M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture,
s’était également interrogé sur un tel bénéfice. Ceci conduit à poser la
218
Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures
Bulletin n° 2
question de l’utilité sociale du progrès technique, le législateur devant,
quant à lui, examiner les intérêts de la société afin d’éviter que les choix
soient déterminés par les semenciers et les experts, ce qui impose la
tenue d’un débat national. A cet égard, M. Noël Mamère a exprimé le
souhait que le Grenelle de l’environnement y contribue réellement,
d’autant que les Français n’ont pas été, jusqu’à présent, consultés.
S’interrogeant sur les conditions dans lesquelles l’INRA
effectue ses recherches, il a déploré que cet établissement public passe
des contrats avec des semenciers, ce qui risque de porter atteinte à
l’objectivité de ses recherches.
Il a également regretté que le rapport ne fasse pas état des
expérimentations menées sur les rats par la firme Monsanto, rappelant
que seuls les efforts tenaces du CRIIGEN (Comité de recherche et
d’information indépendantes sur le génie génétique) et de certaines ONG
ont permis de mettre en lumière les effets nocifs de telles
expérimentations, protégées par le secret industriel. Il aurait souhaité, à
cet égard, que le rapporteur évoque la reprise par un projet de loi de cette
notion de secret industriel, qu’il juge scandaleuse parce que contraire au
principe de transparence.
Puis M. Noël Mamère a évoqué les atteintes à
l’environnement provoquées par les OGM aux Etats-Unis et en
Argentine où, d’après lui, plusieurs milliers d’hectares de culture
seraient contaminés. Dans ces pays, le rôle prédominant joué par les
semenciers, en particulier par Monsanto, pose la question du brevetage
du vivant et de la pertinence – au regard de l’éthique et du droit – des
procès intentés par cette entreprise aux agriculteurs qui utilisent d’autres
semences.
Au vu de ces éléments que, selon lui, M. Marc Laffineur
aurait dû aborder, il a considéré qu’il était vain et regrettable de réduire
les actions des faucheurs et les questions des écologistes sur les OGM à
des manifestations d’obscurantisme. Rappelant que Jacques Ellul avait,
dès 1953, dans son livre « La technique ou l’enjeu du siècle » mis en
évidence que le progrès technique n’entraînait pas automatiquement le
progrès humain, il a déclaré que les OGM pouvaient apporter
effectivement des améliorations dans certains domaines, par exemple
médical, à la condition que soient levées toutes les équivoques
philosophiques et économiques. Sur ce point, comme M. Philippe
Bulletin n°2
Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures
219
Tourtelier, il a jugé que le délai de 15 ans ne permettait pas d’avoir un
recul suffisant pour juger des effets irréversibles.
Abordant la question de l’opinion des Français sur les OGM,
M. Noël Mamère, tout en constatant qu’une majorité y était opposée, a
jugé essentiel que les pouvoirs publics statuent en toute objectivité et, à
cet effet, examinent la question des OGM au regard des bénéfices qu’ils
pouvaient apporter à la société et des besoins des pays du Sud. A cet
égard, il a relevé que le rapport ne mentionnait pas le cas des paysans
indiens qui se suicidaient parce qu’ils n’étaient pas en mesure de payer
les semences nécessaires. De même, citant le cas de la société Dagris, il
a déploré qu’à travers celle-ci, la France utilise une démarche de type
colonial en déstabilisant la production de coton au Mali et au Burkina
Faso, puisqu’à ses yeux, le coton transgénique aura pour effet de ruiner
les petits agriculteurs de ces pays.
En conclusion, il a plaidé en faveur d’un débat qui clarifie
tous les enjeux posés par la culture des OGM, afin de mettre un terme à
ce qu’il a qualifié de lubies comme, par exemple, la contribution des
OGM à la lutte contre la famine.
Le rapporteur a estimé qu’au-delà des éléments qui
relevaient de la seule tribune politique, et qui apparaissent comme le
point de vue de ceux qui en Europe ont la capacité de se nourrir et de
nourrir la population, un effort de recherche était légitime pour assurer
les besoins d’une population mondiale croissante, d’actuellement 6
milliards de personnes, et qui approchera rapidement les 10 milliards. Ce
serait une erreur de refuser la recherche face à de tels défis.
En ce qui concerne les interventions en plein champ des
adversaires des OGM, il a confirmé qu’il y a bien eu dans le Maine-etLoire des parcelles véritablement saccagées.
Le Président Pierre Lequiller a rappelé que l’objet des
études comparatives était de présenter la situation dans les autres pays
afin d’informer les parlementaires, et non de trancher le débat au fond.
M. Noël Mamère a considéré que ce débat éclairait aussi les
parlementaires.
M. Jean Dionis du Séjour a rappelé que ce sujet,
extrêmement complexe, donnait lieu notamment dans le sud-ouest, à des
tensions. La majorité de l’opinion publique est contre les OGM, mais il y
220
Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures
Bulletin n° 2
a également une exaspération du monde paysan. Entrer sans son
autorisation sur la propriété d’un agriculteur et lui saccager sa récolte est
ce qu’on peut lui faire de pire.
Il faut régler cette question autour de laquelle s’affrontent
des associations écologistes, des chercheurs, une partie du monde paysan
et les producteurs de produits phytosanitaires.
Lors du Grenelle de l’environnement, chacun a exposé sa
position, mais cela ne permet pas de décider au fond. Pour sa part,
l’étude comparative menée par le rapporteur montre, ce qui est très
intéressant, la situation de chacun de nos partenaires européens. On ne
peut en effet régler la question au niveau national, puisque les flux
commerciaux permettent l’entrée dans notre pays de produits agroalimentaires espagnols ou américains, par exemple.
Un règlement sur le fond repose sur l’expertise scientifique,
notamment pour les questions très techniques telles que les distances de
contamination, et il serait ainsi nécessaire de compléter l’étude
comparative du rapporteur par une comparaison européenne sur ce point.
Si l’on voit la faiblesse de l’INRA, M. Noël Mamère ayant indiqué que
cet organisme avait des contrats avec des semenciers, il convient de
mettre sur pied une expertise pluridisciplinaire et indépendante des
milieux économiques.
Après avoir indiqué qu’il ne souhaitait pas prendre part à
cette disputatio sur la philosophie du progrès et le « contrôle
démocratique du progrès » qui faisait penser à la période des « grands
jours » de la Révolution française où l’on estimait que la République
n’avait pas besoin de savants, M. Hervé Gaymard a estimé que tous les
hommes de bonne volonté trouvaient insupportable le terrorisme
intellectuel tant des partisans des OGM, qui invoquent la santé et la
nutrition, les besoins des pays en développement ou encore la fin de la
faim dans le monde, que des anti-OGM. Il a indiqué qu’une ONG avait
ainsi sommé les candidats aux élections de se prononcer, dans un délai
obligatoire, sur certaines questions, sous la menace d’être déclarés
favorables aux OGM. La République prévoyant que tout mandat
impératif est nul, M. Hervé Gaymard a précisé n’y avoir pas déferré,
pour sa part.
Bulletin n°2
Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures
221
C’est également un domaine où il faut faire attention au
vocabulaire, le mot « contamination » faisant référence en France à des
scandales sanitaires.
Sur le fond, on ne peut être actuellement certain que les
OGM aient une utilité sociale pour la France, son économie et son
environnement. Il faut regarder de près tous les éléments et ne pas
prendre une décision hâtive que l’on pourrait regretter.
L’étude comparative menée par le Rapporteur est d’un grand
intérêt, car elle permet de voir comment les pays réagissent avec leur
sensibilité propre. Elle présente également, ce qui est fort intéressant,
l’état des surfaces d’OGM cultivées dans les différents Etats dans le
monde. D’une part, cela permet à ceux que l’ampleur du débat sur la
question auraient incité à croire que la France est ou est en passe de
devenir un gros utilisateur d’OGM, que tel n’est pas le cas. D’autre part,
on constate que les principaux utilisateurs sont les Etats-Unis,
l’Argentine et le Brésil. Ce dernier pays ne fait d’ailleurs pas l’objet
d’opérations de fauchage lorsque des anti-OGM se rendent aux réunions
de Porto Alegre.
En définitive, il convient d’être vigilant, de ne pas jouer avec
le feu et de ne pas être irénique.
Après avoir indiqué pleinement partager la référence à
Jacques Ellul, M. Daniel Garrigue a considéré que les OGM étaient
d’abord un problème scientifique, sur lequel il faut éviter toute attitude
partisane, et qu’il convenait en effet de disposer d’une expertise
indépendante.
Sur le fond, il convient d’éviter de parler des OGM en
général, mais de régler la question OGM par OGM, en fonction de la
nature et de la finalité de chacun.
M. Michel Herbillon a considéré que les convictions
exprimées devraient être traitées avec respect, et qu’il n’y avait place ni
pour l’excès sémantique ni pour la posture.
Le fond du sujet est en effet sérieux et il appartient d’abord
aux experts, avant que les élus et les citoyens ne se l’approprient.
222
Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures
Bulletin n° 2
Un débat avec les citoyens a d’ailleurs eu lieu lors de
l’élection présidentielle, puisque l’un des candidats, M. José Bové, était
bien identifié comme anti-OGM.
Néanmoins, le sujet n’est pas clos et il convient de
poursuivre les discussions en n’acceptant ni les coups de force ni les
saccages, en évitant également tout excès et toute incantation. On ne sait
pas actuellement s’il n’y a aucun avantage des OGM ou s’il y a au
contraire des avantages attestés. Dans cette perspective, il faut être
favorable à la recherche sur les innovations.
En tout état de cause, il faut rester très vigilant sur le plan
scientifique et être très précautionneux.
M. Marcel Rogemont a observé que plusieurs candidats à
l’élection présidentielle, sinon tous, avaient donné des leçons en la
matière et que personne n’avait intérêt à ramener ce débat dans la
question des OGM. Même M. Noël Mamère ne suivait pas
automatiquement les positions du candidat le plus en flèche sur ce sujet.
Ce rapport comparatif sur l’usage des OGM dans l'Union
européenne est intéressant. Il montre, en effet, que cette question
présente un intérêt pour la société, en particulier l’encouragement au
développement de la recherche préconisé par le rapport, mais aussi pour
les sociétés dans la mesure où le développement des OGM conduit à un
modèle différent d’agriculture et de son organisation sociale dans
certains pays. Ce rapport doit alimenter notre réflexion sur les
conséquences de l’utilisation des OGM sur l’organisation de notre
agriculture et sur la question du brevetage du vivant.
M. Marc Laffineur, rapporteur, a déclaré que le rapport
montrait que l’utilisation des OGM n’est pas un problème francofrançais et que le choix des autres pays varie entre ceux qui les cultivent
de manière industrielle sur des millions d’hectares et les autres qui
conduisent une réflexion plus ou moins avancée. Il est clair que ce sujet
mérite de faire l’objet d’une recherche scientifique approfondie et c’est
la raison pour laquelle il convient de retenir la proposition de M. Jean
Dionis du Séjour d’un complément au rapport sur le contrôle scientifique
réalisé dans les autres pays européens.
Le Président Pierre Lequiller a remercié le rapporteur
d’avoir réalisé cette excellente étude comparative dans des délais très
Bulletin n°2
Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures
223
courts et rappelé que cette pratique avait été introduite sous la précédente
législature.
Il a donné son accord pour publier le rapport et le compléter
par une étude comparative sur les différents contrôles scientifiques dans
les pays européens.
M. Daniel Garrigue a souhaité que la Délégation étudie
également le traitement des problèmes environnementaux par les autres
pays européens, au moment où la France s’engage dans la démarche du
Grenelle de l’environnement.
Le Président Pierre Lequiller a déclaré que la Délégation
ne pouvait pas tout traiter et qu’elle pourrait prendre deux ou trois angles
d’attaque sur ce thème.
M. Daniel Garrigue a cité l’Allemagne, le Royaume-Uni et
la Suède comme des pays très significatifs sur ce sujet.
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z Missi
Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures
Bulletin n° 2
dominici
Comptes rendus des missions des missi dominici sur le suivi de la
Conférence intergouvernementale et certains dossiers de l’Union
ITALIE : MISSION DE M. REGIS JUANICO, LE 20 SEPTEMBRE
2007
M. Régis Juanico, rapporteur, a indiqué qu’il s’était rendu
à Rome, le 20 septembre dernier et qu’il avait pu y rencontrer des
représentants des pouvoirs législatif et exécutif. A la Chambre des
députés, il a eu un entretien avec Mme Franca Bimbi, Présidente de la
Commission des affaires européennes, et avec M. Francesco Stagno
d’Alcontres, vice-président de cette même commission. Du côté de
l’exécutif, trois conseillers appartenant à l’équipe diplomatique de la
Présidence de la République et aux services du ministère des affaires
étrangères ont accepté de répondre à ses questions.
Au retour de cette mission, trois enseignements semblent
devoir être mis en avant. Premièrement, malgré une déception initiale,
liée à l’abandon des symboles constitutionnels, l’Italie souhaite ratifier
rapidement le Traité modificatif. Deuxièmement, l’importance attribuée
au Parlement européen conduit à relativiser la procédure de contrôle de
la subsidiarité, mais rend très sensible la question d’une nouvelle
répartition des sièges après 2009. Troisièmement, une perception très
positive de la concurrence dans la construction européenne n’empêche
pas les Italiens de soutenir l’initiative franco-allemande sur la dimension
extérieure de la stratégie de Lisbonne, visant à favoriser une concurrence
loyale (en particulier avec la Chine).
Au lendemain du Conseil européen de juin dernier, les
réactions des principales autorités de ce pays traduisaient une certaine
insatisfaction liée, à la fois, à l’abandon de la démarche constitutionnelle
et au sentiment que la voix de l’Italie comptait peut-être moins que celle
d’autres nations. Le Président de la République, M. Giorgio Napolitano,
estimait que le Traité modificatif remettait en question « le résultat de
dix années de travail et de réflexion dont le Traité de 2004 était une
conclusion » et constatait : « Un pays comme le nôtre, qui a amplement
soutenu ce traité, a dû céder à une minorité ». Il ajoutait néanmoins
Bulletin n°2
Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures
225
« Nous devons penser au futur et transformer notre insatisfaction
actuelle en un tremplin pour demain ». Cette dernière phrase résume
assez bien la position actuelle de l’Italie. Elle regrette la disparition de la
notion de Constitution et des références aux symboles de l’Union
européenne, mais en prend acte et comprend que le Traité modificatif
permettra de nouveau d’aller de l’avant dans la construction européenne.
A défaut de symboles tels que le drapeau, l’hymne ou la devise, les
Italiens ont, en quelque sorte, reporté leur attention sur la Charte des
droits fondamentaux. Mme Franca Bimbi, Présidente de la Commission
des affaires européennes, a d’ailleurs assimilé cette Charte à un
« drapeau » pour l’Europe. L’Italie préconise donc l’intégration de la
Charte des droits fondamentaux dans le Traité.
On peut avoir deux certitudes sur la ratification du Traité par
l’Italie : premièrement, la ratification ne posera pas de problème dans ce
pays dans la mesure où elle est soutenue par l’ensemble des forces
politiques, à quelques exceptions mineures (Ligue du Nord et
extrême-gauche) ; deuxièmement, la ratification sera réalisée par la voie
parlementaire. Les responsables italiens se montrent favorables à une
coordination des Etats membres pour que l’ensemble des ratifications
intervienne dans un laps de temps resserré ; la diversité des situations
propres à chaque pays rendant illusoire une ratification à une date
unique.
Une fois le Traité ratifié, l’Italie se déclare prête à participer
à l’approfondissement de la construction européenne. Ce volontarisme la
conduit notamment à vouloir participer aux coopérations renforcées, en
particulier dans les domaines liés à la JAI (justice, immigration, lutte
contre le terrorisme…). Le volontarisme européen de l’Italie l’incite
ensuite à adopter une approche positive à l’égard de la proposition de
création d’une Union méditerranéenne. Elle n’est pas perçue comme un
moyen d’escamoter la question de l’élargissement à la Turquie, mais
comme une ambition devant être partagée par l’ensemble des Etats
membres et pas seulement par les pays bordant la Méditerranée. Les
questions susceptibles d’être examinées dans ce cadre dépassent, en
effet, la seule dimension régionale : changement climatique,
immigration, paix en Méditerranée… Néanmoins, les Italiens
souhaiteraient obtenir une information plus précise sur le cadre et les
objectifs de l’Union méditerranéenne.
226
Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures
Bulletin n° 2
Il faut bien comprendre que la perception du rôle du
Parlement européen est assez différente en Italie de celle que l’on
connaît en France. La Présidente de la Commission des affaires
européennes a ainsi souligné qu’il lui semblait souhaitable de développer
les pouvoirs du Parlement européen en évitant les positionnements
nationaux lors des votes, afin de contribuer à l’émergence d’un véritable
gouvernement européen. Mme Franca Bimbi a aussi regretté que le travail
de la Chambre des députés soit principalement consacré à l’intégration
du droit communautaire dans le droit national. Elle a indiqué que le rôle
du Parlement italien dans la « phase amont », celle de la négociation des
projets communautaires, était devenu plus complexe du fait du transfert
de compétences aux régions, en faveur desquelles des mécanismes de
consultation obligatoire sont prévus dans certains cas. Pour ces raisons,
la Commission des affaires européennes vient de confier à une mission
d’information le soin d’évaluer les procédures actuelles de son
fonctionnement. Parmi les évolutions envisagées figure la création d’un
comité permanent chargé de sélectionner les dossiers à traiter en priorité.
Comme l’avait laissé entendre MM. Alain Lamassoure et
Adrian Severin lors de leur audition devant la Délégation la veille de la
mission à Rome, leurs propositions sur la répartition des sièges au
Parlement européen après les élections européennes de 2009 suscitent
une forte réaction hostile en Italie. Selon les critères strictement
démographiques retenus par les deux rapporteurs précités, l’Italie
garderait les 72 sièges prévus par le Traité de Nice, mais ne serait plus à
parité avec la France qui gagnerait 2 sièges (74) et le Royaume-Uni (73).
Cette proposition est clairement vécue comme une rétrogradation du
rang de l’Italie en Europe. Plusieurs arguments sont avancés pour
s’opposer à une telle réforme, en particulier le fait que le Traité se réfère
aux « citoyens » et pas à la population, ce qui nécessiterait de prendre en
considération les nombreux citoyens italiens ayant émigré dans d’autres
Etats membres.
L’ouverture à la concurrence des marchés des biens et des
services, prévue par le Traité de Rome et mise en œuvre par la
Commission européenne, est aujourd’hui une démarche approuvée et
soutenue par l’Italie, dont le Président du Conseil, M. Romano Prodi, est
un ancien Président de la Commission européenne. Dans ces conditions,
la requalification de la concurrence libre et non faussée en instrument de
l’Union, et non plus en objectif de l’Union, avait donné lieu, à l’issue du
Bulletin n°2
Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures
227
Conseil européen de juin 2007, à de sévères critiques à l’encontre de la
France et de son Président, à l’origine de cette mesure. Nos
interlocuteurs ont de nouveau regretté cette concession accordée à la
France. Cependant, un élément relativement nouveau mérite d’être
souligné : la forte sensibilité de l’Italie aux risques liés à une
concurrence déloyale de la part de la Chine. Toutes les personnes
rencontrées prenaient l’initiative d’aborder ce sujet. L’économie
italienne, qui s’appuie sur des PME performantes dans des domaines tels
que la confection ou la maroquinerie, subit le choc des importations de
produits à bas prix et de contrefaçons provenant de Chine. Les craintes
liées aux conséquences de cette concurrence sur la compétitivité et
l’emploi en Italie se traduisent par une certaine tension avec la
communauté chinoise installée dans ce pays. Ces craintes conduisent
surtout les autorités italiennes à demander à l’Europe de mieux
s’organiser pour assurer la protection contre la concurrence déloyale.
Dès lors, la lettre conjointe franco-allemande adressée à M. José
Socrates le 10 septembre 2007 pour demander le renforcement de la
stratégie de Lisbonne grâce à des mesures économiques externes, en
favorisant une concurrence loyale dans un esprit de réciprocité, a
forcément trouvé un accueil positif en Italie.
En conclusion, l’Italie demeure un Etat au fort volontarisme
européen, prêt à participer à l’approfondissement de la construction
communautaire, mais ayant parfois l’impression de ne pas peser du
poids qu’il mérite dans les décisions. C’est pourquoi il conviendra de
veiller à ménager la susceptibilité nationale à l’occasion de la nouvelle
répartition des sièges au Parlement européen.
ROUMANIE :
2 OCTOBRE 2007
MISSION
DE
M.
EMILE
BLESSIG,
LE
M. Emile Blessig, rapporteur, a indiqué qu’il s’était rendu
hier à Bucarest en Roumanie, pays nouvellement adhérent et qui connaît
actuellement une situation d’incertitude politique, le gouvernement étant
sous la menace de l’adoption d’une motion de censure. Par ailleurs, au
mois de novembre prochain aura lieu l’élection des députés européens.
D’une manière générale, les entretiens ont mis l’accent sur le sentiment
europhile de la population et le contexte « euro-enthousiaste », l’Europe
recueillant 70 % d’opinions favorables dans les sondages. L’attrait de la
nouveauté l’emporte parfois sur une analyse approfondie des
problématiques.
228
Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures
Bulletin n° 2
Les entretiens tant au ministère des affaires étrangères qu’au
ministère de l’intérieur et de la réforme administrative ont permis une
approche générale de la construction européenne. La visite à la
commission du parlement pour les affaires européennes a été plus
particulièrement consacrée à la place des parlements nationaux dans le
processus de décision européen.
Au ministère des affaires européennes, M. Adrian Vierita,
secrétaire d’Etat en charge des affaires européennes, a abordé des
préoccupations spécifiques comme la situation au Kosovo qui est une
affaire européenne. Il a également insisté sur l’importance de
l’élaboration d’une politique énergétique commune. Compte tenu de
l’étendue des frontières de la Roumanie – plus de 2500 kilomètres allant
de la mer noire aux Carpates – et des difficultés de surveillance tenant
notamment au relief de cette zone, la Roumanie est très soucieuse de
développer une politique de bon voisinage avec les pays frontaliers, et
notamment avec la Moldavie dont elle souhaite l’intégration dans
l’Union européenne. Cette politique de bon voisinage pose de façon plus
générale le problème des frontières de l’Union qui n’est pas limité à la
Turquie, certains Etats pouvant avoir un intérêt particulier à l’adhésion
de pays limitrophes.
S’agissant du traité simplifié, il est accepté sans réserve. La
Roumanie est cependant consciente du chemin qui lui reste à parcourir
pour répondre aux défis posés par l’adhésion à l’Union européenne,
notamment en matière de justice et affaires intérieures. Ces défis ne
pourront être relevés que par sa participation à l’approfondissement de la
construction européenne. L’adhésion à la convention de Schengen est
prévue pour 2012, et compte tenu des perspectives économiques,
l’intégration dans la zone euro est envisagée en 2012.
Au ministère de l’intérieur et des réformes administratives,
M. Vassile Nitsa, sous-secrétaire d’Etat, a également fait part des
difficultés de surveillance d’une frontière très étendue et de zones où la
criminalité est très importante. Un système intégré de sécurité des
frontières a été mis en place et la Roumanie participe à Interpol, Europol
et à Frontex, l’Agence européenne pour la gestion de la coopération
opérationnelle aux frontières. La Roumanie est en tout état de cause très
demanderesse d’une coopération européenne en la matière. Afin de
répondre aux exigences posées par l’espace Schengen, le processus
Bulletin n°2
Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures
229
d’élaboration de passeports biométriques a été enclenché et un groupe de
travail a été constitué sur ce dossier à Bruxelles.
S’agissant de l’émigration, il existe une réelle inquiétude sur
le départ des forces vives du pays, même si la Roumanie pense pouvoir
compter sur les progrès économiques pour inciter la main-d’œuvre au
retour et enclencher ainsi un mouvement de rééquilibrage, comme ce fut
le cas pour l’Espagne ou le Portugal.
Concernant la lutte contre la criminalité, l’adhésion à permis
de délivrer 750 mandats d’arrêt européens depuis le 1er janvier 2007,
contre une centaine en 2006.
D’une manière générale, la Roumanie est favorable à
l’élaboration de règles communes dans tous les domaines où l’Union
européenne est appelée à intervenir, comme le régime d’asile européen
et soutient l’idée de la France d’un pacte européen sur l’immigration.
L’entretien à la commission du Parlement pour les affaires
européennes avec MM. Vasile Puscas (PSD), Costache Mircéa (PRM),
Bogdan Nicolae Niculescu-Duvaz (PSD) et Valer Pusca Mircéa (PNL),
députés, a été l’occasion d’aborder les modalités de contrôle du
Parlement sur le processus de décision européen. Cette commission est
bicamérale et son activité est encore très nouvelle, notamment en ce qui
concerne le contrôle de subsidiarité. Sur ce point, la commission élabore
un mécanisme mais si deux simulations ont été faites, il n’est pas encore
opérationnel.
Les députés estiment que le délai de huit semaines dont
disposent les parlements pour contrôler l’application du principe de
subsidiarité n’est pas suffisant. Ils sont, sur ce point, favorables à une
coopération entre les parlements nationaux, le cadre de la COSAC ayant
été évoqué. En revanche, ils n’ont émis aucune critique sur le poids
respectif des Etats dans la procédure de décision telle que prévue dans le
traité simplifié.
La ratification de ce traité ne posera, de l’avis unanime des
interlocuteurs, aucun problème. Elle se fera par voie parlementaire selon
la même procédure que pour le traité d’adhésion et pourra intervenir
rapidement et, en tout état de cause, avant les élections européennes de
juin 2009.
230
Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 10 heures
Bulletin n° 2
La qualité des personnalités rencontrées au cours de cette
mission courte mais dense a largement contribué à un enrichissement
réciproque.
IRLANDE :
2 OCTOBRE 2007
MISSION
DE
MME ARLETTE FRANCO,
LE
Mme Arlette Franco, rapporteure, a indiqué qu’elle s’était
rendue hier à Dublin, où elle a eu des entretiens avec plusieurs députés
du Dail. Les commissions n’ayant pas encore été désignées, et compte
tenu des contraintes de calendrier des missions, il était impossible de
rencontrer les membres de la commission des affaires européennes mais
Mme Arlette Franco a souligné qu’elle avait eu la possibilité de
rencontrer des représentants des principaux groupes, ainsi que M. Dick
Roche, ministre délégué aux affaires européennes.
Elle a ensuite observé que plusieurs points avaient retenu son
attention.
Tout d’abord, l’Irlande sera le seul Etat membre à organiser
un référendum sur le Traité modificatif.
Après le rejet du projet de Traité constitutionnel par la
France et les Pays-Bas en 2005, l’Irlande avait décidé de reporter la
tenue du référendum tendant à la ratification (comme l’avait également
décidé le Royaume-Uni). Bien que certains des interlocuteurs aient
indiqué qu’un référendum sur le traité modificatif n’était peut-être pas
obligatoire au plan juridique, tous se sont accordés pour dire que
politiquement il était nécessaire.
Le souvenir du rejet du Traité de Nice par référendum en
2001 est très présent. L’Irlande avait dû voter à nouveau en 2002, et le
« oui » l’avait emporté.
Les interlocuteurs ont fait preuve d’un certain optimisme sur
l’issue du référendum, soulignant en premier lieu que tous les grands
partis sont favorables au Traité modificatif (le Fianna Fail, principal
parti de la coalition au pouvoir, le Fine Gael, le Labour et les
Progressive Democrats). Les Verts, qui sont en Irlande
traditionnellement hostiles à l’Europe, pourraient changer de position, en
raison de leur participation à la coalition gouvernementale depuis les
dernières élections en mai 2007. Les partenaires sociaux sont également
favorables au Traité.
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Les obstacles évoqués sont de plusieurs ordres :
- le risque d’une trop faible participation, comme cela avait
été le cas pour le premier référendum sur le traité de Nice ;
- les risques de tout référendum : les électeurs pourraient être
tentés de répondre à d’autres questions que celle posée, d’ordre européen
(ont été cités le rejet de l’harmonisation fiscale, l’Irlande ayant un taux
d’impôt sur les sociétés très inférieur à la moyenne européenne, ainsi
que la crainte de l’élargissement à la Turquie) ou interne ;
- la reprise d’arguments récurrents dans les débats sur
l’Europe : la critique de l’excès de réglementation et de la bureaucratie,
la défense de la neutralité de l’Irlande. La question du nombre de sièges
au Parlement européen a aussi été présentée comme problématique pour
l’opinion publique ;
- les possibilités de « contagion » du débat britannique,
notamment en raison de la popularité de certains journaux britanniques
très anti européens ;
- et plus largement, une éventuelle focalisation de tous les
eurosceptiques de l’Union sur le débat irlandais.
La date du référendum n’a pas encore été arrêtée. La plupart
des interlocuteurs rencontrés ont évoqué le printemps 2008, et lors de
l’entretien avec le ministre délégué aux affaires européennes, celui-ci a
exprimé son souhait que le référendum se tienne le 9 mai, journée
Schuman.
Un autre point encore en débat concerne la possibilité de
coupler le référendum sur le Traité avec un autre référendum sur les
droits de l’enfant. Les interlocuteurs rencontrés pensent qu’il serait
préférable de distinguer les deux votes.
Le ministre délégué aux affaires européennes M. Dick
Roche, qui a l’expérience du deuxième référendum sur le Traité de Nice,
a indiqué qu’il souhaitait mener une campagne très active, permettant
une explication claire du Traité, tout en étant à l’écoute des problèmes de
la population. Il existe en Irlande un Forum national sur l’Europe, qui se
réunit tous les mois, et qui est une enceinte dans laquelle les partis, les
partenaires sociaux et les membres de la société civile débattent de
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l’Europe. Cette instance de discussion va jouer un rôle important en
amont du référendum.
L’Irlande n’a pas encore décidé si, dans le cadre du Traité
modificatif, elle allait demander les mêmes dérogations que le RoyaumeUni dans le secteur de la justice et des affaires intérieures.
Rappelons que l’Irlande ne fait pas partie de l’espace
Schengen et partage un espace de libre circulation avec le Royaume-Uni.
Concernant la coopération judiciaire, les milieux juridiques
sont favorables à un alignement sur les positions britanniques, en se
fondant sur les particularités des pays de common law.
Le ministre délégué aux affaires européennes a indiqué qu’à
titre personnel, il n’était pas favorable à ce que l’Irlande suive le
Royaume-Uni à ce sujet, soulignant que le Traité n’apportait pas de
changement négatif et qu’il ménageait des possibilités de « frein de
secours ».
L’Irlande est par ailleurs très attachée à la Charte des droits
fondamentaux et ne demandera pas de dérogation comme l’ont fait les
Britanniques.
Les interlocuteurs ont tous souligné leur engagement pour
l’Europe politique et leurs différences de vue avec les Britanniques à ce
sujet.
D’autres questions ont été soulevées par les interlocuteurs.
Les personnes rencontrées ont souhaité des précisions sur la
proposition du comité des sages faite par le Président de la République ;
certaines ont exprimé la crainte que la composition de ce comité se
limite à des experts « donneurs de leçons », ce qui ne serait pas
suffisamment ouvert et démocratique.
La Turquie a été plusieurs fois évoquée. L’opinion publique
est défavorable à son entrée dans l’Union. Certains des interlocuteurs
s’interrogent sur les conséquences d’un refus de l’adhésion sur la
situation de la Turquie et ses relations avec l’Union européenne.
Ont été aussi évoqués le rôle des « petits » pays dans l’Union
européenne, et les inquiétudes sur l’avenir de la politique agricole
commune, dossier sur lequel les Irlandais souhaitent un soutien mutuel
avec la France.
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L’immigration est un sujet important en Irlande. Il s’agit
d’une question nouvelle, puisque ce pays a connu une immigration très
importante depuis 2003-2004, en raison de sa forte croissance
économique et de l’élargissement de l’Union européenne. Le nombre
d’étrangers résidant en Irlande est estimé à 10 % de la population totale,
soit 400 000 personnes. L’ampleur de ce phénomène n’a pas été
anticipée. L’Irlande applique depuis le 1er janvier 2007 des restrictions
transitoires à la libre circulation des travailleurs roumains et bulgares.
Les personnes rencontrées ont souligné que l’Irlande n’avait
pas encore formulé de politique sur l’immigration, notamment sur
l’intégration des immigrés. Elle est particulièrement attentive aux
exemples de ses partenaires européens, comme le Royaume-Uni et la
France.
Des difficultés sont redoutées, en cas de ralentissement de
l’économie (ce qui n’est pas le cas actuellement, puisque l’Irlande
connaît une croissance de 6 % et un chômage de 4,5 %). La dépendance
de l’économie vis-à-vis des multinationales et la crainte des
délocalisations ont été soulignées à plusieurs reprises.
M. Michel Herbillon a souhaité savoir si la mobilisation
pour le futur référendum allait être similaire à celle que l’Irlande avait
organisée pour le deuxième référendum sur le traité de Nice. Il a indiqué
qu’il s’était rendu en Irlande à cette époque et avait été impressionné par
l’ampleur de la campagne, dans laquelle le Premier ministre s’était
fortement engagé et qui avait impliqué de nombreux acteurs de la société
civile, notamment les chefs d’entreprises.
Mme Arlette Franco a répondu que le ministre délégué aux
affaires européennes avait parlé d’une campagne musclée, qui
impliquerait les partenaires sociaux. Il fait lui-même preuve d’une forte
conviction et d’un fort engagement.
Le Président Pierre Lequiller a souligné l’intérêt des
missions, qui permettent de faire le point sur le calendrier de ratification
mais aussi d’avoir un aperçu sur les positions européennes et la vie
politique interne.
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Présidence de M. Pierre Lequiller, Président
z Politique
industrielle européenne et stratégie de Lisbonne
Audition, ouverte à la presse, de Mme Christine Lagarde, ministre de
l’économie, des finances et de l’emploi, sur la politique industrielle
européenne et la stratégie de Lisbonne
Le Président Pierre Lequiller s’est déclaré très heureux de
recevoir la ministre sur le thème de la politique industrielle. Il a rappelé
qu’au cours des derniers mois, les dossiers de politique industrielle ont
occupé une place très importante en France et en Europe, avec la
réforme de la gouvernance d’EADS et la fusion de Suez et GDF.
Dans le domaine de l’énergie, les sujets de débat sont
actuellement nombreux : volonté de la Commission de renforcer la
libéralisation du marché énergétique européen avec la séparation entre
les producteurs et leur réseau de transport, à laquelle l’Allemagne et la
France, ainsi que sept autres Etats membres, sont opposés ; avenir du
nucléaire en Europe avec les difficultés d’un certain nombre de pays
comme l’Allemagne, dont la coalition est divisée sur ce sujet ; réflexion
sur la recomposition du groupe Areva et son éventuel rapprochement
avec Alstom, principal concurrent de l’allemand Siemens, qui détient
actuellement 34 % de participation à Areva.
Concernant la stratégie de Lisbonne pour la croissance et
l’emploi (qui depuis sa révision en 2005 inclut l’objectif de
renforcement de la base industrielle), l’enjeu actuel est la définition d’un
nouveau cycle pour la période 2008-2010. La Chancelière allemande et
le Président de la République ont adressé récemment une lettre au
Président du Conseil européen, dans laquelle ils demandaient un
renforcement de la stratégie de Lisbonne grâce à des mesures
économiques externes, permettant de garantir une concurrence loyale au
plan mondial.
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Après avoir demandé à la ministre quelle valeur ajoutée
apportait l’Europe en matière industrielle, le Président Pierre Lequiller
l’a interrogée sur les actions que la France et l’Allemagne entendent
mener pour s’opposer aux récentes propositions de la Commission sur la
séparation de la production et de la distribution du transport dans le
domaine de l’énergie ; sur le financement de Galileo, avec l’opposition
de l’Allemagne à un financement par des crédits communautaires ; sur
les espoirs d’obtenir de la Commission européenne qu’elle demande une
dérogation à l’OMC concernant l’accès des PME aux marchés publics,
similaire à celle dont bénéficient déjà plusieurs de nos concurrents
mondiaux ; sur la portée de la requalification de la concurrence libre et
non faussée non plus en objectif de l’Union, mais en instrument dans le
futur traité modificatif et enfin sur les priorités que le Gouvernement
souhaite mettre en avant lors du prochain cycle de la stratégie de
Lisbonne pour la période 2008-2010.
me
M Christine Lagarde, ministre de l’économie, des
finances et de l’emploi, a exprimé sa satisfaction d’intervenir devant la
Délégation pour l'Union européenne sur la politique industrielle dans le
cadre de l’Europe, d’autant plus que, jusqu’à une date récente, on parlait
plus au plan communautaire de politique de concurrence que de
politique industrielle. Dans le contexte de la mondialisation, on assiste à
un retour en force du concept de politique industrielle.
La ministre a salué le rapport d’information présenté en
février dernier par MM. Jacques Myard et Jérôme Lambert sur la
politique industrielle européenne. Le Gouvernement s’en est inspiré.
Elle a souligné que la politique industrielle se bâtit avec le
temps.
Les années soixante-dix furent marquées par les grands
programmes, les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix par la
concurrence et la libéralisation et la politique industrielle n’était pas au
cœur du projet de la Commission européenne.
Il convient tout d’abord d’inventer l’avenir, par la
promotion de la recherche et de l’innovation. L’engagement fixé à
Lisbonne de parvenir d’ici 2010 à 3 % du PIB consacrés à la recherche
et développement est loin d’être atteint. La France y a consacré en 2005
2,1 % de son PIB, ce qui la situe au-dessus de la moyenne européenne
(1,77 %), mais en deçà de l’Allemagne (2,5 %), des Etats-Unis (2,68 %)
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et du Japon (3,18 %). Ceci est insuffisant par rapport à l’objectif. Si les
sommes investies par le secteur public sont importantes, l’investissement
privé est en retard.
Le projet de loi de finances pour 2008 prévoit donc un effort
considérable pour la recherche, par le biais d’une amélioration
substantielle du crédit d’impôt recherche. Celui-ci existe mais il est trop
complexe et trop court compte tenu des objectifs de long terme des
entreprises. Il est donc proposé de porter à 30 % le taux du crédit
d’impôt sur la part en volume jusqu’à 100 millions d’euros de dépenses
de recherche, puis à 5 % au delà de ce seuil.
Par ailleurs, afin d’étendre l’assiette du crédit d’impôt à
100 % des dépenses de recherche, le plafond sera supprimé.
Il s’agit d’un effort massif en faveur de la recherche des
entreprises privées, qui représentera un coût budgétaire de 800 millions
d’euros en 2009 et de 1,3 milliard d’euros en année pleine. La ministre a
indiqué que des modifications visaient aussi à simplifier le mécanisme
du crédit d’impôt recherche et à apporter plus de sécurité aux
entreprises.
Les pôles de compétitivité sont le deuxième instrument que
le Gouvernement souhaite améliorer. Il existe aujourd’hui 71 pôles de
compétitivité, dont 7 pôles mondiaux et 9 à vocation mondiale. Il faut
maintenant leur donner le temps de faire la preuve de leur capacité à
rassembler les différents acteurs, chercheurs, entreprises et pouvoirs
publics. En 2008, une évaluation de l’efficacité de ces pôles sera mise en
œuvre.
La Commission européenne a souligné l’avance de la France
dans son évaluation des programmes nationaux de réforme en 2006.
C’est clairement la France qui a inspiré l’initiative européenne des
« clusters ».
Les agences au service de la recherche et du développement
sont un troisième instrument que le Gouvernement souhaite rendre plus
opérationnel. Il est souhaitable qu’OSEO et l’Agence de l’innovation
industrielle se recentrent sur un effort en faveur des PME. Le
Gouvernement va aussi continuer à soutenir les efforts de l’Agence
nationale de la recherche, qui rapproche le monde académique et
l’entreprise en mode projet.
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Enfin, certaines politiques contribuent en parallèle à
améliorer l’innovation. La France s’attache ainsi à créer un
environnement réglementaire approprié pour que les technologies
nouvelles de l’information et de la communication soient rapidement
accessibles. C’est notamment le cas de la télévision mobile personnelle,
qui permet aux détenteurs d’un téléphone mobile de recevoir la
télévision.
Il est nécessaire de disposer de mécanismes juridiques pour
la protection de la propriété industrielle. C’est pourquoi le
Gouvernement a engagé des démarches pour la ratification de l’accord
de Londres et du protocole de Munich sur les brevets européens.
Concernant la lutte contre la contrefaçon, il convient de mieux protéger
la recherche et l’invention des entreprises françaises au plan
international. La France défend également la création d’un brevet
communautaire avec un contentieux de la validité et de la contrefaçon
confié à une juridiction unique, la Cour de Justice européenne. La France
a, à ce sujet, un débat fructueux mais pas toujours facile avec
l’Allemagne.
La politique industrielle doit aussi viser à améliorer le
présent et la situation au quotidien. A ce titre, le Gouvernement souhaite
favoriser le développement des PME. La lettre de mission adressée par
le Président de la République fixe un objectif de création de 2000
entreprises de taille moyenne, pour conquérir les marchés étrangers,
créer des emplois et participer à la recherche et à l’innovation.
La France souhaite que l’Union européenne obtienne à
l’OMC une dérogation permettant un accès préférentiel des PME aux
marchés publics, qui placerait les PME européennes sur un pied
d’égalité avec les PME américaines, japonaises, canadiennes et
sud-coréennes.
La France va poursuivre cette démarche ; le Président de la
République a confié sur ce sujet une mission à M. Lionel Stoleru. Les
résultats seront connus à la fin de l’année.
La politique industrielle doit enfin permettre de gérer
l’héritage et le passé, en anticipant puis en accompagnant les mutations
industrielles. Il s’agit de dossiers parfois douloureux, qui comportent des
restructurations, des suppressions de postes, la revitalisation de bassins
d’emplois. Pour ce faire nous disposons d’une palette d’outils, comme la
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gestion prévisionnelle des emplois et la revitalisation des territoires
touchés par des restructurations. Ces outils font souvent appel à la
négociation collective, car il faut associer les chefs d’entreprises, les
salariés, les pouvoirs publics locaux.
Cette dimension d’anticipation et de participation fait son
chemin au plan européen. En 2006, sous l’impulsion de M. Michel
Barnier et de M. Pascal Lamy, puis du Président José Manuel Barroso, a
été créé un Fonds européen d’ajustement à la mondialisation, dont la
vocation est d’intervenir dans les grandes restructurations industrielles.
Ce fonds est doté de 500 millions d’euros et cette dotation va augmenter.
PSA et Renault ont été les premiers à en bénéficier.
La ministre a ensuite souligné l’intérêt d’une approche par
filière, citant la mission confiée à M. de Calan, Délégué général adjoint
de l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), sur la
gestion de l’emploi dans la filière automobile. Dans une économie
mondialisée et caractérisée par une forte concurrence, il convient d’avoir
une réflexion globale, incluant les donneurs d’ordre et tous les
sous-traitants. Cette approche par filière doit aussi concerner
l’aéronautique, l’industrie chimique, l’agro-alimentaire. Il faut
également l’appliquer aux secteurs d’avenir, par exemple les jeux
informatiques, les biotechnologies, les nanotechnologies.
S’agissant de Galileo, Mme Christine Lagarde a rappelé que,
lors du Conseil des ministres des transports du 2 octobre 2007, aucun
compromis n’avait pu être trouvé quant aux modalités de financement de
ce programme. Elle a jugé nécessaire de convaincre l’Allemagne
d’accepter, conformément aux propositions du Commissaire Jacques
Barrot, le principe d’un financement communautaire de Galileo qui est
un enjeu déterminant pour l’Europe et dans lequel l’Allemagne doit
trouver naturellement sa place.
Pour ce qui est de la filière nucléaire, la ministre a indiqué
que la recapitalisation d’Areva – en dépit de sa pertinence – n’était pas à
l’ordre du jour, Areva disposant d’une capacité technologique
importante qui lui permet d’être très compétitive que ce soit par rapport
à Westinghouse ou par rapport à d’autres concurrents – japonais ou
General Electric – qui se profilent sur le marché.
En ce qui concerne la séparation patrimoniale des activités
de production et de transport d’énergie, la ministre a indiqué que la
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France, avec ses autres partenaires – dont l’Allemagne – était hostile à
une telle proposition qui n’apparaît pas nécessaire pour améliorer le
service, ni pour assurer une concurrence libre et non faussée en faveur
des tiers.
Un débat a suivi l’exposé de la ministre.
M. Jérôme Lambert, se référant au rapport d’information
qu’il a établi avec M. Jacques Myard, a rappelé qu’en dix ans la part de
l’emploi industriel dans l’Union européenne avait été ramenée de 21 % à
17,7 % et en France de 19,5 % en 1990 à 14,8 % en 2001. Par ailleurs, la
France a perdu 1,4 million d’emplois au cours des 15 dernières années et
l’Allemagne 3,5 millions d’emplois. Or, jusqu’à maintenant, l’Union
s’est employée davantage à lutter contre les freins à la concurrence qu’à
mener une véritable politique industrielle. Face à cette situation
préoccupante dont on mesure aujourd’hui les conséquences, une volonté
semble se faire jour pour adopter d’autres orientations lesquelles, malgré
tout, manquent de clarté. Se référant à un article publié dans Le Figaro
« le grand retour de la politique industrielle », signé par
MM. Jean-Pierre Jouyet, Secrétaire d’Etat aux affaires européennes, et le
commissaire Günter Verheugen, M. Jérôme Lambert a toutefois fait
observer que le programme Galileo se heurtait à des difficultés. En
matière énergétique, les rapports entre Areva et ses partenaires se
détériorent. Quant au principe de la séparation patrimoniale entre les
activités de production et de transport d’énergie proposé par la
Commission, il suscite l’hostilité de plusieurs Etats membres, comme l’a
rappelé la ministre.
Dans ce contexte, M. Jérôme Lambert a souhaité savoir
quels étaient aujourd’hui les grands projets industriels portés par l’Union
européenne, compte tenu du fait qu’aucune volonté concrète ne semble
se dessiner.
M. Michel Herbillon a remercié la ministre pour son exposé
qu’il a jugé très clair et lui a fait part de son appui enthousiaste aux
propos qu’elle a tenus concernant le crédit d’impôt recherche, les pôles
de compétitivité, le small business act, les priorités en faveur des PME,
de la recherche et de l’innovation, l’approche industrielle par filières,
observant à cet égard que tous ces problèmes ont été déjà évoqués au
sein de la Délégation.
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Puis il a demandé à la ministre quel était le jugement qu’elle
portait sur la situation de la gouvernance économique de l’Union
européenne.
Evoquant la Présidence française, il a estimé qu’elle devrait
être l’occasion pour la France de fixer certaines priorités et a demandé
des précisions sur ces dernières, en particulier en ce qui concerne la
stratégie de Lisbonne. Il a regretté que celle-ci ait accusé beaucoup de
retard et qu’elle demeure peu lisible, ce qui exige davantage de
pédagogie, effort que, d’après lui, la Présidence française pourrait
accomplir utilement et que la Délégation pourrait, de son côté, relayer.
Il a souhaité connaître quels étaient les points fondamentaux
d’accord ou de divergence existant avec les autres partenaires sur la
politique industrielle.
Enfin, s’agissant d’OSEO, il s’est enquis de la pertinence des
allégations selon lesquelles les activités d’OSEO seraient axées sur le
soutien bancaire aux PME au détriment de la recherche, rappelant que ce
groupe avait été créé à l’initiative de l’Etat et des gouvernements
successifs pour être le fer de lance des PME, de la recherche et de
l’innovation. Il a par ailleurs demandé à Mme Christine Lagarde dans
quel délai le nouveau président d’OSEO serait désigné.
En réponse, la ministre a fait part des éléments suivants.
Le rapport précité établi par MM. Jacques Myard et Jérôme
Lambert étaye son important travail d’analyse, de diagnostic et de
proposition sur des chiffres extrêmement évocateurs dont il faut tenir
compte. Il convient néanmoins de prendre acte des évolutions
économiques. Les emplois perdus dans certains secteurs ne seront pas
retrouvés dans ces mêmes secteurs. D’autres activités se sont
développées, entre autres dans les services et plus particulièrement dans
les services à l’industrie. La montée en puissance de la technologie exige
un fort investissement en matière de recherche-développement. Celui-ci
s’accompagne d’une amélioration du contenu des emplois. Par ailleurs,
certains secteurs comme le textile peuvent rester présents en France
grâce à des innovations.
Pour ce qui concerne les grands projets industriels au niveau
européen, EADS est le premier d’entre eux. Il faut, en effet, s’appuyer
sur les projets anciens et ne pas les négliger. Le producteur d’avions a
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certes pâti des retards de l’A380, mais Boeing souffre également de
problèmes de nature comparable pour son dreamliner, même si ceux-ci
sont moins connus. Galileo est un autre de ces grands projets. Il avance
notamment grâce à l’action du commissaire européen aux transports,
M. Jacques Barrot. Il représente un enjeu essentiel pour l’indépendance
de l’Europe vis-à-vis du GPS américain. Pour l’avenir, il convient de
rester ouvert sur la nature des projets industriels de demain.
S’agissant de la gouvernance économique de l’Europe, ce
même projet Galileo doit servir de champ d’expérimentation, avec
obligation de résultats. Sur des projets avec de tels enjeux
d’investissement, de technique et d’indépendance, il convient d’éviter
tout esprit de repli des Etats membres qui veilleraient essentiellement à
soutenir l’activité de leurs industries.
Pour la future Présidence française, l’énergie et la défense
ont déjà été identifiées comme des secteurs industriels sur lesquels des
projets pourraient voir le jour. Ils sont des garants de l’indépendance
nationale et régionale. Par ailleurs, il convient de développer les outils
en faveur des PME. Il s’agit, d’une part, de l’équivalent du small
business act pour l’Europe et, d’autre part, d’une réflexion sur le statut et
les critères d’identification des PME. Les seuils actuels d’effectifs et de
chiffre d’affaires sont-ils pertinents ?
La dimension externe de la compétitivité constitue, en
liaison avec les réflexions du commissaire chargé du commerce
extérieur, M. Peter Mandelson, un sujet à évoquer. Il s’agit d’examiner
les moyens avec lesquels, hors d’Europe, les Etats soutiennent leurs
entreprises pour définir des conditions de réciprocité. La gamme
d’intervention est large et va des aides d’Etat à la politique sociale en
passant, le cas échéant, par des politiques monétaires appropriées. La
France a demandé une étude sur ce point.
S’agissant d’OSEO, qui résulte de la fusion entre la BDPME
et l’ANVAR et dont le nouveau directeur sera nommé prochainement, sa
vocation est de se concentrer sur les services bancaires aux PME tout en
soutenant également l’innovation.
En ce qui concerne les points d’accord ou de désaccord avec
nos principaux partenaires européens, l’expérience montre que les
accords interviennent plus aisément lorsqu’il y a un adversaire ou un
compétiteur commun. Sur le niveau du change de l’euro avec le dollar,
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le yen et le yuan, on constate progressivement une convergence sur la
position exprimée très tôt par la France avec des ralliements tels que
ceux de M. Jean-Claude Junker, le Président de l’Eurogroupe, et de
M. Joaquin Almunia, commissaire européen aux affaires économiques et
monétaires.
En revanche, lorsque tel n’est pas le cas, il est plus difficile
d’obtenir des accords. Il existe ainsi une divergence sur le rôle de la
concurrence entre les pays du Nord et ceux du Sud.
M. Daniel Garrigue s’est félicité des mesures annoncées
notamment le développement du crédit d’impôt recherche, qui permet
d’envisager le développement des entreprises, ainsi que du Protocole de
Londres et de l’équivalent du small business act. L’examen des moyens
et méthodes de la politique industrielle des autres grandes puissances à
l’échelle mondiale montre l’importance des outils, qu’il s’agisse des
instituts d’analyse comme au Japon, des grandes agences de recherche
aux Etats-Unis, du budget de la défense ou encore des fonds souverains
permettant de procéder à des investissements essentiels par-delà les
frontières. Par comparaison, l’Europe est très faible car elle n’a pas de
véritable stratégie. A part l’objectif d’atteindre le niveau de 3 % du PIB
pour les dépenses de recherche et de développement, la stratégie de
Lisbonne ne relève pas de la même catégorie car elle est largement
déléguée aux Etats et les modalités en sont très incertaines. Il convient
également de protéger et de ne pas remettre en cause les différents outils
en vigueur, notamment les établissements financiers spécialisés qui
peuvent jouer un rôle semblable à ceux des fonds souverains.
Il faut aussi réfléchir sur les difficultés de l’articulation entre
les instruments nationaux et européens de recherche, dont Galileo est un
exemple. La construction d’une véritable défense européenne serait
également un outil appréciable.
S’agissant des enjeux, il y a des oppositions entre Etats
membres sur la question énergétique, notamment sur le nucléaire.
M. Christian Paul a souhaité évoquer les pôles de
compétitivité et leurs liens avec le développement de la coopération
industrielle en Europe. Le groupe socialiste n’est pas, a priori, hostile à
la démarche de mise en place de pôles de compétitivité, mais il
semblerait que certains acteurs critiquent aujourd’hui une trop forte
centralisation des décisions, une mobilisation et des moyens financiers
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insuffisants, ainsi qu’une gouvernance parfois aléatoire. Par ailleurs, on
peut se demander si certains pôles n’ont pas un champ d’activité trop
étroit pour pouvoir prétendre atteindre l’échelon européen, tandis qu’à
l’inverse l’Etat ne devrait pas renoncer à soutenir d’autres pôles
essentiels sur le plan régional. D’une façon plus sectorielle, à l’occasion
du débat en séance publique sur le Grenelle de l’environnement, il paraît
nécessaire de ne pas ignorer le secteur de captage et de séquestration du
CO², dans la mesure où les centrales thermiques sont nombreuses en
Europe et dans le monde, qu’Alstom est un intervenant majeur et que
l’Allemagne est particulièrement concernée par cette question.
M. Hervé Gaymard a remercié la ministre pour la clarté de
son intervention et son volontarisme. Il a souhaité aborder la question de
la tarification de l’énergie, qui est essentielle pour les industries
électro-intensives. Or, le consortium Excelsium, qui réunit ces
entreprises électro-intensives, fait état de difficultés, de menaces, qui
pèseraient sur le dispositif dit de « l’énergie réservée » liant une usine
hydroélectrique à des entreprises situées à proximité et, enfin, on connaît
les problèmes touchant au « tarif de retour », permettant aux entreprises
ayant choisi un autre opérateur qu’EDF de revenir à un tarif réglementé.
Cette question d’apparence technique est, en réalité, très politique et le
Président de la République a d’ailleurs résumé les enjeux en demandant
pourquoi la France, après avoir supporté, dans le passé, des
inconvénients liés à la mise en place de la filière nucléaire, ne pourrait
pas bénéficier aujourd’hui des avantages d’une tarification au meilleur
coût procurée par cette filière. Les réponses à cette question seront
fondamentales pour le devenir de la compétitivité future des industries
de l’aluminium implantées à Saint-Jean-de-Maurienne.
Mme Arlette Franco a constaté que la filière nautique était
actuellement en plein développement et que des entreprises françaises se
situaient au premier rang mondial. Toutefois, les directives
communautaires sur la pêche mettent en difficulté des constructeurs de
thoniers souhaitant se reconvertir dans le domaine de la plaisance. Il
importe donc d’accompagner cette évolution.
M. Didier Quentin a repris à son compte les propos de
Mme Arlette Franco, puis il s’est interrogé sur le positionnement de
l’Europe dans les domaines des nanotechnologies et de la robotique, où
- semble-t-il – le Japon aurait pris quelques longueurs d’avance. Enfin,
citant une constatation dressée dans le rapport d’information de
Bulletin n°2
Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 16 h 15
245
MM. Jacques Myard et Jérôme Lambert, il a souhaité savoir si l’Europe
sortait de sa « naïveté » en matière d’intelligence économique.
En réponse aux différents intervenants, Mme Christine
Lagarde a fourni les précisions suivantes :
- le problème des fonds souverains est un exemple illustrant
parfaitement les possibilités de trouver des accords en Europe. Le
Président Nicolas Sarkozy et la Chancelière Angela Merkel ont déjà fait
part de leur volonté commune de mieux connaître la composition, le
champ d’action et la régulation de ces fonds. D’autres partenaires
européens semblent prêts à nous suivre dans ce domaine ;
- la question de l’articulation du niveau national et du niveau
européen mérite, effectivement, d’être développée pour autoriser un
meilleur déploiement de nos forces ;
- sur l’énergie, pour des raisons de choix politiques tenant à
la fois à l’histoire et à la culture, on ne peut que constater la diversité des
situations nationales. Néanmoins, des évolutions exemplaires sont
aujourd’hui en cours en matière nucléaire et certains Etats s’ouvrent à
nouveau à cette filière en prenant en considération le principe de rareté ;
- la coopération en matière de défense, initiée par la
déclaration de Saint-Malo entre la France et le Royaume-Uni, doit
s’étendre à d’autres pays ;
- il est trop tôt pour établir un bilan précis des pôles de
compétitivité après trois années de recul seulement. Une première
évaluation est prévue en 2008, mais il convient de se laisser du temps
pour dresser un bilan correct. On peut néanmoins estimer que, dans la
plupart des cas, les pôles constituent une réussite, ayant facilité les
contacts et la mise en cohérence. Des expériences similaires existent en
Europe, en particulier en Italie, Allemagne et Finlande. Jusqu’à présent
les convergences transfrontalières se réalisent plutôt à proximité des
frontières, mettant en évidence la primauté du fait géographique, mais
les efforts consentis dans la mise en place de plateformes technologiques
pourraient faciliter des rapprochements d’unités plus éloignées. En tout
état de cause, il conviendra de trouver des mécanismes autorisant une
répartition équitable des fruits des recherches ainsi réalisées, sous peine
de buter sur l’obstacle de la confidentialité ;
246
Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 16 h 15
Bulletin n° 2
- les énergies électro-intensives sont fondamentales et il est
déterminant de conserver le bénéfice d’une tarification avantageuse par
rapport à nos voisins allemands, dans la mesure où la France fait les
investissements et doit légitimement en recevoir le retour. La position
française sur l’échéance de 2012 n’est pas défensive, mais notre pays est
déterminé à maintenir cet avantage le plus longtemps possible ;
- la filière nautique n’est pas dans une situation de
domination de marché mais de très forte compétitivité grâce à la
présence de grands acteurs et à une part importante du marché des
bateaux à moteur ou à voile. La reconversion de fabricants de bateaux de
pêche thonière vers la fabrication de bateaux de plaisance à voile ou à
moteur est fondamentale dans une période de restructuration du secteur
de la pêche au thon rouge en Méditerranée à la suite de l’application des
quotas et de la réduction des périodes de pêche. Il faut se tourner vers le
Fonds européen d’ajustement à la mondialisation et les possibilités de
reconversion offertes par le secteur agricole et de la pêche pour
maintenir les compétences et le savoir-faire de ce secteur en les
déployant dans un autre secteur ;
- en ce qui concerne les secteurs des nanotechnologies et de
la robotique, la France est en pointe dans certains domaines des
nanotechnologies et dame le pion au Japon, en soutenant notamment le
pôle technologique de Grenoble dans le cadre de sa politique
industrielle.
M. Luc Rousseau, directeur général de l’industrie, a
indiqué que les « électro-intensifs » et le prix de l’électricité pour
l’entreprise étaient un sujet difficile, dans la mesure où s’observent les
effets négatifs d’un marché unique européen qui supprime par définition
les phénomènes de rente. Il est cependant légitime de restituer le
bénéfice d’un investissement collectif qui a assumé les inconvénients
d’installations électriques, de type hydraulique ou nucléaire. Le montage
du consortium Excelsium, conforme au marché européen de l’énergie,
comporte un engagement à long terme des industriels d’acheter de
l’électricité, un financement bancaire et un producteur d’électricité,
Electricité de France, bénéficiant ainsi d’une garantie de financement et
de placement de sa production. Il est donc naturel que le prix de
transaction soit proche du prix de revient, moyennant la rémunération
des investissements, et qu’il soit découplé des prix du marché. Les
autorités françaises préparent leurs réponses aux questions posées par la
Bulletin n°2
Réunion du mercredi 3 octobre 2007 à 16 h 15
247
Commission sur le dispositif. Celui-ci ne videra pas quantitativement le
marché de sa substance et n’aura pas de par sa dimension d’effets
négatifs sur le marché de gros de l’électricité, tout en comportant une
optimisation des moyens de production.
Le captage du CO² est un sujet d’avenir auquel les
entreprises doivent dès maintenant se préparer. Le groupe Total a un
projet financé de manière autonome près de Lacq. D’autres acteurs
travaillent sur un projet prédéposé à l’Agence pour l’innovation
industrielle qui fera l’objet d’un examen ministériel dans le cadre des
nouveaux financements de l’innovation. Ces projets représentent des
enjeux sociétaux et industriels importants impliquant un travail en
commun avec les partenaires de l’industrie et de la recherche, afin que
l’élément clé de l’énergie reste un facteur de compétitivité pour la
France quel que soit le mode de production et de transformation de
l’énergie.
La robotique n’est pas un point fort de l’industrie française
par rapport au Japon. L’option prise est d’appuyer sur le point fort, à
savoir la partie « logiciel de la robotique », qui joue un rôle important
dans la croissance de la valeur ajoutée. Il existe un pôle de compétitivité
sur les logiciels embarqués en Ile-de-France et un pôle de compétitivité à
Toulouse sur l’aéronautique et l’espace. Les industriels ont mutualisé
leurs briques logicielles pour qu’elles deviennent des briques standard.
Ils sont appuyés par la recherche publique dans le cadre d’un R.T.R.A.
(réseau de technologie et de recherche avancée), intitulé « Digiteolabs »
en Ile-de-France. Les pôles de compétitivité sont des ancrages
territoriaux ouverts à des partenariats avec des entreprises à l’extérieur
des
Bulletin n°2
Réunion du mardi 9 octobre 2007
249
Réunion du mardi 9 octobre 2007
Présidence de M. Pierre Lequiller, Président
z Elargissement
Communication de Mme Chantal Brunel sur la conclusion de l’accord
de stabilisation et d’association avec le Monténégro (E 3578 et E 3585)
Mme Chantal Brunel, rapporteure, a d’abord rappelé que
les Conseils européens de Feira en juin 2000 et de Thessalonique en juin
2003 ont offert à tous les pays des Balkans occidentaux une perspective
d’adhésion à l’Union européenne, confirmée par le Conseil européen de
décembre 2006.
La conclusion d’un accord de stabilisation et d’association
(ASA) est la première étape d’un long processus de réformes devant
conduire à l’adhésion. Dans l’ordre de progression des pays de la région
vers leur intégration dans l’Union européenne, si l’on met à part la
Slovénie qui a adhéré à l’Union européenne le 1er mai 2004 et à l’euro le
1er janvier 2007, la Croatie, signataire d’un ASA en 2001, a ouvert les
négociations d’adhésion avec l’Union européenne le 3 octobre 2005, le
même jour que la Turquie. L’Ancienne République yougoslave de
Macédoine (ARYM), signataire d’un ASA en 2001 et reconnue candidate
le 15 décembre 2005 ne bénéficie pas encore d’une décision d’ouverture
des négociations d’adhésion. L’Albanie a signé le 12 juin 2006 un ASA
dont la ratification par l’Union et les Etats membres a commencé.
En revanche, la négociation d’un ASA, officiellement
ouverte le 10 octobre 2005 avec la Serbie-et-Monténégro et le
25 novembre 2005 avec la Bosnie-et-Herzégovine, n’a pas encore abouti.
Le statut définitif du Kosovo n’est toujours pas réglé et la
Bosnie-et-Herzégovine ne parvient pas à s’émanciper du régime
transitoire défini par les accords de Dayton en novembre 2005.
L’Union étatique de la Serbie-et-Monténégro constituait le
dernier vestige de l’ancienne fédération yougoslave. L’indépendance du
Monténégro, approuvée à 55,4 % lors du référendum du 21 mai 2006, a
250
Réunion du mardi 9 octobre 2007
Bulletin n° 2
permis à ce pays de négocier rapidement un ASA le mettant sur le
chemin de l’adhésion à l’Union européenne.
La République du Monténégro dont la capitale est Podgorica
a une superficie de 13 812 km2 et une population de 620 000 habitants
comprenant notamment 43,2 % de Monténégrins et 32 % de Serbes.
L’homme-clé de la marche du Monténégro vers
l’indépendance a été son précédent Premier ministre, M. Milo
Djukanovic. Membre de la Ligue communiste yougoslave, il devient
Premier ministre en 1991, à 29 ans et rompt avec Milosevic en 1996,
mais il n’obtiendra pas la réalisation de ses ambitions indépendantistes
après la chute de celui-ci en octobre 2000. L’Union européenne craignait
une nouvelle déstabilisation régionale et favorise la création en 2003 de
l’Union étatique de la Serbie-et-Monténégro, qui s’est avérée trop
artificielle pour fonctionner durablement.
L’Union européenne s’est donc résolue à accepter
l’organisation d’un référendum au Monténégro qui a abouti à une
séparation à l’amiable. Ce processus pacifique a contribué à la stabilité
de la région, mais il pourrait susciter des impatiences dans les trois zones
où perdurent des risques de déstabilisation : le Kosovo, la
Bosnie-Herzégovine et l’ARYM.
L’Accord de stabilisation et d’association prépare le
Monténégro à une adhésion future à l’Union européenne et à recréer un
système d’échanges et de coopération avec son voisinage. L’association
sera entièrement réalisée à l’issue d’une période de transition d’une
durée maximale de cinq ans.
La coopération régionale comporte l’engagement du
Monténégro de conclure dans les deux ans avec les pays ayant déjà signé
un ASA des conventions, en vue de l’établissement de zones de
libre-échange, et avant cinq ans, un accord de libre-échange avec la
Turquie.
La libre circulation des marchandises sera assurée par
l’établissement progressif d’une zone de libre-échange entre la
Communauté européenne et le Monténégro dans les cinq ans qui suivent
l’entrée en vigueur de l’accord. Il est à noter que la France a obtenu
l’introduction d’un article 33 sur la protection des indications
géographiques dans les échanges de produits agricoles autres que les
Bulletin n°2
Réunion du mardi 9 octobre 2007
251
vins, protégés par un protocole, afin d’éviter toute usurpation de
marques.
Dans les cinq ans, le Monténégro s’engage à rapprocher sa
législation de celle de la Communauté européenne en se concentrant
d’abord sur les éléments fondamentaux de l’acquis dans le domaine du
marché intérieur, y compris le secteur financier, et dans d’autres
domaines tels que la justice, la liberté et la sécurité ainsi que le
commerce.
Dans l’attente de la ratification de l’ASA par le Monténégro,
les Etats membres et la Communauté européenne, la Commission
propose au Conseil de conclure un accord intérimaire pour mettre en
œuvre rapidement les dispositions commerciales de l’ASA qui relèvent
de la compétence exclusive de la Communauté européenne.
Cet accord s’appuie sur un régime commercial privilégié, sur
un partenariat européen adopté en 2004 et scindé en 2006 de celui de la
Serbie pour fixer les priorités de réformes du Monténégro à court et
moyen terme, enfin sur une assistance financière substantielle de l’Union
européenne. L’accord s’appuie enfin sur un ensemble d’initiatives pour
recréer un espace commun de stabilité et de prospérité dans la région des
Balkans occidentaux.
Le Monténégro présente cependant des lacunes très
importantes sur des points fondamentaux qu’il doit combler au plus vite
pour progresser sur le chemin de l’adhésion.
Dans le premier rapport de progrès sur le Monténégro
indépendant, présenté en novembre 2006, la Commission a appelé ce
pays à concentrer ses efforts sur l’amélioration de sa capacité
administrative alors qu’il se trouve au tout début d’un processus de
reprise de l’acquis communautaire, ainsi que sur la réforme d’un système
judiciaire défaillant de manière à le rendre efficace et totalement
indépendant du gouvernement. Ce pays doit éradiquer la corruption et le
crime organisé qui restent à des niveaux élevés.
L’adoption d’une constitution devrait être adoptée de
manière consensuelle, en impliquant tous les partis politiques, dans le
respect des normes européennes. Or, le Monténégro n’a toujours pas
adopté sa nouvelle constitution et les débats menés depuis des mois sur
252
Réunion du mardi 9 octobre 2007
Bulletin n° 2
le projet du gouvernement ont montré un pays plus divisé que ne l’avait
laissé paraître son accession pacifique à l’indépendance.
Relever le niveau de vie constituera l’un des principaux
défis. La Commission a confirmé la viabilité économique de ce petit Etat
qui a privilégié la stabilité par rapport à la flexibilité pour sortir du
marasme des années de guerre et doit maintenant développer la
croissance d’une économie reposant sur trois secteurs : l’aluminium, le
tourisme et l’agriculture.
Le Monténégro qui était la République la plus pauvre de la
Fédération yougoslave a un PIB par habitant de 2 790 € et un salaire
mensuel moyen de 377 €. L’adoption du deutsche mark en 1999 puis de
l’euro a permis de passer d’une hyper-inflation de plus de 100 % à 2,5 %
en 2006 et d’améliorer progressivement la croissance, de 3,7 % en 2004
à 6,5 % en 2006. La France est le onzième fournisseur (2,1 % des
importations monténégrines) et le 31e client.
L’amélioration de la transparence dans les affaires devrait
favoriser le développement des investissements directs étrangers qui ont
atteint 500 millions d’euros en 2006 et sont en progression constante
depuis 2004. Le chômage, officiellement de 15 % mais plus élevé, est en
partie absorbé par une économie informelle estimée à 20 % et la
population au-dessous du seuil de pauvreté s’élève à plus de 10 %.
Le Conseil « Affaires générales et relations extérieures »
doit se prononcer le 15 octobre sur l’ASA avec le Monténégro.
Cet accord est le résultat d’une négociation technique
aboutie mais, avant de conclure, le Conseil devrait adresser un message
politique clair aux peuples monténégrin et européens pour éviter tout
malentendu sur sa portée.
En effet, le Conseil devrait clairement annoncer que l’ASA
n’est pas une garantie d’accès automatique à l’Union européenne et que
le Monténégro n’entrera pas dans l’Union européenne tant qu’il ne
respectera pas complètement les critères d’adhésion généraux et
spécifiques aux Balkans.
A cet égard, le Monténégro devrait dissiper les doutes sur
deux points fondamentaux.
Bulletin n°2
Réunion du mardi 9 octobre 2007
253
D’une part, ce pays ne paraît pas en état de s’engager
pleinement dans un processus de réformes tant qu’il n’aura pas adopté sa
nouvelle constitution, censée notamment garantir le droit des minorités.
D’autre part, ce pays n’a pas respecté une position de
principe de l’Union européenne sur la Cour pénale internationale (CPI),
en signant le 1er mai 2007 un accord avec les Etats-Unis garantissant la
non-extradition de citoyens américains suspectés de génocide, de crimes
de guerre ou de crimes contre l’humanité vers la CPI, en échange d’une
aide militaire des Etats-Unis. La Roumanie avait signé un accord
semblable en 2002 pendant les négociations d’adhésion mais ne l’a
jamais ratifié en raison de l’opposition de l’Union européenne à ces
accords affaiblissant l’autorité de la CPI. La Croatie, pays candidat aux
négociations d’adhésion, a refusé de signer un accord de ce type, mais il
conviendrait de s’assurer que l’ARYM, l’Albanie et la
Bosnie-Herzégovine ne l’ont pas fait. Le Monténégro devrait se mettre
en conformité avec la position de l’Union européenne sur la CPI pour
que l’Union et ses Etats membres puissent conclure et ratifier cet accord.
Le Conseil doit également rassurer l’opinion européenne et
lui garantir que la fragmentation de l’ex-Yougoslavie en sept Etats
n’affaiblira pas le système décisionnel de l’Union européenne après leur
adhésion ni sa capacité d’intégration de nouveaux Etats membres.
L’Union européenne est fondée sur l’égalité entre Etats
membres quelle que soit leur taille, corrigée au Conseil et au Parlement
européen par une pondération des voix et des sièges en fonction de la
population.
Or il serait très difficile d’attribuer des sièges au Parlement
européen à l’ensemble des Etats de l’ex-Yougoslavie sans remettre en
cause les critères définis par le Conseil européen en juin 2007 pour
l’après 2009 (plafond global de 750 députés, seuil maximal de 96 et
seuil minimal de six pour chaque Etat membre et proportionnalité
dégressive). En particulier, le seuil minimal de six députés pour les Etats
les moins peuplés aboutirait à un doublement de la représentation des
sept Etats par rapport à ce qu’aurait été celle de l’ex-Yougoslavie, en
considération d’une population d’environ 21 millions d’habitants.
Par ailleurs, une forme de pondération n’existe plus à la
Commission depuis la disparition du deuxième Commissaire pour les
Etats fortement peuplés et la rotation égalitaire de deux tiers des Etats
254
Réunion du mardi 9 octobre 2007
Bulletin n° 2
après 2014 pourrait renforcer l’avantage de la fragmentation dans une
institution décidant à la majorité simple.
Enfin, la pondération n’a jamais existé à la Cour de justice
des Communautés européennes. Elle juge à la majorité simple avec une
composition fondée sur le principe qu’un juge par Etat membre égale
une voix.
La prime à la fragmentation des Etats dans le système
décisionnel de l’Union européenne présente le risque de délégitimer les
décisions des institutions et de provoquer un recul de l’intégration
communautaire, au profit d’un retour à la coopération
intergouvernementale dans laquelle la puissance respective des membres
serait mieux prise en compte.
Elle risque également de favoriser la revendication de
certaines régions à compétence législative, beaucoup plus riches et
peuplées, de devenir des Etats membres de plein exercice pour participer
directement aux décisions de l’Union européenne et de la communauté
internationale en tant que membres de l’ONU.
L’échéance de ces futures adhésions est encore lointaine
mais la réflexion mérite d’être engagée dès maintenant.
Le Président Pierre Lequiller a approuvé les conclusions
de la rapporteure assortissant l’approbation de l’ASA par la Délégation
d’un certain nombre de réserves sur le fait que l’ASA n’était pas une
garantie d’accès automatique à l’Union européenne, sur l’adoption d’une
nouvelle constitution par le Monténégro garantissant son plein
engagement dans le processus de réformes, sur la renonciation de ce
pays à un accord non conforme aux positions de l’Union européenne sur
la Cour pénale internationale, enfin sur les garanties à prévoir pour que
la fragmentation d’un Etat en Etats moins peuplés n’affaiblisse pas le
système décisionnel de l’Union européenne après leur adhésion.
Bulletin n°2
Réunion du mardi 9 octobre 2007
255
Sur proposition de la rapporteure, la Délégation a adopté
les conclusions suivantes :
« La Délégation,
Vu l’article 88-4 de la Constitution,
Vu la proposition de décision du Conseil concernant la
signature, au nom de la Communauté européenne, de l’accord de
stabilisation et d’association entre les Communautés européennes et
leurs Etats membres et la République du Monténégro, et la proposition
de décision du Conseil et de la Commission concernant la conclusion de
l’accord de stabilisation et d’association entre les Communautés
européennes et leurs Etats membres, d’une part, et la République du
Monténégro, d’autre part, (COM(07) 350 final / E 3585) ainsi que la
proposition de décision du Conseil relative à la signature et à la
conclusion d’un accord intérimaire sur le commerce et les mesures
d’accompagnement entre la Communauté européenne, d’une part, et la
République du Monténégro, d’autre part (COM(07) 351 final / E 3578) ;
1. Se prononce en faveur de l’accord de stabilisation et
d’association dans la mesure où il ouvre un processus de longue durée
invitant le Monténégro à redoubler son effort de réforme pour se
préparer à une future adhésion avec l’aide renforcée de l’Union
européenne ;
2. Estime toutefois que, tout en confirmant la perspective
européenne du Monténégro, le Conseil doit clairement annoncer que
l’accord de stabilisation et d’association n’est pas une garantie d’accès
automatique à l’Union européenne et que le Monténégro n’entrera pas
dans l’Union européenne tant qu’il ne respectera pas complètement les
critères d’adhésion généraux et spécifiques aux Balkans occidentaux ;
3. Considère que l’Union européenne et ses Etats membres
ne peuvent conclure ni ratifier cet accord tant que le Monténégro n’a
pas adopté sa nouvelle constitution et n’est pas en état de s’engager
pleinement dans un processus de réformes ;
4. Estime également nécessaire que le Monténégro renonce
à tout accord avec un pays tiers non conforme aux positions de l’Union
européenne sur des questions fondamentales, comme le respect de
l’autorité de la Cour pénale internationale ;
256
Réunion du mardi 9 octobre 2007
Bulletin n° 2
5. Souhaite qu’une réflexion soit engagée sur les garanties à
prévoir pour que la fragmentation d’un Etat en Etats moins peuplés
n’affaiblisse pas le système décisionnel de l’Union européenne après
leur adhésion ni sa capacité d’intégration de nouveaux Etats membres ».
Bulletin n°2
z Protection
Réunion du mardi 9 octobre 2007
257
des consommateurs
Communication de Mme Marietta Karamanli sur le Livre vert sur la
révision de l’acquis communautaire en matière de protection des
consommateurs (E 3447)
Mme Marietta Karamanli, rapporteure, a rappelé que le
Livre vert amorçait une phase essentielle. Le droit européen de la
consommation doit être amélioré à trois titres : son approche est
sectorielle ; la teneur de la protection dont bénéficie le consommateur
varie selon les Etats membres ; le marché intérieur n’est guère unifié et
intégré pour lui. Les transactions transfrontières sont peu nombreuses.
La démarche entamée par la Commission est consensuelle, visant au
renforcement et à l’harmonisation des droits du consommateur en
Europe, ainsi qu’à l’amélioration du marché intérieur. Un cadre
juridique plus simple, plus sûr, plus cohérent et plus moderne est un
objectif partagé.
La révision concerne certes huit des directives relatives au
droit de la consommation seulement, mais cette approche partielle
permet d’envisager un délai plus rapide pour obtenir des résultats et une
amélioration de la situation sur plusieurs points clés.
Parmi les différentes options suggérées par la Commission, il
faut choisir pour le futur non pas une adaptation individuelle de chacune
des directives existantes, mais une approche mixte combinant une
directive transversale pour traiter les questions communes à tous les
contrats conclus par les consommateurs et des directives « verticales »
pour les sujets sectoriels. Trois conditions doivent être respectées : la
future directive doit s’appliquer à tous les contrats, transfrontaliers et
nationaux ; le niveau d’harmonisation doit être sérieusement défini et
l’option d’une harmonisation optimale, ou maximale ciblée, doit être
retenue. Enfin, toute référence au principe du pays d’origine ou à une
clause de reconnaissance mutuelle doit être exclue, de manière à éviter
tout risque de « dumping » juridique.
En ce qui concerne le fond de la future directive
« verticale », il convient d’éviter toute interférence avec les réflexions et
travaux en cours au niveau européen sur le droit général des contrats. Ce
258
Réunion du mardi 9 octobre 2007
Bulletin n° 2
dernier représente un élément essentiel du droit civil. En ce qui concerne
les hypothèses d’une obligation de bonne foi s’appliquant aux contrats
de consommation, les différences de définition et de portée de ces
notions selon les pays imposent d’y renoncer. Seule pourrait être
éventuellement prise en compte la notion de professionnel « loyal »
devant répondre aux « attentes normales et raisonnables » du
consommateur. L’hypothèse d’une extension du dispositif sur les clauses
abusives au prix et à l’objet du contrat apparaît, par ailleurs, tout aussi
délicate à retenir pour le Gouvernement comme pour le Parlement
européen. On peut cependant estimer que cette hypothèse ne peut pas
être rejetée directement et qu’il faut éviter tout ce qui permet d’abuser de
la faiblesse du consommateur.
S’agissant de son contenu, la future directive transversale
devrait notamment s’attacher à définir la notion de consommateur de
manière harmonisée et à prévoir également une obligation générale
d’information, les exigences formelles et linguistiques, les principes
relatifs à la rétractation et les clauses abusives.
Sur le fond, le Livre vert offre la possibilité de prévoir des
améliorations de la protection des consommateurs : le remplacement de
l’actuelle liste indicative des clauses abusives par deux listes, une liste
« noire » des clauses interdites et une liste « grise » des clauses
simplement présumées abusives ; la clarification des sanctions en cas de
manquement aux obligations d’information précontractuelle et
contractuelle ; la création d’un droit général à indemnisation avec une
notion harmonisée du préjudice comprenant notamment le préjudice
moral. Pour ce qui concerne les biens, s’esquissent des améliorations sur
la définition de la livraison, sur le transfert du risque et sur la
prolongation de la garantie légale selon la durée de réparation du bien,
ainsi que sur la suppression du délai de notification du défaut de
conformité comme sur l’introduction d’un contenu minimum par défaut
de la garantie commerciale et son transfert automatique en cas de revente
du bien.
S’agissant du délai de réflexion ou de rétractation, la
simplicité recommande un mécanisme unique. Néanmoins, il n’est pas
envisageable de prévoir un tel dispositif commun tant sur les délais et les
modalités que sur les effets du droit de rétractation. On peut cependant
penser que la forme de la rétractation devrait être libre, pour permettre
au consommateur de l’exercer aisément. Un accord s’esquisse sur le fait
Bulletin n°2
Réunion du mardi 9 octobre 2007
259
que la rétractation ne doit entraîner aucun frais pour le consommateur,
sauf éventuellement des frais de renvoi postal, et qu’elle doit
s’accompagner du remboursement du prix du produit.
Sur la question linguistique, non abordée par le Livre vert, il
convient de prévoir le droit pour le consommateur qui n’a pas pris
l’initiative d’une transaction transfrontalière, de disposer des éléments
précontractuels et du contrat dans la langue de son choix.
Pour le futur, d’autres sujets pourraient être intégrés dans le
socle commun du droit communautaire des consommateurs, mais ils sont
subordonnés à des réflexions et études complémentaires.
L’application du dispositif sur les clauses abusives aux
dispositions ayant fait l’objet d’une négociation individuelle recueille
l’assentiment des organisations de consommateurs. Le Gouvernement
indique que cette évolution n’irait pas sans poser de problème juridique.
On peut cependant considérer que le particulier devrait toujours avoir la
possibilité de dénoncer une clause abusive.
S’agissant des transactions entre particuliers conclus par
l’intermédiaire d’un professionnel, si l’objectif d’une protection
comparable représente un idéal, des adaptations sont néanmoins
indispensables. L’intermédiaire ne peut pas, en effet, offrir les mêmes
garanties qu’un vendeur professionnel, notamment vis-à-vis du
remplacement du bien. Une réflexion sectorielle semblable à celle qui a
conduit la France à avoir une législation spécifique sur les sociétés de
vente volontaire est nécessaire.
En ce qui concerne les nouvelles technologies et les biens et
services à contenu numérique, la demande des consommateurs d’avoir
les mêmes droits « en ligne et hors ligne » semble légitime. Néanmoins,
une expertise est nécessaire pour prévoir ce qui peut être appliqué avec
ou sans adaptation : garanties, droit de rétractation. Il faut bien identifier
la nature des contrats, dont certains sont des contrats d’exploitation,
d’utilisation, de mise à disposition de services à contenu numérique qui
n’emportent pas nécessairement transfert de propriété et relations de
consommateurs à vendeurs. Le débat s’élargit également à des éléments
qui ne sont pas abordés pour les biens et services classiques : le droit à
une technique neutre, le droit aux innovations technologiques, le droit à
l’interopérabilité des contenus et des services notamment.
260
Réunion du mardi 9 octobre 2007
Bulletin n° 2
Le dernier élément concerne des recours collectifs, les class
actions, peu présents en Europe, avec plusieurs exceptions au Portugal et
en Suède notamment. Deux questions se posent : faut-il introduire ce
dispositif au niveau national ? Faut-il le faire au niveau européen ?
S’agissant de la France, la lettre de mission adressée à
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de
l’emploi, prévoit la mise en place d’une action de groupe à la française.
Les associations de consommateurs sont favorables au principe d’une
telle action. Pour leur part, les représentants des entreprises craignent
notamment la complexité et les risques d’abus. Globalement, la simple
existence d’un dispositif peut cependant présenter un intérêt non pas tant
punitif que dissuasif.
Sur le fond, il est possible d’envisager par ailleurs un autre
modèle que le modèle américain et créer un « modèle français » qui
donne aux consommateurs la possibilité de se défendre.
Au niveau européen, la Commission envisage une initiative
créant une action de groupe selon une approche concurrentielle. La
présidence portugaise organise pour sa part un colloque sur les actions
de groupe le mois prochain. On peut ne pas partager les réserves du
Gouvernement français sur l’absence de base juridique adéquate pour
une intervention européenne en la matière. Le marché intérieur exige un
niveau minimum d’organisation, notamment si les transactions
transfrontalières se développent.
Si elles étaient créées, ces actions de groupe devraient être
accessibles à tous, personnes physiques et personnes morales, concerner
tous les secteurs de la vie économique et sociale, permettre la réparation
de tous les préjudices subis et la restitution de toutes les sommes
indûment perçues, sans préjuger, à ce stade, du fond d’un dispositif qui
devrait respecter le principe d’un équilibre dans les relations entre les
consommateurs et les entreprises.
M. Daniel Fasquelle a indiqué que l’action communautaire
dans le domaine du droit de la consommation était intervenue assez tôt,
dès les années soixante-dix. C’est d’ailleurs à partir des années soixante
que ce droit s’est développé aux Etats-Unis. Le droit français – en
particulier la loi de 1978 sur les clauses abusives – a d’ailleurs souvent
servi de modèle au droit communautaire, élément qui mériterait d’être
maintenu pour le futur.
Bulletin n°2
Réunion du mardi 9 octobre 2007
261
Sur le fond, il convient de veiller à instaurer une plus grande
cohérence de la terminologie juridique, notamment sur la notion même
de consommateur, qui n’est toujours pas harmonisée.
Par ailleurs, les initiatives sur le droit de la consommation ne
doivent pas conduire à détricoter, ou à déstabiliser, le droit des contrats,
et plus généralement le droit civil.
S’agissant de l’action de groupe, la France dispose de
l’action en représentation conjointe qui permet, sous certaines
conditions, une action collective des consommateurs. Pour autant, on
peut être favorable à l’institution d’une véritable action de groupe, qui
s’avèrerait beaucoup plus efficace. Le cas du contentieux avec les
opérateurs de téléphones mobiles pour ententes le montre effectivement.
L’Union européenne pourrait d’ailleurs affirmer sa compétence pour
légiférer en la matière, sur la base des dispositions régissant le droit à la
concurrence, comme l’a envisagé le Livre vert présenté en décembre
2005 sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles
communautaires sur les ententes et abus de position dominante.
M. Daniel Fasquelle a toutefois insisté sur la nécessité
d’éviter que la Commission ne copie totalement la législation
américaine.
Tout en s’associant aux observations de la rapporteure sur la
protection des intérêts économiques des consommateurs, il a ensuite
regretté que le Livre vert n’ait pas évoqué la protection de leurs intérêts
dans le domaine de la sécurité et de la santé et a estimé que le volet, très
important, des actions en justice ouvertes aux consommateurs au titre
des achats transfrontaliers ne devait pas être négligé. C’est un domaine
dans lequel le droit communautaire accuse un retard.
La rapporteure, après avoir déclaré partager les propos de
M. Daniel Fasquelle sur l’action de groupe, a considéré qu’il importait
effectivement d’approfondir la question du commerce par l’Internet. Le
nombre peu élevé de consommateurs qui y recourent semble résulter de
la plus grande complexité des litiges à résoudre et du risque de non
respect de leurs droits dans ce domaine.
Le Président Pierre Lequiller a indiqué que la Délégation
pourrait se saisir à l’avenir de la question du commerce par l’Internet.
262
Réunion du mardi 9 octobre 2007
Bulletin n° 2
M. Régis Juanico a souligné l’intérêt qu’il y aurait à
simplifier la terminologie employée, afin que les parlementaires
eux-mêmes puissent plus facilement expliquer aux citoyens les enjeux
du droit de la consommation. Puis il a demandé si les recours des
consommateurs devraient être introduits devant les juridictions
nationales ou si ces derniers pouvaient saisir directement la juridiction
communautaire.
M. Daniel Fasquelle a rappelé que le droit communautaire
se bornait à harmoniser les législations nationales et que ce sont les
juridictions des Etats membres qui étaient compétentes.
M. Jacques Myard a fait observer que la question posée par
M. Régis Juanico illustrait – ce qu’il a qualifié de fausse bonne idée – la
croyance selon laquelle seule une Cour fédérale serait en mesure
d’accorder la meilleure protection, alors que, conformément au principe
de subsidiarité, il incombe au justiciable de saisir les juridictions
nationales, parce qu’elles rendent une justice de proximité.
Sous le bénéfice de ces observations, la Délégation a pris
acte du Livre vert.
Bulletin n°2
Réunion du mardi 9 octobre 2007
263
z Examen
de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de
l'article 88-4 de la Constitution
Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation
a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de
l'article 88-4 de la Constitution.
Point A
Aucune observation n’ayant été formulée sur les textes
suivants, la Délégation les a approuvés.
¾ Espace de liberté, de sécurité et de justice
- Livre vert sur les technologies de détection dans le travail
des services répressifs, des douanes et d'autres services de sécurité
(document E 3259) ;
- projet de décision du Conseil concernant la mise en oeuvre
de la décision 2007/.../JAI relative à l'approfondissement de la
coopération transfrontière, notamment en vue de lutter contre le
terrorisme et la criminalité transfrontière (document E 3599).
¾ PESC et relations extérieures
- proposition de décision du Conseil relative à la conclusion
du protocole modifiant l'accord de coopération entre la Communauté
économique européenne et le Royaume de Thaïlande concernant la
production, la commercialisation et les échanges de manioc (document
E 3618) ;
- proposition de décision du Conseil concernant la
conclusion d'un accord entre la Communauté européenne et la
Fédération de Russie relatif au commerce de certains produits
sidérurgiques (document E 3634) ;
- proposition de règlement du Conseil concernant la gestion
de restrictions à l'importation de certains produits sidérurgiques en
provenance de la Fédération de Russie (document E 3635).
¾ Politique sociale
- proposition de Règlement du Conseil visant à étendre les
dispositions du Règlement (CE) n° 883/2004 et du Règlement (CE)
264
Réunion du mardi 9 octobre 2007
Bulletin n° 2
n° [...] aux ressortissants des pays tiers qui ne sont pas déjà couverts par
ces dispositions uniquement en raison de leur nationalité (document
E 3612) ;
- proposition de décision du Parlement européen et du
Conseil concernant la mobilisation du Fonds de solidarité de l'Union
européenne, en application du point 26 de l'accord interinstitutionnel du
17 mai 2006 entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission
sur la discipline budgétaire et la bonne gestion financière (document
E 3619).
¾ Questions budgétaires et fiscales
- projet de budget rectificatif d'installation
fonctionnement du C.SIS pour 2007 (document E 3601) ;
et
de
- proposition de décision du Conseil autorisant la France à
appliquer un taux d'imposition réduit à l'essence sans plomb utilisée
comme carburant et mise à la consommation dans les départements de
Corse conformément à l'article 19 de la directive 2003/96/CE (document
E 3609).
¾ Transports
- proposition de directive du Parlement européen et du
Conseil relative à l'interopérabilité du système ferroviaire
communautaire (document E 3377) ;
- proposition de directive du Parlement européen et du
Conseil modifiant la directive 2004/49/CE concernant la sécurité des
chemins de fer communautaires (document E 3378).
Point B
¾ Agriculture
- proposition de règlement du Conseil portant sur la
modification du règlement (CE) n° 1290/2005 relatif au financement de
la politique agricole commune (document E 3480).
M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur, a rappelé que cette
proposition s’inscrit dans le cadre général de la protection des intérêts
financiers de l’Union européenne et comporte deux parties.
La première concerne la publication d’informations relatives
aux bénéficiaires des aides du Fonds européen agricole de garantie
Bulletin n°2
Réunion du mardi 9 octobre 2007
265
(FEOGA) et du Fonds européen pour le développement rural
(FEADER). Selon le règlement (CE) 1995 /2006, la Commission
communique les informations sur les bénéficiaires des fonds fournies par
les entités auxquelles les tâches d’exécution du budget sont déléguées, à
charge pour les Etats membres d’assurer une publication annuelle des
noms des bénéficiaires des fonds en provenance du budget. Devant les
réticences de certains Etats – seuls treize pays ont mis en place des
registres par le biais du site Internet des institutions européennes, la
France ayant seulement commencé à publier l’année dernière les noms
des bénéficiaires les plus importants – il était impératif de préciser les
obligations relatives à la mise en œuvre de la transparence.
La Commission considère que la communication de la liste
des bénéficiaires doit être assurée par les Etats membres. La France
estime à l’inverse que la publication doit être du ressort de la
Commission et fait valoir plusieurs arguments. Le rapporteur a précisé
ne pas partager l’argument selon lequel seule une publication par la
Commission permettrait une publication centralisée et harmonisée, ni
celui lié aux difficultés de mise en place de bases de données dans
certains Etats membres. En revanche, les éventuelles difficultés résultant
de l’application dans les Etats membres de certains droits nationaux
limitant l’accès aux droits administratifs et aux données personnelles
méritent d’ être prises en compte.
Le point de vue de la Commission apparaît le plus solide, les
Etats membres étant effectivement les mieux placés pour mettre en
œuvre cette transparence. Toute l’application de la politique agricole
commune, notamment dans les droits à paiement unique (DPU) est en
effet du ressort des Etats membres. Il est en conséquence difficile de
refuser cette logique relevant de la subsidiarité. Il faut toutefois cadrer
les obligations à la charge des Etats membres afin de les limiter à la
publication d’un certain nombre d’informations et veiller à ce que ces
dispositions soient en accord avec notre législation relative aux données
personnelles. Sur ce point, une saisine de la Commission nationale de
l’informatique et des libertés devrait être envisagée.
La deuxième partie de la proposition modifie la procédure
d’apurement de conformité en cas de contentieux entre la Commission et
un Etat. Elle prévoit un mécanisme continu de correction financière dès
lors qu’un Etat a reçu deux décisions entraînant des corrections
financières, remettant en cause le principe du débat contradictoire avec
266
Réunion du mardi 9 octobre 2007
Bulletin n° 2
la Commission. Il serait souhaitable que la procédure contradictoire soit
réactivée dès lors que l’Etat membre apporte des éléments nouveaux.
Enfin, cette proposition instaure une dérogation à la règle dite des
vingt-quatre mois en cas de contrôle, en application de laquelle seules
figurent dans l’assiette de la correction financière les dépenses réalisées
dans la période de vingt-quatre mois précédant le premier constat
d’irrégularité. La Commission considère à juste titre que l’application de
cette règle peut faire échapper au contrôle certaines irrégularités. Il
convient cependant de s’assurer un encadrement strict de cette faculté de
dérogation.
Sur la publication de la liste des bénéficiaires des aides
agricoles, M. Hervé Gaymard a indiqué qu’il avait une opinion
dissidente de celle du rapporteur. Il a d’abord fait observer que les
agriculteurs, tant français qu’européens, n’étaient pas demandeurs du
système des aides directes quand il s’est substitué au mécanisme de
soutien des prix. Derrière le slogan que l’on peut considérer comme
facile : « On veut des prix pas des primes », il y a assurément un fond de
vérité. Par ailleurs, il s’est dit opposé à tout ce qui fustige et est
susceptible de désigner à la vindicte populaire. Ces aides sont des aides
légales auxquelles les bénéficiaires ont droit et qui résultent d’une
politique décidée et assumée par les autorités publiques. Pour cette
raison, il est gênant de désigner des « coupables » potentiels.
Il a estimé que la transparence est nécessaire afin de donner
aux citoyens et aux contribuables des informations sur le coût de la
politique agricole commune. Ainsi, quand il était ministre de
l’agriculture, il indiquait lors de ses visites dans les différents
départements, le montant total des aides accordées, ce qui permettait en
appliquant une règle de trois, d’avoir une idée assez précise du montant
accordé par exploitation. En revanche, il a souligné que la transparence
nominative est contraire à l’idée que l’on peut se faire des droits de
l’homme et de la liberté individuelle. Enfin, il a rappelé que de
nombreuses exploitations ayant la forme juridique de groupement
juridique d’exploitation en commun (GAEC), la comparaison entre
structures collectives et individuelles biaisent inévitablement le
raisonnement.
Pour toutes ces raisons, il a émis des réserves sur la
transparence totale.
Bulletin n°2
Réunion du mardi 9 octobre 2007
267
Au Président Pierre Lequiller qui faisait observer que
l’objet de la proposition était de déterminer le responsable de la
publication, M. Hervé Gaymard a indiqué avoir voulu saisir l’occasion
de ce débat pour évoquer, de manière plus générale, le problème de la
transparence.
Mme Chantal Brunel a relevé que, lorsqu’une entreprise
perçoit une aide, celle-ci est connue. Il n’y a donc pas de raison de
cacher les aides agricoles alors que dans d’autres secteurs économiques,
les aides sont identifiées, fléchées et remboursées si les critères
d’attribution ne sont pas remplis.
M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur, a indiqué partager
l’opinion de M. Hervé Gaymard sur la philosophie sous-tendue par le
slogan «Des prix, pas des primes » et a espéré que ce débat sera pris en
compte à l’occasion du bilan de santé de la PAC. La transparence est
cependant indispensable afin de mettre fin aux fantasmes existant autour
des aides agricoles. Il est vrai que de grandes exploitations du Nord sont
les bénéficiaires importants de la PAC et la lumière doit être faite sur ces
réalités. Le débat sur la responsabilité de la publication doit être tranché
en faveur des Etats membres. Il souhaiterait que dans l’application de
ces dispositions, il soit tenu compte des données nationales spécifiques
et que l’intervention de la CNIL soit prévue. En conclusion, il a fait
remarquer que le sujet est un sujet éminemment sensible comme celui
des OGM ainsi que l’ont montré les débats au sein de la Délégation la
semaine dernière. D’une façon générale, il faut prendre garde à ce que
les informations mises en ligne, par exemple la publication des types de
productions de maïs ou de soja, puissent être utilisées par des groupes de
pression. Compte tenu du risque de débats frontaux, la sagesse veut que
ces dispositifs soient encadrés juridiquement par les Etats membres.
Sous le bénéfice de ces observations, la Délégation a
approuvé ce texte.
¾ Pêche
- proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion
de l'accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la
Communauté européenne et la République du Mozambique (document
E 3615) ;
268
Réunion du mardi 9 octobre 2007
Bulletin n° 2
- proposition de décision du Conseil relative à la conclusion
de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application
provisoire de l'accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la
Communauté européenne et la République du Mozambique (document
E 3616).
Ces deux textes ont été approuvés.
Enfin, la Délégation a pris acte de l’approbation selon la
procédure d’examen en urgence, des quatre textes suivants :
- position commune du Conseil modifiant la position
commune 2005/440/PESC relative à des mesures restrictives à l'encontre
de la République démocratique du Congo (document E 3637) ;
- projet d'action commune relative à l'opération militaire de
l'Union européenne en République du Tchad et en République
centrafricaine (document E 3638) ;
- position commune 2007/.../PESC du ... reconduisant la
position commune 2004/694/PESC relative à de nouvelles mesures à
l'appui de la mise en oeuvre effective du mandat du Tribunal pénal
international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY (document E 3639) ;
- proposition de décision du Conseil relative à la signature et
à l'application provisoire d'un protocole additionnel à l'accord sur le
commerce, le développement et la coopération entre la Communauté
européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République d'Afrique
du Sud, d'autre part, pour tenir compte de l'adhésion à l'Union
européenne de la République de Bulgarie et de la Roumanie (document
E 3641).
Bulletin n°2
Réunion du mardi 9 octobre 2007
269
z Multilinguisme
Audition, ouverte à la presse, de M. Leonard Orban, Commissaire
européen chargé du multilinguisme
Le Président Pierre Lequiller a remercié le Commissaire
d’avoir bien voulu venir s’exprimer devant la Délégation et a rappelé
que celle-ci s’était saisie du sujet du multilinguisme en 2003, à travers
un rapport d’information présenté par M. Michel Herbillon. Il a ensuite
souligné que la diversité linguistique était inscrite dans le projet de traité
constitutionnel et qu’elle le serait dans le traité modificatif.
Il a interrogé le Commissaire sur les grandes lignes de son
action, puis a indiqué que la journée européenne des langues organisée le
26 septembre dernier avait été l’occasion d’insister sur la nécessité de
l’apprentissage des langues dans l’enseignement mais aussi tout au long
de la vie. Dans le monde des affaires, les langues revêtent une grande
importance. Le système d’éducation en France ne permet pas encore
d’atteindre l’objectif de connaissance de deux langues étrangères au
moins, fixé par le Conseil européen de Barcelone en 2002.
Enfin, le Président Pierre Lequiller a jugé regrettable que la
pratique du français dans les institutions européennes ne soit pas plus
développée.
M. Leonard Orban, Commissaire européen chargé du
multilinguisme, a souligné que la diversité linguistique de l’Union
européenne constitue une richesse unique. Aujourd’hui, avec 27 Etats
membres et 23 langues officielles – sans compter plus de soixante
langues régionales et minoritaires –, cette diversité linguistique prend
une dimension nouvelle. Ces différentes langues n’ont pas toutes le
même parcours historique, ni le même rayonnement, mais elles ont
toutes une légitimité et une égale dignité.
La langue parlée par une personne fait partie intégrante de
son identité. Elle est l’expression la plus directe de sa culture. C’est
également un outil de communication essentiel. Il est nécessaire que les
langues ne soient pas perçues comme des obstacles, mais comme des
ponts entre les individus.
270
Réunion du mardi 9 octobre 2007
Bulletin n° 2
Ces mots doivent avoir une résonance particulière dans le
contexte de la mondialisation : il faut garder à l’esprit que le
multilinguisme peut permettre, et même doit contribuer au
développement économique, social et culturel de l’Union européenne.
Le Commissaire a ensuite mentionné les efforts de la
Commission pour atteindre elle-même son objectif de multilinguisme et
d’accessibilité aux citoyens de l’Union à travers la traduction des
documents produits par les institutions. Il a indiqué que la Commission
appréciait particulièrement l’action de la France qui plaide pour le
respect du principe d’égalité pour toutes les langues officielles de
l’Union. Bien évidemment, la mise en pratique de cette idée oblige à
relever de nombreux défis techniques et l’équilibre entre la demande
énorme et nos capacités est difficile à trouver.
Le Commissaire a souligné que la Commission travaillait
actuellement à une analyse d’impact et réfléchissait aux solutions à
développer pour répondre à cette question cruciale.
La politique du multilinguisme, au niveau européen, a connu
une accélération notable au cours des dernières années, notamment sous
l’impulsion du Président José Manuel Barroso. Cette évolution a encore
été renforcée avec la création en janvier 2007 d’un portefeuille
spécifique consacré au multilinguisme.
Le Commissaire a rappelé que dès le mois de février, il avait
présenté au Parlement européen la ligne de conduite qu’il souhaite suivre
et les raisons pour lesquelles une politique du multilinguisme plus
clairement définie et plus cohérente est nécessaire.
Au Conseil européen de Barcelone en 2002, les Etats
membres se sont fixé pour objectif que les citoyens européens
apprennent au moins deux langues étrangères. Dans cette droite ligne,
en 2003, la Commission a lancé le Plan d’action 2004–2006 pour la
promotion de l’apprentissage des langues et la diversité linguistique. Le
but de ce plan était de promouvoir le multilinguisme en Europe en
coopération avec les Etats membres et via des actions concrètes dans le
cadre des programmes d’éducation et de formation.
Un rapport sur la mise en œuvre de ce plan vient d’être
publié. Les résultats sont assez encourageants et démontrent qu’une
coopération fructueuse entre la Commission et les Etats membres est
Bulletin n°2
Réunion du mardi 9 octobre 2007
271
possible et positive dans le secteur de l’enseignement et l’apprentissage
des langues.
Le Commissaire a remercié les autorités françaises pour
l’excellente coopération avec la Commission dans ce travail ; une
contribution exhaustive sur la situation de l’enseignement des langues en
France a été envoyée.
Au cours de ces dernières années, en France, le système
d’éducation a profondément été réformé. Ces réformes ont notamment
permis de donner plus de place à l’enseignement de deux langues
étrangères et d’instaurer un système transparent d’évaluation des
compétences linguistiques. Le Commissaire s’est félicité de cette
démarche, dont certains aspects sont présentés comme « bonne
pratique » dans le rapport de mise en œuvre du Plan d’Action.
Il s’est déclaré persuadé que ces efforts vont continuer et a
invité les autorités françaises à utiliser au mieux les programmes
européens, en particulier le programme d’éducation et formation tout au
long de la vie dont le multilinguisme est un objectif spécifique. Il s’agit
d’encourager l’apprentissage des langues dès le plus jeune âge, tout au
long du parcours scolaire et aussi durant la vie professionnelle.
Ainsi, mieux armés grâce à une connaissance accrue des
langues, les citoyens peuvent accéder à de meilleures opportunités
professionnelles ou à des offres de travail à l’étranger.
Pour les entreprises européennes, un personnel multilingue
peut ouvrir la voie aux marchés européen et mondial. Les langues sont
un moyen d’augmenter leur compétitivité.
Une récente étude confirme que des opportunités
commerciales concrètes sont restées inexploitées en Europe en raison du
manque de compétences linguistiques dans les entreprises.
La Commission souhaite sensibiliser le monde économique
sur l’impact des compétences linguistiques sur les performances des
entreprises, sur le potentiel de croissance qu’une meilleure maîtrise des
langues étrangères induit. Le Commissaire a indiqué qu’il avait
récemment organisé à Bruxelles une conférence intitulée : « Les langues
font nos affaires », consacrée aux langues en tant qu’atout concurrentiel
pour l’Europe.
272
Réunion du mardi 9 octobre 2007
Bulletin n° 2
Une des principales conclusions de cette conférence est que,
dans le monde des affaires internationales, il ne suffit pas de maîtriser
l’anglais.
Cette idée a été répétée à maintes reprises par les
participants, y compris les Britanniques, dont la vaste majorité était des
représentants du monde des affaires. Le lien entre compétences
linguistiques en différentes langues – notamment la langue du
consommateur – et la performance économique des entreprises devient
très clair.
Le Commissaire a souligné qu’il avait créé un forum des
entreprises sur le multilinguisme pour rechercher les moyens de
renforcer les compétences linguistiques dans les entreprises, afin de les
aider à pénétrer de nouveaux marchés.
La Commission veille à ce que la politique du
multilinguisme soit associée à d’autres politiques de l’Union, l’éducation
mais aussi la culture. Le Commissaire a indiqué qu’à son initiative avait
été constitué un groupe d’intellectuels, présidé par l’écrivain Amin
Maalouf. Il a pour mandat de définir la contribution du multilinguisme à
l’Année européenne du dialogue interculturel en 2008 et au-delà.
La journée européenne des langues a lieu tous les ans depuis
2001 et s’est tenue le 26 septembre dernier. Des centaines de
manifestations, à travers toute l’Europe, ont célébré notre diversité
linguistique. A cette occasion, le « cyber trophée des langues » a été
attribué au Sénat français pour la traduction de son site Internet en
anglais, allemand, espagnol, portugais et italien mais aussi en arabe et en
chinois. Le site Internet de l’Assemblée nationale est également un
exemple d’application pratique du multilinguisme, avec une version
multilingue en anglais, allemand, italien et espagnol.
A l’occasion de cette journée européenne, le Commissaire a
présenté un rapport élaboré par le groupe de haut niveau pour le
multilinguisme. Le but du travail de ce groupe, constitué d’universitaires
travaillant dans ce secteur, est de présenter des recommandations pour le
développement des futures politiques.
Pour la poursuite des efforts dans ce domaine, il est très
important de se rappeler que la culture et l’histoire de l’Europe sont
aussi fondées sur l’histoire de ces langues.
Bulletin n°2
Réunion du mardi 9 octobre 2007
273
La conservation de cet héritage commun est inscrite au cœur
de la construction européenne depuis son origine et les citoyens
européens doivent pouvoir s’approprier le plus largement possible son
patrimoine. Il est donc nécessaire que les gouvernements des Etats
membres approfondissent leur coopération. Une conférence ministérielle
sera organisée au début de l’année prochaine pour évaluer les progrès
accomplis et débattre des possibilités de collaboration dans le futur.
L’implication des citoyens dans ce débat est également
essentielle et c’est pourquoi la Commission organise une consultation
sur Internet concernant le futur des langues en Europe.
Le Commissaire a indiqué qu’il présenterait pendant la
présidence française du second semestre 2008 une communication qui
exposera les grandes lignes d’une nouvelle stratégie pour le
multilinguisme en Europe. Elle mettra en exergue le caractère transversal
du multilinguisme et son articulation avec d’autres politiques
européennes, telles que la culture, la justice et la sécurité, l’emploi et la
cohésion sociale. Il a souligné qu’il comptait sur l’appui des autorités
françaises pour cette tâche.
En conclusion, le Commissaire a cité Stendhal qui disait que
« le premier instrument du génie d’un peuple, c’est sa langue ». Il s’est
déclaré convaincu que le multilinguisme est une chance pour la langue
française, même si en France on est parfois irrité par la place croissante
de l’anglais comme langue de communication internationale. Il a
observé qu’en tant que Commissaire européen en charge du
multilinguisme, il ne lui appartenait pas de prendre position pour une
langue ou pour une autre, mais qu’il appréciait toute action en faveur de
chaque langue européenne et a porté son plein soutien aux autorités
françaises pour tous leurs efforts en faveur du multilinguisme.
Après que le Président Pierre Lequiller eut remercié
M. Leopold Orban de son intervention et lui a dit avoir beaucoup
apprécié qu’il se soit exprimé en français devant la Délégation, un débat
a suivi l’exposé du Commissaire européen.
M. Michel Herbillon s’est associé aux propos du Président
et a rappelé que beaucoup de Roumains parlent encore notre langue.
Après s’être déclaré en accord avec les différents objectifs et
programmes présentés et mis en place par le Commissaire européen, il a
274
Réunion du mardi 9 octobre 2007
Bulletin n° 2
souligné l’importance de l’existence d’un Commissaire chargé du
multilinguisme.
L’originalité de l’Union européenne est d’avoir posé le
principe de l’égalité de toutes les langues même s’il y a une
prédominance croissante de l’anglais. Cette évolution est sensible depuis
la parution de son Rapport sur la diversité linguistique dans l’Union
européenne et le recul significatif du français et des autres langues par
rapport à l’anglais est préoccupant. Ce reflux date de 1995, époque du
« Petit élargissement » et s’est aggravé au fil du temps, le dernier
élargissement ayant fait empirer la situation.
Après que M. Leopold Orban eut indiqué que lors des
Forums qu’il organise, il invite chaque intervenant à s’exprimer dans sa
langue maternelle, M. Michel Herbillon a souligné que la langue
appartient au patrimoine culturel de chacun et est un élément essentiel de
l’identité. C’est également un élément utile des relations internationales
et économiques.
La promotion des différentes langues européennes passe par
l’adoption de mesures concrètes qui peuvent être de deux ordres.
Tout d’abord, même si cela n’est pas de la compétence de
l’Union européenne, il faut rendre obligatoire l’acquisition de deux
langues en Europe car, sans cette mesure, c’est l’anglais seul qui est
appris. A l’époque de la rédaction de son rapport, sept pays seulement
sur vingt-cinq avaient institué l’obligation de l’apprentissage de deux
langues étrangères. Cela était le cas de l’Espagne où le nombre de jeunes
apprenant le français a ainsi été multiplié par cinq. L’avenir des langues
européennes est d’être l’une des premières langues après l’anglais et il
faut promouvoir l’apprentissage des langues dans le système éducatif.
Ensuite il faut veiller à la formation des fonctionnaires de
l’Union européenne. A cet égard il a fait le distinguo entre les
fonctionnaires des anciennes générations qui parlaient le français et ceux
des générations récentes qui ne parlent que l’anglais.
M. Jacques Myard, après s’être associé aux propos
M. Michel Herbillon, a souligné que les offres d’emploi de la
Commission précisent que l’anglais est la première langue devant être
parlée. Il a estimé qu’il faut être vigilant pour maintenir l’égalité de
traitement des différentes langues, qui est une règle non écrite.
Bulletin n°2
Réunion du mardi 9 octobre 2007
275
Concernant les langues de travail dans l’Union européenne,
il s’est déclaré favorable au multilinguisme. Mais il a critiqué les
fonctionnaires français qui ne s’expriment pas dans leur langue
maternelle dans les réunions internationales et a considéré qu’un tel
comportement devrait être sanctionné.
Il a conclu son intervention en notant que s’il ne sera pas
possible à chacun de parler vingt-trois langues, le problème le plus
important était celui des langues de travail au sein de l’Union
européenne.
M. Pierre Forgues a félicité M. Leopold Orban pour sa
maîtrise du français. Il a déclaré que ce sujet lui était très cher et que le
devoir de l’Union européenne est de défendre toutes les langues. Il a
estimé que les fonctionnaires français devaient s’exprimer en français en
soulignant qu’ils avaient un certain complexe qui les poussait à
s’exprimer en anglais. Chaque européen, tout en parlant plusieurs
langues, devrait avoir la fierté de s’exprimer dans sa langue maternelle.
Il a souhaité qu’il y ait au minimum deux langues étrangères obligatoires
en Europe.
M. André Schneider a complimenté le Commissaire
européen pour s’être exprimé de façon remarquable en français et a
souligné que la langue faisait partie de l’identité culturelle et
économique d’un pays.
Il a rappelé qu’il avait fait partie des personnes de la
délégation française au Conseil de l’Europe qui s’étaient retirées quand
un fonctionnaire français s’était exprimé en anglais devant cette
assemblée.
Il a estimé qu’il avait pu mesurer à l’occasion de ses activités
professionnelles de directeur d’un établissement d’enseignement
combien les enseignants de langues étrangères devaient être mieux
formés en soulignant aussi la nécessité que les jeunes français parlent
mieux le français.
M. Daniel Fasquelle a souligné que la nécessité de préserver
ou développer l’apprentissage obligatoire de deux langues étrangères est,
en fait, la condition pour sauvegarder ce qui fait l’essence de la culture
européenne : sa richesse et sa diversité. Sans ouverture aux cultures et
donc aux langues de nos partenaires, il n’y a plus d’Europe. Il faut
276
Réunion du mardi 9 octobre 2007
Bulletin n° 2
cependant se garder de positions extrêmes qui pourraient précisément
conduire à l’inverse de l’effet recherché. A défendre toutes les langues,
on risque fort, au final, de ne promouvoir que l’anglais. Il serait irréaliste
et contreproductif de ne pas savoir faire des choix, avec pragmatisme,
sur les langues que l’on souhaite conserver dans chaque secteur. Cette
démarche avait présidé au choix de cinq langues obligatoires dans le
règlement sur les marques européennes. De même, le protocole de
Londres sur les brevets retient, sagement, quelques langues obligatoires
pour ne pas toutes les sacrifier à l’anglais. Le cœur du problème devient
dans ce contexte de s’assurer que l’usage de plusieurs langues, mêmes
sélectionnées, ne soit pas factice. Il est ainsi inquiétant de constater que
de nombreux fonctionnaires d’origine française à la Commission
préfèrent souvent rédiger leurs documents en anglais plutôt qu’en
français, pourtant l’une des trois langues de travail de la Commission, au
motif que leurs collègues seraient incapables de comprendre des
contributions écrites dans la langue de Racine.
Mme Marietta Karamanli, après avoir témoigné de la
puissance de l’attachement que l’on peut ressentir pour une langue
choisie qui n’est pas sa langue maternelle, a relevé que l’encouragement
de la pratique des langues étrangères ne peut seulement dépendre de
dispositions normatives. Il faut aussi l’assortir de moyens conséquents.
Chacun sait que les séjours prolongés sont les meilleurs facteurs
d’assimilation des langues étrangères. Or, trop peu de moyens sont
encore aujourd’hui consacrés au développement de ce type de séjour
pour les enfants et les jeunes.
Mme Arlette Franco a relevé qu’à ses yeux, l’essentiel est de
parvenir à un respect réciproque. Du point de vue des méthodes de
travail, ce respect passe par la faculté laissée à chacun de s’exprimer
dans sa langue maternelle. Ainsi, à titre d’exemple, le comité de travail
des Pyrénées est parvenu à un système satisfaisant dans lequel chaque
participant peut utiliser sa langue, qu’elle soit le catalan, le basque,
l’espagnol, le français, etc. et être compris par tous, au grand profit de la
collaboration mutuelle.
M. Céleste Lett a estimé pour sa part que l’attachement d’un
pays à la promotion de sa langue à l’étranger est souvent inversement
proportionnel au respect qu’il accorde à ses langues régionales
minoritaires. Il a témoigné de la violence avec laquelle avait été
combattue, lorsqu’il était enfant, sa langue maternelle, le « francisque
Bulletin n°2
Réunion du mardi 9 octobre 2007
277
mosellan », mais aussi de l’apport que fut pour lui cette langue, grâce
notamment à laquelle il bénéficia d’un accès plus aisé et naturel à
l’allemand qui lui permet notamment d’entretenir de nombreux échanges
frontaliers dans lesquels chacun s’exprime dans sa langue tout en étant
compris de tous. Or, les jeunes franco-allemands d’aujourd’hui, privés
de cette chance, tendent aujourd’hui à communiquer entre eux
exclusivement en anglais, ce qui est évidemment regrettable et
appauvrissant culturellement.
Les moyens de lutter contre ce déclin des langues
européennes sont à rechercher du côté de l’enfance, en particulier en
maternelle où l’acclimatation des langues est plus aisé. Les programmes
d’échanges de « native speakers » en particulier, grâce auxquels les
enfants sont au contact d’étrangers s’exprimant dans leur langue,
devraient être puissamment encouragés, ce qui rend probablement
nécessaire d’harmoniser dans une certaine mesure le profil des
enseignants (les professeurs des écoles français, par exemple, peuvent
enseigner à des enfants dont l’âge va de 3 à 12 ans tandis que leurs
homologues allemands sont concentrés sur des classes d’âge plus
restreintes, ce qui obère les programmes d’échange).
Le Président Pierre Lequiller a observé que le nombre des
interventions de membres de la Délégation illustrait bien la sensibilité
des parlementaires français sur la question linguistique, et a demandé
des précisions sur l’apprentissage d’au moins deux langues européennes
pendant la scolarité.
En réponse, le Commissaire européen a fait part des
éléments suivants.
La question du multiliguisme est au niveau communautaire
une question essentielle et fort intéressante, qui justifie la compétence
d’un Commissaire européen, en dépit des scepticismes qui ont pu
s’exprimer lors de la création du poste. La dimension politique est très
importante. La sensibilité à la langue est très forte en raison de son lien
avec l’expression des idées.
Lorsque l’on parle de la prédominance de l’anglais au sein
des institutions communautaires, il ne faut pas négliger que la langue
française détient une place privilégiée au sein de ces mêmes institutions.
278
Réunion du mardi 9 octobre 2007
Bulletin n° 2
S’agissant de la Commission, les trois langues de travail et
d’interprétation sont le français, l’anglais et l’allemand. Si, lors des
réunions, une majorité des Commissaires européens s’exprime en
anglais, un tiers environ le fait en français. Par ailleurs, à la Cour de
justice, la langue des délibérations est le français.
Par ailleurs, si la langue de travail entre les fonctionnaires
communautaires est souvent l’anglais et si les trois quarts des documents
sont rédigés directement en anglais, notamment parce que les
ressortissants des nouveaux membres le connaissent, la solution passe
par une incitation des fonctionnaires de la Commission, du Parlement
européen et du Conseil à apprendre le français, notamment grâce à des
stages comme celui qui existe déjà pour les Commissaires. Les
Commissaires ont par ailleurs pris une décision importante, celle
d’obliger les fonctionnaires à maîtriser trois langues pour leur
avancement. La question est de savoir quelles seront ces trois langues.
Cela dépendra de la politique française en la matière.
Sur les publications de la Commission, il n’est pas exact de
dire que les documents ne sont le plus souvent publiés qu’en anglais. La
situation a d’ailleurs été améliorée pour le site Internet, même si celui-ci
donne encore l’impression que la majorité des documents ne sont
diffusés qu’en anglais.
S’agissant de l’apprentissage, le principe de subsidiarité
s’oppose à une intervention communautaire pour obliger que
l’enseignement délivré dans les Etats membres donne accès à deux
langues étrangères européennes. La sensibilité est très forte sur cette
question. Le Royaume-Uni notamment n’a pas de motivation
particulière, ce qui est un défi pour ses ressortissants mais aussi pour le
reste de l’Europe.
La Commission doit donc s’en tenir à la promotion du
message suivant lequel un tel apprentissage doit être obligatoire. Le
rapport sur les résultats du plan d’action 2004-2006 fait ainsi apparaître
que certains Etats ont mis en œuvre ce principe, notamment la
Roumanie.
Par ailleurs, l’égalité entre les langues officielles de l’Union
européenne est importante. C’est un élément de la démocratie et de
l’accès au droit. La moitié des européens ne comprennent que leur
langue maternelle. L’Union européenne n’est pas les Etats-Unis et le
Bulletin n°2
Réunion du mardi 9 octobre 2007
279
projet européen tient compte de la diversité. Il est donc essentiel de
préserver l’égalité de traitement entre les langues et de ne pas modifier le
règlement de 1958 qui la prévoit.
Concernant les séjours linguistiques, beaucoup de voix se
sont élevées contre le programme Erasmus lors de son lancement par
l’Union européenne alors qu’il a été un très grand succès. Il faut élargir
ce programme et augmenter ses moyens financiers pour donner plus de
chances au développement de la connaissance des langues.
Le Commissaire a ensuite évoqué l’expérience espagnole des
trois langues régionales couvertes par un programme semi-officiel grâce
auquel, si un citoyen envoie un document en catalan, basque ou galicien,
l’Union européenne est obligée de répondre dans la même langue et les
coûts sont couverts par le Gouvernement espagnol.
En ce qui concerne les langues régionales, la Commission a
ouvert depuis le 1er janvier 2007 un programme finançant
l’apprentissage de toutes les langues parlées dans l’Union européenne, y
compris des projets relatifs à la promotion des langues régionales.
L’harmonisation des politiques d’enseignement n’est pas
possible. En revanche, il est possible d’identifier puis de diffuser les
meilleurs projets comme il en existe beaucoup en France.
L’apprentissage des langues étrangères a fait l’objet d’un
rapport très intéressant du groupe à haut niveau sur le multilinguisme
montrant la nouvelle réalité de son développement.
Le Commissaire a conclu en indiquant sa décision de
présenter sa nouvelle stratégie en septembre 2008, durant la présidence
française, sur l’appui de laquelle il compte pour développer une politique
à long terme du multilinguisme.
Le Président Pierre Lequiller a déclaré qu’à chacune de ses
rencontres avec le Président José Manuel Barroso, il soulignait la
nécessité d’augmenter les crédits consacrés à la culture et de développer
la coopération interculturelle et interlinguistique dans un domaine où
s’applique la subsidiarité, car ce qui fera l’Europe, ce sera que les jeunes
connaissent les langues et les autres pays. Il a enfin salué la foi et
l’enthousiasme du Commissaire européen en faveur du multilinguisme.
Bulletin n°2
Réunion du mardi 17 octobre 2007
281
Réunion du mardi 17 octobre 2007
Présidence de M. Pierre Lequiller, Président
z Composition
du Parlement européen
Communication du Président Pierre Lequiller sur la résolution du
Parlement européen du 11 octobre 2007 sur la composition du
Parlement européen (E 3650)
Le Président Pierre Lequiller a rappelé que, conformément
à l’article 190 du traité de Nice, et à l’article 21 du protocole annexé au
traité d’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie, le Parlement
européen est aujourd’hui composé de 785 membres, les députés bulgares
et roumains ayant été ajoutés à la répartition du Parlement prévalant
depuis l’élargissement de 2004. Or, et il ne faut pas l’oublier, le traité de
Nice lui-même organise une réduction importante des effectifs du
Parlement à compter de 2009. En l’absence de décision nouvelle, le
traité instituant la Communauté européenne prévoit que les députés
européens passeraient de 785 à 736 en 2009, avec une perte maximale
de 6 députés pour la France (de 78 à 72), le Royaume-Uni et l’Italie,
tandis que les Etats « moyens » d’un point de vue démographique
subiraient une réduction d’un député chacun. Seul l’effectif allemand
demeurerait stable à 99.
Le Président Pierre Lequiller a souhaité insister sur ce point :
tous les Etats perdraient, à l’exception notable des Allemands, en
l’absence d’accord.
Le projet de traité réformateur, qui reprend en l’espèce les
dispositions agréées dans le traité établissant une Constitution pour
l’Europe, est en effet moins « restrictif » que le traité de Nice en ce qu’il
élève le plafond des effectifs à 750, soit 14 membres de plus que prévu
aujourd’hui pour 2009.
Dans ce contexte, l’enjeu est de parvenir à une répartition de
ce surplus à la fois équitable et politiquement acceptable par tous les
Etat membres.
282
Réunion du mardi 17 octobre 2007
Bulletin n° 2
MM. Alain Lamassoure et Adrian Severin, rapporteurs du
Parlement européen sur la répartition des sièges au Parlement européen
après les élections européennes de 2009, sont venus décrire à la
Délégation le 19 septembre dernier l’esprit dans lequel ils ont élaboré
leurs propositions. La difficulté de leur mission tient aux imprécisions
du principe de « proportionnalité dégressive » selon lequel, aux termes
de l’article 9 A du projet de traité réformateur, doit être assurée la
représentation des citoyens. Il implique que plus un Etat membre est
peuplé, plus ses députés européens représentent un nombre élevé de
citoyens. Cette définition est ainsi subjective donc politique. Les
rapporteurs se sont dès lors efforcés d’élaborer un compromis
satisfaisant.
Leur première préoccupation a été d’éviter toute nouvelle
diminution de membres pour chaque Etat, à l’exception de l’Allemagne
affectée par la définition d’un plafond de 96 députés par Etat membre
explicitement prévu dans le projet de traité réformateur. Pour cela, ils ont
choisi, sagement, d’utiliser la faculté d’élever à 750 le nombre des
députés élus en 2009.
Compte tenu du fait que le même traité impose une
représentation minimale de six membres par Etat membre (ce qui impose
d’accorder un député supplémentaire à Malte) et réduit de trois membres
les effectifs allemands, ce choix permet concrètement de répartir seize
nouveaux sièges. A cet effet, les rapporteurs se sont attachés à corriger
les imperfections les plus criantes et tenir compte des données
statistiques les plus récentes. Aujourd’hui, un député italien représente
816.000 habitants et un député français ou espagnol 875.000. De même,
sept ans après avoir connu la même population, l’Espagne et la Pologne
jouissent des mêmes effectifs lorsque l’une a, en raison de sa
démographie plus favorable, plus de 3 millions d’habitants de plus que
l’autre.
Dans un esprit d’équité, le rapport propose d’accorder quatre
sièges supplémentaires à l’Espagne, deux à la France (de 72 à 74), à la
Suède et à l’Autriche, et un aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, à la
Bulgarie, à la Lettonie et à la Slovénie. En outre, dans un souci louable
de pragmatisme politique, il est suggéré d’accorder à la Pologne le siège
restant.
Bulletin n°2
Réunion du mardi 17 octobre 2007
283
Il en résulterait une proportionnalité toute relative mais
puissamment dégressive. Un député allemand ou français représenterait
ainsi environ 850.000 résidents, un italien ou un espagnol 815.000, un
grec ou un belge (comme les Etats « moyens ») 250.000 mais un maltais
ou un luxembourgeois 70.000. Cela représente néanmoins un très net
progrès. Les représentations des Etats selon les blocs de taille auxquels
ils appartiennent sont en effet substantiellement améliorées grâce à des
corrections équilibrées au sein de ces blocs. La France a tout lieu de
s’en féliciter, en lieu et place d’un compromis de Nice qui lui était
défavorable.
Il en résulte un système équitable, sans doute le meilleur
compromis possible. En tout état de cause, c’est une avancée réelle par
rapport à ce que le traité de Nice impose pour 2009.
Le Parlement européen en est conscient : le rapport
Lamassoure-Severin a été adopté à une majorité confortable en
commission (77 % pour) puis atténuée mais néanmoins solide en
plénière (60 % des votants du Parlement européen avec l’abstention des
députés italiens cependant).
Il appartient désormais au Conseil d’adopter une décision à
l’unanimité sur la base de la proposition du Parlement européen.
Le Président Pierre Lequiller, estimant que l’appui recueilli
par le rapport Lamassoure-Severin au Parlement européen est sans doute
le plus fort qu’il soit possible d’obtenir, a déclaré s’y associer à titre
personnel.
Pour autant, il a tenu à faire part des réticences qu’a pu
soulever la proposition.
La première, inéluctable, tient à l’impossibilité de trouver
une formule simple et systématique présidant de manière pérenne à la
répartition des membres du Parlement européen, à la manière de la règle
de double-majorité enfin mise en place pour le Conseil. Dans ce
contexte, les prochains élargissements induiront immanquablement la
reprise de discussions serrées, mais il n’apparaît guère possible de
trouver une formule mathématique intangible compatible avec le
principe de « proportionnalité dégressive » des représentations.
Une deuxième inquiétude peut naître de l’« émiettement »
des représentations induit par le seuil élevé d’effectifs minima par Etat
284
Réunion du mardi 17 octobre 2007
Bulletin n° 2
membre. Ainsi, par exemple, le plancher de six députés pour les Etats les
moins peuplés conduirait à doubler la représentation des sept Etats par
rapport à ce qu’aurait été celle de l’ex-Yougoslavie, en considération
d’une population d’environ 21 millions d’habitants.
Une troisième difficulté réside dans les regrettables
réticences éprouvées par nos partenaires italiens, dont le Sénat devrait
examiner cet après-midi une proposition de résolution enjoignant son
Gouvernement à refuser la répartition proposée. S’ils ne sont pas
objectivement défavorisés par les propositions de MM. Lamassoure et
Severin (un député italien représentera 815.000 résidents contre 850.000
pour un français), il importe de prendre la mesure symbolique de la
rupture de l’égalité de représentation des « grands » (France, RoyaumeUni, Italie) qu’elles induisent. C’est évidemment cet aspect qui explique
la virulence des réactions transalpines, quels que soient les arguments
techniques développés pour étayer la remise en question de la
proposition. A cet égard, les Italiens avancent que le critère de
population résidente à laquelle renvoient les chiffres d’Eurostat – utilisés
depuis le traité de Rome – pour calculer la répartition des sièges devrait
être remplacé par le critère de citoyens, le Parlement représentant les
citoyens européens dont la citoyenneté « s’ajoute » à la citoyenneté
nationale. Selon l’Italie, le critère de la population résidente tend à
favoriser les Etats à politique résolument nataliste ou connaissant une
forte immigration.
Le Président Pierre Lequiller a estimé inopportun,
techniquement extrêmement complexe et cerné de redoutables difficultés
d’application, de revoir un critère qui remonte à la fondation des
Communautés. Pour autant, il a noté l’amertume compréhensible d’un
Etat modèle de l’intégration communautaire, toujours enthousiaste dans
la marche vers l’Europe unie, en saluant le rôle décisif, constant et
toujours empreint de bonne volonté de l’Italie dans la modernisation
institutionnelle de l’Union, même après l’abandon d’une démarche
constitutionnelle dont elle était l’un des plus ardents défenseurs.
Relevant qu’aucun système n’est parfait, il a cependant
rappelé que, même selon la répartition proposée par le Parlement
européen, l’Italie est significativement mieux « servie » que la France,
par exemple, du point de vue du nombre de députés européens par
habitant.
Bulletin n°2
Réunion du mardi 17 octobre 2007
285
Cette constatation introduit une dernière observation. Le
projet de traité prévoit que la décision du Conseil sur proposition du
Parlement sur la répartition des sièges soit prise « en temps utile avant
les élections parlementaires européennes de 2009 ». D’un point de vue
juridique, elle n’impose pas un traitement strictement concomitant à
l’adoption du traité réformateur et ne doit surtout pas obérer la
conclusion d’un accord au cours du Conseil européen de demain.
L’idéal serait bien sûr de boucler le dossier institutionnel une
fois pour toutes et s’atteler désormais à progresser dans la définition et la
mise en œuvre des politiques de l’Union. Mais il ne faut pas pour autant
prendre en otage l’avenir de l’Europe pour adopter une décision qui, si
les réticences sont trop fortes, peut être opportunément réexaminée plus
tard et a d’autant plus de chance de faire l’objet d’un accord que les
Etats membres savent qu’ils perdraient tous à ne pas réformer la
répartition fixée par le traité de Nice.
M. Régis Juanico a rappelé qu’il avait été vivement
impressionné, lors de son déplacement récent à Rome, par l’indignation
soulevée au sein de toutes les tendances politiques italiennes par la
proposition de nouvelle répartition des sièges du Parlement européen.
L’Italie, Etat fondateur, perçoit la mesure contestée comme une
rétrogradation. Elle critique, en sa position de pays d’émigration, le
critère de la population résidente qui la défavorise par rapport au critère
de la citoyenneté. Peut-on trouver une solution ? La vraie question est
celle de la parité avec la France et le Royaume-Uni. Il est difficile
d’envisager la cession d’un siège par notre pays. En revanche, la
question essentielle est sans doute celle de la pertinence de l’attribution
d’un siège à la Pologne pour des raisons politiques. Est-il, en effet,
cohérent de récompenser l’un des Etats les plus réticents dans les
négociations institutionnelles, et selon des modalités qui interdisent de se
laisser une marge de manœuvre dans les discussions avec l’Italie ?
En réponse, le Président Pierre Lequiller a rappelé que
M. Alain Lamassoure avait effectivement indiqué qu’un siège
supplémentaire avait été attribué à la Pologne pour des raisons
politiques, puis a estimé qu’il était très difficile de revenir dessus. Le
vrai problème est celui de la parité entre les trois grands Etats que sont
l’Italie, France et le Royaume-Uni. Faut-il tenir compte de la
citoyenneté ? C’est délicat dans la mesure où sa définition est différente
d’un pays à l’autre. Ainsi, par exemple, certains Polonais ne jouissent
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Réunion du mardi 17 octobre 2007
Bulletin n° 2
pas de la citoyenneté, mais peuvent quand même voter, dans certaines
conditions, en Pologne. L’argument invoqué par l’Italie n’apparaît pas
praticable. Par conséquent, il convient de s’en tenir à la population des
Etats membres telle qu’elle est calculée par Eurostat. Il en est d’ailleurs
ainsi depuis l’origine des Communautés.
La question de la parité de représentation des grands Etats
relève du Conseil européen et la solution est entre les mains des
gouvernements.
Sous le bénéfice de ces observations, la Délégation a ensuite
approuvé la résolution du Parlement européen.
Bulletin n°2
z Changement
Réunion du mardi 17 octobre 2007
287
climatique
Débat, ouvert à la presse, avec M. Guido Sacconi, Président de la
commission temporaire sur le changement climatique au sein du
Parlement européen, et M. Karl-Heinz Florenz, rapporteur
Le Président Pierre Lequiller s’est déclaré heureux
d’organiser cette réunion avec la commission temporaire du Parlement
européen sur le changement climatique. Cette rencontre se situe dans le
cadre des réunions interparlementaires et à un moment où, en France, a
été mis en place le « Grenelle de l’environnement », cadre de discussions
entre les citoyens, les associations, les élus et les pouvoirs publics, à
partir desquelles seront dégagées des propositions. Il faut également
souligner que le changement climatique a été introduit dans le traité
réformateur qui devrait faire l’objet d’un accord au cours du Conseil
européen informel de demain à Lisbonne.
Il serait intéressant de présenter les raisons ayant motivé la
création de la commission temporaire, ainsi que ses principaux objectifs.
En outre, à quelques semaines de la conférence de Bali sur le climat, qui
lancera les négociations sur l’après protocole de Kyoto, on peut
s’interroger sur la voie à suivre pour que l'Europe puisse faire prévaloir
auprès de ses partenaires internationaux des engagements contraignants
de réduction des émissions de gaz à effet de serre et la mise en place
d’un marché international du carbone. A cet égard, il serait utile de
connaître les enseignements que le Parlement européen a retirés de la
rencontre organisée par les Nations unies fin septembre et du sommet
des principaux pays pollueurs réunis par la suite à l’initiative des EtatsUnis. Enfin, l'Europe se doit d’accompagner les pays en développement
dans l’adaptation au changement climatique, phénomène dont ils
pourraient être les principales victimes.
M. Guido Sacconi, Président de la commission
temporaire du Parlement européen sur le changement climatique,
s’est félicité de cette occasion d’établir un contact direct avec le
Parlement français, alors qu’au cours des prochains mois, des décisions
stratégiques pour nos économies et pour la vie des citoyens européens
devront être adoptées. La rencontre interparlementaire organisée par le
Président du Parlement européen, M. Hans Gert Pöttering, les 1er et
288
Réunion du mardi 17 octobre 2007
Bulletin n° 2
2 octobre a déjà permis de tisser un réseau de relations avec les
parlements nationaux, collaboration particulièrement utile pour
mobiliser nos sociétés civiles sans l’appui desquelles les changements
globaux qui nous attendent seront difficiles à faire accepter.
La commission temporaire du Parlement européen sur le
changement climatique n’existe que depuis quelques mois. Sa création
s’inscrit dans un long processus allant de la présentation du rapport Stern
jusqu’à l’attribution du prix Nobel de la paix à Al Gore et au
Groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat
(GIEC). Au niveau européen, ces derniers mois ont aussi été marqués
par le Conseil européen de mars 2007 qui a pris des engagements,
parfois unilatéraux, pour l’après Kyoto mais également en dehors du
cadre de ce protocole avec, en particulier, la « règle des trois 20 » d’ici à
2020 (réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre, fixation à
20 % de la part des énergies renouvelables dans la consommation
énergétique totale et accroissement de 20 % de l’efficacité énergétique).
Il faut aussi mentionner la réunion, sous présidence allemande, du
G8 + 5 qui a permis d’imposer de nouveau l’Organisation des Nations
unies comme lieu de négociation pour l’après Kyoto. La création de la
commission temporaire résulte de ce contexte et de la volonté du
Parlement européen de ne plus se limiter à une approche sectorielle et de
mettre en œuvre une analyse globale. Il existe aujourd'hui une prise de
conscience générale que la lutte contre le changement climatique n’est
plus seulement un sujet environnemental, mais comporte aussi des
aspects économiques ayant trait, notamment, à la compétitivité de notre
économie et aux relations entre pays riches, pays pauvres et pays
émergents. Cette lutte revêt aussi une dimension relative à la sécurité,
puisque des centaines de millions de personnes devraient fuir la
désertification et la pénurie d’eau. Cette approche globale devrait
permettre à la commission temporaire de fournir aux commissions
spécialisées du Parlement européen des éléments guidant leur action.
Cela s’impose d’autant plus que, le 5 décembre prochain, la Commission
européenne va présenter un paquet législatif visant à concrétiser dans la
législation la « règle des trois 20 », et que le Parlement européen
s’apprête à examiner des propositions communautaires concernant la
réduction des émissions de CO2 par les véhicules automobiles ou encore
l’intégration de l’aviation dans le système communautaire d’échanges de
quotas d’émissions de gaz à effet de serre. La question de l’adaptation au
changement climatique est fondamentale et il faut avoir conscience
Bulletin n°2
Réunion du mardi 17 octobre 2007
289
qu’elle ne se pose pas à long terme, mais qu’elle doit être traitée d’ores
et déjà sur notre continent. A titre d’exemple, il sera nécessaire de
repenser totalement notre agriculture, ce qui implique un énorme effort
de recherche. La première mission de la commission temporaire sera
donc de fournir une vision intégrée facilitant la mise en œuvre des
législations sectorielles.
Sa seconde mission touchera à la dimension extérieure de ce
problème. Cela implique de soutenir les négociateurs communautaires
– le Conseil et la Commission – dans leur action pour aboutir à un traité
international applicable de façon proportionnée à tous les pays du
monde. La première échéance sera évidemment la réunion de Bali en
décembre prochain, même s’il ne s’agit que du début d’une négociation
devant s’achever en 2009 pour préparer l’après Kyoto. Cette période sera
évidemment marquée par les élections aux Etats-Unis, qui empêcheront
ce pays de se déterminer avant les résultats de ce scrutin. La commission
temporaire va s’attacher à développer une diplomatie interparlementaire.
Elle doit se rendre en novembre à Pékin, où le récent congrès du parti au
pouvoir vient de placer la question environnementale au centre de ses
préoccupations. Elle établira évidemment des contacts avec le Congrès
des Etats-Unis et avec d’autres Etats. Pour le moment, elle participe à la
préparation d’une résolution du Parlement européen en vue du sommet
de Bali. En tout état de cause, cette commission n’en est qu’au début de
ses travaux, et le rapporteur va préciser ses orientations futures.
M. Karl-Heinz Florenz, rapporteur de la commission
temporaire du Parlement européen sur le changement climatique, a
souligné que le Parlement européen, mais aussi les parlements nationaux
et l’ensemble de la population européenne, avaient compris les risques
liés au changement climatique et le fait que notre continent avait un rôle
majeur à jouer sur cette question. Il faut insister sur le fait que cette
question est un défi mais est également une chance. Elle ne doit pas être
traitée dans la panique mais avec une véritable volonté de débattre,
d’écouter, permettant de déboucher sur des solutions réalistes. Même si,
aujourd'hui, 97 % des émissions de CO2 sont d’origine naturelle et 3 %
seulement imputables à des activités humaines, il faut s’attacher à
réduire l’impact de l’homme sur le climat de la planète, en développant
les énergies durables et en veillant à l’efficacité énergétique. Cela ne doit
pas empêcher chaque pays membre d’avoir sa propre approche dans le
domaine énergétique, mais il faut rechercher la durabilité grâce à des
290
Réunion du mardi 17 octobre 2007
Bulletin n° 2
techniques plus propres et grâce à la coordination des actions des pays
frontaliers. Notre continent a des responsabilités essentielles dans ce
dossier compte tenu de l’importance de ses émissions de gaz à effet de
serre.
Des décisions importantes ont été prises au niveau européen
qu’il s’agit d’appliquer. La surenchère en matière de fixation d’objectifs
est inopérante. Il est préférable de fixer des objectifs réalistes. Il importe
donc d’intégrer dans la législation les chiffres proposés par le Conseil
européen afin respecter nos engagements et qu’en 2050, la réduction des
émissions de CO2 soit réelle. L’inscription de ces principes dans notre
législation doit se faire de manière contraignante. C’est un devoir
vis-à-vis de nos enfants comme l’a rappelé le Secrétaire général de
l’ONU. Il est sur ce point nécessaire de convaincre les citoyens de
l’importance de l’environnement dans le cadre communautaire et dans
les relations avec nos partenaires internationaux. Une condition préalable
doit être remplie : l’Europe doit faire figure de modèle afin de
convaincre les pays les plus pauvres, notamment les pays africains de la
suivre dans cette voie.
Concernant les échanges de quotas d’émissions de gaz à
effet de serre, les intérêts particuliers ont probablement été
excessivement privilégiés, ce qui explique l’échec relatif du dispositif
actuel. Il faudrait substituer à cet instrument de sanction qui ne sert à
personne, un instrument plus incitatif pour moins polluer. Quoi qu’il en
soit, il se posera inévitablement la question du partage des
responsabilités afin de parvenir à réduire de 20 % les émissions et
d’atteindre l’objectif de 20 % d’énergies renouvelables. Ces questions ne
pourront être réglées que par un travail en commun.
L’Europe doit avoir par ailleurs une attitude ouverte
concernant les nouvelles technologies, par exemple pour la séquestration
du CO2. Si les résultats scientifiques montrent que des techniques sont
viables, il faudra prendre les décisions qui s’imposent.
Citant l’exemple de l’Allemagne où 51 millions de véhicules
sont en circulation, chacun émettant au moins 130 grammes de CO2 par
kilomètre parcouru, il a mis l’accent sur l’urgence de la mise en œuvre
de solutions réalistes.
Il a souligné la nécessité de réviser la directive sur
l’efficacité énergétique des bâtiments, son application laissant à désirer
Bulletin n°2
Réunion du mardi 17 octobre 2007
291
car trop de concessions ont été faites. Il est possible de réaliser en la
matière des économies afin de les réinvestir pour qu’il n’y ait pas de
perdants. Pour cela, des appuis doivent être trouvés auprès des
industriels et de tous les acteurs souhaitant assumer leurs responsabilités.
La hausse du prix de l’énergie est subie par tous et il est indispensable
d’être solidaires.
Il a précisé que l’Allemagne, grâce à une politique de gestion
des déchets, est parvenue à économiser 46 millions de tonnes
d’émissions de CO2. Ces politiques énergétiques, comme par exemple la
réduction du méthane, constituent indéniablement une carte de visite
pour l’Europe.
Participant depuis 1991 aux négociations de Kyoto, il fait
observer qu’on ne peut convaincre que si on est soi-même convaincu.
Il a conclu sur la nécessité d’agir en toute sérénité tout en
restant réaliste. Il ne faut pas perdre de temps et adopter rapidement une
législation contraignante. C’est notre devoir non seulement pour les
Etats membres mais aussi vis-à-vis de tous les autres pays. Si la
politique des Etats–Unis ne recueille pas notre accord, il faut toutefois
reconnaître que certains industriels américains semblent fermement
décidés à développer des industries propres, indépendamment de toute
législation.
L’Europe doit être prête et faire tout ce qu’elle peut faire
pour protéger le climat et les populations.
M. Bernard Deflesselles s’est réjoui d’entendre MM. Guido
Sacconi et Karl-Heinz Florenz sur un sujet qui mobilise de façon
prégnante l’opinion européenne et internationale. Les efforts de l’Union
européenne et particulièrement ceux du Parlement européen doivent être
salués et leurs idées devraient inspirer les politiques nationales des Etats
membres et de tous les autres pays.
L’Union européenne a élaboré une feuille de route et posé
des objectifs chiffrés : 30 % de réduction des émissions de gaz à effets
de serre en 2020 et de 60 à 80 % en 2050 par rapport à 1990. Il a
toutefois fait observer que des difficultés apparaîtront après Kyoto quand
il faudra négocier sur ce qu’il convient de faire après 2012.
Par ailleurs, la contre offensive des Etats-Unis et des pays
alignés est problématique dans la mesure où ils n’ont pas la même
292
Réunion du mardi 17 octobre 2007
Bulletin n° 2
approche que l’Europe et ne souhaitent pas élaborer en commun une liste
des objectifs à atteindre. Les Etats-Unis se réfugient derrière l’idée que
l’on peut laisser faire la technologie et ont une vision du changement
climatique qui n’est pas dissociée du contexte global, notamment
économique et industriel. Il a souhaité savoir quels contacts ont été pris
entre le Parlement européen et les Américains afin de lever ce blocage et
a insisté sur la nécessité d’établir des relations non seulement avec
l’administration Bush mais aussi avec les Républicains qui pourraient
être au pouvoir après les élections de 2008. Ces contacts sont importants
dans la perspective de la conférence de Bali en décembre. L’attribution
du prix Nobel de la paix à Al Gore doit être saluée et changera peut-être
la donne.
M. Michel Delebarre s’est également félicité de l’initiative
du Parlement européen d’avoir structuré son action sur une question dont
les enjeux sont fondamentaux. Le Parlement européen s’est montré
optimiste en créant une « commission temporaire » et, dans la mesure où
les problèmes seront pérennes, il sera sans doute nécessaire d’ajuster
cette appellation.
Il a souligné que même si l’Union européenne se montre
exemplaire dans la lutte contre le réchauffement climatique, dans la
mesure où il s’agit d’un problème mondial, elle supportera
inévitablement les conséquences des politiques des autres pays. En tout
état de cause, afin de peser de tout son poids dans les négociations et
avoir un effet d’entraînement sur les autres pays, l’Europe se doit d’être
un modèle.
Il a indiqué souscrire aux objectifs de l’Union européenne
mais a soulevé des interrogations sur les modalités de leur mise en
œuvre. Il a tout d’abord fait remarquer que toutes les déclarations au
niveau européen ne seront d’aucun effet si les Etats membres ne
participent pas à leur application. Il faudrait aller plus loin dans la
subsidiarité et insister sur la responsabilité des collectivités locales en la
matière. Une proportion importante de la pollution est le fait du
chauffage, des logements et des transports qui relèvent d’une gestion
territoriale. Pour plus d’efficacité, il est donc nécessaire d’impliquer
chaque niveau de gouvernance.
Par ailleurs, l’Union européenne doit mettre plus de
transversalité dans l’élaboration de ses différentes politiques, la main
Bulletin n°2
Réunion du mardi 17 octobre 2007
293
gauche ne pouvant ignorer ce que fait la main droite. On doit veiller à ce
que la politique agricole ou la politique de recherche, par exemple,
répondent aux critères posés en matière de lutte contre le réchauffement
climatique.
Enfin, mentionnant la diffusion dans la presse d’une carte sur
les possibles conséquences de l’élévation du niveau des mers sur les
côtes au vingt et unième siècle, il a craint les risques de panique dans la
population. La population sera attentive et il sera indispensable de lui
donner des informations précises à la fois sur l’exactitude des risques
encourus et sur les mesures qui sont envisagées.
Il a souligné le paradoxe américain, pays responsable de la
plus grande pollution mais d’où est originaire le prix Nobel de la paix
qui donne des leçons de vertus; pays où l’on construit le plus de
véhicules mais où les constructeurs ont déclaré leur volonté de fabriquer
des voitures propres et où le gouverneur de Californie a officiellement
déclaré que ne seraient plus admises des constructions néfastes pour
l’environnement.
En conclusion, il a insisté sur la nécessité d’élaborer, au plan
international, une fiscalité vertueuse sans laquelle les choses ne pourront
pas avancer.
M. André Schneider, après s’être félicité de cette audition
et évoqué le rapport qu’il avait déposé voilà deux ans sur l’Après pétrole
en Europe (n° 2839), relatif au Livre vert de la Commission européenne
sur l’efficacité énergétique, a constaté que l’on n’en était encore qu’aux
recommandations dans ce domaine. Il s’est demandé si celles-ci seront
suffisantes pour l’échéance de 2012 et s’il ne serait pas opportun de
prévoir des contraintes assorties d’un système d’encouragements et de
« bons points ».
Il a estimé que s’occuper de l’Europe seule ne suffisait pas.
Il faut se poser le problème de l’aide à apporter à l’Afrique pour que des
mesures soient prises dans ce domaine, et, notamment, en matière de
préservation et de bonne gestion de la forêt.
M. Gérard Voisin a remercié le Parlement européen d’avoir
créé cette commission qui va stimuler les actions des parlements
nationaux en matière de changement climatique. Même si la majorité des
députés français n’est pas en pointe sur ce dossier, un travail important
294
Réunion du mardi 17 octobre 2007
Bulletin n° 2
vient cependant d’y être lancé à l’occasion du Grenelle de
l’environnement qui a présenté des préconisations fortes dans ce
domaine. Celles-ci devraient se concrétiser dans un projet de loi au début
de 2008.
Il a ensuite insisté sur la nécessité du travail en amont des
commissions des parlements nationaux, qui doivent alimenter la
réflexion de la commission temporaire du Parlement européen afin
d’éviter que ne soient adoptées des solutions qui seraient mal reçues.
En conclusion, il a considéré que la mission de l’Europe est,
d’une part, de montrer qu’elle fait un travail important dans ce domaine,
notamment au sein des parlements nationaux et du Parlement européen
et, d’autre part, de tirer et d’entraîner les pays qui ne font pas d’effort, y
compris les plus puissants d’entre eux.
M. Jérôme Bignon a constaté qu’il y avait une alliance entre
les Etats-Unis et les pays émergents dans le refus de prendre conscience
de la nécessité de lutter contre les gaz à effet de serre. C’est une curieuse
entente entre ceux qui polluent le moins et celui qui pollue le plus car
ces pays émergents émettent 2 tonnes de CO2 par habitant et les EtatsUnis, 23 tonnes, l’Europe en étant à 10 tonnes. Il faut donc que l’Europe,
même si elle est développée, se rapproche le plus possible de ces pays.
Il a considéré que le problème climatique ne sera pas résolu
sans prendre en compte le modèle économique qu’il sera nécessaire
d’adopter pour permettre le ralliement des pays émergents. Car il est
difficile, d’une part, de leur expliquer que même si l’Europe a
énormément pollué pour se développer, ils ne doivent pas maintenant
faire de même et, d’autre part, de les stigmatiser alors que leurs
émissions polluantes sont cinq fois moins importantes que les nôtres.
Après avoir évoqué l’action d’une association qu’il préside,
associant tourisme et développement durable, il a souhaité que soit
menée, afin de trouver l’accord du plus grand nombre, une importante
réflexion sur la construction d’un nouveau modèle économique, non
seulement pour l’Europe mais aussi pour le reste du monde.
M. Didier Quentin, après avoir approuvé les propos de
M. Jérôme Bignon, a déclaré que les conclusions du Grenelle de
l’environnement nourriraient les propositions de la prochaine présidence
française. Celles-ci pourraient concerner la recherche dans le domaine de
Bulletin n°2
Réunion du mardi 17 octobre 2007
295
l’environnement, le lien entre libéralisation des marchés et
environnement, la fiscalité environnementale, le renforcement de la
direction générale de l’environnement, l’élaboration d’une plateforme
sur la biodiversité avec la création à Bruxelles d’un poste sur ce thème et
la création d’une Union interparlementaire sur les problèmes de
l’environnement.
Il a conclu son intervention en souhaitant que la Délégation
pour l’Union européenne soit associée à ce mouvement.
En réponse aux intervenants, le Président Guido Sacconi a
apporté les précisions suivantes :
- le règlement du Parlement européen permet le
renouvellement des commissions temporaires et la proposition de
renouveler le mandat de la commission jusqu’à la fin de la
législature sera certainement faite;
- il est possible d’établir un lien entre la lutte contre le
changement climatique et la modification du modèle économique
européen et mondial ;
- il ne sera pas possible d’arriver à une conclusion politique
lors des prochaines négociations internationales de Bali si on ne trouve
pas de convergence sur une feuille de route entre les anciens pays
industriels, les nouveaux et ceux qui ne le sont pas du tout ;
- le Parlement européen est modérément optimiste sur la
suite des négociations compte tenu de l’attitude des Etats-Unis, mais la
situation a changé car l’opinion publique est maintenant attentive à ces
questions ;
- les Etats-Unis ont eux-mêmes modifié leur attitude car,
après s’être situés à l’extérieur de l’accord de Kyoto, ils ont maintenant
accepté que des objectifs soient définis tout en refusant toujours qu’ils
soient obligatoires : la porte peut donc être considérée comme
entr’ouverte ;
- la dimension économique est maintenant double car il y a
un coût pour l’absence de pollution et un autre pour la réparation des
dégâts ;
- il faut faciliter le développement d’un grand marché pour
les techniques à faibles émissions, sans nécessairement parler de
296
Réunion du mardi 17 octobre 2007
Bulletin n° 2
« nouvelle révolution industrielle ». Celles-ci sont cependant liées à de
nouvelles sources d’énergie et il faut aller vers une économie à faible
teneur en carbone ;
- ce problème ne peut pas être traité uniquement avec des
directives ou des règlements. Tous les niveaux de compétences
– national, régional, local – devront être des acteurs ;
- il faut rendre les relations interparlementaires plus étroites.
Des informations pourraient être échangées en permanence au niveau
des secrétariats avec la possibilité d’un système en ligne ;
- la recherche en environnement est en retard malgré les
efforts coordonnés par le GIEC ;
- l’étude des nouvelles sources d’énergie marque le pas et
des techniques comme le stockage du CO2, sont quasiment prêtes, mais il
y a un désinvestissement dans la recherche de solutions de long terme ;
- il y a des retards pour l’adaptation des projections à moyen
terme des conséquences du réchauffement climatique selon les régions.
En tout état de cause, il importe de développer la coopération
scientifique afin de parvenir à une voie de développement qui soit
différente de la nôtre.
M. Karl-Heinz Florenz a apporté les réponses suivantes :
- le bilan que l’Allemagne peut présenter en matière
environnementale est bon grâce aux efforts entrepris après la
réunification ;
- il va de soi que l’Europe doit parvenir à convaincre les
Etats-Unis et à les amener à la table des négociations, bien qu’il faille
aussi y intégrer les économies émergentes et les pays africains. Le débat
est surtout de nature scientifique et nécessite une synergie fondée sur la
coopération dans les domaines scientifique, technologique et
économique ;
- l’énergie nucléaire a un rôle à jouer, même si avec le
Président Guido Sacconi, nous n’avons pas des positions similaires ;
- l’Allemagne a déjà pris des mesures d’adaptation dans le
domaine de la protection contre les inondations, mais il serait intéressant
de connaître l’action de la France dans ce domaine ;
Bulletin n°2
Réunion du mardi 17 octobre 2007
297
- l’Europe doit encore réfléchir au « partage du fardeau » des
quotas d’émission qu’il convient de ne pas accroître, car déjà la question
des 20 % n’est pas simple à régler. Ainsi en Allemagne, la perspective
du stockage du carbone suscite des protestations car, en ce qui concerne
– par exemple – la production de biomasse, les agriculteurs rencontrent
des difficultés pour répondre rapidement aux incitations ;
- la politique fiscale est un sujet très sensible au niveau
communautaire. C’est pourquoi la taxation des véhicules selon leurs
émissions de CO2 pourra être un projet délicat à mettre en œuvre ;
- on ne peut procéder à des investissements et accroître les
dépenses dans le domaine environnemental que si les Etats membres
s’engagent dans cette voie, comme c’est le cas aux Etats-Unis ;
- le secteur automobile doit jouer un rôle important mais,
pour l’instant, M. Karl-Heinz Florenz n’a pas l’impression qu’existe le
soutien nécessaire en vue d’atteindre les objectifs fixés pour 2012 en
termes d’émissions de CO2 ;
- en tout état de cause, il n’est pas nécessaire d’attendre la
réponse des Etats-Unis, bien que l’on constate que des pays de l’Union
européenne refusent également le principe de contraintes et plaident
plutôt pour des accords sur une base volontaire conclus entre les Etats. Il
convient d’adopter dans la perspective de la conférence de Bali une
attitude réaliste, afin de pouvoir obtenir le soutien des Etats tiers et de ne
pas suivre l’exemple de M. Jürgen Trittin, alors ministre de
l’environnement de l’Allemagne, qui avait plaidé à la conférence
mondiale sur le climat de Buenos Aires en faveur de l’intégration de
l’objectif des 20 % dans un traité international sous l’égide de l’ONU ;
- on peut comprendre la réaction de certains Africains, qui
mettent l’accent sur le développement à tout prix. Mais il est aussi
important de réfléchir aux conditions d’un développement technologique
tenant compte des exigences environnementales.
Le Président Pierre Lequiller, après avoir remercié
MM. Karl-Heinz Florenz et Guido Sacconi, a déclaré qu’il convenait –
conformément à leurs propositions – de multiplier les contacts avec le
Parlement européen et s’est félicité que cette rencontre ait pu se dérouler
au moment même où la France a ouvert un grand débat sur
l’environnement.
298
Réunion du mardi 17 octobre 2007
Bulletin n° 2
Le Président Guido Sacconi a dit avoir apprécié les
documents qu’il avait pu consulter sur Internet concernant les méthodes
employées dans le cadre du « Grenelle de l’environnement ».
Bulletin n°2
Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30
299
Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30
Présidence de M. Daniel Garrigue, Vice-président
zEspace
de liberté, de sécurité et de justice
Communication de M. Thierry Mariani sur les accords de réadmission
entre la Communauté européenne et la République de Moldova, la
République de Serbie, l’ancienne République yougoslave de
Macédoine, la République du Monténégro, de la Bosnie-etHerzégovine et de l’Ukraine, et sur l’élargissement de l’espace
Schengen (E 3516, E 3600, E 3602, E 3603, E 3604, E 3621 et E 3622)
M. Thierry Mariani, rapporteur, a relevé que la
construction d’un espace de liberté, de sécurité et de justice n’existe pas
sans relation durable et responsable avec les pays tiers. Dans cet esprit,
les accords de réadmission des personnes en séjour irrégulier sont un
élément décisif de la lutte contre l’immigration clandestine dans l’Union
et constituent l’un des axes de développement d’une politique extérieure
dans le domaine de la justice et des affaires intérieures.
Le premier point essentiel est la nette accélération des
négociations des accords de réadmission liée à leur adossement à des
négociations d’accords facilitant la délivrance de visas.
Les Conseils européens de Laeken et de Tampere ont décidé
au début des années 2000 de mettre en œuvre une politique déterminée
et ambitieuse de négociation d’accords de réadmission dont la
Commission a précisé les contours dans sa communication du
15 novembre 2001.
Les négociations se sont dans un premier temps révélées
laborieuses. A ce jour, en effet, seule la moitié des douze mandats de
négociation confiés par le Conseil à la Commission entre 2000 et 2002
ont été menés à leur terme, concernant Hong-Kong et Macao (2004), le
Sri Lanka (2005), l’Albanie (2006) et la Russie (2007).
L’accord de réadmission avec l’Ukraine, pour lequel un
mandat avait été émis 2002, a été signé le 19 juin dernier.
300
Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30
Bulletin n° 2
La lenteur des négociations s’explique principalement par les
réticences des pays parties à l’accord à s’engager en particulier sur la
réadmission de ressortissants d’autres pays tiers, et, à un moindre degré,
sur les délais de réponse aux demandes de réadmission qui leur sont
adressées.
Dans ce contexte, la Commission s’est attelée à actionner
d’autres leviers permettant d’accélérer la conclusion des accords, qu’il
s’agisse de la facilitation, « en contrepartie », de la délivrance des visas
aux ressortissants de ces Etats ou de la réduction des obligations
consenties par le pays tiers concerné.
La tâche des négociateurs en est accrue, entre les deux
écueils que constituent la recherche d’« accords à tout prix » qui doit être
résolument écartée et l’imposition d’exigences excessives empêchant la
conclusion des accords voire minant leur application pratique.
Le danger est en effet grand de voir les Etats tiers aligner
leurs revendications sur les dispositions les plus généreuses concédées
par la Commission aux cours des négociations d’accords. A cet égard,
l’accord de réadmission avec la Russie a constitué un précédent
dangereux.
D’un côté, force a été de constater une nette dégradation de
la qualité des obligations imposées avec notamment la fixation d’un
délai maximal de réponse aux demandes de réadmission qui dépasse les
délais de rétention administrative français, espagnol et portugais, et
l’introduction d’une période transitoire trop longue de trois ans avant
que l’obligation de réadmission ne s’impose pour les ressortissants des
pays tiers.
Or, ces concessions significatives sont d’autant plus
paradoxales que la négociation de l’accord a été adossée à celle d’un
accord visant à faciliter la délivrance des visas, avec notamment une
réduction de presque moitié des frais applicables aux ressortissants
russes.
Il n’en reste pas moins que l’on constate une très nette
accélération des négociations depuis en particulier que la Commission a
manifesté son intention de donner priorité à la conclusion d’accords de
réadmission avec la région des Balkans occidentaux et les pays
limitrophes conformément à sa politique de voisinage arrêtée en 2003.
Bulletin n°2
Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30
301
Ainsi, moins d’un an aura séparé l’engagement des
négociations avec les pays des Balkans de leurs conclusions.
Le Conseil a en effet confié le 13 novembre 2006 mandat à
la Commission européenne pour négocier un accord de réadmission
entre la Communauté européenne et chacun des pays des Balkans
occidentaux.
La conclusion des accords de réadmission et de facilitation
des visas avec l’ancienne République yougoslave de Macédoine, la
République du Monténégro, la Bosnie-Herzégovine et la République de
Serbie est prévue d'ici novembre 2007.
De même, après que le Conseil « Affaires générales et
relations extérieures » du 19 décembre 2006 a officiellement autorisé la
Commission à négocier la conclusion d’un accord de réadmission et
d’un accord de facilitation des visas, l’Union européenne et la
République de Moldova ont signé, le 10 octobre 2007, les deux accords
au terme de huit mois seulement de négociations.
Il n’est évidemment pas indifférent de constater que ces cinq
accords ont été accompagnés de la conclusion d’un accord visant à
faciliter la délivrance de visas.
Pour autant, la qualité de ces accords de réadmission est très
significativement supérieure à celle de l’accord conclu avec la Russie, la
vocation des Etats balkaniques à adhérer à l’Union, clairement affirmée
dans les conclusions du sommet entre l'Union européenne et les Balkans
occidentaux qui s'est tenu à Thessalonique le 21 juin 2003, jouant un
rôle moteur dans ces progrès.
M. Thierry Mariani a ensuite abordé le contenu des accords
de réadmission examinés, en jugeant dans l’ensemble leur qualité
satisfaisante.
Quelques traits communs à l’ensemble des accords de
réadmission peuvent être rapidement dessinés :
– les obligations de réadmission énoncées sont établies sur
une base de réciprocité totale ;
– les accords précisent les procédures applicables, l’énoncé
des pièces justificatives, les modalités de prise en charge des coûts de
302
Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30
Bulletin n° 2
transport et de transit et garantissent la protection des données à
caractère personnel ;
– les accords confient à des comités de réadmission mixte à
l’Union et à l’Etat signataire le soin de contrôler leur mise en œuvre et
leur application.
Cependant, l’essentiel des enjeux se concentre sur deux
questions décisives.
La première question, et la véritable valeur ajoutée des
accords de réadmission, concerne la réadmission des ressortissants de
pays tiers aux parties à l’accord, celle des nationaux faisant rarement
problème.
A cet égard, les difficultés traditionnelles concernent la
définition de délais transitoires durant lesquels cette réadmission ne
s’applique pas et le degré d’exigence des conditions posées pour
l’obligation de réadmission.
Dans ces deux domaines, les accords conclus avec les Etats
des Balkans occidentaux, avec l’Ukraine et avec la République de
Moldova sont satisfaisants.
L'obligation de réadmettre les ressortissants des pays tiers et
les apatrides est en effet liée aux conditions préalables suivantes,
suffisamment larges pour garantir une application efficace.
L’intéressé doit avoir été lors de son entrée sur ce territoire,
en possession d'un visa ou d'une autorisation de séjour en cours de
validité délivré(e) par le pays requis (et non plus au moment du dépôt de
la demande de réadmission comme c’est le cas dans l’accord signé avec
la Russie).
L’obligation de réadmission s’impose également lorsque
l’intéressé est entré illégalement et directement sur le territoire des États
membres après avoir séjourné sur ou transité par le pays requis.
Dans le même esprit, il n’est pas ménagé de période de
transition pour l’application des dispositions des accords de réadmission
avec les pays des Balkans occidentaux à la différence de l’accord conclu
avec l’Ukraine qui prévoit une période transitoire de deux ans.
Une deuxième question essentielle tient à la détermination
des délais de réponse aux demandes de réadmission.
Bulletin n°2
Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30
303
La garantie des libertés publiques impose aux Etats membres
de respecter des durées maximales de rétention administrative plus ou
moins élevées selon leurs traditions nationales. Les législations
française, espagnole et portugaise sont particulièrement protectrices en
ce qu’elles limitent les rétentions administratives à respectivement 32,
40 et 60 jours.
Les délais de réponse prévus dans les accords de réadmission
examinés sont dans l’ensemble compatibles avec les législations
nationales des Etats membres de l’Union, allant de 10 jours
(prorogeables 6 jours) à 14 jours (non prorogeables).
Seul l’accord conclu avec l’Ukraine pose une difficulté en ce
qu’il prévoit, en complément du délai « normal » de 14 jours, un droit de
prorogation pouvant aller jusqu’à 30 jours supplémentaires dans les cas
dûment motivés.
Les accords prévoient par ailleurs une procédure accélérée
pour les personnes appréhendées dans les « régions frontalières » ou sur
le territoire des aéroports internationaux des Etats membres ou l’Etat
tiers concerné. Dans ce cas, la demande de réadmission et la réponse à
celle-ci doivent être transmises dans un délai de 2 jours ouvrables.
Enfin, M. Thierry Mariani a abordé les accords visant à
faciliter la délivrance des visas adossés aux accords de réadmission
Les accords prévoient l'assouplissement des formalités
d'obtention des visas avec en particulier un allégement considérable des
frais de visas à 35 euros (au lieu de 60 euros) pour l’ensemble des
ressortissants des Etats signataires.
De même, une exonération totale des frais de visa est définie
pour certaines catégories de demandeurs tandis que les exigences pour
certains groupes de personnes, notamment les hommes et femmes
d'affaires, les étudiants et les journalistes, en matière de pièces
justificatives requises à l'appui des demandes de visa ont été simplifiées.
Enfin, les titulaires de passeports diplomatiques sont dispensés de
l'obligation de visa.
M. Thierry Mariani a conclu son propos en soulignant que la
conclusion rapide d’accords communautaires de réadmission impose de
consentir à des contreparties importantes au bénéfice des Etats tiers, en
304
Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30
Bulletin n° 2
particulier lorsque l’obligation de réadmission couvre aussi les
ressortissants de pays tiers et les apatrides.
Il est heureux que ces contreparties ne soient pas allées
jusqu’à la suppression de l’obligation de visa, qui n’est envisageable que
dans des cas exceptionnels. Néanmoins, le lien apparent qui semble
émerger entre la conclusion des accords de réadmission et la négociation
d’accords facilitant la délivrance des visas est regrettable.
Il serait en effet dangereux que les pays tiers considèrent les
offres compensatoires comme des éléments normaux liés à la conclusion
d’accords de réadmission et qu’ils tendent à aligner leurs exigences sur
le traitement le plus favorable obtenu par un autre pays en entraînant un
« nivellement par le haut » des contreparties accordées par l’Union.
Les mesures d’incitation dont on a vu qu’elles tendent à se
multiplier représentent en effet des concessions importantes de la
Communauté dont il faut veiller à ce qu’elles ne soient pas
disproportionnées à l’utilité des accords de réadmission, textes
essentiellement de nature administrative et technique.
L’appréciation « coûts – avantages » des mesures d’incitation
doit ainsi demeurer particulière à chaque négociation, la pression
migratoire concrète exercée sur certains Etats membres et la position
géographique par rapport à l'Union européenne des Etats tiers
constituant évidemment les critères décisifs.
A cet égard, les accords de réadmission conclus avec les
Etats des Balkans occidentaux, d’une part, et l’Ukraine et la République
de Moldova, d’autre part, répondent aux exigences de cohérence et
d’efficacité liées à la situation de ces Etats aux frontières de l’Union
élargie. Dans ce contexte, leur qualité est satisfaisante et les
contreparties proportionnées aux progrès induits par l’étendue de
l’obligation de réadmission qui pèsera désormais sur ces pays.
Sous le bénéfice de ces observations, M. Thierry Mariani a
proposé à la Délégation d’approuver les propositions de décisions du
Conseil relatives à la signature des accords de réadmission avec les pays
examinés.
Dans la discussion qui a suivi cet exposé, M. Thierry
Mariani, rapporteur, a souligné que ces accords satisfaisants avaient
été négociés après les accords avec la Russie qui ont notamment facilité
Bulletin n°2
Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30
305
à juste titre la délivrance de visas. Ceux-ci étaient accordés à 98 % des
demandes, car il n’existe plus de risque migratoire russe et ces formalités
constituaient plutôt une entrave au tourisme. En revanche, le problème
du transit migratoire, notamment de populations d’Asie centrale, par la
Russie et la Moldavie demeure, ainsi qu’un vrai risque migratoire en
provenance de pays comme la Moldavie.
M. Jérôme Lambert a observé que la satisfaction de 98 %
des demandes de visas pouvait également révéler l’effet dissuasif du visa
demandé uniquement par ceux à peu près sûrs de l’obtenir.
Le Président Daniel Garrigue a souhaité que les relations
entre l’Union européenne et la Russie fassent l’objet d’un rapport
d’information de la Délégation.
La Délégation a ensuite approuvé l’ensemble de ces textes
(documents E 3516, E 3602, E 3603, E 3604, E 3621 et E 3622).
Puis M. Thierry Mariani, rapporteur, a abordé le projet de
décision du Conseil relatif à l’élargissement de l’espace Schengen aux
Etats ayant adhéré à l’Union européenne le 1er mai 2004, à l’exception
de Chypre, qui a demandé un délai supplémentaire d’un an.
Il a rappelé que l’espace Schengen compte actuellement
13 Etats membres de l’Union européenne (les Quinze anciens moins le
Royaume-Uni et l’Irlande) et deux Etats hors de l'Union européenne, la
Norvège et l’Islande. Le projet de décision prévoit la levée des contrôles
aux frontières intérieures terrestres et maritimes à compter du
31 décembre 2007 et aux frontières aériennes à partir du 29 mars 2008.
L’article 3, paragraphe 2 de l’acte d’adhésion de 2003
prévoyait que la totalité des dispositions de l’acquis de Schengen ne
s’appliqueraient dans un nouvel Etat membre qu’à la suite d’une
décision à l’unanimité du Conseil, après vérification que les conditions
nécessaires sont remplies, et de la consultation du Parlement européen.
La décision d’élargir l’espace Schengen dépend en premier
lieu de la capacité des Etats concernés à intégrer le Système
d’information Schengen (SIS), c’est-à-dire la base de données permettant
aux autorités nationales (police, gendarmerie, douanes, autorités
judiciaires) d’échanger et d'obtenir des informations sur les personnes ou
les objets. Ces informations servent dans le cadre de la coopération
policière et judiciaire en matière pénale, ainsi que pour le contrôle des
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Bulletin n° 2
personnes, tant aux frontières extérieures que sur le territoire national.
Enfin, le SIS est utilisé pour la délivrance de visas et de titres de séjour.
La création d’un nouveau système, le SIS II, a été décidée
dès 2001, en raison de la nécessité de mettre en œuvre de nouvelles
fonctionnalités (par exemple le stockage de données biométriques), mais
aussi d’intégrer les nouveaux Etats membres, le SIS n’ayant pas les
capacités suffisantes pour assurer les services nécessaires à plus de
18 Etats. Cependant, en septembre 2006, la Commission, qui avait été
mandatée par le Conseil pour développer le SIS II, a annoncé que sa
mise en œuvre, initialement prévue pour mars 2007, connaîtrait un retard
important. En janvier 2007, la Commission a proposé un calendrier
révisé prévoyant que le SIS II serait opérationnel à partir de
décembre 2008.
Face au mécontentement des nouveaux Etats membres, et
afin de permettre l’élargissement de l’espace Schengen avant cette date,
le Conseil Justice Affaires intérieures (JAI) des 4 et 5 décembre 2006 a
donné son aval au projet SISone4all, un système provisoire proposé par
le Portugal, permettant de connecter les 9 Etats membres à la version
existante du SIS.
Lors de cette même réunion du Conseil JAI ont été fixés les
délais pour l’élargissement de l’espace Schengen, fin décembre 2007 et
fin mars 2008 pour les frontières aériennes, si toutes les conditions sont
remplies. Le projet de décision que la Délégation a à examiner
aujourd’hui confirme donc ces engagements.
Le Conseil « JAI » des 12 et 13 juin dernier a adopté une
décision sur l’application des dispositions de l’acquis de Schengen
concernant le SIS aux 9 Etats membres concernés. L’entrée en vigueur
de cette décision a permis le transfert vers ces Etats membres de données
SIS réelles. Les conclusions du Conseil « JAI » du 18 septembre 2007
indiquent que les Etats concernés sont en mesure d’utiliser le SIS depuis
le 1er septembre. L’utilisation concrète des données transférées doit
permettre au Conseil de s’assurer de la bonne application des
dispositions de l’acquis de Schengen relatives au SIS dans les nouveaux
Etats membres.
La deuxième condition essentielle pour l’intégration des
nouveaux Etats membres à l’espace Schengen est la sécurité des
frontières extérieures.
Bulletin n°2
Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30
307
Les aspects autres que le SIS (protection des données,
coopération policière et frontalière, frontières maritimes, terrestres et
aériennes et délivrance de visas) ont fait l’objet d’évaluations depuis
2005. Ces évaluations, menées par le groupe « Evaluation de
Schengen », sont maintenant achevées. Le groupe a mené des
vérifications par écrit grâce à des questionnaires, puis des visites
d’équipes d’experts ont eu lieu dans chacun des Etats concernés, ainsi
que dans un certain nombre de postes consulaires. Dans certains cas, de
nouvelles visites sont intervenues afin de vérifier si les défaillances
constatées avaient été corrigées.
La question de la sécurité des frontières extérieures est un
enjeu particulièrement important. En effet, tous les Etats membres
concernés par l’élargissement, à l’exception de la République tchèque,
auront la responsabilité du contrôle d’une frontière extérieure de
l’Union.
M. Thierry Mariani a indiqué qu’il s’était rendu en 2004 en
Pologne, afin de mesurer sur le terrain l’efficacité des contrôles à la
frontière avec l’Ukraine et qu’il avait constaté qu’en dépit des efforts
importants réalisés par la Pologne, avec le soutien de l’Union
européenne, la situation restait préoccupante.
Les conclusions des missions d’évaluation font état d’efforts
très importants des nouveaux Etats membres pour se conformer aux
recommandations et à l’acquis de Schengen. Elles indiquent que tous les
Etats concernés remplissent à présent les conditions nécessaires pour
adhérer intégralement à Schengen. La situation en Slovaquie était celle
qui posait le plus de difficultés mais les conclusions indiquent que ce
pays répond maintenant aux exigences requises.
Même si ses compétences et ses moyens restent limités,
l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle
aux frontières extérieures, dite agence FRONTEX, dont le siège est à
Varsovie, devrait jouer un rôle important dans l’espace Schengen élargi,
en renforçant l’efficacité des contrôles et la sécurité. Créée en 2004 et
opérationnelle depuis 2005, FRONTEX a pour mission d’assurer la
coordination des opérations conjointes en matière de contrôle et de
surveillance des frontières extérieures, de prêter assistance aux Etats
membres pour la formation de leurs garde-frontières, ainsi que lorsqu’ils
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Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30
Bulletin n° 2
doivent faire face à une situation exigeant une assistance opérationnelle
et technique renforcée à leurs frontières extérieures.
Il convient également de souligner que le projet de traité
modificatif prévoit la mise en place progressive d’un système intégré de
gestion des frontières extérieures. Cette formulation constitue certes une
avancée mais elle reste relativement prudente. On est donc encore
éloignés de la création d’un corps européen de garde-frontières, dont la
Commission européenne avait évoqué la possibilité dans une
communication du 7 mai 2002.
En conclusion, M. Thierry Mariani a indiqué que la décision
pourrait être adoptée lors du Conseil « JAI » des 8 et 9 novembre 2007
et que le Parlement européen n’avait pas encore rendu son avis.
Le Président Daniel Garrigue a souligné la pression très
forte des nouveaux Etats membres sur ce dossier et s’est inquiété de la
qualité des évaluations sur les contrôles aux frontières externes de
l’Union européenne.
M. Thierry Mariani, rapporteur, a rappelé que tout le
matériel et toute la formation avaient été fournis aux services concernés
des nouveaux Etats membres et qu’il ne leur reste plus maintenant qu’à
les mettre en œuvre conformément aux meilleures pratiques.
Le Président Daniel Garrigue a souligné l’intérêt d’une
communautarisation et d’une gestion intégrée des frontières extérieures
de l’Union européenne et déclaré que l’audition de M. Brice Hortefeux,
ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du
codéveloppement par la Délégation le 18 décembre 2007, serait
l’occasion de l’interroger sur FRONTEX et sur d’éventuels écarts entre
les rapports d’évaluation et la réalité du terrain.
Puis la Délégation a approuvé le projet de décision du
Conseil (document E 3600).
Bulletin n°2
Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30
309
z Examen
de deux textes soumis à l'Assemblée nationale en
application de l'article 88-4 de la Constitution (E 3625 et E 3626)
Point A
Sur le rapport du Président Daniel Garrigue, la Délégation
a examiné deux textes soumis à l'Assemblée nationale en application de
l'article 88-4 de la Constitution.
Aucune observation n’ayant été formulée, la Délégation les a
approuvés.
¾ PESC et relations extérieures.
- proposition de décision du Conseil relative à la signature et
à l'application provisoire d'un protocole à l'accord euro-méditerranéen
entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part,
et la République arabe d'Egypte, d'autre part, visant à tenir compte de
l'adhésion à l'Union européenne de la République de Bulgarie et de la
Roumanie. Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion
d'un protocole à l'accord euro-méditerranéen entre les Communautés
européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République arabe
d'Egypte, d'autre part, visant à tenir compte de l'adhésion de la
République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne
(document E 3625) ;
- projet d'action commune du Conseil modifiant l'action
commune 2007/369/PESC relative à l'établissement de la mission de
police de l'Union européenne en Afghanistan (document E 3626).
310
z Conseil
Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30
Bulletin n° 2
européen informel des 18 et 19 octobre 2007
Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire
d’Etat chargé des affaires européennes, sur le Conseil européen
informel des 18 et 19 octobre 2007
Le Président Daniel Garrigue a accueilli le ministre en
rappelant l’intensité de l’actualité européenne sur laquelle son éclairage
serait particulièrement utile à la Délégation, qu’il s’agisse, d’une part, de
l’accord trouvé par le Conseil européen informel de Lisbonne des 18 et
19 octobre dernier sur le traité réformateur, qui impose désormais de se
concentrer sur les modalités concrètes d’une ratification rapide par la
France conformément à l’engagement du Président de la République et,
d’autre part, de la définition des priorités que notre pays souhaite voir
assigner à sa présidence de l’Union au second semestre 2008 et de la
manière dont le Parlement et, en son sein, la Délégation pourraient être
opportunément associés à la préparation de cette présidence.
M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’Etat chargé des
affaires européennes, s’est déclaré heureux de venir faire part à la
Délégation, aussi vite qu’il a été possible, des résultats remarquables du
Conseil européen de Lisbonne, avec, d’un côté, la conclusion d’un
accord de portée historique sur le traité réformateur, obtenu dans le
milieu de la nuit du jeudi 18 au vendredi 19 octobre et, par suite, le
vendredi matin, l’engagement de travaux prometteurs sur les enjeux
économiques, financiers et environnementaux.
La négociation du traité, qui remet l’Europe sur les rails
d’un nouveau départ, s’est révélée l’une des plus rapides et des plus
efficaces de l’Histoire. La Conférence intergouvernementale (CIG) aura
ainsi achevé ses travaux moins de cinq mois après que l’élection du
Président de la République ait sorti les débats institutionnels européens
de l’ornière. L’essentiel des termes du traité avait été agréé dès le
Conseil européen de Bruxelles des 21, 22 et 23 juin dernier, les experts
juridiques de la CIG parvenant pour leur part à élaborer une solution
satisfaisante pour régler les modalités pratiques de l’exercice par le
Royaume-Uni et l’Irlande des opt-out qui leur sont accordés dans
l’espace de liberté, de sécurité et de justice et pour définir une période
transitoire avant que le contrôle de la Cour de justice ne s’exerce
Bulletin n°2
Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30
311
pleinement sur l’ensemble des actes adoptés dans le cadre du troisième
pilier de l’Union sur la coopération judiciaire et policière. Ainsi, deux
problèmes seulement subsistaient à la veille du Conseil européen de
Lisbonne : les revendications polonaises relatives au mécanisme de
Ioannina et au nombre des avocats généraux auprès de la Cour de justice,
et la demande italienne de disposer d’un député de plus au sein du
parlement européen élu en 2009. C’est au cours d’une réunion
préparatoire précédant le dîner officiel que le Président de la République
française et les Premiers ministres portugais et luxembourgeois ont
dégagé les bases d’un accord avec leurs homologues polonais, le
Président Kaczinski, et italien, le Président Prodi. Or, cet accord ménage
l’essentiel en ne sacrifiant aucun de nos intérêts ou ceux de l’Union.
En effet, en premier lieu, le mécanisme de Ioannina, qui
permet à un nombre d’Etat approchant le seuil de la minorité de blocage
de repousser la prise de décision au Conseil pendant un délai
raisonnable, n’a pas été inscrit dans le droit primaire, qu’il s’agisse du
traité ou des protocoles. Il demeure fixé dans une décision du Conseil
qui sera adoptée le jour de la signature du traité. Sa portée juridique ne
sera dès lors pas renforcée, et sa modification n’imposera pas la
convocation d’une nouvelle CIG. Certes, un protocole spécifique a été
adopté, mais il se borne à préciser que la décision de modifier le
compromis de Ioannina doit être précédée par un débat au Conseil
européen, qui doit ensuite statuer par consensus.
S’agissant du nombre d’avocats généraux, M. Jean-Pierre
Jouyet a estimé cohérent de porter leur nombre de huit à onze en
concordance avec l’augmentation des effectifs des juges à la Cour de
justice de 15 à 27 liée à l’élargissement. Ce nombre était en effet gelé
depuis 1995, alors même que tous les « grands » pays sauf la Pologne
disposaient du droit de nommer un avocat général. Désormais, la
Pologne nommera, comme l’Espagne d’ailleurs avec laquelle elle tient à
demeurer en stricte parité, un avocat général tandis que le nombre
d’avocats désignés par rotation par les autres Etats membres passera de 3
à 5. On peut remarquer que la culture juridique polonaise est proche de
notre tradition de droit continental.
Ne restait que la préoccupation italienne de voir sa parité
traditionnelle en nombre d’eurodéputés avec la France et le
Royaume-Uni rompue par l’application rigoureuse de la règle de
proportionnalité dégressive dont le traité dispose qu’elle doit désormais
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Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30
Bulletin n° 2
présider à la répartition des sièges du Parlement européen. La résolution
du Parlement européen du 11 octobre dernier, fondée sur le rapport de
MM. Lamassoure et Severin, avait en effet prévu que l’Italie disposerait
de 72 députés européens, contre 73 pour le Royaume-Uni et 74 pour la
France. Si cette nouvelle règle de répartition, innovante, reflète mieux la
réalité démographique de l’Union, elle pose de redoutables difficultés à
l’Italie dont la démographie est en déclin. L’accord final s’est réalisé sur
l’élévation du plafond des membres du parlement européen grâce à la
mention, dans le traité, d’un nombre de députés limité à 750 « plus le
président » dont on sait qu’il exerce rarement son droit de vote (mais
dont il continuera à jouir pleinement).
Dès lors, toutes les conditions sont réunies pour une
cérémonie de signature le 13 décembre, probablement à Lisbonne
conformément aux vœux légitimes de la présidence portugaise qui a joué
un rôle remarquable dans les négociations.
Abordant le processus de ratification, M. Jean-Pierre Jouyet
a indiqué qu’un débat préalable au Conseil européen sera organisé à
l’Assemblée nationale et au Sénat le 11 décembre. Par suite, le Président
de la République a manifesté son intention d’aller vite et de recourir à la
voie parlementaire. Aller vite signifie saisir le Conseil constitutionnel
dès la signature du traité, afin d’apprécier la nécessité juridique,
probable, de modifier la Constitution, puis de convoquer le Congrès et
ratifier le traité. Au total, il semble probable que ces procédures pourront
être achevées début février 2008.
Abordant les questions économiques et financières
examinées par le Conseil européen, le ministre a indiqué qu’elles avaient
été dominées par les rapports entre l’Europe et la mondialisation et la
stratégie de Lisbonne. La discussion s’est engagée sur la base d’un
rapport du Président de la Commission, M. José Manuel Barroso, dans la
lignée des préoccupations de la France telles qu’elles ont été exprimées
par le Président de la République. Son rapport a ainsi affirmé la
nécessité dans laquelle l’Europe se trouve de défendre ses intérêts
commerciaux et de parvenir à faire respecter le principe de réciprocité
dans les échanges. Le ministre s’est félicité, d’une part, qu’un tabou ait
pu, de ce fait, être brisé, puisqu’il est désormais admis que l’Europe se
protège sans être protectionniste et, d’autre part, que s’instaure une
convergence de vues entre la France et la Commission, que
Bulletin n°2
Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30
313
M. Jean-Pierre Jouyet a jugée prometteuse pour la présidence française
de l’Union.
Pour ce qui est de la stabilité financière, le ministre a indiqué
que le Conseil européen avait pris en compte le programme de travail
élaboré par le Conseil « Ecofin » du mois d’octobre, ainsi que la
déclaration signée par la Chancelière Angela Merkel, le Président
Nicolas Sarkozy et le Premier ministre du Royaume-Uni, M. Gordon
Brown. Il s’agit d’affirmer, en ce qui concerne les marchés financiers,
l’exigence de transparence financière, la nécessité de régulations
nationales fortes, d’une meilleure gestion des risques, d’une bonne
diffusion de l’information sur la tritisation et d’une réflexion sur le mode
de fonctionnement des agences de notation en vue de prévenir les
conflits d’intérêts entre ces dernières et les banques.
Le ministre, évoquant la question du changement climatique,
a souligné que le Conseil européen avait souhaité que l’Union parvienne
lors de la Conférence de Bali, à promouvoir l’objectif d’un accord en
2009 destiné à réduire les gaz à effet de serre après 2012. Le Conseil
européen a estimé qu’en matière environnementale, l’Union européenne
devait jouer un rôle pionnier, non seulement pour des raisons éthiques
mais aussi parce qu’elle dispose d’entreprises compétitives innovantes.
Puis le ministre a évoqué les priorités de la présidence
française.
S’agissant de la lutte contre le changement climatique,
M. Jean-Pierre Jouyet a souligné que cette priorité s’inscrirait dans la
suite du Grenelle de l’environnement. L’objectif est de consolider les
accords existants dans l’Union européenne et d’y ajouter des initiatives
nouvelles touchant, par exemple, aux incitations fiscales qui pourraient
être proposées dans le cadre du Grenelle de l’environnement.
Dans le domaine de l’énergie, la France plaidera en faveur
d’une politique globale afin que celle-ci ne se limite plus seulement à la
libéralisation et au marché intérieur, mais prenne aussi en compte des
problèmes tels que la sécurité de l’approvisionnement, qui est un enjeu
pour les nouveaux adhérents, lesquels sont soucieux de réduire leur
dépendance à l’égard de la Russie. En outre, il s’agira de poser le débat
sur l’énergie nucléaire, en ce qui concerne la question de la sûreté
nucléaire et son amélioration, en particulier dans les PECO (pays de
l’Europe centrale et orientale) dont les centrales fonctionnent dans des
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Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30
Bulletin n° 2
conditions difficiles. Il importera également de réfléchir à une meilleure
régulation et, sans tabou, à la question des déchets nucléaires.
Quant à la gestion des flux migratoires, le ministre a noté
qu’il s’agissait là d’une préoccupation partagée par l’ensemble des Etats
membres, laquelle est liée à la perception des conséquences résultant des
déséquilibres démographiques entre l’Union européenne d’une part et,
d’autre part, l’Afrique, le Moyen-Orient, l’Asie ou encore l’Amérique du
Sud. Dans le cadre de la JAI, l’Union devra s’efforcer de parvenir à une
approche commune en matière d’immigration et d’intégration et de
favoriser l’échange des bonnes pratiques.
Dans le domaine de la défense, le ministre a indiqué que la
France s’efforcerait de parvenir à une juste articulation entre ses rapports
avec l’OTAN et l’objectif d’une politique de défense européenne plus
ambitieuse.
Le ministre a également indiqué que, sous la présidence
française, il sera procédé à l’actualisation de la stratégie de Lisbonne, au
bilan à mi-parcours de la PAC et à un nouveau cadrage des perspectives
financières. Sur ce dernier point, il s’agira de définir les bases d’un
nouveau cadre en termes d’évaluation des dépenses et de politiques
communes, mais également en vue de réfléchir à un système de
ressources propres.
Pour ce qui est des relations extérieures, la présidence
française sera marquée par trois sommets importants entre l’Union
européenne, l’Asie, la Chine et les Etats-Unis. La définition d’un
partenariat avec la Russie devrait également figurer parmi les questions
qui seront abordées. En ce qui concerne le sommet entre l’Union
européenne et l’Afrique, il devrait promouvoir une meilleure politique
dans le domaine de la santé.
Un débat a suivi l’exposé du ministre.
M. Bernard Deflesselles s’est félicité que cette audition soit
intervenue aussi rapidement après la tenue du Conseil européen, qui
grâce à l’accord intervenu sur le projet de traité, permet à la France de
sortir d’une période de trois ans qui l’a affaiblie.
Tout en soulignant les points positifs que contient le traité, il
s’est interrogé sur la possibilité pour la France de respecter le calendrier
de la ratification très serré exposé par le ministre et dans lequel devront
Bulletin n°2
Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30
315
intervenir l’examen du texte par le Parlement ainsi que le vote du
Congrès. Pour autant, il a estimé que la France se devait de ratifier la
première, d’autant que le Président de la République a joué le rôle de fer
de lance et déployé des efforts importants lors de ses tournées dans de
nombreux pays de l’Union.
En ce qui concerne la politique de la défense, en faveur de
laquelle la Délégation a constamment plaidé, M. Bernard Deflesselles a
souligné l’utilité de la clause de solidarité obligatoire à l’égard de tout
Etat membre confronté à une menace. Il a estimé que le principe de
coopération structurée permanente permettrait d’accélérer la mise en
place d’une défense européenne dans laquelle la France et le RoyaumeUni jouent déjà le rôle d’avant-garde en raison de l’importance de leurs
dépenses militaires. Il a souhaité savoir s’il ne serait pas opportun
d’élaborer un Livre blanc de la défense européenne, conformément à un
projet formulé par le Président de la République.
M. Christian Paul a estimé que la conclusion du Conseil
européen de Lisbonne avait donné lieu à un enthousiasme « surjoué »,
puisque chacun savait que rien ne se passerait au niveau européen avant
les élections présidentielles françaises. Par ailleurs, le traité modificatif
devrait être ratifié dans le cadre d’une démocratie au rabais. Ce sera
effectivement la première fois dans l’histoire récente de notre pays que
l’on esquivera le recours au suffrage universel sur une question ayant été
précédemment soumise au peuple français. Le contenu même du traité
apparaît limité, aboutissant à une Europe du moindre mal. A cet égard, il
convient de préciser que l’opposition au projet de traité constitutionnel
n’était pas toujours synonyme de rejet de l’Europe fédérale, mais plutôt
de rejet des instruments de régulation économique proposés et d’alerte
devant le déficit démocratique. Enfin, il aurait été utile de mentionner la
question des services publics et d’évoquer la possibilité d’un protocole
ou d’un traité social, qui paraît devoir être l’étape suivante, à moins que
l’accord trouvé à Lisbonne aboutisse à une longue glaciation européenne
dans les domaines économiques et sociaux.
M. Jacques Desallangre a considéré que le nouveau traité
devrait être soumis au référendum, afin que le peuple français puisse être
en mesure d’apprécier les évolutions intervenues par rapport au projet de
traité constitutionnel. La procédure référendaire semble d’autant plus
s’imposer que les modifications toucheraient plus à la forme qu’au fond,
316
Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30
Bulletin n° 2
comme l’illustre la requalification de la concurrence en instrument de
l’Union européenne plutôt qu’en objectif.
M. Lionnel Luca a souhaité obtenir plusieurs précisions afin
de pouvoir comparer les dispositions du traité modificatif avec celles du
projet de traité constitutionnel. Il importe notamment de dissiper les
ambiguïtés tenant à la suppression dans le texte même du traité de
l’affirmation de la primauté du droit communautaire alors même que la
personnalité juridique de l’Union européenne est confirmée, à la
disparition du titre de ministre des affaires étrangères de l’Union mais à
la création d’un Haut représentant pour les affaires étrangères et la
politique de sécurité doté d’un véritable service diplomatique, à la
définition des relations entre l’Europe et l’OTAN. En outre, il semblerait
que le nouveau traité interdise aux Etats membres de définir le taux de
TVA applicable sur leur territoire. On doit aussi observer que, malgré les
nombreuses critiques émises dans notre pays, la question de
l’indépendance de la Banque centrale européenne (BCE) apparaît ne pas
pouvoir être discutée au niveau communautaire. Enfin, le Comité des
sages, voulu par le Président de la République pour réfléchir à l’avenir
de l’Europe, verrait son rôle singulièrement réduit s’il ne pouvait
aborder la question des frontières européennes.
M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’Etat chargé des
affaires européennes, a apporté les précisions suivantes :
- sur le calendrier de la ratification, il est exact que la
suspension des travaux parlementaires à compter du 9 février 2008
constitue une contrainte technique, mais les réflexions sont en cours sur
le calendrier. En tout état de cause, un calendrier serré ne pourra être
respecté que si le processus de révision constitutionnelle lié, le cas
échéant, à cette ratification du traité est différencié de la procédure
concernant la réforme des institutions, à la suite des travaux menés par
« Comité Balladur » ;
- sur les questions de défense, la clause de solidarité
obligatoire est inspirée par la conviction que les Etats européens les plus
puissants doivent mettre leurs moyens au service de leurs voisins lorsque
les notions d’intérêts vitaux et stratégiques sont en jeu. Cette clause est
essentielle pour arrimer les pays d’Europe centrale et orientale à la
politique européenne de défense. On doit se rappeler que, s’ils ont choisi
de se placer sous le parapluie de l’OTAN en 2001-2002, c’est parce que
Bulletin n°2
Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30
317
les questions de sécurité demeurent un sujet de préoccupation actuel
pour eux, comme le montre le débat en République tchèque sur
l’installation d’un bouclier anti-missiles.
La coopération structurée permanente est une modalité de la
coopération renforcée appliquée au domaine de la défense, afin de
permettre à un groupe d’Etats membres d’agir en commun sans être
bloqués par l’absence de consensus. Cette procédure facilite donc la
prise de décision.
Le Livre blanc sur la défense permettrait de vérifier que les
objectifs, définis en 2003 par le Haut représentant Javier Solana, sont
toujours adaptés aux évolutions constatées en matière de terrorisme ou
de menaces régionales ;
- sur le choix de ne pas ratifier par la voie référendaire, on
ne peut parler d’« enthousiasme surjoué » lorsqu’on se souvient qu’il y a
à peine six mois, un tel résultat apparaissait peu évident à obtenir dans
de brefs délais, sans vouloir nier d’ailleurs les limites du texte adopté. Il
faut tout de même rappeler que dix-huit Etats, représentant 56 % de la
population européenne, avaient ratifié le projet de traité constitutionnel,
qu’ils s’étaient même réunis à Madrid en janvier dernier en l’absence de
notre pays, que beaucoup considéraient alors, et notamment M. Paul, que
c’était « fin de l’Europe ». Il n’était donc pas certain de leur faire
abandonner une démarche constitutionnelle pour une approche
modificative et de réussir à faire accepter l’idée d’un traité simplifié.
De la même façon, il est excessif d’évoquer une
« démocratie au rabais ». D’abord, parce que le traité modificatif se
limite à modifier les traités en vigueur et que, par le passé, la procédure
parlementaire a été d’usage pour de telles ratifications. Ensuite, on doit
souligner que la quasi-totalité de nos partenaires devrait exclure le
recours au référendum, à l’exception de l’Irlande et peut-être du
Portugal. Le Danemark, qui a pourtant une forte tradition référendaire,
devrait, lui aussi, ratifier par voie parlementaire compte tenu des
exigences de rapidité et d’efficacité souhaitées par l’ensemble des parties
concernées, et de l’analyse du ministère de la justice sur les transferts de
compétence. Aux Pays-Bas, l’avis du Conseil d’Etat a donné le feu vert
à une ratification parlementaire. Enfin, il est faux d’affirmer que ce serait
la première fois qu’une question d’abord soumise à un référendum
serait, dans un second temps, examinée par la voie parlementaire. On
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Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30
Bulletin n° 2
peut ainsi citer des précédents sur l’élargissement de l’Union
européenne, qui a donné lieu à un référendum en 1972 pour l’adhésion
du Royaume-Uni, mais qui, par la suite, a toujours été effectué sans
consultation du peuple. Pareillement, les lois de décentralisation ont été
adoptées par le Parlement alors qu’un référendum avait été
précédemment organisé en 1969 sur ces problèmes de régionalisation et
de décentralisation.
Deux conceptions légitimes ont fait l’objet d’un débat très
clair pendant l’élection présidentielle. Le Président de la République
avait indiqué durant la campagne qu’il souhaiterait procéder par la voie
d’un traité simplifié qui serait soumis à ratification par la voie
parlementaire. Mme Ségolène Royal avait au contraire fait part de son
choix pour le référendum.
Le traité réformateur ne relève pas de la « démocratie au
rabais ». D’une part, il prévoit un renforcement du rôle du Parlement
européen. Le champ de la codécision est élargi. D’autre part, le rôle des
parlements nationaux est, quant à lui, renforcé en matière de subsidiarité.
La moitié d’entre eux peuvent, avec l’appui de la majorité du Conseil ou
du Parlement européen, obtenir le retrait d’une proposition de la
Commission ;
- par rapport au traité constitutionnel, la CIG et le Conseil
européen sont parvenus à un bon équilibre entre les avancées
institutionnelles et l’extension précitée du champ de la majorité
qualifiée, et les éléments respectant les traditions nationales des Etats
membres.
Les aspects sociaux ne sont pas absents du traité modificatif.
Le protocole sur les services publics affirme la compétence des Etats
membres pour les organiser et les moderniser. Il apporte également une
nouvelle base juridique permettant d’intervenir en la matière sans passer,
comme c’était jusque-là le cas, par le seul angle de la concurrence. Une
clause sociale transversale, à portée générale, est insérée dans le traité.
L’ensemble des politiques de l’Union devront dorénavant être vues sous
l’angle social. La dimension sociale figure toujours parmi les objectifs
de l’Union. De plus, le nouvel objectif de protection des citoyens inclut
notamment la protection face à la mondialisation. En ce qui concerne
enfin les dispositions sociales de la Charte des droits fondamentaux, un
article précise qu’elle a la même valeur que les traités, ce qui renforce
Bulletin n°2
Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30
319
ses dispositions sociales notamment. Le contenu de la Charte n’est pas,
quant à lui, modifié par rapport à 2004. Il semble que le futur
gouvernement polonais revienne sur les options de son prédécesseur, et
qu’il demande à bénéficier de tous les aspects de la Charte.
Il ne faut pas non plus négliger le rôle des partenaires
sociaux au niveau européen. La réactivation du dialogue social au niveau
européen donne des résultats, notamment en matière de flexisécurité et
de contrat de travail.
La différence entre la notion d’objectif et de moyen est
importante pour la concurrence. Si celle-ci constitue un objectif de
l’Union, le contrôle de la Cour de Justice est très étendu. Si celle-ci
représente en revanche un moyen, le contrôle se fait sous l’angle d’un
équilibre avec les objectifs de l’Union, les objectifs d’intérêt général et
la protection des citoyens ;
- la primauté du droit communautaire fait dorénavant l’objet
d’une déclaration. C’est la reconnaissance d’un état de fait. En ce qui
concerne la personnalité juridique de l’Union, il s’agit d’une
clarification, ainsi que l’a compris notamment le Gouvernement du
Royaume-Uni. L’Union et la Communauté ont déjà conclu des accords
avec quelque 40 Etats ;
- la différence entre le Haut représentant de l’Union pour les
affaires étrangères et la politique de sécurité, et le ministre des affaires
étrangères de l’Union antérieurement prévu par le traité constitutionnel,
est plus symbolique que réelle, mais affirme que la notion de ministre
des affaires étrangères reste bien de la compétence des Etats membres.
Vice-président de la Commission, le Haut représentant disposera des
services actuels du Haut représentant pour la PESC, des services de la
Commission concernés et des délégations de la Commission. Il pourra
également bénéficier du concours de diplomates venant des Etats
membres, selon ce que décidera chacun d’entre eux ;
- s’agissant de la fiscalité, et plus particulièrement de la
TVA, le principe reste celui de la décision à l’unanimité des Etats
membres. Les coopérations renforcées sont également envisageables. La
demande de la France concernant la TVA vise à donner plus
d’autonomie aux Etats membres lorsque le bon fonctionnement du
marché intérieur n’est pas affecté. Le Président de la République a écrit
au Président de la Commission à ce sujet. Cette demande va plus loin
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Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30
Bulletin n° 2
que celle de la République tchèque pour une flexibilité permettant aux
Etats membres de reprendre, avec une appréciation au cas par cas,
l’exercice de certaines compétences lorsque les règles prévues par la
Commission sont trop uniformes, dans des domaines tels que la publicité
pour l’alcool.
Une seconde demande de la France concernant la fiscalité
vise à permettre de l’utiliser comme un instrument incitatif en matière
énergétique et écologique pour favoriser par exemple le développement
des produits verts ;
- la Banque centrale européenne a souhaité un traitement à
part parmi les institutions de l’Union, notamment pour ne pas relever du
principe de la coopération et du dialogue entre ces mêmes institutions.
Le Conseil n’a pas fait droit à cette demande ;
- le Comité des sages aura un champ d’intervention très
large. Certains domaines sont moins apparents que d’autres. La seule
question qu’il ne pourra aborder sera la question institutionnelle. Les
Etats membres ont estimé qu’il ne convenait pas de rouvrir un débat à
peine clos.
M. Thierry Mariani a insisté sur la nécessité de disposer
d’un argumentaire simple afin d’expliquer aux citoyens le contenu du
traité simplifié. Certaines expressions comme « l’incorporation d’un
article de référence sans valeur contraignante » peuvent en effet n’être
pas claires. Le traité simplifié pouvant apparaître comme identique au
traité constitutionnel, seule la présentation étant différente, il est donc
indispensable que cet argumentaire fasse le point sur les changements. Il
a par ailleurs estimé que rouvrir le débat sur le traité simplifié par voie
de référendum ne ferait que repousser l’échéance et serait source de
malentendus dans la mesure où pourrait à cette occasion, se poser la
question des futurs élargissements.
M. Régis Juanico, après avoir demandé des précisions sur la
requalification de la concurrence libre et non faussée comme instrument
et non comme objectif ainsi que sur la portée de la Charte des droits
fondamentaux, a également souhaité que soit mis à la disposition des
parlementaires un argumentaire sur l’effectivité, la portée et les
conséquences du traité simplifié sur les citoyens. Il a fait observer que le
problème du nombre de parlementaires italiens au Parlement européen –
qui avait été abordé au sein de la Délégation pour l’Union européenne à
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Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30
321
la suite de la mission à Rome et par le Président Pierre Lequiller lors
d’une question d’actualité – a pu être résolu de manière satisfaisante.
Lors des négociations, le sentiment d’humiliation et de rétrogradation
ressenti par les Italiens a été pris en compte.
M. Didier Quentin, évoquant une des priorités de la
présidence française qu’est la maîtrise des flux migratoires et l’attention
portée aux citoyens africains et à leur santé , a estimé indispensable de
donner un contenu à la notion de codéveloppement.
Il a rappelé l’importance des petites et moyennes entreprises
qui demandent que leurs spécificités soient prises en compte.
Il a enfin demandé dans quelle mesure sur le plan
économique et financier, l’Europe pourrait défendre ses positions et
protéger les intérêts de ses citoyens sans être toutefois protectionniste.
M. Christophe Caresche a fait observer que la mise en
œuvre du principe majoritaire est laborieuse tant dans sa définition que
dans son calendrier. Si le compromis de Ioannina dont l’objet est de
différer une décision à la majorité s’y ajoute, cette logique majoritaire
sera vidée d’une large partie de son sens. Il a demandé si des débats
s’étaient engagés sur le délai raisonnable et si d’autres pays s’étaient
associés à la demande de la Pologne.
Le Président Daniel Garrigue a évoqué la stratégie de
Lisbonne, se réjouissant que le Président Barroso ait accédé à la
demande française d’élaborer un document sur la stratégie extérieure. Il
a demandé quels outils d’intervention pourraient être mis en œuvre dès
lors que les enjeux européens sont menacés, rappelant le débat sur les
fonds souverains.
En réponse, M. Jean-Pierre Jouyet a apporté les réponses
suivantes :
- un argumentaire clair et objectif sur le contenu du traité
simplifié et sur les changements par rapport au traité constitutionnel est
en effet nécessaire et sera élaboré. Il devra faire le point sur la portée et
l’effectivité de la Charte des droits fondamentaux et sur les services
publics. Par rapport au traité constitutionnel, il est indéniable qu’ont été
conservés les nouveaux outils de décision communautaire ainsi que la
valeur ajoutée de la mise en œuvre de nouvelles politiques communes ;
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Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 10 h 30
Bulletin n° 2
- l’obligation de ratification du traité simplifié ne doit pas
être compliquée par le recours au référendum ;
- les préoccupations de l’Italie ont été prises en compte. Cet
Etat dont la population a diminué de quatre millions d’habitants a été
plutôt avantagé dans un souci de cohésion et de solidarité ;
- une approche globale de la politique de l’immigration
inclut effectivement le codéveloppement. La présidence française sera
ainsi l’occasion d’organiser à Strasbourg les journées européennes du
développement et le Président de la République a annoncé hier la tenue
de la conférence de Rabat II ;
- les petites et moyennes entreprises présentent
indéniablement des spécificités qui devraient être mieux reconnues. Au
plan communautaire, cela pourra se faire par le programme de
simplification, la stratégie de Lisbonne et la finalisation du brevet
communautaire ; le small business act sera difficilement accepté dans le
cadre de l’OMC, mais il pourra l’être au niveau européen ;
- « protéger sans être protectionniste » est possible comme
le montre ce qui se passe actuellement dans le cadre des négociations de
Doha. Cela passe par des tarifs extérieurs justifiés ou par l’équilibre des
concessions faites aux grands pays émergents qui sont devenus nos
concurrents. Les conséquences des mutations économiques et
industrielles devront être prises en compte dans les mécanismes de
reconversion ;
- le débat sur le délai raisonnable n’a été soulevé que par la
Pologne qui demandait qu’il soit fixé à deux ans. Cette période paraît
excessive et ce délai raisonnable sera de 4 à 6 mois au terme desquels le
Conseil ou la Commission indiqueront à l’Etat membre qu’il a disposé
de suffisamment de temps pour prendre sa décision. Il s’agit en tout état
de cause d’une obligation de moyens et non de résultats, qui devrait être
peu appliquée. On peut rappeler que le compromis d’Ioannina avait été
demandé à l’origine à l’initiative de l’Espagne qui se trouvait avant le
traité de Nice dans une situation similaire à celle de la Pologne ;
- dans le cadre de la mondialisation, l’accent devra être mis
sur la dimension extérieure de la stratégie de Lisbonne. Dans le nouvel
environnement mondial, les accords qui seront signés seront plus
régionaux que multilatéraux. Ainsi, notre stratégie extérieure devra être
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323
aménagée en vue de la conclusion d’accords équilibrés avec les pays du
Mercosur ou la Chine ;
- la politique de l’environnement devra inclure la lutte contre
les changements climatiques ;
- l’aspect social de l’Europe doit être une priorité et l’accent
doit être mis sur l’économie de la connaissance, la recherche et le
développement, la formation et des marges de manœuvre budgétaires
doivent être dégagées à cet effet. Un programme Erasmus II est
indispensable.
Le Président Daniel Garrigue a remercié le ministre pour
la précision de ses réponses et sa disponibilité.
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Présidence de M. Daniel Garrigue,
Vice-président de la Délégation pour l’Union européenne,
et de M. Patrick Ollier,
Président de la Commission des affaires économiques,
de l’environnement et du territoire
z OCM
vitivinicole et bilan de santé de la PAC
Audition, commune avec la Commission des affaires économiques, de
l’environnement et du territoire, de Mme Mariann Fischer-Boel,
commissaire en charge de l’agriculture, sur l’OCM vitivinicole et le
bilan de santé de la politique agricole commune, ouverte à la presse
Le Président Patrick Ollier a remercié, au nom de l’ensemble
des membres de la commission des affaires économiques, Mme Mariann
Fischer Boel, commissaire européenne en charge de l’agriculture et du
développement rural, pour sa présence et sa disponibilité.
L’organisation de cette audition conjointe avec la délégation
pour l’Union européenne, sur la politique agricole, sujet qui est au cœur
des préoccupations de la commission des affaires économiques, était un
événement important. En effet, les questions à aborder ensemble ne
manquent pas, qu’il s’agisse des échéances à court terme, comme la
finalisation de la réforme de l’organisation commune du marché (OCM)
vitivinicole, ou, à plus longue échéance, le bilan de santé de la politique
agricole commune (PAC) à mi-parcours et la prochaine réforme de la
politique agricole à l’horizon 2013, dont il faut se saisir dès à présent.
Les ministres français de l’agriculture, aujourd’hui M. Michel
Barnier, M. Hervé Gaymard en son temps, présent en tant que membre
de la délégation pour l’Union européenne, ont tous de grandes ambitions
pour l’agriculture française. L’objectif que le Président de la République,
M. Nicolas Sarkozy, a fixé est à la fois simple et difficile : faire en sorte
que les agriculteurs puissent vivre du prix de leurs productions et non
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Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15
325
des aides qu’on leur verse. Pour ce faire, ils ont besoin de filets de
sécurité et de dispositifs de stabilisation du marché afin de pouvoir
réagir en temps de crise. Ils ont également besoin qu’on mette des outils
à leur disposition pour se prémunir contre les risques climatiques et
sanitaires et faire face aux aléas, comme aujourd’hui avec l’épidémie de
fièvre catarrhale ovine. Quel est l’avis de la Commission de Bruxelles à
la fois sur cet objectif ambitieux et sur la mise en place au niveau
communautaire de tels mécanismes ?
Après avoir excusé le Président Pierre Lequiller, souffrant,
M. Daniel Garrigue, vice-président de la délégation pour l’Union
européenne, a souhaité à son tour la bienvenue à Mme Mariann FischerBoel pour sa deuxième audition conjointe par la Commission des
affaires économiques et la délégation pour l’Union européenne, la
première ayant eu lieu il y a deux ans.
Le premier sujet qui s’impose pour cette audition est sans aucun
doute la réforme de l’OCM vitivinicole. Si la proposition de la
Commission a été plutôt bien accueillie dans ses principes par la
profession, des questions demeurent, en particulier sur la possibilité,
pour les producteurs de vins à indications géographiques ou appellations
d’origine, de conserver leurs pouvoirs d’organisation, qu’il s’agisse des
droits de plantation, de la possibilité de faire de la promotion sur le
marché intérieur – qui représente tout de même 70 % du marché mondial
– ou des aides à l’export.
Le second sujet à aborder est évidemment le bilan de santé de la
PAC à mi-parcours, sur lequel travaillent déjà trois membres de la
délégation pour l’Union européenne, M. Hervé Gaymard, M. JeanClaude Fruteau et M. Jean Dionis du Séjour. Des interrogations
demeurent cependant sur les intentions de la Commission et sur le
contenu de la communication qu’elle doit faire le 20 novembre prochain.
Enfin, le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, se
fondant sur les évolutions actuelles du marché mais également sur les
évolutions structurelles de l’agriculture, a récemment appelé à une
révision profonde des mécanismes de la PAC afin de laisser plus de
place aux prix et à la production et a encouragé la mise en œuvre d’une
véritable « préférence communautaire ». Il serait intéressant de savoir
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Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15
Bulletin n° 2
comment ces prises de position, qui ont eu un large écho en France, ont
été reçues à Bruxelles.
Après avoir remercié ses hôtes, Mme Mariann Fischer Boel,
commissaire européenne en charge de l’agriculture, s’est félicitée de
l’occasion qui lui était donnée de faire le point sur la politique agricole et
rurale. Paraphrasant le docteur Pangloss dans Candide, elle a estimé que
si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes, il n’en restait
pas moins beaucoup de travail. Appréciant de pouvoir échanger avec des
interlocuteurs comme le ministre français de l’agriculture et de la pêche,
M. Michel Barnier, ouvert aux idées nouvelles et aux changements, elle
a indiqué qu’elle partageait un certain nombre de vues avec la France sur
la PAC, comme la nécessité de maintenir le caractère concurrentiel du
secteur agricole, tout en renforçant le tissu rural et en prenant en compte
les questions environnementales.
Sur la prochaine réforme de la PAC, un changement radical
n’est pas nécessaire car la politique agricole actuelle est déjà sur la
bonne voie. Le Président Sarkozy dans son discours sur l’agriculture a
fait référence aux politiques de paiement unique, de découplage et de
modulation : ce ne sont certes pas les notions les plus transparentes qui
soient, mais derrière ces notions, se cachent des réalités tangibles très
importantes et très bénéfiques pour l’agriculture.
Ainsi, le système de paiement unique découplé s’avère
aujourd’hui beaucoup plus intéressant pour les agriculteurs qu’un
système de soutien aux prix : il leur appartient en effet désormais de
prendre la décision de produire, en fonction des équilibres sur le marché,
plutôt que de chercher à obtenir de Bruxelles les meilleures subventions
possibles. C’est ce qui a permis notamment à la filière bovine de passer
d’une production axée sur la quantité à une production de qualité. Dans
ce nouveau système, lorsque les prix sont élevés, les producteurs ont la
liberté de réagir aux signaux du marché et, en cas de crise, ils bénéficient
d’aides beaucoup plus efficaces.
Le système actuel est par ailleurs fondé sur le principe de
« respect croisé » qui garantit que lorsqu’un producteur perçoit des
aides, qui sont de l’argent public, il peut justifier en contrepartie, vis-àvis du contribuable et du consommateur européen, qu’il respecte des
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Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15
327
standards élevés en matière de bien-être animal, de respect de
l’environnement et de sécurité sanitaire des produits.
La modulation des aides directes correspond à une équation
simple où le développement de l’agriculture va de pair avec la
préservation des zones rurales et le respect de l’environnement. Si
d’aucuns s’accordent sur les fondements de cette équation, la seule
option pour la concrétiser a été jusqu’à présent de la financer en
prélevant les sommes nécessaires sur les paiements directs.
Enfin, les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre des
déclinaisons nationales des droits à paiement unique ne plaident pas pour
leur abolition au bout de deux années seulement d’application de la
réforme.
Il reste donc beaucoup à faire. Depuis la réforme de 2003, 12
nouveaux membres ont rejoint l’Union européenne, le marché
international a beaucoup changé et de nouveaux défis se sont présentés.
Dans ce contexte, la PAC doit continuer à donner les résultats escomptés
dans un cadre simple et efficace : des ajustements sont donc nécessaires
d’ici 2013 pour que la politique agricole continue dans la bonne
direction et ouvre la voie à l’après-2013.
À cet égard, la communication de la Commission à la minovembre devrait aborder la question de la révision du système actuel
des paiements uniques et plus précisément de la partie couplée de ces
paiements. Le couplage répondait initialement à une demande de
flexibilité dans la mise en œuvre des droits à paiement unique (DPU),
qui ne se justifie plus, en particulier dans certains secteurs comme les
céréales. Il conviendrait également d’évoluer vers un modèle où le
paiement à l’hectare est le même partout : comment expliquer dans dix
ans le maintien de certaines aides sur la seule base des références
historiques ? Par ailleurs, l’instauration d’une limite de paiement
inférieure, liée par exemple à la superficie des exploitations, doit
également être étudiée. Enfin, s’agissant des mesures de marché, la
question de l’intervention devra être abordée lors du bilan de santé, ainsi
que celle de la jachère, qui apparaît certes aujourd’hui comme un outil
dépassé, mais dont l’abolition pourrait avoir des conséquences
importantes sur le marché des céréales.
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Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15
Bulletin n° 2
À cet égard, le niveau actuel des prix des céréales mérite qu’on
s’y arrête et qu’on clarifie certains points. Ce niveau de prix n’est en
aucun cas le résultat de l’orientation en Europe de la culture de céréales
vers la production d’éthanol, celle-ci représentant moins de 2 % de la
production céréalière totale. Les mauvaises conditions météorologiques,
la limitation des exportations des deux grands pays producteurs que sont
la Russie et l’Ukraine, ainsi que la décision des États-Unis de s’engager
massivement dans la production de maïs destiné à la filière éthanol
suffisent à expliquer ce phénomène. Par ailleurs, l’élévation des prix des
céréales ne peut justifier à elle seule l’augmentation du prix du pain : en
effet, une étude réalisée en Allemagne démontre que seuls 4 % du prix
du pain sont dépendants du prix du blé ; les postes transports, maind’œuvre et énergie sont des facteurs beaucoup plus importants. En outre,
il convient de rappeler que, si les prix des céréales ont beaucoup
augmenté, ils partaient d’un niveau historiquement bas puisqu’ils
n’avaient pas bougé depuis près de vingt ans.
Pour répondre à cette situation, l’Union européenne a réagi avec
promptitude en prenant rapidement la décision d’abolir la jachère,
décision effective pour les semailles d’automne. Cette question sera
également abordée dans le cadre du bilan de santé de la PAC. Enfin, la
suspension des droits de douane à l’importation a également été
proposée. Parallèlement, pour les filières qui subissent de plein fouet la
hausse des cours des matières premières, des solutions seront avancées,
comme le déblocage d’une aide au stockage privé qui a été décidé pour
la filière porcine.
S’agissant du secteur laitier, les quotas devront être éliminés
d’ici 2015. L’augmentation considérable de la demande par rapport à
l’offre démontre en effet qu’il y a un problème dans cette filière,
problème dans lequel la France a sa part. Un « atterrissage en douceur »
(« soft landing ») avant l’abolition des quotas devra néanmoins être
proposé.
Enfin, d’autres points devraient être traités dans le cadre du
bilan de santé de la PAC : l’orientation de la politique agricole vers le
développement rural, la lutte contre les changements climatiques, une
meilleure gestion de l’eau et le développement des bioénergies,
singulièrement des biocarburants de deuxième génération.
Bulletin n°2
Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15
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S’agissant maintenant de la réforme de l’OCM vitivinicole,
beaucoup de rumeurs circulent sur les intentions de la Commission, qui
sont fausses. S’il est normal que le débat soit passionné, il est regrettable
que de telles erreurs, de tels mythes, soient véhiculés sur le sujet. Ainsi,
il faut avant tout rappeler que le premier préalable à la réforme est
rempli : chacun reconnaît aujourd’hui la nécessité d’un changement.
Alors que la production et les importations augmentent, les exportations
et la consommation intérieure diminuent. Aussi, si le régime actuel
devait perdurer, ce serait quelque 13 millions d’hectolitres de vins
excédentaires qui seraient produits chaque année.
Le premier objectif que doit poursuivre la réforme est de
garantir la compétitivité du secteur en équilibrant l’offre et la demande.
Néanmoins les conséquences en termes d’environnement, de tissu social
et de paysage des régions viticoles doivent également être prises en
considération. La filière viticole doit sortir renforcée de cette réforme et
non affaiblie. Le second objectif est de parvenir à dépenser le budget
actuel alloué au secteur, 1,3 milliard d’euros par an, de manière plus
intelligente. Quelles sont les grandes lignes de la proposition de la
Commission ?
Il s’agit tout d’abord de mettre fin au système des droits de
plantation afin de donner plus de liberté aux producteurs. Il est
aujourd’hui avéré que le système des droits de plantation a échoué à
mettre le secteur à l’abri des crises et désormais l’étrangle. Face à
l’énorme potentiel de consommation que représentent les marchés
chinois et indien (avec en moyenne 25 à 30 millions de personnes qui
entrent dans la classe moyenne de ces pays chaque année), il convient de
libérer notre potentiel de production. Alors que le système des droits de
plantation doit expirer en 2010, la Commission propose de le laisser
progressivement s’éteindre jusqu’en 2013. Sa suppression permettra
ainsi d’abolir tout encouragement à la surproduction dans la mesure où
les exploitants planteront alors à leurs propres frais. Cette réforme ne
menace en aucun cas les indications géographiques, même si elles sont
parfois mal utilisées, et ne contribuera pas à les dévaloriser.
S’agissant ensuite de l’arrachage, celui-ci ne sera pas
obligatoire. Il s’agit essentiellement d’une mesure à caractère social qui
doit rendre plus facile le passage à la fin du système des droits de
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Bulletin n° 2
plantation en 2013 en permettant à ceux qui le désirent de se retirer dans
la dignité, sans faillite. Ceux qui choisiront cette option seront payés
pour arracher et verront les droits attachés à leur terre transférer dans le
système des paiements uniques. Cette mesure pourra en outre être
complétée par d’autres programmes d’accompagnement, comme des
aides au départ en retraite anticipée. Le chiffre de 200 000 hectares à
arracher, qui a été avancé, n’est pas un objectif à atteindre mais une
simple projection.
Enfin, sur les labels, des hypothèses circulent concernant les
procédés de vinification, selon lesquelles les raisins pourraient être
vinifiés hors des zones géographiques correspondant aux indications
géographiques : c’est absurde. En revanche, l’utilisation de la référence
au cépage pourrait constituer une opportunité intéressante : c’est par ce
biais que les vins de Californie, d’Argentine ou du Chili se sont frayé un
chemin jusqu’à nos marchés.
En conclusion, la réforme de l’OCM vitivinicole doit offrir aux
producteurs des conditions de rentabilité renforcée. Pour les aider, un
budget de 120 millions d’euros par an sera disponible au sein des
enveloppes nationales pour la promotion des vins. Ainsi, même si tout
ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes, il faut continuer à
« cultiver notre jardin ».
Le Président Patrick Ollier a ensuite donné la parole aux
orateurs des groupes et à ceux de la délégation pour l’Union européenne.
M. Antoine Herth, pour le groupe UMP, a remercié la
commissaire de sa venue et de son exposé et a souligné que ses
collègues ne manqueraient sans doute pas de la questionner sur le secteur
sucrier, la filière porcine, l’élevage de volailles et la production de tabac.
Mais comment ne pas s’interroger sur l’état des négociations à
l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à l’occasion du bilan de
santé à mi-parcours de la PAC, alors que la réforme de 2003 avait en son
temps été conçue comme la contribution de l’Europe à la conclusion
d’un accord international ? Qu’en sera-t-il du bilan de santé, alors que
cet accord n’est toujours pas conclu et que nos partenaires ne font
aucune concession ?
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Comment, dans le bilan de santé de la PAC, sera abordée la
question de la gestion des crises ? Certes, les aides découplées
constituent un plus mais un outil spécifique au niveau communautaire ne
serait-il pas nécessaire ?
Comment également seront pris en compte les enjeux
environnementaux, notamment l’objectif de réduction de l’utilisation des
produits phytosanitaires, à l’heure où, en France, le processus du
Grenelle de l’environnement affiche des objectifs ambitieux en la
matière ?
D’un point de vue non plus technique mais politique, quelle
signification la Commission donne-t-elle à la notion de préférence
communautaire défendue récemment par le Président de la République ?
L’adoption du projet de traité simplifié changera-t-elle quelque
chose pour la seule véritable politique commune européenne, la politique
agricole ?
Enfin, quel est votre avis sur le transfert d’une partie des crédits
de la politique agricole vers le programme Galileo ?
M. Jean Gaubert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et
divers gauche, après avoir remercié Mme la commissaire pour sa
disponibilité, sa franchise et sa précision, a ensuite exprimé son
adhésion, à l’idée d’organiser un bilan de santé de la PAC à mi-parcours
eu égard à l’évolution de la situation générale depuis 2003. L’analyse
faite par la Commission de la mise en place des paiements uniques et de
l’utilisation des références historiques est également partagée par le
groupe socialiste. Le critère utilisé est injuste et d’autant moins justifié
que l’agriculture européenne s’inscrit dans le cadre du marché unique.
La modulation des aides enfin est une bonne chose, à condition de
s’entendre sur l’affectation des crédits ainsi dégagés.
L’analyse de Mme Fischer Boel sur la hausse des prix des
céréales est tout à fait pertinente. En revanche, si la suspension des tarifs
douaniers à l’importation apparaît aujourd’hui comme une proposition
cohérente, si tant est qu’il y ait encore des céréales disponibles sur le
marché, il convient de rester vigilant dans sa mise en œuvre afin de
pouvoir rétablir aussi rapidement ces droits de douane en cas de
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Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15
Bulletin n° 2
retournement de tendance et ne pas se retrouver contraints, notamment
dans le contexte des négociations à l’OMC, d’y renoncer définitivement.
Le débat autour de la notion de préférence communautaire
mérite effectivement d’être éclairci.
S’agissant des quotas laitiers, il faut rappeler qu’en France
ceux-ci ont permis de sauver à la fois l’agriculture familiale et la
production de lait dans les zones défavorisées du territoire. Il est donc à
craindre que leur abandon n’ait a contrario pour conséquence de
concentrer l’activité de production dans les zones les plus favorisées.
La filière porcine pâtit en ce moment de la hausse des prix des
céréales ainsi que du taux de change de l’euro par rapport au dollar. Il ne
s’agit pas d’un problème de compétitivité et il paraît difficile que la
filière puisse se contenter d’une aide au stockage privé. Ne pourrait-on
pas alors envisager de mettre en place une subvention à l’exportation sur
le modèle des montants compensatoires monétaires ?
M. André Chassaigne, pour le groupe de la gauche démocrate
et républicaine, a réaffirmé la nécessité d’une définition claire du
concept de préférence communautaire, qui figure de surcroît dans la
lettre de mission adressée au ministre français de l’agriculture par le
Président de la République.
Par ailleurs, les agriculteurs demandent aujourd’hui
l’instauration d’un système de mutualisation des risques à l’échelle
européenne. Qu’en pense la Commission ?
Les travaux du Grenelle de l’environnement font état de
l’opportunité d’une réorientation de l’agriculture française en faveur de
la filière biologique. Ce choix serait-il compatible avec l’objectif de
compétitivité poursuivi par la Commission ?
La Commission semble envisager de faire évoluer le système
des paiements uniques découplés vers un paiement à l’hectare. L’idée
d’instaurer un plafond et un plancher a également été évoquée. Quelle
pourrait être la limite inférieure d’éligibilité imposée aux petites
exploitations ?
Bulletin n°2
Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15
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Quid de la prise en compte des handicaps naturels dans le bilan
de santé de la PAC, en particulier de l’élevage en montagne ?
Dans le secteur de la viticulture, il y a une contradiction entre,
d’une part, la suppression des droits de plantation et la volonté affichée
de replanter, et, d’autre part, des mesures d’arrachage. On peut redouter
que l’arrachage ne concerne in fine que les petits viticulteurs, qui ont
pourtant opéré des investissements longs à rentabiliser, à la fois dans la
terre et le matériel.
M. Hervé Gaymard, au nom du groupe UMP de la délégation
pour l’Union européenne, a considéré que la politique agricole commune
n’existait pas réellement mais, qu’elle était plutôt une juxtaposition
d’organisations communes de marché d’intensité et d’effectivité
variables, avec parallèlement une politique de développement rural.
L’enjeu aujourd’hui est donc de fonder une politique agricole globale en
créant des outils de gestion de marché modernes tout en soutenant des
projets de développement rural.
Le maintien d’un découplage partiel des aides a permis de
conserver une activité agricole dans des zones fragiles du territoire,
comme dans le bassin allaitant ou encore dans les zones intermédiaires
s’agissant des productions céréalières. Ne pourrait-on pas garder à
l’avenir des formules de découplage partiel ?
Les droits à paiement unique pourraient-ils à l’avenir être
utilisés comme des outils de gestion de crise contracycliques, sur le
modèle du système optionnel de garantie des revenus qui existe aux
États-Unis, tout en respectant les règles de l’organisation mondiale du
commerce ?
Enfin, la question des quotas laitiers n’a pas été abordée lors de
la réforme de 2003. Il faut garder à l’esprit qu’ils ne correspondent pas
en France à des droits à produire marchandisés comme ils peuvent l’être
dans d’autres États membres, mais qu’ils constituent avant tout un outil
de la politique d’aménagement du territoire.
M. Jean-Claude Fruteau, au nom du groupe socialiste de la
délégation pour l’Union européenne, a remercié la commissaire, se
souvenant de la franchise de leurs dialogues au Parlement européen et
334
Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15
Bulletin n° 2
estimé qu’il fallait nuancer les propos de M. Hervé Gaymard : il existe
bien, depuis longtemps, une politique agricole commune et c’est grâce à
elle qu’il reste encore des agriculteurs dans l’Union européenne. Pour
autant, de fortes hétérogénéités demeurent entre les États membres,
encore accrues par la réforme de 2003. Les objectifs poursuivis peuvent
être partagés par tous : maintenir une agriculture de qualité, compétitive
et durable, visant l’autosuffisance alimentaire. La finalité des réformes
en cours ne saurait toutefois conduire à une dérégulation progressive, qui
aboutirait d’ailleurs à la disparition de la PAC. Les contraintes qui
pèsent sur le budget de l’Union européenne étant connues, quelles
garanties peut-on avoir que la réforme de la PAC ne sera pas un prétexte
pour diminuer les crédits qui lui sont consacrés ?
M. Thierry Mariani, chargé du suivi de la réforme de l’OCM
vitivinicole au nom de la délégation pour l’Union européenne, est
intervenu sur ce sujet, constatant d’emblée que tout le monde approuvait
en privé la proposition d’arrachage dénoncée en public. En revanche, la
gestion concrète de cet arrachage suscite des interrogations : selon
quelles modalités seront menées ces opérations ? à quel rythme ? trois ou
cinq ans ? la totalité des surfaces pour lesquelles les producteurs
souhaitent souscrire à l’arrachage seront-elles éligibles ou feront-elles
l’objet de quotas ?
Sur la promotion des vins, pourquoi exclure le marché intérieur,
alors qu’il représente l’essentiel des débouchés ?
Sur la préférence communautaire, on peut penser qu’elle
signifie que nos producteurs doivent lutter à armes égales avec leurs
concurrents : dans cette perspective, est-il envisagé d’imposer aux vins
produits dans les pays tiers les mêmes contraintes de traçabilité,
notamment sur les produits phytosanitaires, que celles qui pèsent sur les
vins européens ?
S’agissant des conséquences structurelles de la réforme de
l’OCM vitivinicole, comment peut-on aider les caves coopératives, qui
seront vraisemblablement obligées de fusionner parce qu’elles
n’atteignent plus la taille critique sur le marché ?
Bulletin n°2
Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15
335
Enfin, pourquoi ne pas maintenir les droits de plantation pour
les appellations haut de gamme qui ne subissent pas la concurrence des
produits extérieurs ?
En réponse aux questions des parlementaires, Mme Mariann
Fischer Boel a apporté les indications suivantes :
– les négociations à l’OMC se poursuivent dans le cadre du
mandat donné à la Commission européenne par les États membres, qui
stipule de ne pas aller au-delà des concessions déjà apportées dans le
cadre de la réforme de la PAC de 2003. Le négociateur européen devrait
donc obtenir préalablement l’accord du Conseil s’il souhaitait introduire
de nouveaux éléments en lien avec le bilan de santé de la PAC à miparcours ;
– de nombreuses idées ont été formulées pour améliorer la
gestion des crises : accroître la modulation en faveur d’un second pilier
ou prélever un pourcentage sur le premier pilier destiné à cofinancer un
système d’assurance pour les risques santé et météo. Ce sujet sera
débattu sans nul doute lors du bilan de santé ;
– sur la préférence communautaire, la traduction de ce qu’a
voulu dire le président de la République française est un peu délicate. Il
n’est pas question de construire une forteresse Europe. En revanche, il
faut tenir compte du fait que l’agriculture européenne ne répond pas
exclusivement à des préoccupations commerciales : le respect de
l’environnement, de la sécurité sanitaire, du bien être animal impose de
garantir un paiement de base à nos agriculteurs. Fermer les frontières
serait en revanche contre-productif et nuirait à la compétitivité de nos
produits sur les marchés extérieurs. A contrario, la diminution de nos
droits de douane permet à nos produits d’accéder aux marchés
émergents ;
– le nouveau Traité entraînera de profonds changements pour la
politique agricole, qui sera à l’avenir copilotée par le Parlement
européen. Il faudra donc veiller à la mise en place d’une coopération
efficace et rapide entre les futurs acteurs de la politique agricole ;
– quant au transfert d’une partie du budget de la PAC vers le
financement du programme Galileo, il ne s’agit que d’une utilisation
336
Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15
Bulletin n° 2
ponctuelle de crédits disponibles, car inutilisés en 2007 en raison de la
conjoncture favorable, afin d’aider au démarrage de ce programme. Il
n’est pas question de diminuer à long terme le budget de la PAC à cette
fin ;
– s’agissant de la modulation des aides directes en faveur du
second pilier, elle devrait grandement contribuer à l’avenir à régler les
problèmes qui se posent dans le cadre de la politique de développement
rural ;
– sur les droits de douane sur les céréales, leur réduction ne vaut
que pour un an. Si le marché changeait, ces droits seraient rétablis sans
hésitation ;
– une suppression brutale des quotas laitiers est exclue. Il est
évident que dans certaines zones du territoire, comme les zones de
montagne, les quotas laitiers constituent une forme de soutien, c’est
pourquoi il doit s’agir d’une évolution en douceur ;
– quant au marché du porc, la période actuelle est très difficile,
mais l’aide au stockage privé est une bien meilleure solution que les
restitutions à l’export. Il faut en effet envoyer des signaux clairs à la
profession en faveur d’une baisse de la production ;
– le développement de l’agriculture biologique est certes
soutenu dans le cadre de la politique de développement rural, mais la
filière doit aussi se confronter directement au marché. Or, en termes de
compétitivité, les modes de production biologiques sont plus coûteux.
Toutefois, si un marché parvient à émerger pour ces produits alors des
opportunités de développement se présenteront pour la filière ;
– pour le vin, la législation actuelle sur les droits de plantation
court jusqu’en 2010. La disparition progressive de ce système doit
coïncider avec la réalisation du schéma d’arrachage, de préférence sur
cinq ans. Si celui-ci ne s’étend que sur trois ans, il faudra alors adapter la
compensation en contrepartie de l’arrachage, qui doit être maximale la
première année, afin d’être incitative ;
– il y a toujours une politique agricole commune. En revanche,
l’introduction de politiques cofinancées par les États membres au sein du
Bulletin n°2
Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15
337
premier pilier, idée qui est parfois avancée à l’approche de la révision
des perspectives financières de l’Union européenne, signerait la mort de
la PAC. Mais bien sûr une certaine souplesse doit être préservée dans
l’application des politiques européennes car les modèles « taille unique »
ne fonctionnent pas ;
– les outils de gestion des marchés devront être examinés et
adaptés à l’occasion du bilan de santé ;
– sur le régime des paiements uniques, la préservation d’aides
couplées sur certaines productions dans un but écologique ou
d’aménagement du territoire devra être discutée dans le cadre du bilan de
santé mais le couplage partiel des aides dans le secteur des céréales ne
paraît pas pouvoir être maintenu. Quant aux DPU, il est exclu qu’ils
évoluent sur le modèle américain alors même que l’Union européenne
lutte à l’OMC pour que le système des paiements contracycliques
disparaisse, car c’est le mécanisme qui fausse le plus les échanges. Il
doit exister des solutions plus élégantes à nos problèmes ;
– une extension au marché intérieur de la promotion des vins est
envisageable. Par ailleurs, les indications géographiques pourront
conserver leurs mesures de restriction de plantation si elles le souhaitent.
Le Président Patrick Ollier a ensuite donné à nouveau la
parole aux parlementaires pour des questions.
M. François Brottes a demandé à la commissaire si elle
envisageait encore un avenir pour l’agriculture de montagne, en dehors
de l’aspect développement rural. Pensez-vous que la situation de
l’agriculture de montagne justifie un traitement particulier pour l’aider à
surmonter ses handicaps naturels (gel, pente, neige etc.) ?
Alors que le changement climatique est une préoccupation
croissante, la sylviculture, qui remplit également le vide de la déprise
agricole, pourrait-elle être pleinement intégrée au portefeuille de la
commissaire ?
M. Philippe-Armand Martin a demandé s’il ne serait pas
raisonnable de maintenir un système d’ouverture des droits de plantation
en fonction des débouchés, soulignant le risque que se développe en cas
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Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15
Bulletin n° 2
de libéralisation une concurrence déloyale avec la multiplication, autour
des grandes appellations, des plantations par des marques de vins de
table venant concurrencer les vins de pays et les appellations d’origine
contrôlée (AOC).
Ne serait-il pas préférable par ailleurs de substituer au système
actuel de distillation de crise un système de distillation obligatoire mais
sans financement donnant aux interprofessions la possibilité de réguler
les excédents ?
Sur l’étiquetage, la création de vins de table à indication de
provenance risque de mettre en difficulté les vins de pays et les vins à
appellation. Ne pourrait-on pas les remplacer par une référence à l’État
membre ?
S’agissant des pratiques œnologiques, la suppression
saccharose proposée dans le cadre de la réforme risque de créer
difficultés dans certaines régions où celui-ci est employé et où
productions marchent bien, comme la Champagne, pour imposer
moûts quasiment invendables en provenance d’autres régions.
du
des
les
des
Enfin, quelles seront, dans le cadre de la réforme, les
compétences des groupements de producteurs, en particulier par rapport
aux interprofessions actuelles qui dans certaines productions
fonctionnent très bien ?
M. Alfred Almont a rappelé que parallèlement au bilan de la
PAC à mi-parcours aurait lieu l’évaluation du volet agricole du dispositif
POSEI qui inclut désormais les soutiens communautaires à la banane, au
sucre et aux filières de diversification que sont l’élevage et les cultures
maraîchères. Ce dispositif ayant été récemment mis en œuvre, la
Commission peut-elle nous assurer que le bilan de santé n’affectera pas
le niveau de soutien communautaire aux productions d'outre-mer ? Sous
le mandat de la commissaire, plusieurs réformes importantes ont été
conduites pour l’agriculture d’outre-mer qui ont permis de donner une
visibilité aux filières et procurer un certain équilibre aux économies
locales. Au niveau international, les accords de partenariat économique
(APE) remettent cependant en cause ces évolutions positives. Dans ce
contexte, le cadre financier du POSEI ne devrait-il pas être consolidé
afin de compenser aux producteurs locaux la perte de compétitivité
Bulletin n°2
Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15
339
résultant de l’entrée sur les marchés communautaires, continental et
local de productions identiques à celles d’Outre-mer ?
Mme Corinne Erhel a demandé à la commissaire son opinion
sur la déclinaison française de la réforme des droits à paiement unique
basée sur les références historiques par opposition à l’option de la
régionalisation, avec modulation et plafonnement. Sur l’agriculture
biologique, la Commission souhaite-t-elle encourager ce mode de
production ?
M. Jean-Paul Charié a insisté sur le fait qu’aujourd'hui, pour
certaines productions agricoles comme les céréales, qui connaissent une
hausse des prix, les interventions de l'Union européenne sont moins
attendues, voire moins souhaitables, qu'à d'autres époques. Cependant,
alors que l’agriculture au niveau mondial est de moins en moins capable
de répondre à l’augmentation de la demande, le maintien des outils de
production et des savoir-faire demeure un impératif, notamment en
temps de crise : est-ce que le co-financement d’un système d’assurance
qui a été évoqué précédemment ne pourrait pas précisément répondre à
cet objectif ? Par ailleurs, quelle est la position de la Commission sur les
quotas betteraviers et le sucre, le maintien des capacités de production en
France étant indispensable.
M. Germinal Peiro, après avoir rappelé que la tabaculture
employait encore 100 000 personnes en Europe et reconnu que c’était un
secteur très soutenu – le prix du tabac en France inclut ainsi 70 à 75 %
de primes – s’est interrogé sur le maintien du dispositif actuel en faveur
des producteurs de tabac, menacé par la politique de découplage, dans un
contexte où l'Union européenne ne produit que 30 % du tabac qu'elle
consomme. Le soutien aux producteurs de tabac est en effet à distinguer
du soutien à la consommation du tabac, la lutte contre le tabagisme étant
une priorité nationale.
M. Michel Piron a demandé quel type de régulation du marché
était envisagé par la Commission dans le cadre de la réforme de l’OCM
vitivinicole et quelle politique de promotion qualitative, dans la mesure
où la question des AOC est fondamentale pour le vin.
Mme Pascale Got a souhaité que des outils de régulation du
marché soient conservés dans le cadre de la réforme de l’OCM
340
Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15
Bulletin n° 2
vitivinicole, suggérant de réformer la distillation plutôt que la supprimer
et de se priver de tout moyen d’intervenir de manière conjoncturelle sur
les stocks excédentaires. Ne serait-il pas également plus pertinent, plutôt
que de prôner l’arrêt de la chaptalisation, de la laisser à l'initiative des
territoires ? Enfin, l’arrachage, préconisé comme réponse à une
production actuellement excédentaire, rend difficile tout retour en arrière
en cas de changement de conjoncture : à cet égard, un système
d’arrachage temporaire avec conservation des droits à plantation par le
producteur ne serait-il pas un choix plus judicieux ?
M. Bernard Gérard a demandé à ce que la Commission veille
à ce que le développement de la filière éthanol ne se fasse pas au
détriment des filières classiques en privant d’approvisionnement les
industries agro-alimentaires. Ainsi, aujourd'hui, les producteurs de
levure ne trouvent plus de mélasse, car la betterave est utilisée pour faire
de l'éthanol. Ce type de situation pourrait amener les entreprises à se
délocaliser, privant la France et l’Union européenne non seulement d’un
savoir-faire mais également d’une partie de ses capacités en termes de
recherche et de développement.
Mme Claude Darciaux a déploré les effets de la réforme de
l’OCM sucre sur l'industrie sucrière, soulignant que la baisse des quotas
de sucre de plus de 20 % allait contraindre les grands groupes sucriers à
fermer des sucreries en France. Or si l’Union européenne a prévu des
aides pour ces groupes industriels et pour les planteurs de betteraves, elle
a oublié les salariés des usines ainsi que les territoires que celles-ci
faisaient vivre grâce aux emplois induits. En outre, alors que des usines
vont aujourd’hui disparaître mettant en péril l’aménagement du
territoire, ne risque-t-on pas à l’avenir de se retrouver dans la même
situation pour le sucre que pour les céréales, avec une insuffisance de la
production, eu égard à l'utilisation croissante qui est faite des betteraves
dans la production d'éthanol ?
M. Gérard Voisin s’est associé à M. Philippe-Armand Martin
pour déplorer la faiblesse du montant qu’il est prévu de consacrer à la
promotion des vins dans le cadre de la réforme de l’OCM vitivinicole,
avant d’évoquer l'épidémie de fièvre catarrhale et d’insister sur la
nécessité de mettre en œuvre rapidement le nouveau règlement
communautaire sur les mouvements d'animaux. Quelle sera par ailleurs
Bulletin n°2
Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15
341
la participation financière de l’Union européenne à la prochaine
campagne de vaccination en vue de la reprise des échanges
commerciaux au sein du marché communautaire et avec les pays tiers ?
M. William Dumas s'est inquiété des conséquences de
l’arrachage de la vigne dans la région Languedoc Roussillon, dans la
mesure où 100 000 hectares y ont déjà été arrachés il y a quelques
années. Est-il vrai, comme on a pu le lire dans la presse, qu’il est prévu
d’arrêter l’arrachage, dès que l’ensemble cumulé des opérations aura
dépassé 10 % de la surface viticole ? Le rôle écologique de la vigne serat-il pris en compte dans le cadre de la réforme de l’OCM ? En effet, dans
les régions sujettes aux incendies de forêt, comme le Languedoc
Roussillon, la vigne s’avère un excellent pare-feu.
M. Michel Raison a demandé s’il fallait considérer les
ajustements qui seraient présentés lors du bilan de santé le 20 novembre
comme une préfiguration des réformes qui seraient proposées pour
l’après-2013.
Les paiements uniques peuvent certes permettre de pallier en
partie les risques climatiques ou économiques mais ils manquent de
souplesse. Des filets de sécurité plus performants devraient être mis en
œuvre, c'est-à-dire des gestions de marché plus prononcées. À cet égard,
les hausses de prix que nous connaissons sont peut-être aussi la
conséquence de ce manque d’organisation au niveau de l’Union
européenne.
Enfin, lors du bilan de santé, pourra t-on envisager qu’un
éventuel accroissement de la modulation puisse être utilisé afin d’aider
les productions porcines et ovines qui souffrent particulièrement
aujourd’hui ?
Mme Mariann Fischer Boel a ensuite apporté les éléments de
réponse suivants :
– la réforme du secteur sucre faisait partie de nos engagements
pris à l’OMC. La Commission a proposé une réforme de l’OCM visant à
restructurer le secteur avec des compensations très intéressantes pour
abandonner la production. Le nombre de producteurs européens qui ont
quitté le marché s’est cependant avéré insuffisant : ainsi, si la production
342
Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15
Bulletin n° 2
a été réduite de 1 200 000 tonnes la première année, la deuxième année a
été décevante. C'est pourquoi une nouvelle prime de 300 euros par tonne
a été introduite cette année au bénéfice des planteurs qui quittent le
secteur. La France est un producteur de sucre très compétitif mais la
réforme était nécessaire. L'ajustement définitif de la production devrait
être atteint en 2008-2009. Des aides à la restructuration de l’industrie
sucrière ont également été mises en place. Par ailleurs, les planteurs de
betteraves conservent la possibilité de produire hors quota pour la filière
pharmaceutique, la production d’énergie ou la filière éthanol. La réforme
s’étalera par ailleurs jusqu’en 2014 ;
– sur l’OCM vitivinicole, la Commission préférera retirer sa
proposition et laisser perdurer le régime actuel plutôt que de consentir à
une mauvaise réforme. Continuer à dépenser un demi-milliard d’euros
tous les ans pour la distillation n’est pas une solution d’avenir.
120 millions d'euros par an pour la promotion du vin est la meilleure
proposition que la Commission puisse faire. Si les crédits
communautaires sont jugés insuffisants, il subsiste néanmoins des
marges de manœuvre dans les enveloppes nationales, les États membres
ayant le choix des outils susceptibles d’aider au mieux leurs producteurs.
La chaptalisation est un sujet difficile qui devra faire l’objet d’un
compromis ;
– l’agriculture biologique est une bonne niche de production :
elle devrait se développer même si elle coûte plus cher aux
consommateurs, en particulier en direction de ceux qui ne souhaitent pas
consommer d’organismes génétiquement modifiés (OGM), puisque ces
derniers sont interdits dans la production biologique ;
– l'Union européenne pourrait effectivement envisager de
soutenir le secteur de la sylviculture : celle-ci présente un grand potentiel
pour les biocarburants de deuxième génération, grâce aux copeaux de
bois qui en outre n’entrent pas en conflit avec les productions
alimentaires. À cet égard, il faut encourager la recherche sur les
biocarburants de deuxième génération dont l'objectif est qu'ils
représentent d’ici 2020 30 % des biocarburants ;
– sur la réforme de l’OCM vitivinicole, utiliser les cépages dans
l’étiquetage est une bonne idée, en revanche les accoler au nom d’un
Bulletin n°2
Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15
343
État membre pourrait nuire aux indications géographiques. Rendre la
distillation obligatoire sans qu’aucun financement ne soit prévu me
paraît également difficile à réaliser ;
– s’agissant du POSEI, les producteurs d’Outre-mer ont obtenu
des conditions financières très favorables de la Commission pour les
bananes et le sucre. Si la situation économique devait évoluer, ces
conditions seraient en outre réexaminées. En tout état de cause, le bilan
de santé n’interférera pas avec ce système dans la mesure où il ne vise
aucune production en particulier ;
– il sera intéressant, lors du bilan de santé, d’examiner les
possibilités qui nous sont données de mettre en place un dispositif de
gestion de crise, mais celui-ci devra être compatible avec les règles de
l’OMC : il appartiendra donc aux États membres intéressés de se saisir
du sujet pour faire avancer la réflexion ;
– l’industrie du tabac a fait l’objet d’une importante réforme en
2004 ; on se trouve actuellement dans une phase de transition qui
prendra fin en 2009. Dans un système qui sera alors totalement
découplé, le secteur sera régulé par le seul marché, qui décidera de
l’avenir de la production de tabac en Europe.
Le Président Patrick Ollier a remercié Mme Fischer Boel pour
sa franchise et son pragmatisme. Il faut cependant comprendre la vision
française des questions agricoles, qui ne s’attache pas aux seules
données de la production, mais prend également en compte le rôle que
joue l’agriculture en matière d’aménagement du territoire. Cette vision
est différente de celle de la Commission, c’est pourquoi il faut
poursuivre le dialogue pour trouver des terrains d’entente.
Le Président Daniel Garrigue a remercié à son tour
M Fischer Boel pour la précision de son propos et la logique de ses
analyses. Les objectifs de la réforme de l’OCM vitivinicole emportent
aujourd’hui l’adhésion mais s’il est vrai que le monde viticole a besoin
de cette mise à jour, celle-ci ne se fera pas sans un accompagnement
significatif. Enfin, si le terme de « préférence communautaire » n’a pas
été repris par madame la commissaire, celle-ci a néanmoins utilisé celui
de réciprocité dans les relations avec nos concurrents. Il s’agit là d’une
me
344
Réunion du mardi 24 octobre 2007 à 16 h 15
Bulletin n° 2
notion très importante qui pourrait nous aider à aborder un certain
nombre de problèmes agricoles de façon différente.
Bulletin n°2
345
Désignation de Rapporteurs
z
Mercredi 19 septembre 2007
– Mme Chantal Brunel, rapporteure d’information sur le
processus européen de la Serbie (et du Kosovo), du Monténégro et de la
Bosnie-Herzégovine ;
– Mme Odile Saugues, rapporteure sur le processus européen
de l’Albanie.
– M. Marc Laffineur, rapporteur d’information sur la
réglementation des organismes génétiquement modifiés (OGM) dans
l’Union européenne (communication) ;
– Mme Chantal Brunel, rapporteure d’information sur la
conclusion de l’accord de stabilisation et d’association avec le
Monténégro (E 3578 et 3585) (communication).
z Mardi
2 octobre 2007
– M. Christian Paul, rapporteur sur
euro-méditerranéen (avec M. Bernard Deflesselles) ;
le
processus
– Mme Arlette Franco et M. Régis Juanico, rapporteurs sur
le Livre blanc sur le sport (E 3590) ;
– M. Guy Geoffroy, rapporteur sur la proposition de
directive prévoyant des sanctions à l’encontre des employeurs de
ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (E 3534)
(communication) ;
– Mme Marietta Karamanli, rapporteure sur la proposition
de directive concernant l’utilisation des biens à temps partagé (directive
« time share ») (E 3557) (communication) ;
– Mme Odile Saugues, rapporteure sur la proposition de
directive du Parlement européen et du Conseil sur les redevances
aéroportuaires (E 3441) (communication) ;
– M. Gérard Voisin, rapporteur sur le « paquet routier »
(E 3541, E 3542 et E 3543) (communication).
Bulletin n°2
347
ACTIVITES EXTERIEURES DE LA DELEGATION
Bulletin n°2
349
z
COSAC
La XXXVIIIe COSAC s'est tenue sous présidence portugaise
à Estoril, au Portugal, les 15 et 16 octobre 2007. La Délégation pour
l'Union européenne était représentée par le Président Pierre Lequiller,
M. Michel Herbillon, Vice-président, et M. Jérôme Lambert.
La réunion de la COSAC a abordé les principaux sujets
d'actualité européens tels que la Conférence intergouvernementale et
l’avenir de l'Europe, la coopération avec la Commission européenne, la
stratégie de Lisbonne, la dimension méditerranéenne de l'Union
européenne et les programmes financiers de l'Union européenne.
La COSAC a par ailleurs adopté une contribution sur ces
sujets ainsi que des conclusions.
La contribution et les conclusions de la COSAC est
disponible en ligne à l'adresse suivante : www.cosac.eu.fr"
Bulletin n°2
L’UNION EUROPEENNE A L’ASSEMBLEE
NATIONALE
351
Bulletin n°2
z
353
Questions au Gouvernement réservées aux thèmes européens
Séance du mercredi 17 octobre 2007
- Question de M. Pierre Lequiller (UMP) sur le traité
européen simplifié.
Séance du mardi 23 octobre 2007
- Questions de Mme Marie-George Buffet (GDR) et de
M. Jean Leonetti (UMP) sur la ratification du traité simplifié.
- Question de M. Jacques Myard (UMP) sur les monnaies
faibles, l’euro fort et les fonds souverains.
z
Discussion de l’article 31 du projet de loi de finances pour 2008,
relatif au prélèvement européen
Séance du vendredi 19 octobre 2007
L’Assemblée nationale a examiné le vendredi 19 octobre
2007 l’article 31 du projet de loi de finances pour 2008, relatif au
prélèvement européen. Le Président Pierre Lequiller (UMP) et M. Marc
Laffineur (UMP) sont intervenus dans ce débat (voir compte rendu
analytique officiel - 17e séance de la session)
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