De la SCène à l’éCrannote D’intention
RENDEZ-VOUS L’ÉTÉ PROCHAIN a tout d’abord été créé comme pièce de
théâtre sous l’impulsion de la Compagnie LAByrinth. Philip Seymour Hoffman
et John Ortiz étaient les directeurs artistiques de cette grande maison qui
compte parmi ses membres les plus grands noms du théâtre new-yorkais.
La pièce fut écrite par l’un d’entre eux, Bob Glaudini et mise en scène par
Peter Dubois, l’actuel directeur artistique de la Compagnie Huntington. Elle
fut jouée par Philip Seymour Hoffman, John Ortiz, Daphne Rubin-Vega et
Beth Cole et remporta l’un des plus grands succès commerciaux et critiques
des spectacles Off Broadway.
Bob Glaudini a tiré l’idée première de la pièce d’un événement qu’il qualifie
de « catastrophe personnelle ». Il révèle qu’à l’origine, il concevait la relation
entre deux des personnages comme totalement abjecte et insoutenable,
mais qu’heureusement, au fil de l’écriture, les personnages eux-mêmes se
sont insurgés contre cette vision. Ce qui demeure pourtant, c’est l’idée
qu’une trahison, même pardonnée, n’est pas nécessairement surmontable.
Une fois ce premier jet écrit, l’auteur le soumet à ses compagnons de
LAByrinth. John Ortiz aime à rappeler qu’ils y ont travaillé tous ensemble
pendant leur traditionnelle retraite estivale et se sont d’emblée mis d’accord
pour monter cette pièce qui se présentait sous les meilleurs auspices.
Beth O’Neil, l’une des productrices décèle le potentiel cinématographique
de la pièce avant même de l’avoir vue sur scène. Elle la perçoit comme une
comédie romantique atypique sur des employés moyens que l’on croise
tous les jours dans les rues de New-York, mais que l’on n’a pas l’habitude
de voir au cinéma ou au théâtre. Elle s’est vite attachée à ces personnages
très vivants.
Pour Marc Turtletaub, un autre des producteurs, il s’agit d’un film d’amour,
mais qui raconte l’histoire de trois couples : un premier qui bat de l’aile, un
deuxième sur le point de prendre son envol et un troisième créé par l’amitié
entre ces deux mêmes hommes et le sens qu’elle revêt pour eux.
Bob Glaudini a pris un grand plaisir a remettre l’ouvrage de sa pièce sur
le métier pour l’adapter à l’écran. L’expérience scénique avait en soi été
un grand bonheur pour lui mais cette reprise du texte lui a permis d’affiner
son propos et le rendre plus dense. Il a entrepris cette tâche à l’aide de
notes que lui avaient fournies les producteurs et a ainsi donné vie a son
premier scénario de long métrage, dans une étroite collaboration avec
Philip Seymour Hoffman qui lui insufflait d’ores et déjà sa vision de cinéaste.
Pouvoir modeler le scénario dès la phase d’écriture selon les perceptions et
les exigences du réalisateur est une situation que Glaudini a vécue comme
un privilège.
RENDEZ-VOUS L’ÉTÉ PROCHAIN est un coup d’essai pour Philip Seymour
Hoffman en tant que réalisateur mais il a su mettre à profit sa grande expérience
de metteur en scène de théâtre. Le producteur Peter Saraf avoue avoir
d’abord été surpris par sa méthode de travail : d’interminables répétitions qui
réunissaient acteurs, chef opérateur, scénariste et assistant réalisateur et où
tout était mis au point, depuis le jeu des acteurs, leur texte et leur
positionnement, jusqu’à la place de la caméra. L’équipe arrivait ainsi sur
le plateau parfaitement préparée et en ayant préalablement identifié les
tâches de chacun. Passer à la réalisation était un projet que Philip Seymour
Hoffman caressait depuis un certain temps mais assumer la double casquette
La décision de mettre en scène RENDEZ-VOUS L’ÉTÉ PROCHAIN m’est
venue de façon très naturelle. C’était à l’issue d’une rencontre avec John
Ortiz, avec lequel j’allais partager l’affiche et Bob Glaudini, le scénariste.
Nous nous étions réunis pour parler du film et John a suggéré au détour
de la conversation que j’en assure la réalisation. Tout d’abord, l’idée de
cette double responsabilité m’a quelque peu intimidé. Mais finalement,
ce choix m’a semblé d’autant plus justifié qu’il découlait naturellement de
ma longue expérience artistique avec John et Bob, dans le cadre de la
Compagnie de théâtre LAByrinth, où je faisais de la mise en scène depuis
dix ans. C’est ainsi que l’appréhension initiale s’est très vite transformée en
un appétit enthousiaste.
Plusieurs aspects de cette histoire étaient pour moi prédominants dans
l’approche que je tenais à en proposer. Je ressentais un désir très fort de
porter mon regard sur un milieu peu souvent décrit : celui des petits employés
de New-York. Je vis dans cette ville depuis l’époque où j’y étais étudiant.
Une source inépuisable d’inspiration et d’engagement artistique est pour
moi d’y côtoyer chaque jour des personnes issues de milieux très divers et
ayant des occupations très variées. Pour le film, j’ai eu le privilège d’être
entouré d’une équipe exceptionnelle formée par mon chef opérateur Mott
Hupfel, ma chef décoratrice Therese DePrez, et ma chef costumière Mimi
O’Donnell. Chacun d’eux s’est senti personnellement impliqué dans cette
recherche d’un rendu parfait de la beauté visuelle et de l’atmosphère très
spécifique de la ville de New-York, aussi bien dans ses quartiers modernes
que dans ses parties plus anciennes.
Par ailleurs, il me tenait à cœur de préserver le mystère qui est au cœur
du scénario, celui de la vraie nature de ce que vivent ces personnages.
Le maintien de ce mystère ne pouvait se faire qu’au prix d’une certaine
retenue. Il ne fallait surtout pas donner trop à voir. Quand Clyde aperçoit
Cannoli au restaurant, il faut simplement suggérer la peine sur son visage,
pour laisser intact ce que le film révèlera par la suite. C’est cette accumulation
de détails qui touche les spectateurs par vagues successives et qui charge
le film de l’impact émotionnel qui se ressent, je l’espère, au dénouement.
Plus simplement, on pourrait dire que RENDEZ-VOUS L’ÉTÉ PROCHAIN est
un film sur les relations humaines, sur tous les espoirs et les craintes que
nous nourrissons dès qu’il s’agit de nous ouvrir à l’autre, de lui accorder
notre confiance, et de toutes les barrières que nous dressons parfois pour
éviter de nous engager envers l’autre. Je dis bien « nous » car je tiens à ce
que les spectateurs ne mettent pas à distance les personnages, qu’ils ne
soient pas tentés de les juger en les catégorisant comme un type donné de
personnes ayant un type donné de comportements. J’ai veillé au contraire
au maintien d’un lien étroit et permanent entre chacun des personnages et
« nous » tous qui le regardons. J’ai voulu que ce que chacun d’eux a vécu
soit ressenti comme une expérience intime, authentique, familière pour
quiconque a éprouvé au moins une fois dans sa vie le trouble vertigineux,
la beauté complexe, la joie inattendue de tomber amoureux.
Philip Seymour Hoffman